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Attaques terroristes au Sahel : Le difficile quotidien des déplacés

Publié le mardi 16 avril 2019  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Attaques terroristes au Sahel : Le difficile quotidien des déplacés
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Depuis 2015 la région du Sahel burkinabè, frontalière du Mali et du Niger, subit des attaques terroristes qui obligent les habitants à fuir pour se mettre à l’abri à Djibo dans le Soum ou à Gorom-Gorom dans l’Oudalan. S’ils arrivent ainsi à sauver leur vie, les nombreux déplacés internes sont tout de même confrontés à des difficultés d’ordre existentiel au quotidien.

Lundi 11 mars 2019, le jour s’est levé depuis plusieurs heures, dans la famille Koundaba au secteur n° 5 de Djibo. Il est 11 heures. A l’entrée de la concession, l’on est accueilli par le bêlement des moutons et des chèvres. Une centaine de personnes y vivent. Elles dorment dans une maison construite en banco, louée à 20 000 F CFA par mois.

Deux arbres ombrageux permettent aux femmes et aux enfants de se mettre à l’abri du soleil ardent du mois de mars. Des femmes s’activent pour préparer le repas de midi. A cet effet, cinq marmites sont installées sur des foyers. Tel est le quotidien de la famille Koundaba, arrivée sur les lieux depuis fin octobre 2018 de Béléhédé dans la commune de Toungomayel à 18 km de Djibo, chef-lieu de la province du Soum. Cette famille dit avoir fui les menaces, les exactions et les représailles des groupes terroristes.

A l’instar de la famille Koundaba, des milliers de Personnes déplacées internes (PDI) ont abandonné bétail, vivres, activités, fruits de plusieurs années de dur labeur pour se sauver. Avant leur fuite, les PDI ont eu des fortunes diverses. Certaines ont subi des préjudices du fait des attaques terroristes. C’est le cas de ce déplacé interne du village de Gassenay situé entre Arbinda et Déou qui a requis l’anonymat. «D’abord, mes dix vaches ont été emportées et ma moto a été retirée. Deux de mes proches ont été assassinés», précise-t-il.

«J’AI ÉTÉ MENACÉ ET LIGOTÉ»

Il a ajouté que des individus armés ont vidé des boutiques entières. «Personnellement, j’ai été menacé et ligoté avec d’autres hommes du village. Les individus armés nous ont fait comprendre qu’ils font ce qu’ils veulent. Ils disent qu’ils ne veulent pas de l’administration, de l’école, des conseillers municipaux, des maires, des imams, des téléphones portables,…», relate l’infortuné. Après leur départ, informe-t-il, ce sont les femmes qui sont venues les libérer.

Notre interlocuteur nous fait savoir que les assaillants sont revenus un autre jour et ont tiré en l’air avec différents types d’armes avant de donner un ultimatum de 72 heures aux habitants pour quitter le village. «Dès le lendemain, le village a commencé à se vider. Il n’y a plus une âme qui vit là-bas», renseigne le rescapé. Quant à la veuve Diallo Fanta (nom d’emprunt), résidente de Béléhédé, une localité de la province du Soum, elle dit avoir été témoin oculaire de l’assassinat de son mari. Venus nuitamment, raconte-elle, les terroristes ont pourchassé son époux jusqu’à l’arrière de la concession avant de tirer sur lui.

Autre localité, autre témoignage. «En une seule nuit, il y a eu quatre assassinats à Massifigui dans la commune de Tin-Akoff dans l’Oudalan. Hormis cela, des individus armés motorisés passent derrière ma concession de jour comme de nuit pour aller commettre leur sale besogne», raconte le vieux Moussa Koné (nom d’emprunt). Couturier de formation à Gorom-Gorom, Kalilou Douna et sa famille de six personnes ont accueilli son père, son oncle et bien d’autres proches avec toutes leurs familles. «Vu l’insuffisance de logements, les gens sont vraiment coincés », confie-t-il. A Djibo, Abdoul-Karim Zouré, électricien en bâtiment, s’est transformé en blanchisseur par manque d’activités. Il a accueilli 16 membres de la famille Koundaba au nom de l’amitié née entre sa grande sœur et celle-ci.

Les familles d’accueil visitées vivent les mêmes difficultés, notamment l’augmentation des charges alimentaires. Bien que certains partenaires prennent en charge ces familles d’accueil, elles peinent à vivre décemment. Pour preuve, M. Douna affirme qu’au début, la mairie a distribué 15 kg de riz et 50 kg de maïs par chef de ménage pour faciliter la prise en charge des PDI. «Malgré tout, je me débrouille avec ce que je gagne, mais je suis obligé de m’endetter pour assurer la pitance quotidienne de tout ce beau monde. Nous nous contentons d’un repas par jour parce que les ressources financières manquent pour acheter les vivres», explique Kalilou Douna.

INSUFFISANCE DE VIVRES

Concernant les PDI de Djibo et de Gorom-Gorom, les préoccupations sont les mêmes. Elles se résument à l’exiguïté des logements, l’insuffisance des vivres et des non vivres, entre autres. En clair, leur vie actuelle est nettement différente de celle menée auparavant. Certes, les services de l’action humanitaire du Soum et de l’Oudalan, avec le concours de certains partenaires tels que le PAM et Oxfam, appuient les PDI en vivres et non vivres mais les besoins sont énormes et les rangs des déplacés ne font que grossir.

