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Zéphirin Diabré, candidat à la présidentielle « Je peux gouverner avec le MPP à ma gauche et le CDP à ma droite »

Publié le vendredi 31 juillet 2020  |  NetAfrique.net
Zéphirin
© Autre presse par DR
Zéphirin Diabré,Chef de File de l`Opposition Politique(C.F.O.P) du Burkina Faso.
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Sidwaya a reçu, le lundi 27 juillet 2020, en invité de la rédaction, le Chef de file de l’opposition politique (CFOP), Zéphirin Diabré, par ailleurs président de l’Union pour le progrès et le changement (UPC). Fraîchement investi candidat du « parti du lion » à la présidentielle du 22 novembre prochain, il s’est montré éloquent et très à l’aise face à la rédaction qui l’a assailli de nombreuses questions sur l’actualité nationale et internationale. A la conquête du palais de Kosyam pour la deuxième fois consécutive après sa défaite en 2015, « Zeph » croit dur comme fer que son heure de gloire est arrivée. « Dieu m’a donné un parcours pour la magistrature suprême », clame-t-il, l’air confiant. Comme à son habitude, il a décoché des flèches contre le régime de Roch Marc Christian Kaboré, dont il n’apprécie pas la gouvernance. En somme, l’entretien, qui a duré environ deux heures, a été riche en enseignements.

idwaya (S.) : L’UPC vous a investi lors d’un congrès dont le thème était : « Un nouveau départ en toute sécurité ». Dites-nous pourquoi on doit vous voter et non pas les autres ?

Zéphirin Diabré (Z.D.) : Les cinq ans du pouvoir du MPP et ses alliés ont abîmé le Faso. Ce pays a donc besoin d’un nouveau départ imprimé par des gens en qui on peut avoir confiance pour que la trajectoire ne soit pas parsemée d’accidents mortels. Aujourd’hui, je suis la personne idoine pour apporter ce nouveau départ pour plusieurs raisons.
Sans me venter, Dieu m’a donné la chance d’avoir un parcours qui m’a préparé à assumer les hautes fonctions de la magistrature suprême de ce pays.
J’ai le privilège d’être un acteur politique depuis un certain temps, y compris dans les circonstances les plus difficiles pour notre pays en 2014. La fonction présidentielle est une fonction technico-politique. On ne peut pas l’assumer si on ne connaît pas le landernau. Sur ce plan, je n’ai aucun problème. J’ai un parcours qui m’a permis de très bien connaître notre scène politique
Sur le plan professionnel, j’ai eu la chance d’avoir une carrière gouvernementale qui m’a permis de connaître le fonctionnement de l’Etat. Je n’ai pas besoin qu’on m’explique comment présider un conseil des ministres, comment une initiative prise en haut doit être déclinée dans les départements ministériels pour la traduire en action concrète.
Dans ma carrière gouvernementale, j’ai eu la chance supplémentaire d’occuper deux des ministères les plus importants dans notre Etat. Il s’agit du ministère de l’Industrie, du Commerce et des Mines, et du ministère de l’Economie et des Finances. Mon passage à ces deux ministères, s’ajoutant à mon parcours antérieur dans le secteur privé de notre pays, fait que sur la connaissance de l’économie réelle de notre pays, je n’ai pas de leçon à apprendre.
Ensuite, il y a mon parcours international. D’abord aux Nations unies dans les fonctions de directeur général adjoint du PNUD. Ce qui veut dire que j’étais un bailleur de fonds, un partenaire technique et financier. Je connais les questions de développement des pays, les questions d’aide public au développement et comment mobiliser les ressources externes.
Enfin, toujours sur le plan professionnel, mon parcours dans le secteur privé international me prépare à être un interlocuteur d’un certain calibre, si demain je dois signer des contrats miniers dans la défense de nos intérêts, ou si je dois convaincre les investisseurs privés internationaux de toutes catégories, de venir investir chez nous.
Le Burkina d’aujourd’hui a un contexte politique particulier, lié à l’insurrection dont j’étais le chef de file. Je connais les aspirations du peuple insurgé et je peux gouverner en prenant en compte ces aspirations. Nous avons un gros problème de réconciliation nationale. Dans mon parcours récent, en tant que président de l’UPC et Chef de file de l’opposition, j’ai fourni la preuve pratique que je peux travailler avec toutes les tendances. J’ai accueilli le MPP à la place de la Révolution. Ils sont au pouvoir aujourd’hui et je gère le CFOP avec l’ancienne majorité que j’ai combattue. Cela veut dire que demain, je peux gouverner ce pays avec le MPP à ma gauche et le CDP à ma droite et vice versa. Et, bien entendu avec tous les autres.


S. : Quelles leçons tirez-vous de votre échec à la présidentielle de 2015 ?

Z.D. : Nous avons échoué parce qu’il y a un certain nombre de paramètres de succès électoral que nous ne maîtrisions pas.
Par exemple, un facteur important dans le succès électoral au Burkina, c’est d’avoir une machine électorale implantée. Nous avons créé l’UPC en 2010. Aux premières élections de 2012, nous avons obtenu 19 députés. On a voulu continuer à nous implanter quand la bourrasque de la contestation de l’article 37 s’est levée, jusqu’à l’insurrection. La chance du MPP en 2015, c’est que, en se créant, il a détourné de facto une grosse proportion de l’ancien CDP qui, tout le monde le sait, était le parti le plus implanté. Certains disent que c’est au moins de 60% de l’ancien CDP qui a changé de casquette pour devenir MPP. Du coup, le MPP a instantanément hérité d’une infrastructure et d’implantation très profonde. Vous savez, depuis 1991, le CDP avait toujours gagné les élections grâce à son implantation. Même son ancêtre ODP/MT a pris son envol en transformant les structures de la Révolution en structures du parti. L’implantation est un travail fastidieux et en 2015, l’UPC n’était pas prête. Jusqu’à aujourd’hui, nous continuons de manière laborieuse ce travail.
Ensuite, il y a un argumentaire que les leaders du MPP ont servi à l’opinion et qui a fait mouche. Ils ont dit qu’ils avaient eu l’expérience de la gestion du pouvoir avec Blaise Compaoré (ce qui est vrai) et que, arrivés au pouvoir, très rapidement, ils pouvaient résoudre les problèmes des Burkinabè. Et l’opinion a cru en eux, contrairement à l’équipe nouvelle que constituait l’UPC que les populations ne connaissaient pas.
Le troisième élément important en politique au Burkina, c’est qu’il y a des piliers dans les milieux administratifs, sociaux, économiques et culturels sur lesquels on s’appuie toujours pour gagner une élection. Lorsque l’insurrection a eu lieu, les principaux piliers dans les provinces et communes qui avaient soutenu Blaise Compaoré pendant deux à trois décennies se sont dit qu’ils ont la chance que le président déchu leur a laissé des apprentis avec qui ils pouvaient continuer.
Par exemple, la grande partie de l’administration s’est rangée derrière le MPP, non pas par conviction, mais tout simplement parce qu’elle s’est dit que les trois leaders du MPP, qu’elle connaît depuis fort longtemps, ne pouvaient pas rater le pouvoir.
Des milieux économiques, qui ont traité avec les fondateurs du MPP du temps où ils étaient les hommes forts du pays, leur ont apporté un soutien conséquent, en se disant que les affaires allaient se poursuivre.
D’autres groupes sociaux influents, qui faisaient le succès du régime de Blaise Compaoré, ont aussi basculé en faveur du MPP.
Aujourd’hui, tout ce beau monde se sent floué. Il y a eu tromperie sur la marchandise parce qu’ils n’ont pas eu ce qu’ils espéraient. C’est dire que l’élection de 2020 n’aura rien à voir avec celle de 2015.

S. : Certains estiment que c’est parce que vous avez trop serré le cordon de la bourse que vous avez perdu. Que répondez-vous ?

