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Art et Culture

Fabrication de masques dans le Tuy : Yacouba Bondé, le sculpteur qui fait la promotion de la culture bwa

Publié le mercredi 28 aout 2019  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Le sculpteur Yacouba Bondé, fabrique des masques d’ornement inspirés de la culture bwa dans son atelier sis à Boni.
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Dans le village de Boni, situé sur la RN1, à quelques encablures de Houndé, Yacouba Bondé s’est spécialisé dans la fabrication des masques d’ornement inspirés de la culture bwa. A travers son art, bien apprécié des touristes, le sculpteur fait découvrir la riche tradition des masques de son village sous d’autres cieux.

Assis sur une planche posée à même le sol, un homme, de forte corpulence, la soixantaine bien sonnée, tient fixe d’une main, entre les jambes, un morceau de bois. A ses pieds, un tapis de copeaux de bois s’est constitué. De la main droite, à l’aide d’une herminette, il administre des coups dosés et précis, au tronc de bois. Sous l’effet de la lame incisive de l’outil, similaire à une petite hache, des copeaux voltigent au fil des coups, imprimant au bois, des traits zoomorphes…

La scène se passe dans l’atelier de Yacouba Bondé, à Boni, à une quinzaine de kilomètres de Houndé, dans la province du Tuy. M. Bondé est un sculpteur bien connu, dans la province, surtout des amoureux d’art africain. Cela fait plus de trente ans qu’il fait la sculpture dans son village. Ses premières expériences dans le métier remontent à son jeune âge lorsqu’il était encore à l’école à Houndé. «C’est en 1983 que j’ai commencé à sculpter les masques.

J’ai appris la sculpture avec des amis forgerons à Houndé. Je les suivais pour aller en brousse et les aidais à travailler…», se souvient-t-il. Selon le sculpteur, son envie de s’essayer à cet art serait partie de sa passion pour les masques. Une passion qui, dit-il, a atteint son paroxysme en 1982, lorsqu’il accomplit le rite initiatique des masques communément appelé «Diéfi» dans son village.

Aujourd’hui, la fabrication des masques sur bois n’a plus de secret pour lui. C’est un sculpteur qui maîtrise parfaitement son art. Il confectionne, à partir du bois, des masques décoratifs qui font l’objet de fascination. A entendre le sculpteur, les masques d’ornement sont taillés sur du bombax, un bois communément appelé «fromager sauvage».

Pour ce qui est de la fabrication proprement dite, elle se fait, selon lui, en deux grandes étapes : le travail fait en brousse et celui réalisé à l’atelier. En ce qui concerne la première étape, Yacouba Bondé fait savoir qu’il consiste «à couper le bois, le tailler et le former». Quant à la seconde phase, elle concerne les finitions notamment les qualifications, c’est-à-dire réaliser des dessins sur le bois puis y ajouter de la peinture. Différentes couleurs peuvent entrer dans l’ornementation des masques.

Mais le noir, le blanc et le rouge sont les couleurs traditionnellement utilisées par M. Bondé. A l’en croire, elles incarnent des valeurs sociales dans la culture bwa. «Pendant notre initiation, nous avons appris que le noir représente la nature. Ce qui veut dire que pour l’initié, il faut cultiver, il faut préserver la terre qui donne à manger et ne pas la laisser se dégrader. Le blanc, c’est le ciel. Cela signifie qu’il faut prier toujours pour qu’il pleuve afin que les cultures soient possibles. Le blanc signifie aussi le pardon. Quant au rouge, il nous demande de cesser de faire couler le sang de notre prochain. Donc, il ne faut jamais faire le mal à autrui», explique-t-il.

Des masques inspirés de la culture bwa

A 100 mètres de son atelier, Yacouba Bondé dispose d’une boutique de vente d’objets d’art. On y trouve fièrement exposés les masques sortis de son «laboratoire». Ils sont de tailles et de modèles diversifiés. Des plus grands aux plus petits en passant par les moyens, les masques sont à l’image du hibou, du serpent, de l’épervier, du papillon, du singe, du phacochère, du coba, du buffle, de l’hyène, du caïman, du capitaine, entre autres.

Il s’agit pour la plupart des têtes d’animaux, excepté les grands masques à lame. Des chefs-d’œuvre qui tirent, particulièrement, leur histoire de la riche tradition des masques du peuple bwa de Boni. «Le masque ayant la plus grande particularité est le serpent. Il représente notre totem et est adoré à l’autel des ancêtres. Les autres masques étaient dans l’ancien temps, utilisés pour lutter contre les épidémies de maladies apportées par le vent dans le village», relate-t-il.

