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Sécurité alimentaire au Burkina Faso: « Limitons nos naissances sinon, nous n’aurons même plus de terres pour cultiver », l’économiste, Dr Issa Kobyagda

Publié le vendredi 20 septembre 2019  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Insécurité alimentaire en hausse: l’Afrique soutient trop peu son agriculture
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La population du Burkina Faso a connu une importante augmentation au cours de ces dernières décennies. Estimée à 4,3 millions en 1960, elle était de 14 017 262 habitants selon les résultats du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2006. Une projection évalue la population à environ 18 110 624 en 2015. La population burkinabè a donc plus que triplé en 46 ans. De l’avis du Directeur général de l’économie et de la planification (DGEP), Dr Issa Kobyagda, cette croissance démographique n’est pas sans conséquence sur la disponibilité des terres cultivables et du même coup, sur la sécurité alimentaire.

Sidwaya (S.) : Pouvez-vous nous définir ce que vous entendez par croissance démographique et sécurité alimentaire ?

Issa Kobyagda (I.K.): La croissance démographique peut être définie de façon simple comme le rythme d’augmentation ou de diminution de la population. La sécurité alimentaire recouvre à mon sens trois facteurs essentiels à savoir la disponibilité, l’accessibilité et l’utilisation de la nourriture. C’est une notion qui s’analyse au niveau individuel, ménage, région ou nation. Ainsi, une nation jouit de la sécurité alimentaire quand chacun dispose en tout temps, de la possibilité matérielle et économique d’acheter, de produire, d’obtenir ou de consommer une nourriture suffisante, saine et nutritive répondant à ses besoins, conforme à ses goûts et lui permettant de mener une vie active. N’importe lequel des facteurs mentionnés ci-dessus peut entraîner l’insécurité alimentaire.

S. : Depuis 1960 à nos jours, la population du Burkina Faso ne fait que croître. Existe-t-il une corrélation entre cette croissance démographique et la sécurité alimentaire ?

I.K. : On peut dire qu’il y a un lien entre la croissance démographique et la sécurité alimentaire, parce que les besoins de consommation augmentent avec la croissance de la population. Mais cela ne veut pas dire que lorsqu’on a beaucoup d’enfants on produit plus. Non ! Le nombre plus élevé d’enfants permet de produire plus, est dans une logique économique vraie, mais le nombre d’enfants permet de produire plus si ces derniers sont productifs. Un chef de famille qui a dix enfants de moins de 10 ans aura du mal à les nourrir parce qu’il va travailler seul dans son champ. Par contre celui qui a en deux de moins de cinq ans les nourrira plus facilement bien qu’il soit aussi seul à cultiver.



S. : Selon vous, quelles peuvent être les conséquences de cette pression démographique par rapport à la disponibilité des terres cultivables ?

I.K. : Aujourd’hui, le Burkina dispose de 9 millions d’hectares de superficie de terres cultivables dont 3,5 millions de terres sont annuellement emblavées. Le système de production est de type extensif, ce qui suppose l’augmentation de la production liée à celle des surfaces cultivées. Dans ce sens, on constate que si ces terres continuent d’être emblavées, on assistera dans les prochaines décennies, à une dégradation irréversible du capital productif ainsi, de 3,95 millions d’hectares de superficie cultivée entre 2000-2004 ; on est passé à plus de 4,5 millions entre 2005-2009, soit un accroissement de près d’un million d’hectares en moins de dix ans. Si la tendance se maintient, en 2030, moins de deux millions d’hectares de terres cultivables seront disponibles.
En 2050, toutes les terres seront cultivées si rien n’est fait en termes de démographie. Il faudra un hectare pour nourrir cinq Burkinabè selon le scénario bas, et un hectare pour nourrir six Burkinabè selon le scénario haut. La consommation moyenne de céréales par habitant est estimée en 2010 à 190 kg. Le scénario bas conduirait à une demande de céréales de 3,5 millions de tonnes en 2015, 5,7 millions de tonnes en 2030 et 7,2 millions de tonnes en 2050. Alors que si on est dans le scénario haut, la demande de céréales serait de 3,6 millions de tonnes en 2015, 5,8 millions en 2030 et 10,1 millions en 2050. La préoccupation majeure qui se dégage ici, est qu’avec les terres qui seront presque épuisées et les rendements qui sont relativement faibles, l’on pourrait se demander comment nourrir la population en 2050 ?