Z.D. : Non ! J’ai mis la bourse que j’avais. Un des aspects que je ne voulais pas souligner ouvertement est que ceux qui sont au pouvoir avaient le soutien de plusieurs forces dont je n’ai pas bénéficié. En matière de moyens financiers, il est clair que vous ne pouvez pas compétir contre des gens qui ont été 30 ans dans l’appareil d’Etat et qui connaissent tous les opérateurs économiques d’ici et d’ailleurs. Ils ont exploité le réseau d’amitié que leur ancien patron leur avait donné. Il y a forcément une différence en termes de ressources. Néanmoins, je suis heureux de constater que malgré la modestie de nos moyens, nous sommes sortis comme la deuxième force politique du pays. Depuis que l’UPC a été créée, nous n’avons jamais géré le pays à part le fait que j’ai été ministre. Or tout le monde sait que pour beaucoup de partis politiques, le succès est lié au passage dans l’appareil d’Etat. Ce n’est pas notre cas. En dépit des secousses que nous avons eues, rien n’a entamé la progression du parti, progression financée par nos propres ressources.


« Pour calmer la fronde, il faut surtout travailler à éviter les conflits inutiles », préconise Zéphirin Diabré.


S. : Croyez-vous à un vote ethnique au Burkina Faso ?

Z.D. : En elle-même, notre démocratie est par définition quelque peu ethnique. Quand vous voulez être député, on vous dit d’aller chez vous. A part Ouagadougou et Bobo-Dioulasso qui sont cosmopolites, il faut retourner dans sa province d’origine pour être élu député. Cela veut dire que pour les citoyens d’une localité donnée, pour que quelqu’un puisse les représenter, il faut qu’il soit un des leurs. Je suis d’une ethnie qui représente 4 à 5% de la population burkinabè. Mais j’ai fait 30% aux élections. A supposer que mon ethnie ait voté à 100% pour moi, ce qui n’est pas le cas, puisqu’il y a des élus MPP et CDP qui sont Bissa, comment se fait-il qu’étant d’une communauté qui représente 5% de la population, j’ai fait 30% ? En revanche, parmi les 14 candidats en 2015, j’ai battu certains qui étaient d’une certaine obédience ethnique et qui ont obtenu 1 ou 2% y compris dans leur village. Je ne crois donc pas trop au vote ethnique. Quand vous prenez les résultats de 2015 à la fois de la présidentielle et des législatives, l’UPC n’a obtenu aucun député dans le Sahel. Est-ce que les Peulh sont contre les Bissa ? Non ! Cela n’a rien à voir avec l’ethnie. Il a fallu attendre les municipales de 2016, lorsque nous avons bénéficié de l’apport d’un leader de la région, pour faire une percée dans l’Oudalan. Cela veut dire qu’en politique, c’est le relai que vous avez quelque part qui fait qu’on vote pour vous.

S. : D’aucuns estiment que vous êtes resté dans l’opposition parce que vous n’auriez pas eu le poste de Premier ministre de Roch Marc Christian Kaboré.

Z.D. : Ma vision était que l’élection de 2015 devait marquer le début d’une autre transition. Mais les responsables du MPP avaient une autre vision. C’est là qu’ils ont commis une erreur fondamentale de leur part. Je suis allé féliciter le président Kaboré avant la proclamation officielle des résultats. Est-ce qu’on peut montrer une meilleure disponibilité d’esprit et d’attitude à coopérer que cela ? Comme on le dit, il faut être deux pour danser le tango. Eux, ils ont cru que fort de leur expérience de 30 ans, ils pouvaient gérer le pouvoir comme ils le voulaient. Les politiciens sont de grands calculateurs. Parfois, vous avez les défauts de vos qualités. Nous sommes sortis des élections avec 33 députés. N’importe qui désirant avoir une majorité ne va pas vers un grand parti comme le nôtre. Il va vers les petits partis dont il est sûr qu’ils ne pèsent pas pour le recruter. Il est clair que s’ils étaient venus vers mon parti et moi, les conditions ne seraient pas les mêmes.

S. : Certaines personnes vous font le reproche de n’avoir pas pu prendre les rênes de la transition en 2014 alors que la situation vous était favorable. Que leur répondez-vous ?

Z.D. : Je leur répondrai que j’ai examiné la question dans tous les sens. Mais j’ai été bloqué par un protocole de la CEDEAO qui dit la chose suivante : « si tu diriges la transition, tu ne peux pas être candidat à la présidentielle ». J’ai tenté, par personnes interposées, de voir si on pouvait faire une exception pour moi. Jusqu’aux Nations unies, c’était niet. Le dilemme était là. Si j’allais à la transition comme président, j’allais faire 12 mois et revenir m’asseoir pour attendre. Nos militants croyaient dur comme fer que nous allions gagner la présidentielle. Comment leur expliquer dans un tel contexte que je vais à Kossyam sachant que c’est seulement pour 12 mois ? Le parti n’allait pas me suivre. Regardez dans les pays voisins, tous ceux qui ont dirigé une transition ont été obligés de se mettre à l’écart pour attendre.

S. : Diriger la transition vous aurait permis d’étoffer votre carnet d’adresses…

Z.D. : Je n’ai pas besoin de cela. J’avais déjà mon carnet d’adresses.

S. : Vous avez pourtant dit que les autres vous ont battu du fait de leur expérience.
Z.D. : Ce n’est pas en douze mois qu’on acquiert cette expérience. Ceux qui ont été ministres ou députés sous la transition, existent-ils politiquement aujourd’hui ? J’aurais gâché mes chances alors que nous étions en bonne position. Nos militants n’allaient même pas comprendre.

S. : Donc c’est par calcul politique que vous avez refusé de diriger la transition alors que vous incarniez l’espoir de tout un peuple insurgé ?

Z. D. : L’espoir était que je dirige un pays. La transition était, comme son nom l’indique, quelque chose de transitoire.
S. : N’est-ce pas ce qui a amené certains de vos députés à quitter les rangs de l’UPC ?

Z.D. : Tout le monde n’adhère pas aux partis politiques pour la même cause. C’est valable hier et aujourd’hui. Il y en a qui pensent qu’un parti politique ou un leader, c’est un wagon auquel il faut s’accrocher pour gagner ce qu’on espère.
Beaucoup de ceux qui nous ont quittés espéraient que nous gagnerions le pouvoir et qu’ils seraient ministres. Face à la défaite, ils ont décampé et sont allés vers le pouvoir en place, avec le même espoir. Malheureusement, on ne les a appelés au gouvernement. C’est la quête de promotion personnelle qui les a amenés vers là où ils sont aujourd’hui. Comme on a perdu les élections, ils se sont dit que s’ils doivent attendre cinq ans, ce serait trop long. Ils ont mordu à l’hameçon. Mais je crois qu’ils ont compris qu’ils ont été utilisés.

S. : Certains observateurs trouvent que vous êtes très timoré face au pouvoir du MPP. Cela est-il lié à votre proximité avec le président Kaboré ?

Z.D. : Non, cela est lié à la différence du contexte. Il est plus facile de mener un combat virulent contre un pouvoir de 30 ans qui fait l’erreur de se fourrer dans une histoire de non- limitation de mandat, que de secouer continuellement un pouvoir normalement établi, même si celui-ci a largement échoué. Vous vous rappelez, quand nous avons fait notre premier mémorandum sur l’an I du pouvoir MPP, c’est vous (la presse, ndlr) qui nous avez dit qu’ils venaient d’arriver et que nous allions vite en besogne. Aujourd’hui, c’est un registre différent. Certains nous disent qu’il n’y a plus de marches. On ne marche pas pour marcher. Ce ne sont pas les marches qui font gagner le pouvoir. L’énergie que nous utilisions pour les marches, nous les utilisons à présent pour l’implantation de notre parti.