Le guide communautaire, Alou Koundaba, demande à l’Etat de se pencher sérieusement sur le problème des PDI parce qu’il estime qu’elles vivent dans des conditions très difficiles. «Plusieurs ménages vivent dans une seule maison. Il y a beaucoup d’enfants, c’est serré et l’hygiène n’y est pas. Certains déplacés ont loué des maisons sans toilettes. Certes, il y a eu du soutien mais nous demandons à l’Etat de faire plus», sollicite le conseiller municipal de Béléhédé.

D’après le Directeur Provincial en charge de l’action humanitaire de l’Oudalan, les besoins pour la prise en charge des PDI de Gorom-Gorom à la date du 28 février 2019 ont été estimés à plus de 44 tonnes pour le maïs uniquement. M. Natama a, en outre, déploré le fait que cette céréale ne fasse pas partie des habitudes alimentaires des PDI. «Le manque de moyens sur tous les plans au niveau du CODESUR entrave sa mission à telle enseigne que les sorties de terrain sont compliquées», insiste-t-il.

Sur le plan éducatif, il affirme que certains enseignants du secondaire se plaignent des effectifs pléthoriques dans les classes. Mère de six enfants, Fanta Diallo qui cultivait et faisait le commerce de beignets à Béléhédé, dit être confrontée à plusieurs difficultés. «A Djibo, la vie est très dure, parce qu’il faut débourser de l’argent pour avoir ce que tu veux alors que je suis veuve et inactive», dit-elle, dépitée. Après avoir passé près de deux mois avec toute sa famille de neuf membres, l’éleveur Yacouba Douna espère que la paix et la quiétude reviendront à Gassenay afin qu’il puisse y retourner pour reprendre ses activités. Pour lui, le retour est primordial car, il est maintenant désœuvré et devenu une charge pour son fils qui peine à joindre les deux bouts.

Après plus de 30 ans passés à Massifigui, Moussa Koné souhaite avec sa famille de 12 membres retourner au Mali, précisément à Bamako parce que dans la commune de Douentza dans la région de Mopti, il y a également des groupes armés qui troublent la quiétude des populations. «S’il y a la paix, je retournerai à Pétégoli dans la commune de Baraboulé car j’y ai de la terre à cultiver et une concession», avise Salam Tao, conseiller municipal du même village.

C’est pourquoi, il propose d’abord une franche collaboration des populations avec les Forces de défense et de sécurité (FDS). Ensuite, il préconise la mise en place d’une sécurité de proximité surtout dans la bande frontalière. Pour Sadou Koundaba, une autre PDI, le gouvernement doit prendre ses responsabilités en installant l’armée sur place en permanence pour que «nous puissions y retourner». Le guide communautaire des PDI de Béléhédé à Djibo, Alou Koundaba, en plus de la sécurité, plaide pour une vraie cohésion sociale.

Près de 45 000 PDI enregistrées

Selon le directeur provincial par intérim de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire du Soum, Ali Diallo, une opération de profilage a été réalisée du 20 décembre 2018 au 15 janvier 2019 avec le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Cette opération a permis d’enregistrer 44 682 PDI issues de 6 227 ménages. 49% sont des hommes, 51 % des femmes avec 30% de leurs enfants en âge d’être scolarisés.

Ce recensement a concerné six communes sur les neuf que compte le Soum. Celles de Koutougou, Diguel et Nassoumbou n’ont pas pu faire l’objet d’enregistrement des PDI du fait de l’insécurité. Dans la province du Soum, expique M. Diallo, trois sites abritent les PDI, notamment à Djibo, Arbinda et Kelbo. «A Djibo, tous les ménages déplacés se retrouvent prioritairement dans des familles d’accueil. Cependant, certains déplacés internes sont concentrés dans les quartiers périphériques et dans les zones non loties.

A Arbinda et Kelbo, ils sont également dans des familles d’accueil ou dans les camps», ajoute-t-il. Pour ce qui concerne la province de l’Oudalan, le président du Conseil départemental de secours d’urgence et de réhabilitation (CODESUR), Anatole P. Kaboré, par ailleurs préfet de Gorom-Gorom, renseigne que la ville a accueilli à la date du 28 février 2019, 222 ménages composés de 294 hommes et 377 femmes ainsi que de 1 053 enfants dont 370 de moins de cinq ans.

Il ressort que 180 élèves sont inscrits au primaire et au secondaire avec l’appui de l’UNICEF et d’autres services techniques. Au-delà de la localité de Gorom-Gorom, certaines PDI ont également trouvé refuge dans les villages de Gosseye, Essakane et Tasmakatt. « Gorom-Gorom regroupe le plus gros lot de déplacés dans des familles d’accueil. En revanche, il y a des familles isolées qui sont logées dans des abris de fortune.

Ceux qui ont des ressources financières sont en location », indique le directeur provincial en charge de la solidarité nationale et de l’action humanitaire de l’Oudalan, Talardia Natama. Selon lui, il existe des PDI à Déou estimées, à la date du 31 janvier 2019, à 3 314 personnes (421 ménages) dont 465 hommes, 617 femmes et 2 432 enfants installés dans les écoles primaires « A » et « B » ainsi qu’au lycée de la ville.
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