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L’Observateur Paalga N° 8467 du 27/9/2013

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Rui Duarte Barros, Premier ministre de la Guinée-Bissau : «si je pouvais, je transporterais tout mon peuple au Burkina»
Publié le vendredi 27 septembre 2013   |  L’Observateur Paalga


Rui
© Autre presse par DR
Rui Duarte Barros, Premier ministre de la Guinée-Bissau


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Economiste de formation, anciennement commissaire à l’UEMOA à Ouagadougou, il était en fin de mandat lorsqu’il a été appelé à exercer, en mai 2012, les fonctions de Premier ministre de transition de son pays, la Guinée-Bissau. A l’occasion de la cérémonie officielle marquant le début du mandat du président Ibrahim Boubacar Keita, le 19 septembre 2013, nous l’avons rencontré au stade du 26-Mars à Bamako. Homme volontiers affable, il n’a pas hésité un instant à nous recevoir à l’hôtel Radisson, le quartier général des chefs d’Etat et de gouvernement venus apporter leur soutien au nouveau locataire du Palais de Koulouba. Rui Duarte Barros, puisque c’est de lui qu’il s’agit, dans cet entretien qu’il nous a accordé, fait le bilan de ses actions à la Primature et parle de l’organisation des prochaines élections. Naturellement, il évoque les difficultés que connaît son pays et déplore le fait que sa patrie est abandonnée par la Communauté européenne.

En fin de mandat à l’UEMOA, vous avez été nommé Premier ministre de la transition dans votre pays, la Guinée-Bissau. Comment vous vous êtes retrouvé à exercer cette prestigieuse fonction ?
Je venais effectivement de terminer mon mandat à l’UEMOA, je suis rentré au pays et au mois d’avril 2012, il y a eu un coup d’Etat. Et il fallait trouver quelqu’un pour gérer la transition vers de nouvelles élections. C’est ainsi que le collectif des partis politiques a fait une liste de dix personnalités potentiellement capables d’occuper la Primature et a procédé par élimination à l’issue de votes. Il restait trois noms et en fin de compte ma modeste personne a été retenue.
Sincèrement, au départ, je n’étais pas d’accord mais beaucoup de gens ont estimé que je pouvais jouer un rôle important compte tenu de mon expérience et mon impartialité dans la conduite des différents dossiers en Guinée-Bissau. En fait, les différentes forces politiques ne voulaient pas laisser le pouvoir entre les mains des militaires et elles ont décidé, à l’unanimité et avec l’accord de l’armée, de me confier le poste de Premier ministre. Cela ne veut pas dire que je suis le meilleur mais ce sont les critères qui ont fait de moi le favori. Je suis en train de faire mon travail du mieux que je peux avec toutes les difficultés inhérentes à ce genre de mission, surtout quand on sait qu’il faut gérer d’un côté les militaires qui ont fait le putsch et de l’autre toutes les sensibilités politiques. Mon rôle est de rassembler les Bissau-guinéens, travailler pour le développement du pays et faire avancer le processus vers de nouvelles élections libres, crédibles et transparentes.

A votre nomination, quels étaient les grands axes de votre feuille de route ?
Quand j’ai prêté serment, des priorités ont été définies autour de trois principaux axes : la lutte contre le trafic de drogue, la réforme de l’armée et de la sécurité, la lutte contre l’impunité et pour une justice équitable. Nous estimons qu’à ce jour nous avons fait beaucoup de choses dans ce sens. Quand vous cliquez sur internet, on ne parle que de la drogue en Guinée-Bissau. Je pense que cette image dégradante tend à disparaître. Il faut le dire, c’est un travail difficile, de longue haleine, coûteux et risqué mais il faut néanmoins combattre ce phénomène de la drogue et l’éradiquer. Je crois qu’on a fait de bonnes choses dans ce sens mais il faut continuer.
En ce qui concerne la justice, il y a eu des assassinats dans mon pays. Un chef d’Etat (NDLR : Nino Viera) en fonction a été assassiné et personne ne dit rien. Même la communauté internationale croise les bras. Un chef d’état-major en fonction, un député candidat à la présidentielle, tous assassinés et personne ne dit rien. Alors que tout le monde sait comment cela s’est passé. Je prends toujours l’exemple du Premier ministre du Liban (Rafic Hariri NDLR) assassiné alors qu’il n’était pas en fonction. La communauté internationale et les Nations unies se sont mobilisés et créé un tribunal pour rechercher, juger et condamner les auteurs de ce crime. Mais pour la Guinée-Bissau, ça semble n’intéresser personne.