S. : Ne regrettez-vous pas d’avoir déblayé le terrain pour Roch Marc Christian Kaboré en 2015 ?

Z.D. : Non. Je vous ramène à la question de la contradiction principale et de la contradiction secondaire. Quand j’ai pris la tête de l’opposition en tant que chef de file, j’ai regardé les forces en présence. Lorsque vous allez à une bataille, il faut que vous regardiez les soldats et les armes dont vous disposez. L’UPC était vraiment le seul parti qui avait une certaine force sur le terrain. Avec ce qu’on avait, on n’allait pas réussir s’il n’y avait pas une certaine cassure au sein du pouvoir. Quand vous sortez, ne regardez pas la foule, faites la sociologie des gens qui vous entourent. Les premières marches, ce sont ceux qu’on appelle le lumpenprolétariat qui sortaient. Vous ne tombez un régime que lorsque les classes moyennes commencent à vous rejoindre. C’est à la marche de janvier 2014 que j’ai vu un changement sociologique. En voyant dans le cortège des cadres, des banquiers, des chefs d’entreprise, des chefs coutumiers, j’ai compris que le régime va tomber. Cela ne veut pas dire que je dénigre les partis d’opposition qui étaient là avant mon arrivée. Non ! Bien au contraire, ils ont le mérite d’avoir démarré la lutte avec nous. Mais si une opposition n’a pas de partis qui ont un poids auquel des pans importants de la société s’identifient, ça ne marchera pas.
Notre principal objectif était qu’on empêche la révision de l’article 37 pour que l’alternance s’implante dans l’histoire politique du pays. Et j’ai accepté le MPP au CFOP parce que sa venue nous permettait d’atteindre cet objectif important, devant lequel nos contradictions étaient secondaires.
S’il n’y avait pas eu la fissure au sein du CDP de l’époque, ça allait être plus difficile pour l’opposition de réussir. Pas impossible, mais plus difficile.

S. : Votre compagnon de lutte de l’époque, Me Bénéwendé Sankara s’est mis dans la majorité présidentielle et Ablassé Ouédraogo dans l’opposition non affiliée. Que s’est-il passé ?

Z.D. : J’ai connu Me Sankara lorsque j’ai pris le CFOP en main. Nous avons travaillé ensemble mais nous n’avons jamais eu d’accointance particulière. Me Sankara et son parti sont libres de leur positionnement. Quant à Ablassé Ouédraogo, lui et moi avions été au gouvernement de Blaise Compaoré. Mais cela ne fait pas de lui mon ami. Même si je n’ai rien contre lui.
Parlant des rapports entre chefs de partis de l’ancienne opposition, nous nous sommes retrouvés ensemble pour empêcher que l’article 37 soit révisé. J’ai tout fait pour qu’au sein de l’ancien CFOP, il y ait un programme commun de gouvernement minimal. Nous avons mis en place une commission dont la présidence avait été confiée à Jean Hubert Bazié de la Convergence de l’espoir. Cela n’a pas bougé d’un iota. Beaucoup disaient que notre objectif n’était que de faire tomber le pouvoir en place. L’esprit n’était pas qu’on se mette ensemble après. Ensuite, il y a eu à l’intérieur, des considérations idéologiques, avec des libéraux d’un côté, des socio-démocrates de l’autre côté, etc. Dès le départ je savais que chacun ira dans son sens car chacun espérait qu’il allait avoir le pouvoir.

S. : Est-il vrai qu’Ablassé Ouédraogo avait demandé à être affilié au CFOP et n’a jamais reçu une réponse ?

Z.D. : Il y a une explication qui est fondamentale et qui tire son fondement dans la manière dont le CFOP est désigné, notamment sur la base de députés. Quand nous sommes arrivés à l’Assemblée nationale en 2015, l’UPC avait 33 députés ; le CDP, 18 ; l’ADF-RDA, 3 et la NAFA, 2.
L’idée a germé que pour que l’opposition soit forte au sein de l’Assemblée nationale, il était bon, en plus des groupes parlementaires UPC et CDP, de créer un 3e groupe parlementaire. Pour le créer, il fallait 10 députés. On a d’abord pris les trois députés de l’ADF-RDA, les 2 de la NAFA et l’unique député de Le Faso Autrement. On y a ajouté deux du CDP et 2 de l’UPC. En plein processus, on m’informe que le député de Le Faso Autrement sur lequel on comptait a rejoint le groupe parlementaire Burkindlim qui soutient le parti au pouvoir. L’UPC a dû donc ajouter un 3e député pour former le groupe PJRN. Quelques mois plus tard, le président de Le Faso Autrement m’écrit pour me dire son souhait de venir au cadre de concertation. Or, nous avons pris un texte, disant que pour être membre, il faut que ton député siège dans un groupe parlementaire de l’opposition. Je ne peux pas transgresser les règles pour un individu. Ce n’est pas possible. Est opposant celui qui s’oppose à la politique du gouvernement. Pourquoi, un ancien parti du CFOP attend 6 mois après les élections avant de venir demander à adhérer au cadre ?

S. : Vous craigniez une taupe en votre sein ?

Z.D. : Non. L’UPC n’est pas une boîte à sardines. C’est un baobab. Ce n’est pas des petits partis comme le Faso Autrement qui peuvent nous ébranler.

S. : Ablassé Ouédraogo a dit que le Burkina a eu le malheur d’avoir Zéphirin Diabré comme CFOP. Votre commentaire…

Z.D. : Je n’ai pas de problème personnel avec lui, mais des principes à respecter. Si le cadre me dit qu’on peut laisser quelqu’un inscrit dans la majorité venir, je n’ai aucun problème.

S. : Est-ce que vous comprenez la formation de l’opposition politique non alignée ?

Z.D. : Il n’y a plus d’opposition alignée. Le Chef de file de l’opposition est un individu. Il y en a qui choisissent de travailler avec lui. Il y en a aussi qui choisissent de ne pas travailler avec lui. Cela ne date pas d’aujourd’hui. En 2009, la loi disait que pour être opposant, il faut aller se déclarer au CFOP. En 2013, on ne devait plus se déclarer devant un individu, mais au ministère de l’Administration du territoire. Il n’y a donc plus d’affiliation. Lorsqu’on parle d’ONA, cela n’a pas de sens intellectuellement. Personne n’est affilié, il y a des partis membres d’un cadre de concertation. Ils ont la liberté de venir ou pas. Le statut de porte-parole attitré, c’est l’UPC et moi qui l’avons. Une délégation de l’ONA est venue me voir et m’a dit que dans leur démarche, elle n’est pas hostile au CFOP et que les propos tenus ont été mal interprétés.

S. : 13 députés ont quitté le navire UPC. Le lion a toujours la force de rugir ?

Z.D. : Nous avons eu cette saignée. Mais nous avons eu le temps et l’énergie de vite nous rétablir, et vous l’avez du reste constaté lors de notre congrès de 2018, et lors de l’investiture le 25 juillet passé. Les frondes sont des comportements que nous avons surtout dans nos contrées où il y a un aspect alimentaire dans la politique. Des gens sont députés et veulent être ministres. Il faut qu’ils changent de camp si leur parti est dans l’opposition. Heureusement, l’opinion publique burkinabè rejette de plus en plus ce genre de trahisons.

S. : Il n’y a donc plus d’éthique en politique ?

Z.D. : Malheureusement, non. Il y a beaucoup moins de convictions que d’opportunisme.

S. : Mais ces treize députés avaient une base électorale…

Z.D. : Si vous devenez chef de parti, vous allez voir que ceux qui suivent le parti sont de deux origines. Il y en a qui viennent pour quelqu’un et d’autres pour le parti. Ceux du second lot sont ceux que vous avez rencontrés au sein du parti. Eux, ils ne vous suivent pas comme des moutons. Parmi les 13 députés, deux étaient députés avant de venir chez nous. S’ils étaient forts, ils allaient être tous députés bien avant. Cela veut dire qu’ils ne sont pas propriétaires des femmes et hommes militants du parti dans leur province. On verra bien, l’heure de la vérité arrive.