S. : Comment garantir la sécurité alimentaire au Burkina Faso ?

I.K. : La préoccupation essentielle pour que la sécurité alimentaire soit garantie, est de savoir comment développer d’une part, des semences améliorées pour que le rendement soit meilleur. D’autre part, comment réduire relativement le nombre de consommateurs. Selon des penseurs au VIIIe siècle, «si la population s’accroît à un rythme géométrique et que les ressources produites s’accroissent à un rythme arithmétique, forcément, on va avoir un gap qui va produire la situation d’insécurité alimentaire». Pour dire, qu’un individu qui naît, a besoin de consommer, mais la production ne suit pas forcement les besoins de consommation. Malgré les efforts réalisés par les centres de recherches pour améliorer la qualité des semences, on peut se rendre compte que si le nombre de personnes devant consommer les ressources s’accroît plus rapidement que les capacités contributives en termes de production, il y aura une situation où le gap va être très important, ce qui va impacter sur la sécurité alimentaire. Il faut cumuler la pression démographique avec les effets pervers de l’environnement.

S. : Voulez-vous dire que l’atteinte de la sécurité alimentaire est liée plus au changement climatique que la croissance de la population?

I.K. : En matière de défis environnementaux, il y a une dégradation continue du couvert végétal. Aujourd’hui, nous observons que le pays est confronté de plus en plus aux phénomènes environnementaux, marqués par le changement climatique, à savoir la désertification, les sécheresses endémiques. Ce qui ne garantit pas que dans le futur, le pays disposera toujours de couvert végétal. Si les gens n’ont plus d’espaces, ils occuperont les espaces protégés. L’individu recherchant les terres suffisamment rentables en termes de productivité va se déplacer vers ces zones protégées qui servent de ‘’poumons’’ pour la vie humaine. Ce qui risque d’entraîner des conséquences assez graves. En 1980, le Burkina disposait de potentialités naturelles relativement importantes, soit près de 15,42 millions d’hectares de formations naturelles, soit 75 % sur le domaine non classé et 25 % sur le domaine classé. Ce capital naturel doit constituer donc, un élément majeur à long terme pour l’amélioration des conditions de vie des populations.

S. : Que préconisez-vous pour que le Burkina puisse atteindre la sécurité alimentaire, avec une pression démographique de plus en plus forte ?

I.K. : Des mesures sont liées là où la contrainte est plus forte. Puisque les ressources ne sont pas extensibles à souhait, regardons là où on peut agir pour qu’avec le même niveau de ressource, nous puissions toujours disposer du minimum nécessaire pour garantir ce qu’on appelle la sécurité alimentaire. Dans ce sens, on pense qu’il est très lent, mais il est plus efficace d’agir, surtout sur la croissance démographique que d’agir sur l’extension des ressources. L’extension des ressources peut se faire, mais cela a une limite. Car il viendra un moment où on ne pourra plus avoir de terres à emblaver, où on ne pourra plus produire la quantité de ressource nécessaire. C’est dans ce sens que l’on s’est dit : et si on agissait peut-être sur la contrainte majeure qu’est la pression démographique ? Si à ce niveau ça se décélère, cela permet de mieux utiliser la ressource existante, cela contribuerait un tant soit peu à l’atteinte de la sécurité alimentaire. Faisons attention, limitons nos naissances sinon, nous n’aurons même plus de terres pour cultiver.

S. : Est-ce qu’il n’y a pas lieu de sensibiliser la population pour qu’elle comprenne les risques liés à cette croissance accélérée ?

I.K. : Nous avons dans le mécanisme de la sensibilisation, voulu que les leaders d’opinion, religieux et coutumiers soient associés. Vous trouverez des leaders qui sont pour cette idée de planifier les naissances et d’autres contre. Ils diront que c’est Dieu qui donne les enfants. Avec de tels propos, on entre dans la procréation par fatalité. Cela impacte donc les actions de sensibilisation pour la planification des naissances. De nos jours, nous avons encore la possibilité de bien maîtriser la croissance démographique, de mieux améliorer les conditions de vie des populations. Mais cela ne pourrait être vraiment un espoir que s’il y a une forte décélération en termes de naissances.
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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