Les acquéreurs de Yacouba Bondé arrivent de divers horizons. Mais ses principaux clients sont, entre autres, les touristes originaires d’Italie, d’Angleterre, de Belgique et des Etats-Unis. Au Burkina Faso, les antiquaires et les particuliers en quête de cadeaux à offrir lors des évènements tels que les mariages, sont ses premiers acheteurs. Les prix varient suivant la taille des masques. Les grands masques, encore appelés les «plaques ou planches», coûtent entre 100 000 et 200 000 F CFA. Les masques moyens (ndlr : que l’on peut transporter facilement) coûtent entre 25 000 et 50 000 F CFA. Et les plus petits appelés les «passeports» dans le jargon de la sculpture, sont vendus entre 5 000 et 7 500 F CFA.

La mévente, un problème majeur
Des difficultés, il n’en manque pas dans le domaine de la fabrication des masques. A ce titre, M. Bondé fait savoir que le problème majeur est la mévente. En effet, si de par le passé Yacouba Bondé pouvait écouler une dizaine de masques par mois, aujourd’hui, force est de constater que le nombre d’objets vendus par mois a nettement baissé. «Depuis 3 à 4 ans, les clients sont devenus rares», déclare-t-il, l’air quelque peu triste.

En effet, l’engouement des acheteurs étrangers pour ses articles est en pleine dégringolade. «Parfois les touristes qui viennent préfèrent plutôt faire des photos que d’acheter», précise-t-il. Comme autre difficulté, le sculpteur évoque le manque d’intérêt des nationaux vis-à-vis des masques avant de lancer qu’«avant, on les vendait aux antiquaires à Ouagadougou, mais actuellement eux aussi, sont saturés car ça ne marche pas».

Une situation du marché que M. Bondé tente d’expliquer par les effets de la crise économique en Europe dont nos pays font les frais et le terrorisme qui dissuade les touristes exogènes. Ainsi, cet état de fait démoralise les artisans qui, comme lui, ont choisi de faire de la sculpture leur gagne-pain. «Quand tu produis et que tu n’écoules pas, tu souffres et tu n’as pas le courage de continuer à travailler», déplore-t-il. En outre, le sculpteur évoque la raréfaction de la matière première.

«Le bois que nous utilisons est un peu rare parce que nous ne sommes pas les seuls à le couper en brousse», dit-il. Cependant, afin d’assurer la continuité de la production, des mesures palliatives sont trouvées grâce à la collaboration avec les sculpteurs des localités environnantes. «Nous travaillons avec d’autres sculpteurs à Boromo qui nous vendent aussi le bois blanc et nous faisons les finitions», précise-t-il. Malgré toutes ces difficultés, M. Bondé ne compte pas, de sitôt, mettre la clef sous le paillasson. Car, affirme-t-il, la sculpture lui permet de subvenir aux besoins de sa famille. Ainsi, il en appelle au soutien des décideurs à la culture en général et à la sculpture en particulier.

Babou Eric BAZIE

Les masques sacrés…

Yacouba Bondé fabrique également des masques pour les coutumes. A l’en croire, le processus de fabrication des masques coutumiers est différent de celui des masques d’ornement. En effet, à partir de la brousse, le masque est directement acheminé à l’autel des ancêtres. «Si on demande un masque pour intégrer le rituel de société de masques, dès qu’on le fait en brousse, on fait appel aux anciens.

Ceux-ci à leur tour envoient les jeunes initiés qui vont prendre le masque pour le peindre à l’autel des ancêtres», explique-t-il. A la différence des masques d’ornement (sculptés dans des jeunes arbres), selon M. Bondé, les masques sacrés sont taillés dans des vieux arbres.

Dans la culture bwa de Boni, les masques sont associés aux évènements solennels tels que l’initiation des jeunes qui a lieu tous les huit ou neuf ans, la purification du village qui se passe tous les ans entre fin février et début mars, les funérailles, etc. Selon M. Bondé, dans la tradition bwa de Boni, l’invocation des masques permet d’avoir des bonnes pluies et des bonnes récoltes, de fonder un foyer et d’avoir des enfants, de protéger le village contre les maladies et les mauvais esprits, entre autres.

E. B
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