S. : A l’Assemblée nationale, les députés ont fait une proposition de prolonger leur mandat. Vos députés ont-ils eu l’aval du parti?

Z.D. : Il faut quand même qu’on leur fasse justice. Il y a eu une initiative pour aller visiter les zones affectées par le terrorisme. Les députés sont allés, ils ont rencontré les élus locaux, nationaux, et ont recueilli les doléances des populations qui ont souhaité que les élections soient repoussées dans certaines zones. Au retour, ils ont fait un rapport pour transmettre au président du Faso. Le rapport est adopté puisqu’il reflète ce qu’ils ont vu sur le terrain. C’est vous-mêmes qui avez dit qu’ils ont demandé un « lenga ». C’est ce qui nous a obligés à réagir.

S. : Mais le rapport n’a mis en exergue que la recommandation de prorogation du mandat des députés ?

Z.D. : Les parlementaires sont tout à fait libres de rapporter ce qu’ils ont entendu et vu sur le terrain. Je n’ai pas envie de rentrer dans un procès d’intention. Ce n’est pas un problème de l’UPC. Nous, opposants, quand il y a un problème suscité par le parti au pouvoir, on tire immédiatement sans sommation. C’est ceux qui sont au pouvoir, notamment à l’Assemblée nationale, qui ont eu l’initiative de la démarche. Allez leur en demander le sens. Pourquoi, c’est à l’UPC que vous demandez ? J’ai été l’un des premiers à dire qu’il faut aller aux élections couplées présidentielle et législatives à bonne date, et nos députés, cadres et militants sont dans la même logique.

S. : Vous avez dit que tant qu’il n’y a pas d’audit du fichier électoral, il n’y aura pas d’élections. Sur quoi vous vous fondez pour tenir de tels propos ?

Z.D. : Vous êtes témoins des incidents de Ziniaré et du Kourwéogo où des militants de partis proches du pouvoir ont été transportés pour se faire enrôler. Si vous prenez des femmes de Ouagadougou pour les faire enrôler à Ziniaré, elles auront combien de cartes ? Nous nous sommes dit qu’il est possible qu’il y ait une opération consistant à faire en sorte que des citoyens aient de multiples cartes. Il faut donc que le fichier électoral soit revu. Il est vrai qu’à la fin du processus, la CENI est supposée vérifier s’il y a des doublons et des triplons. Mais ceux qui sont dans ces manœuvres ne sont pas des enfants de chœur, d’autant plus que dans le lot, on a arrêté des membres d’un parti qui siège au gouvernement. Un Etat est la seule entité qui peut faire un vrai faux document. Nous nous sommes dit que si une partie du pouvoir est mêlée, il faut qu’on regarde les choses de plus près. Quand la CENI va finir son travail, il faut qu’une autorité compétente choisie de commun accord dans le dialogue politique fasse des vérifications. En matière de contrôle, l’excès n’a jamais nui.

S. : N’êtes-vous pas en train de préparer les esprits à la contestation au cas où vous viendrez à perdre les élections ?

Z.D. : Non ! C’est pour éviter les contestations que j’entreprends cette démarche. Si demain des citoyens voient la même femme voter à Ouagadougou, à Kongoussi et à Ziniaré, cela peut être source de tension qui va entacher la crédibilité du scrutin. Mais, si on fait une contre-expertise du fichier, on peut avoir une compétition saine.

S. : Si le fichier n’est pas audité, allez-vous boycotter le scrutin ?

Z.D. : La majorité et la CENI sont d’accord pour que le fichier soit audité. Mais il faut faire attention. Les machines sont des choses que l’on contrôle à distance aujourd’hui. Les hackers peuvent prendre en otage un système informatique électoral. S’ils le font pour les Américains, ils peuvent le faire aussi chez nous. Il faut qu’on ait une certaine sécurité informatique. En outre, nous avons obtenu un système de prise en compte des résultats qui garantit la fiabilité. On a décidé que les résultats seront comptabilisés par commune et envoyés à Ouagadougou.

L’entretien avec la rédaction a duré deux heures d’horloge.
S. : Etes-vous sûr de remporter les élections ?

Z.D. : En politique, l’on n’est jamais sûr de gagner ou de perdre une élection à l’avance. Il y a des tendances favorables et une inconnue. Même les sondages se trompent. Cette élection n’est pas la même que celle de 2015, parce que maintenant, face au MPP, il y a plusieurs candidats qui pèsent d’une certaine manière. Il y a de grands partis parlementaires qui ont déjà des candidats qui sont l’UPC, ADF-RDA, le CDP. Cette fois, nous avons plusieurs nouveaux paramètres. Nous avons d’abord, le bilan de ceux qui nous gouvernent. Dans un bilan, il y a toujours des aspects que l’on trouve positifs. Mais dans leur négatif, il y a de l’inédit. La situation actuelle du pays, c’est du jamais-vu. Même si l’électeur prend de l’argent, cela va jouer sur lui. Deuxièmement, on a des candidats qui ont des points forts dans des zones données. Et dans ces zones, les nouveaux venus vont faire la différence. Troisièmement, dans l’équipe du MPP, il y a des stratèges qui ne sont plus là, si bien que l’on sent des flottements.

S. : Cette élection peut-elle être remportée par un coup K.O ?

Z.D. : Non ! Parce que lorsqu’on regarde la géographie politique dans les 45 provinces et les rapports de forces qui y sont présents, ce n’est pas possible.

S. : Etes-vous prêts à soutenir l’un des baobabs au second tour ?

Z.D. : Oui. Nous avons un accord déjà rédigé dans ce sens. La commission est présidée par un député de l’UPC et comprend des membres du CDP, de l’ADF/RDA et de la NAFA. Nous allons organiser une convention pour le signer officiellement. La principale disposition qui figure dans cet accord, dit qu’au second tour, tous les candidats signataires soutiennent celui d’entre eux qui est le mieux placé.

S. : Peut-on imaginer un gouvernement UPC-CDP en cas de victoire au 2e tour ?

Z.D. : Tout à fait. Cela est écrit dans l’accord. Ce sera un gouvernement de toutes les forces politiques qui auront signé l’accord. On va gouverner ensemble. C’était l’erreur du MPP. Aucun parti ne peut gouverner sans la réconciliation nationale. Il faut un gouvernement de réconciliation nationale pour donner l’image d’un pays uni.
S. : Les libéraux et les socio-démocrates pourront-ils s’entendre pour gouverner ?

Z.D. : Dans nos pays, cela n’a jamais été un obstacle. Sur ce débat idéologique, c’est un jeu d’hypocrites. Le monde aujourd’hui est entièrement libéral. Un libéral est quelqu’un dont la philosophie politique met au centre de tout, la liberté de l’individu, sa liberté d’agir et de penser. Il y a une confusion entre libéralisme et capitalisme. Le libéralisme est une philosophie politique. Nous sommes des libéraux parce que nous croyons en cette liberté de l’individu.
Du reste, la démocratie que nous vivons est une démocratie libérale. C’est-à-dire que chaque individu et chaque groupe sont libres de créer leur parti, d’aller librement aux compétitions électorales ouvertes. L’on indexe l’aspect économique du libéralisme. En 1917, en Union soviétique, la révolution économique avait son schéma socialiste qui dit que la meilleure manière de construire l’économie c’était l’appropriation collective des moyens de production. C’est-à-dire que c’est l’Etat qui domine tout. Depuis quand un Etat peut se développer s’il contrôle tout ? C’est ce qui explique l’échec de l’Union soviétique et ses Etats satellites. Dans tous les pays, la liberté est la règle du marché.