A vous entendre, on a l’impression que, pour vous, la Guinée-Bissau est un pays abandonné à lui-même.
Bien sûr, c’est un pays abandonné mais tout le monde côtoie la Guinée-Bissau à cause de ses ressources. J’ai rendu visite récemment à un chef d’Etat qui m’a dit que son pays, avant qu’il ne découvre le pétrole, vivait la même situation du fait de ses ressources. Malgré la situation politique que tout le monde dénonce, tous les jours de grosses compagnies viennent pour le pétrole, le gaz, les mines, etc.
Pour moi, ce qui est mauvais c’est l’impunité. C’est pour cela que nous avons créé des conditions pour que les tribunaux fonctionnent, que la justice soit rendue afin que cesse l’impunité dans le pays. Même si cela va nous coûter beaucoup de choses, il faut qu’on le fasse. Il faut avoir confiance en la justice. La communauté internationale doit comprendre qu’il ne faut pas protéger les assassins, les bandits et les trafiquants de drogue. C’est une bataille difficile avec très peu de moyens mais avec l’appui des chefs d’Etat de la CEDEAO et de l’UEMOA, nous sommes en train d’avancer petit à petit.

Des trois priorités, laquelle pensez-vous avoir réussi le mieux ?
Nous avons créé un climat de confiance dans le pays après plus d’un an au pouvoir. Jusque-là, il n’y a pas eu d’assassinat, de conflit ouvert entre deux parties ou de trafic de drogue. Nous avons instauré le dialogue avec les gens. Il faut dialoguer avec les militaires, parce que c’est eux qui ont fait le coup d’Etat. Je les connais très bien puisque j’étais au maquis. Ce sont eux qui ont libéré le pays contre les colonisateurs portugais. Ils ont été formés dans les académies militaires en Russie, en Chine, à Cuba, en Allemagne à l’époque pour faire la guerre. Ce sont les mêmes qui ont participé à l’indépendance du Mozambique, de Sao Tomé et du Cap Vert dans le cadre de la solidarité à l’époque. Le jour où Agostino Neto voulait proclamer l’indépendance en Angola, ce sont ces troupes-là qui sont allées sécuriser la capitale. Nos militaires ont permis à Agostino Neto de proclamer l’indépendance le 11 novembre 1975. Sinon l’Afrique du Sud allait s’en accaparer.
Ces combattants-là vivent aujourd’hui dans des conditions difficiles, sans aucun système de pension. S’ils doivent quitter les casernes, que vont-ils toucher ? Ce sont des éléments qui ont été formés pour la guerre ; la seule chose qu’ils savent faire c’est de tuer pour libérer le pays. On n’a pas pu les reconvertir dans des activités économiques. Ils ont été abandonnés à eux-mêmes. Il faut créer un minimum de conditions pour faire la réforme, les amener à la retraite et créer un fonds de pension pour eux.
Alors vous verrez qu’il y aura la sécurité. Sinon, si vous leur dites de dégager, ils créeront les mêmes problèmes. Je reçois tout le temps des milliers qui veulent se reconvertir, ils me demandent de les aider avec les moyens pour faire l’agriculture. Donc il faut dialoguer avec eux, leur dire la vérité et montrer qu’ils ne doivent pas être des laissés-pour-compte. C’est l’absence de tout cela qui a créé les conditions d’instabilité. Nous avons eu des dialogues francs avec eux. On a commencé déjà le programme de réforme du secteur de la défense et de la sécurité avec la CEDEAO. Il y a eu le coup d’Etat et toute la communauté internationale a bloqué l’aide au pays. On se débrouille avec la solidarité de nos voisins, de la CEDEAO et de l’UEMOA. Ce qui est important, c’est de montrer qu’on peut faire quelque chose. Il faut créer cette confiance. Il y a beaucoup de ressources en Guinée-Bissau, mais il y a aussi beaucoup de disputes entre les grandes puissances. Quand vous partez dans nos mers, vous verrez une multitude de compagnies qui sont à la recherche du pétrole. Bien que l’on dise que le pays est instable, les Occidentaux sont toujours là.
Depuis le coup d’Etat jusqu’à la fin de l’année passée, plusieurs sociétés ont été créées. Il faut définir clairement les règles du jeu. Quand nous avons accédé au pouvoir, la première chose que nous avons demandée est que tous les ministres déclarent leurs biens et les soldes de leur compte. Nous avons déposé toutes les déclarations à la Cour de justice. Il ne faut pas avoir un membre du gouvernement qui est en même temps un homme d’affaires ou un entrepreneur. Il faut séparer les deux choses. Ce qui a donné confiance aux compagnies qui, tous les jours, débarquent en Guinée-Bissau. Il faut créer les conditions pour attirer les entrepreneurs afin qu’ils puissent payer des impôts pour développer le pays.