S. : Pensez-vous que les libéraux peuvent prospérer dans une Afrique qui est socialiste par l’histoire et la culture ?

ZD : C’est faux de dire que l’Afrique est historiquement socialiste. L’Afrique est solidaire ! Mais cela ne veut pas dire qu’elle est socialiste ! Le socialisme, c’est la propriété collective des moyens de production. Il n’y a pas cela en Afrique. Le champ est une propriété familiale. Il n’appartient pas à tout le village. Par exemple chez nous les Bissa, chaque famille a son champ collectif, mais à côté, chaque femme a son propre champ d’arachide, et chaque jeune assez dégourdi a ce qu’on appelle son « champ du soir ».
Dans toutes les sociétés africaines, chacun a sa vache. Je n’en connais pas une seule communauté africaine où les vaches d’un village sont la propriété collective de tous les habitants du village. Les femmes font chacune leur commerce. Et depuis toujours, il y a eu des échanges commerciaux entre les communautés. Les colporteurs traversent les forêts pour aller acheter de la cola ou du tabac qu’ils viennent revendre. C’est cela l’essence même du libéralisme.

S. : Si en 2020, vous n’êtes pas vainqueur, serez-vous prêt à diriger encore le CFOP ?

Z.D. : C’est par devoir que j’occupe cette fonction de CFOP. Je fais la politique. Je gère mon parti et l’opposition. Je suis consultant international. Mais je n’arrive même pas à faire mon travail. La fonction ne m’attire pas. Une proposition de loi avait été introduite pour proposer que ce ne soit pas forcément le président du parti qui est le CFOP, à l’instar de ce qui est en vigueur au Mali. Mais le projet, que nous approuvions pourtant, n’a pas abouti. J’estime être plus utile à mon parti en parcourant les communes.

S. : Pensez-vous à l’alternance à la tête de votre parti ?

Z.D. : Demandez aux militants de l’UPC si c’est ce qu’ils veulent. Gérer un parti, c’est un sacerdoce. Croyez-moi, si les militants décident demain qu’ils ont besoin d’un nouveau président, je ne ferai aucune résistance. Sûrement pas. L’essentiel pour moi, c’est que le parti progresse.

S. : La gestion actuelle du pouvoir par le MPP vous fait-elle regretter le départ de Blaise Compaoré ?

Z.D. : Par définition, l’on ne regrette pas le fait qu’un événement comme une insurrection se soit passé. On tire des enseignements.
Ce n’est pas parce que l’ancien régime est parti que nous avons la gestion chaotique que nous voyons aujourd’hui. Non ! C’est parce que le peuple a commis une erreur dans le choix de ses nouveaux dirigeants. Si le peuple avait choisi une autre équipe, peut-être que les choses seraient nettement meilleures.
On a connu le Burkina Faso sans terroristes. Mais le MPP et ses alliés, à qui l’on a confié la gestion du pays, ont laissé la vague terroriste, passer du Mali au Burkina. Bien que la Transition les ait mis en garde, ils n’ont pas eu la démarche qu’il fallait. Par exemple, lors de la formation de leur premier gouvernement, ils ont fusionné le ministère de la Sécurité à celui de l’Administration du territoire. Cela veut dire qu’ils n’ont pas pris la juste mesure de la situation sécuritaire sous régionale.
Ensuite, l’on a vu des tâtonnements dans l’organisation et la gestion. On a changé deux fois de chef d’état-major. Nous sommes aujourd’hui au troisième ministre de la Défense. Ce qui fait que, cinq ans après l’accession du MPP au pouvoir, des terroristes se baladent du Nord jusque dans la Comoé. Ils ont échoué lamentablement. Mais, on ne s’en réjouit pas parce que c’est notre pays qui est attaqué et ce sont nos frères qui sont tués. Je profite de l’occasion rendre hommage à tous ces vaillants soldats qui donnent le meilleur d’eux-mêmes pour repousser l’ennemi, au péril de leur vie.



S. : Que proposez-vous pour une lutte efficace contre le terrorisme ?

Z.D. : Il y a plusieurs aspects qu’il faut mettre sur la table. Certains ne peuvent être évoqués dans un journal. Mais grosso modo, il y a un certain nombre de paramètres qui permettent de gagner une guerre. Le premier, c’est la concorde et l’unité des filles et fils du pays. Ce que nous n’avons pas aujourd’hui. Le terrorisme est arrivé à nous diviser au point que nos frères peulh se sentent stigmatisés. Le rassemblement et la cohésion nationale, en commençant par la réconciliation, sont un préalable pour gagner cette guerre. Deuxièmement, on gagne une guerre avec les hommes. Je tiens cette conviction du général vietnamien Giàp qui a vaincu les Américains. Il faut la motivation de la troupe. Dans la tradition militaire, le soldat en guerre doit être rassuré que s’il tombe, ceux qu’il a laissés derrière lui seront pris en charge. Il faut aussi de la formation, de l’équipement et de l’encadrement. Notre projet pour la réorganisation de l’armée et le statut de la défense est différent de ce que l’on voit actuellement.

S. : Allez-vous attendre d’être au pouvoir avant de faire des propositions alors que le pays fait face de façon récurrente à des attaques terroristes?

Z.D. : Nous avons des entretiens avec ceux qui gèrent le pouvoir d’Etat et nous leur faisons des propositions. Lors du dialogue politique, il a fallu que j’insiste pour qu’en plus des questions purement électorales, l’on parle de la question sécuritaire. Il a fallu que le président du Faso arbitre pour que la question soit débattue.
Un autre volet important dans cette question de la lutte contre le terrorisme, c’est le choix des hommes qui animent les ministères et institutions. Actuellement, l’on a un ancien ministre de la Défense qui est en prison. Est-ce un bon signal ? Certes, il bénéficie de la présomption d’innocence. Mais le fait qu’il y ait une polémique de ce type autour d’une personnalité ayant géré le ministère de la Défense en pleine guerre contre le terrorisme pose problème. Comment voulez-vous que nos soldats acceptent d’aller mourir s’ils sont au courant de tels faits ? Les gens qui sont au front doivent avoir le sentiment que la hiérarchie protège leurs arrières et mène le même combat qu’eux. On doit avoir à ces postes des gens irréprochables hier, aujourd’hui comme demain.

S. : Est-ce que les leaders politiques n’ont pas leur part de responsabilité dans cet échec ?

Z.D. : C’est une question de leadership. Ceux qui sont au pouvoir doivent travailler de telle sorte que tout le pays se sente motivé. C’est de cette manière que l’on gagne une guerre.

S. : Est-ce que vous pensez que le général Gilbert Diendéré peut faire changer la donne ?

Z.D. : Je ne suis pas dans le registre de l’homme providentiel. Ceux qui sont là, chacun peut apporter sa contribution sans doute avec son expérience comme d’autres de l’ancien régime. Mais le MPP passe son temps à dire que c’est la faute à l’ancien régime même s’ils le disent de moins en moins aujourd’hui. Mais si c’est la faute aux responsables du régime déchu, il faut les appeler et les mettre au pied du mur. Pour moi, diriger un pays, c’est avoir des collaborateurs qui vous font avancer.

S. : Que pensez-vous de la gestion de la COVID-19 au Burkina?

Z.D. : Elle n’a pas été à la hauteur de nos attentes. Pour ne pas être très négatif, c’est une pandémie qui a surpris tout le monde. Au Burkina, l’on a senti un flottement dans plusieurs domaines. Dans la structuration des organes de prise en charge, l’on a eu le sentiment que l’on a mis de côté l’infrastructure normale de santé pour créer de nouvelles. C’est bien en termes de coordination mais sur ce cas, il y a problème. Une pandémie se gère d’abord avec des infrastructures de santé. Deuxième élément, c’était l’occasion de sonner le rassemblement parce qu’une pandémie est une guerre. Mais il a fallu que l’on insiste avant qu’il y ait une rencontre entre politiques, leaders religieux et coutumiers sur la question. Troisièmement, sur le plan technique et médical, on a mis beaucoup de retard par exemple sur la question du dépistage. On n’avait pas les équipements. Sur le plan de la riposte, il y a eu une batterie de mesures. On a peur qu’il y ait une sorte de Covid-business parce qu’on voit des milliards qui seront donnés on ne sait à qui. On a peur que ce ne soit les proches du régime qui en bénéficient, étant donné que nous sommes à l’orée de la campagne électorale.

S. : L’armée burkinabè, selon des organisations des droits de l’homme, se serait rendue coupable d’exactions sur des civils dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Quel est votre commentaire ?

Z.D. : Nous sommes tous fortement solidaires de nos FDS dans le combat contre le terrorisme. Sur cet aspect, il ne faudrait pas qu’il y ait le moindre doute dans leur esprit. Maintenant, il y a des allégations qui sont faites. Il n’y a pas de guerre propre, mais toutes les guerres ne sont pas obligées d’être sales non plus. En temps de guerre, il y a des règles à respecter, c’est pour cela qu’il y a des tribunaux pour les crimes de guerre. Mon souhait est que nos forces de défense et de sécurité fassent tout pour qu’en leur sein, des éléments ne se rendent pas coupables d’actes qui relèvent de crimes de guerre. Cela va ternir l’image de l’armée. Sur le plan international, ce n’est pas bon, puisque certains pays veulent arrêter leur coopération avec le nôtre. Je fais confiance à l’armée, pour mener les enquêtes de manière diligente et nous sortir éventuellement ceux qui doivent être sanctionnés pour que son image soit blanchie. Mais en même temps, nous voulons une efficacité. Le gouvernement annonce chaque fois des enquêtes dont les résultats se font toujours attendre. Prenez le cas de Yirgou, qu’on le veuille ou non, une communauté, notamment les Peulh, s’est sentie visée. Or dans cette guerre, il ne faut pas qu’une communauté se sente moins burkinabè que d’autres. Si ce sentiment s’installe durablement, vous livrez la communauté aux terroristes qui vont recruter facilement en son sein. Il faut qu’on fasse tout pour que cette déchirure soit rapidement cousue. Il n’y a qu’une seule manière de le faire, c’est de mettre fin à l’impunité.

S. : A quel niveau se trouve votre plainte contre l’actuel président du MPP Simon Compaoré pour port illégal d’arme ?

Z.D. : (Rires !) Pour être franc, je ne sais pas à quel niveau se trouve la procédure. J’avais été auditionné par la gendarmerie qui m’a dit que le dossier a été envoyé au procureur du Faso. C’est donc à la justice de faire son travail. Comme nous sommes engagés dans le dialogue politique, on n’en parle plus. Simon Compaoré est un excellent co-président du dialogue politique. Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais nous avons appris à travailler ensemble.

S. : Comment appréciez-vous la passe d’armes entre gouvernement et magistrats ?

Z.D. : Les magistrats sont un pilier de la justice et celle-ci, celui de l’Etat de droit. Qu’il s’agisse de magistrats de siège ou du parquet, il faut qu’il y ait un accord pour que chacun fasse bien son travail. C’est à l’exécutif de trouver les voies et moyens pour un apaisement de la situation. Ce n’est pas bien dans un Etat de droit que le pouvoir exécutif et celui judiciaire se disputent. Cela donne un goût amer à l’opinion.

S. : Que faut-il pour calmer la fronde sociale ?

Z.D. : D’abord le dialogue franc et sincère. Les syndicats disent que le gouvernement prend des engagements et puis disparaît. Dès son arrivée, le MPP aurait dû organiser une grande réunion avec l’ensemble des partenaires sociaux pour leur dire voilà ce que le gouvernement peut faire et échelonner les satisfactions des besoins surtout qu’une partie des travailleurs, notamment les magistrats, ont eu gain de cause. Le ministère de la Justice doit être le département le plus important parce que le système judiciaire doit rassurer les investisseurs. Il était important de répondre aux magistrats afin qu’ils puissent bien travailler, mais en expliquant ce pour quoi, on l’a fait.
Pour calmer la fronde, il faut surtout travailler à éviter les conflits inutiles. La vie coûte cher pour notre génération parce que les standards de vie ont changé, car il faut qu’il y ait au moins un certain nombre de commodités dont l’électricité, le transport, la santé, l’école des enfants. Mais, l’on ne peut pas prendre l’ensemble des ressources pour payer les fonctionnaires. Les pays marchent quand l’économie fonctionne. L’Etat est bon pour mettre en place les règles et les grands ensembles. Il faut développer l’entreprenariat. Les jeunes qui sortent des écoles ne peuvent pas tous être fonctionnaires, ils doivent être des entrepreneurs. Si ça marche pour eux, ils paient plus d’impôts et l’on augmente les salaires des fonctionnaires.

S. : Au soir du 22 novembre 2020, si vous êtes élu, quelle sera votre priorité en matière de gouvernance ?

Z.D. : Il faut faire la différence entre priorité et urgence. L’urgence, c’est la question sécuritaire. Mais notre priorité, c’est le rassemblement des forces de ce pays. Il faut qu’on se réconcilie rapidement. C’est pour cela que je vais mettre en place un gouvernement de réconciliation nationale auquel je vais convier le MPP qui sera battu. Il faut qu’on se mette ensemble pour solder rapidement les anciens comptes et faire maintenant front commun contre les défis du développement. De la question du genre à celle de l’eau, tout est prioritaire.

S. : Que répondez-vous à ceux qui disent que c’est la classe politique qui a besoin de se réconcilier avec elle-même, car les Burkinabè n’ont pas de problèmes?

Z.D. : Effectivement, c’est la classe politique qui bloque un pays. Mais la réconciliation est plus profonde. Nous avons proposé une démarche pour atteindre la réconciliation. Dans un courrier adressé au président du Faso, nous avons indiqué que la réconciliation pose un problème parce que les populations ne savent pas pourquoi il faut y aller. Dans la démarche, il faut un premier forum pour s’accorder sur les questions qui appellent à la réconciliation ainsi que l’horizon temporel. La réconciliation ne concerne pas que les politiciens. Il faut repartir dans les provinces, car on y a laissé pourrir beaucoup de querelles notamment liées à la chefferie, la terre, etc. Il faut les recenser et trouver un mécanisme. Ensuite, un autre forum national dont l’un des éléments doit être la mise en place d’une commission vérité, justice et réconciliation pour notamment les crimes de sang. Récemment, l’insurrection est venue rajouter aux frustrations. Il y a eu une classe politique qui a été renversée. Celle-ci estime qu’on lui a fait la force parce que pour elle, l’on pouvait réviser la Constitution. Juridiquement, elle avait raison mais politiquement, elle avait tort. La révision était inopportune. Il va falloir qu’on se parle afin que les autres puissent revenir et que le pays puisse avancer.

S. : Lors de votre investiture, vous avez parlé d’un nouveau départ. Quelles sont donc les grandes lignes du projet de société que vous allez soumettre aux Burkinabè ?