Finalement, que faut-il pour mettre fin aux putschs à répétition ?
D’abord, c’est la pauvreté et l’injustice qui engendrent cette instabilité. Les gens disent qu’en Guinée-Bissau il y a la faim parce qu’il n’y a pas de riz. Mais il faut y arriver pour voir. Si vous jetez une graine, ça pousse tout de suite. Il y a de l’eau parce qu’il pleut abondamment. On a l’une des plus grandes réserves de poisson au monde. Tous les jours quand vous partez en haute mer, les pirates s’adonnent à cœur joie à la pêche. On a un territoire qui est d’ailleurs le seul dans le monde qui a une partie continentale et 88 îles. Il y a beaucoup de villes qui n’ont pas d’habitant parce que nous ne sommes pas nombreux. Dans toutes ces villes, il y a des mangroves. Et vous savez que c’est au niveau de ces mangroves que les poissons viennent se reproduire parce qu’ils en consomment. C’est après qu’ils vont dans l’océan.
Vous avez à peu près 8 000 km d’eau douce sans compter les côtes de mer. Ce sont des zones de grande reproduction de poisson et de crevettes. Ce qui manque, ce sont les industries et il faut les développer. Il faut avoir une flotte nationale qui va pêcher et exporter. La communauté européenne débarque avec des milliers de bateaux pour venir pêcher et paye en retour des sommes dérisoires. La Chine, la Corée du Sud, le Japon, la France, les pays de l’Union européenne viennent tous pêcher dans notre mer. Mais jamais, ils ne vous disent qu’ils veulent créer une industrie nationale pour avoir de la valeur ajoutée. Ils préfèrent pêcher dans la haute mer et fabriquer des produits indiquant qu’ils proviennent du Japon, de l’Espagne, etc. Nous sommes en train de voir avec des partenaires comment créer des industries dans notre pays.
Nous sommes l’un des premiers producteurs au monde en quantité comme qualité de la noix de cajou. Mais personne ne s’intéresse à la création d’une industrie de transformation de ce produit pour l’exportation. Les Indiens et les Singapouriens les transforment et les exportent vers les Etats-Unis. C’est Moammar Kadhafi qui avait installé trois usines qui fonctionnent mais elles n’ont pas la capacité de tout absorber. Nous produisons environ 200 mille tonnes par an. Ces usines n’arrivent même pas à prendre 10 mille tonnes.
Il y a des minerais notamment le phosphate, la bauxite, etc. Nous avons des îles et nous pouvons compter sur notre tourisme. Il faut développer des infrastructures telles que des aéroports et des hôtels pour booster le tourisme. Des 88 îles, seulement 15 sont habitées.
Il y a tout ce travail à faire mais il faut le faire avec un gouvernement qui sorte des élections. Nous, nous sommes là pour créer des conditions favorables afin d’organiser les élections le plus rapidement possible. Si tout le monde a du travail et un revenu fixe, personne ne va penser à déstabiliser le régime. Les revenus sont mal répartis, il y a de l’injustice dans le pays, ce qui est source de crise. On avait un Premier ministre (NDLR : Carlos Gomes Junior) qui avait tout : les banques, les compagnies d’assurance, le monopole de carburant et du gaz. Toutes les personnes qui voulaient faire des affaires devaient passer par lui. Si vous voulez créer une société, il fallait s’associer à lui, sinon vous n’aurez pas d’autorisation. On ne peut pas continuer comme ça.