Z.D. : Mon projet de société est collé à la réalité. Il y a le conjoncturel et le structurel. La conjoncturel prend forcément en compte la lutte contre le terrorisme. Il y a de manière connexe, deux grands volets. La lutte purement militaire contre le terrorisme et tout ce qui l’accompagne, à savoir la réconciliation nationale et le type de développement que l’on souhaite avoir pour que des populations ne se sentent pas délaissées au point d’avoir recours au terrorisme.
Et puis il y a le structurel qui touche aux ambitions qu’on a pour un pays comme le Burkina, dont le modèle de développement doit être refait pour viser la satisfaction des besoins élémentaires des populations et la performance économique.
Il y a des leçons que l’on doit tirer des pays développés. On se développe d’abord en contrôlant son marché intérieur. Mais, on ne peut pas se développer si on n’est pas un acteur du marché extérieur. La Chine s’est développée parce qu’elle est l’usine du monde.
Enfin, il y a la question des valeurs d’être Burkinabè. On a un certain nombre de valeurs qui sont le creuset de notre être qu’il faut qu’on remette au goût du jour et en faire un point de départ pour le développement.
L’agriculture est le pilier du développement. Il y a deux volets dans ce secteur. Il faut d’abord qu’il y ait de l’abondance pour régler définitivement la question des trois repas par jour. Et puis l’agriculture doit être une source de devises. Je prends un exemple où nous avons mal réagi. Sur la question des ânes que les Chinois importaient, on a réagi de manière complètement anti économique par rapport au Kenya. Plutôt que d’interdire l’exportation, le Kenya a financé les étudiants chômeurs pour produire des ânes destinés à cet effet. A côté, il a créé un abattoir moderne pour recueillir les peaux. On aurait pu lancer une filière de production destinée à l’exportation et on laisse nos ânes pour la consommation locale. De plus, il faut une évolution agricole à avoir. Elle consiste à avoir un débat nouveau sur qui doit être agriculteur. Aujourd’hui, on devient agriculteur par défaut. On doit avoir 20% de Burkinabè qui nourrissent les 80% et non le contraire. Cela nécessite que le sol soit un actif pour l’agriculteur pour aller vers les banques. On doit avoir un tracteur par village. Il faut ensuite que l’on transforme une partie pour libérer la main-d’œuvre vers l’industrie. Honnêtement, on ne va jamais se développer si on n’a pas une industrie manufacturière. Il n’est pas normal que les agriculteurs continuent d’utiliser des dabas. Il faut tirer des enseignements de l’économie mondiale. La production de motos a commencé aux Etats-Unis puis est allée vers l’Europe, ensuite au Japon avant d’arriver en Chine. Le prochain pays qui va prendre le relais est le Vietnam. Pendant ce temps, nous sommes assis. La révolution industrielle est un point sur lequel nous allons travailler.
Sur le plan des infrastructures, beaucoup a été fait depuis les 10 dernières années mais il reste beaucoup à faire. Normalement on doit avoir un programme ambitieux pour que toutes les communes soient reliées par une voie bitumée. Ouagadougou doit être reliée aux frontières par des autoroutes et pour la mobilité urbaine, il faut des routes à étages. Le chemin de fer doit être développé aussi bien à l’interne qu’à l’externe. Et même transformer les principaux cours d’eau en voies navigables. Ce n’est pas compliqué. Je veux que le Burkina Faso ait sa mer intérieure.
Sur le plan de la gestion de l’environnement et sa protection, beaucoup a été fait mais il faut continuer. On a besoin de créer des espaces pour la respiration alors que la ville s’élargit.
Je jette là quelques-unes des idées que vous lirez dans notre programme qui est rédigé actuellement sous la direction du Pr Idrissa Ouédraogo, un économiste que l’on ne présente plus et un membre éminent du parti.
La présentation officielle du programme sera bientôt faite.

S. : Les Burkinabè vivant dans les zones sous l’emprise du terrorisme ne pourront pas voter. Quelle légitimité donnerez-vous à ceux qui seront élus à une pareille élection ?

Z.D. : Nous sommes très affligés que dans certaines zones, certains de nos compatriotes ne puissent pas voter. Ce n’est une joie pour personne, c’est un cas de force majeure. Cependant, évitons les débats sur les légitimités parce que quand vous prenez même l’ensemble des Burkinabè, nous sommes environ 20 millions d’habitants, le président a été élu avec environ 1 600 000 personnes, en 2015, même pas 10% de la population. Cela signifie qu’il y a beaucoup de personnes qui sont en âge de voter, qui ont leur carte d’électeur mais qui ne le font pas. Est-ce tous ceux qui ont plus de 18 ans qui se sont fait enrôler ? Non ! Mais pourquoi le débat sur la légitimité ? Notre Constitution ne donne pas un seuil minimal pour que l’élection soit valide ni sur le plan législatif ni présidentiel. Comme c’est un cas de force majeure, on est obligé de voter et de prendre les scrutins qui auront été déclarés, cela ne veut pas dire que celui qui est élu manque de légitimité. Cette question a été posée au gouvernement lorsqu’on nous a fait savoir qu’il existe des zones rouges. On a été reçu par le Premier ministre, l’opposition et la majorité, le 1er juillet dernier. Il nous a assuré que toutes les dispositions sont prises pour que dans ces zones, le maximum de personnes puisse voter.

S. : Le Code électoral qui devrait être révisé lors de la dernière session extraordinaire de l’Assemblée nationale a été retiré. La classe politique doit s’accorder sur un certain nombre de paramètres avant cette révision. Que s’est-il réellement passé ?

Z.D. : Il s’est passé un problème de transcription de l’accord qu’on a eu à une réunion donnée. Il y a eu des ajouts qui ne remettaient pas fondamentalement le document en cause mais on est parti d’un principe qu’on s’est entendu sur un document qui a malheureusement subi des modifications. C’est sur le principe qu’on a choisi de le retirer, c’est par mesure de précautions afin que demain s’il y a des choses substantielles à dire, on puisse se défendre. Bientôt, il y aura une session extraordinaire pour son adoption.

S. : Vous parlez de sécurité comme un fait conjoncturel. De quoi s’agit-il ?

Z.D. : La sécurité est permanente, mais le terrorisme va bientôt prendre fin. J’espère que c’est conjoncturel et qu’on en sortira. Par contre, la sécurité n’est pas seulement le terrorisme car il y a des coupeurs de routes, des voleurs et autres.

S.: L’Afghanistan vit ce phénomène il y a plus de 30 ans. Vous le pensez vraiment ?

Z.D. : Pour moi, 30 ans c’est conjoncturel, ce n’est pas 100 ans. Certes, le terrorisme déstructure l’économie mais on espère en sortir un jour et cela va arriver. Par contre, les coupeurs de routes, les voleurs, c’est un fléau qui date des siècles et que vivent des générations et même les générations futures vivront cela mais le terrorisme, on espère en sortir.

S. : Quand on regarde l’histoire de nos dirigeants au pouvoir, IBK, Gbagbo, Wade et autres, ils ont tous été des opposants mais une fois au pouvoir, ils n’ont pas montré les visages qu’on attendait d’eux. Quelle sera la différence avec vous ?

Z.D. : Pour aller au pouvoir, il faut être un opposant, c’est valable pour tout le monde, chacun va arriver et va essayer d’apporter le meilleur de soi-même. Cela est valable pour les sociétés démocrates, c’est la nature humaine mais pas pour autant que les opposants ne doivent pas aller au pouvoir. Les temps changent, les environnements aussi, je crois que la pression est aussi importante pour que les dirigeants soient exemplaires. C’est pourquoi dans la théorie de Montesquieu, il ne faut jamais donner tout le pouvoir à quelqu’un même s’il est de bonne foi. Si vous lui donnez le pouvoir absolu, il le gère de manière absolue. Il y a des choses qui se passent aujourd’hui qu’on ne pouvait pas imaginer quelques années plus tôt. A titre d’exemple, faire démissionner un ministre de son poste sous la pression de l’opinion. Aujourd’hui avec les réseaux sociaux, chaque dirigeant est sous pression et doit justifier sa gestion.

S.: Parlant de développement, une professeure d’université a soutenu que 35 programmes de développement ont été appliqués au Burkina mais n’ont pas donné de résultats. Qu’en pensez-vous ?

Z.D. : L’un des problèmes aussi qu’on a eu dans l’histoire récente de notre pays, c’est le manque de continuité. Et c’est l’un des problèmes de la démocratie, qui suppose l’alternance.
Regardez les pays asiatiques ! Ils ont eu des leaders qui sont restés sur le long terme (la Malaisie, l’Indonésie, la Thaïlande et la Chine populaire).
Nous, c’est différent. Ce qu’il nous faut, comme on ne peut pas avoir la stabilité des individus, c’est la stabilité de la vision. Le problème est que chacun vient avec sa vision et met de côté celle de son prédécesseur. On n’arrive pas à faire en sorte que les institutions soient plus fortes que les individus. Ce qui amène tous ces programmes. Le Rwanda est un pays cité comme exemple de stabilité et de progrès mais c’est un pouvoir qui commence à être long. Les USA sont également un exemple. Leur développement s’est fait sur 2 à 3 siècles mais les dirigeants ne font que 4 à 8 ans mais ils ont réussi à mettre en place des institutions fortes. C’est la stabilité dans la démarche qui compte. Alors comment réussir à garder le fil conducteur des programmes, tout en changeant démocratiquement les hommes tous les 5 ou tous les 1à ans ? C’est un dilemme à résoudre.

S.: Est-ce la qualité des hommes qui animent la vie politique qui pose problème ?

Z.D. : La qualité des animateurs de la vie politique est un facteur important. On ne fait rien de bon avec des médiocres.

S.: Etes-vous pour un audit de la gestion du CFOP ?

Z.D. : Oui, parce que cet audit a déjà lieu de manière annuelle. Le budget du CFOP est de 100 000 000 F CFA. La loi dit que cette somme est pour le financement du cabinet du CFOP. Contrairement à ce que les gens réclament, ce n’est pas dit que c’est pour financer les partis politiques de l’opposition. Ce budget est alloué pour gérer le staff du cabinet (salaires, carburant, loyers et les missions), mais à comparer au budget d’autres institutions, il est ridicule. Il suffit de faire deux à trois missions internationales et il est fini au point que tu es obligé de faire des compléments de ta poche. Chaque année aux mois de janvier-février, en attendant que le budget arrive, je fais fonctionner l’institution avec mes propres moyens pour être remboursé après. Ensuite le CFOP rend compte au président de l’Assemblée nationale. Pourquoi ? Parce que ce qui est donné est une générosité de celui-ci car il n’y a pas un budget alloué à l’avance. Depuis le début du CFOP, son budget fluctue au gré du président, contrairement aux autres institutions. Le PAN est donc l’auditeur attitré du CFOP.

Le candidat à la présidentielle exige un audit indépendant du fichier électoral pour éviter les contestations.
S : Est-ce que vous avez posé le problème ?

Z.D. : Non, parce que je suis un opposant et que pour moi, l’Etat n’a pas à financer l’opposition.
Cela étant dit, je me vois mal en train de financer de ma propre poche une institution publique. Si on m’invite en tant que CFOP à une réunion à l’extérieur, je vais au nom du pays, alors pourquoi faut-il que c’est de ma poche que j’effectue ce voyage ?

S.: Est-ce que vous n’utilisez pas ces fonds pour financer des partis politiques ?

Z.D. : Non. Le budget alloué n’est pas fait pour financer des partis mais pour financer l’institution, le siège. On est 25 partis. Croyez-vous qu’avec 100 000 000 F CFA on peut les financer? Non, la loi est claire, c’est fait pour financer le cabinet du CFOP.

S.: Et l’argent alloué aux partis politiques ?

Z.D. : A titre personnel, je n’ai aucun problème si l’on supprime les financements publics, mais si on fait cela, c’est uniquement le parti au pouvoir et les grands partis qui vont en profiter, donc on va réduire la démocratie. Les grands partis ont des membres pour contribuer mais si un parti se crée nouvellement, cela coûte très cher. S’il n’a pas d’appui, il va rester arbuste et si on veut qu’il ait un renouvellement de la classe politique, quelque part, on doit trouver un moyen pour le soutenir.

S.: Pensez-vous que l’Afrique doit se débarrasser du franc CFA ?

Z.D. : Sur le franc CFA, il y a un certain nombre de clichés. L’un des avantages est qu’il permet d’être convertible, du CFA en euro par exemple. Il nous permet facilement de faire le commerce à l’extérieur du pays pour notre développement. Cela dit, le lien avec la puissance coloniale pose problème. Il faut en sortir, il faut se prendre en charge. Qu’on l’appelle CFA ou Eco, l’essentiel est que ce lien soit rompu dans une logique économique intéressante. Cela signifie qu’on ait une monnaie commune aux pays de l’espace CEDEAO. Il faut une monnaie qui nous permet de vendre nos produits dans les autres pays de l’Afrique et vice versa, qu’on aille facilement en Sierra Leone, au Liberia et en Guinée. Une monnaie qui nous permet d’acheter des produits aux USA, en Chine qu’on n’ait pas des problèmes pour avoir du dollar et de l’euro. Encore faut-il que nous nous entendions entre pays de la sous-zone africaine. Ceci dit, il faut faire attention, la monnaie reflète la santé de notre économie. C’est à nous de montrer qu’on est capable de produire des choses non seulement pour le marché intérieur mais aussi pour le marché extérieur afin d’obliger les gens à venir acheter avec leurs monnaies ; c’est ce qui fait que la monnaie a de la valeur.

S. : La situation au Mali est critique avec les manifestations. Comment entrevoyez-vous l’avenir du président de ce pays ?

Z.D. : Ma première pensée va à l’endroit de mon ami Soumaïla Cissé, avec qui j’entretiens des relations très fortes depuis plus de deux décennies, il a été victime d’un rapt et nous sommes aujourd’hui sans nouvelle de lui. J’espère que les autorités feront tout pour qu’on le retrouve. Du reste, le Mali est un pays qui traverse des turbulences, une situation qui est née à la fois de frustrations accumulées sur la gouvernance mais surtout de la manipulation qui serait née de la Cour constitutionnelle à la suite des dernières élections. Nos Cours doivent faire attention, elles sont susceptibles de dire le droit mais le vrai droit. Les racines du problème dans ses parties conjoncturelles sont connues, la partie structurelle est la gouvernance, la gestion du pays et la lutte contre le terrorisme. C’est au président de donner les gages à l’opinion qu’il est capable de faire différemment et même mieux sur ce terrain. La CEDEAO s’emploie à résoudre la crise. Dans cette démarche, je crois qu’il faut aligner la souplesse de l’approche politique avec la rigueur des textes car en politique, la situation locale et le sentiment réel doivent amener à être beaucoup plus regardant. Par exemple au Burkina au lendemain de l’insurrection, on a voulu nous imposer ces textes mais il y a aussi une réalité politique. L’imam est un homme raisonnable qui s’est fait le catalyseur des aspirations et des frustrations du peuple, il faut qu’on l’écoute. Autant il a pu lever le lièvre autant je pense qu’il peut trouver la solution pour que le Mali ait un nouveau départ.

S.: Est-ce que vous craignez un scénario à la Blaise Compaoré ?

Z.D. : Je n’ai pas à craindre quoi que ce soit car je suis au Burkina Faso. Mais tout est possible quand une foule pareille est dans la rue et Dieu seul sait de quoi demain sera fait.

S. : Quel regard portez-vous sur la situation en Côte d’Ivoire où des cadres du RHDP appellent le président Ouattara à briguer un 3e mandat ?

Z.D.: Le RHDP est un parti libéral comme nous mais par tradition on ne s’ingère pas dans les problèmes intérieurs des autres. Il y avait un candidat désigné pour la succession. Il se trouve que Dieu a fait son œuvre qui recrée d’autres situations. Je ne sais pas quels sont les déterminants mais si le parti estime qu’il y a une meilleure voie à suivre, je ne peux que prendre acte.

S.: Le même cas semble se présenter en Guinée ?

Z.D. : Il y a des débats, certains parlent de 3e mandat et d’autres de premier mandat, parce qu’il y a une nouvelle Constitution. Quelle est la vérité ? Je n’en sais rien, car on a eu ce même débat au Burkina en 2005, et notre Cour a estimé que c’était possible, pourtant ce sont des éminents juristes. Nous on était dans une trajectoire de deux mandats faite dans un schéma juridique donné.
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