Il est prévu des élections législatives et présidentielle en novembre prochain. La date sera-t-elle respectée ?
Quand il y a eu le coup d’Etat, tous les bailleurs de fonds et la communauté internationale ont recommandé la formation d’un gouvernement d’inclusion, une feuille de route et prévoir des lois électorales. On a formé ce gouvernement d’inclusion avec toutes les sensibilités et tous les partis. Nous avons procédé à la révision de la loi électorale et tracer une feuille de route. La date des élections a été fixée et on veut remettre en cause le processus. Je suis très fâché. Je ne vois pas pourquoi il faut changer la date. Nous sommes en train de collecter des moyens et voir les sociétés qui sont capables de faire un recensement. Tous les partis politiques ainsi que la communauté internationale avaient demandé un recensement biométrique. Quand on a démarré le processus, ils ont commencé à dire que ça coûte cher. Nous leur avons demandé comment ils veulent que les choses se déroulent. Ils ont suggéré d’améliorer le manuel. J’ai soumis cela au Parlement, les députés l’ont approuvé. Par la suite, ils disent que ça prend du temps, qu’il n'y a pas de financement. Je suis extrêmement fâché. Je suis allé rencontrer, il y a quelques jours, le président Goodluck Jonathan du Nigéria et Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire pour leur expliquer la situation. Il faut qu’au niveau de la CEDEAO et de l’UEMOA nous trouvions des moyens pour organiser rapidement les élections. Même si la date doit changer, il faut des arguments convaincants. J’ai eu des échos favorables. Je viens de rencontrer (NDLR : le jeudi 19 septembre 2013 à Bamako) le président Mahamadou Issouffou du Niger. Ils m’ont tous garanti qu’ils vont faire des efforts pour contribuer.

Au regard de tout cela, êtes-vous optimiste quant à la tenue de l’élection à la date indiquée ?
Oui, c’est pour bientôt si on réussit à réunir tous les fonds. Le plus gros travail, c’est le recensement. L’un des problèmes des dernières élections, c’est qu’elles se sont déroulées avec les recensements de 2008 sans une mise à jour. Vous avez plus de 100 à 200 mille personnes qui n’ont pas pu s’inscrire. Même moi, je n’ai pas pu voter parce que je n’étais pas inscrit. Je suis allé et on m’a dit que je ne pouvais pas voter. C’est pour cela que je dis que pour éviter tout conflit, il faut procéder à un recensement et tout le monde aura la possibilité de voter. Il y a beaucoup de gens qui avaient 15 ans en 2008 mais qui ont plus de 18 ans aujourd’hui. Il faut que ces gens s’inscrivent sur les listes électorales. Si on réussit à avoir les financements, on va démarrer pour montrer à la communauté internationale qu’en Guinée-Bissau il est possible d’organiser des élections propres.

Justement, n’est-il pas sage de reporter afin d’organiser un scrutin incontestable pour éviter les crises postélectorales ?
Vous savez, il y a une pression de la communauté internationale. Je le dis toujours, le Mali et la Guinée-Bissau ont vécu au même moment leur crise. Le Mali était divisé, une partie du territoire était occupée, les institutions ne fonctionnaient pas correctement. Mais en Guinée-Bissau, malgré le coup d’Etat, toutes les institutions démocratiques à savoir l’Assemblée nationale, la présidence de la République, la Cour de justice, fonctionnaient normalement. Mais le Mali a un parrain et des puissances qui le soutiennent. Elles ont fait la table ronde qui a regroupé la Banque mondiale, l’Union européenne. Mais chez nous, il n’y a rien, personne n’a pris à bras-le-corps notre problème. Même l’Union africaine a levé l’embargo contre le Mali. Mais chez nous l’embargo est toujours en vigueur. C’est pourquoi je dis que la Guinée-Bissau est délaissée. N’eût été la CEDEAO, je ne sais pas comment on allait survivre.

Carlos Gomes Junior a annoncé récemment, depuis le Portugal où il est en exil, sa candidature pour la présidentielle de novembre 2013. Immédiatement, l’armée a réagi pour dire qu’elle ne lui garantit pas sa sécurité s’il rentre au pays. Comment, en tant que Premier ministre, vous gérez une telle situation ?
Nous avons toujours dit que tous les Bissau-guinéens peuvent rentrer au pays. C’est à la justice de faire son travail puisque c’est elle qui a en main les dossiers d’accusations d’assassinat, etc. C’est sous la gouvernance de Carlos Gomes Junior que le président, le chef d’état-major et des députés ont été assassinés. Et le gouvernement n’a rien fait. Il y avait des cas de trafic de drogue. Des bateaux de drogue qu’il a autorisés à partir. Donc il y a des choses auxquelles il doit répondre au tribunal. C’est ce que nous voulons, il ne faut pas que l’impunité règne. Quand il y a eu le coup d’Etat, les militaires l’ont gardé avec le président. Les chefs d’Etat de la CEDEAO sont allés discuter avec les autorités pour les amener à Abidjan. Il a bénéficié de bons traitements de la part des chefs d’Etat. Il a demandé à aller se soigner et revenir, une fois au Portugal, il déclare que c’est la CEDEAO qui a perpétré le coup d’Etat et qu’il va saisir la Cour de justice. Est-ce qu’on peut travailler avec quelqu’un comme celui-là qui a bénéficié du soutien des dirigeants de la CEDEAO et qui se retourne après pour les accuser ? Il a même dit que c’est le président Blaise Compaoré qui m’a mis au pouvoir avec la complicité du président Ouattara, de la CEDEAO et de l’UEMOA. Comment peut-on croire et prendre au sérieux une telle personnalité ? (rires).
Par ailleurs, c’est au congrès de son parti qui va se tenir bientôt de décider qui sera le candidat à la présidentielle. Il est bon de savoir que l’ex-Premier ministre faisait partie de l’armée portugaise qui combattait le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Capt-Vert (PAIGC), c’est-à-dire qu’il a lutté contre la souveraineté de la Guinée-Bissau. Et aujourd’hui, parce qu’il a de l’argent, il peut corrompre les gens pour prendre le pouvoir alors qu’il était opposé aux fondateurs du parti. Résultat, personne ne le respecte. Maintenant, les anciens du PAIGC ont décidé de prendre le parti en main. Certes, il est le président de la formation politique, mais il y a un vice-président. A l’issue du congrès prévu pour mi-octobre, il y aura un nouveau président.

Pour ce qui vous concerne, avez-vous des ambitions présidentielles ?
Non, pas du tout, je n’aime pas la politique (rires). Je veux toujours travailler pour mon pays dans des instances régionales où on peut aider notre espace à se développer.

Quel est votre vœu pour le pays ?
Je souhaite que cette élection se passe dans de bonnes conditions. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas de contestation, mais que ça soit le moins possible. Que tous les citoyens aient la possibilité de voter et de choisir librement leur président. Il faut que l’insécurité cesse ; je ne veux plus qu’un coup d’Etat se passe en Guinée-Bissau. J’ai dit aux militaires que je condamne le putsch. Je ne suis pas d’accord avec les putschistes. Si j’ai accepté avec tous les risques d’être Premier ministre, c’est pour éviter que le pouvoir se retrouve dans la rue.
La Guinée-Bissau appartient à la communauté lusophone qui a des objectifs purement linguistiques et culturels. Les gens ont transformé cela en une organisation politique. Mais j’ai dit aux dirigeants qu’un jour la langue portugaise va disparaître en Guinée-Bissau et on va tous basculer dans le français qui deviendra la langue officielle. Les Portugais ne font rien pour les langues, il n’y a même pas un centre culturel dans notre pays. Et pour circuler dans la zone lusophone, il faut des visas. Pourtant les Bissau-Guinéens circulent librement dans l’espace UEMOA et la CEDEAO. Pourquoi continuer à être dans une communauté où on ne gagne rien. La Guinée Equatoriale n’appartient pas à cette communauté et j’ai demandé au président Obiang N’Guema ce que je peux faire pour l’aider dans ce sens. Il m’a dit que les Portugais lui reprochent le manque de démocratie et font des blocages. Au lieu de se réjouir de voir d’autre pays se joindre à leur communauté, ils créent des barrières. Ce sont les pays en banqueroute en Europe qui donnent des conseils au Portugal pour la Guinée-Bissau. Voyez-vous comment la France a défendu le Mali ? C’est aussi un coup d’Etat que le Mali a connu. Et même le capitaine qui a fait le coup d’Etat a été récompensé avec le grade de général (rires). Il faut donc que les gens prennent conscience.

Qu’envisagez-vous faire après la primature ?
Je veux travailler comme un technocrate et continuer à construire le pays. La politique, ce n’est pas mon affaire. Je n’ai même pas la capacité de faire un discours en public. Je préfère travailler dans un organisme et servir mon pays autrement.
Je ne peux conclure cet entretien sans dire merci au peuple burkinabè. J’ai passé huit merveilleuses années dans votre pays et je me suis fait beaucoup d’amis. Je dis souvent aux Bissau-guinéens que si j’avais un grand avion qui pouvait les contenir tous, j’allais les transporter pour les emmener au Burkina pour qu’ils voient comment les gens travaillent sans ressources naturelles, sans eau. En Guinée-Bissau on peut faire la même chose, on a toutes les conditions pour avancer. Je suis fier du Burkina et de sa population, un peuple que je respecte beaucoup, un peuple travailleur et honnête. Partout où je vais, je passe ce message sur le Burkina Faso.


Entretien réalisé par
Adama Ouédraogo Damiss

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