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Procès du putsch : «Tirs groupés» sur le général Diendéré

Publié le jeudi 21 fevrier 2019  |  Sidwaya
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© Autre presse par Theo Renaut/AP/SIPA
Le général Gilbert Diendéré à l`aéroport de Ouagadougou, le 18 septembre 2015.
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Au Tribunal militaire de Ouagadougou, hier mercredi 20 février 2019, deux généraux ont livré leur témoignage dans le cadre du procès du putsch de 2015. Il s’agit des ex-Chefs d’état-major généraux des armées (CEMGA), Nabéré Honoré Traoré et Oumarou Sadou.

Les témoignages se suivent et se ressemblent au tribunal militaire. Le 20 février 2019 à la barre, le Chef d’état-major général des armées (CEMGA) au moment des faits, le général de division, Nabéré Honoré Traoré a, une fois de plus, confirmé la version de ses prédécesseurs. Pour avoir participé aux réunions des 16 et 17 septembre 2015, le témoin a affirmé qu’en plus des raisons données par les autres témoins qui justifient l’acte du coup d’Etat, la nomination de l’ex-Premier ministre, Yacouba Isaac Zida au grade de général de division en est une. «Certes, la hiérarchie militaire était contre cette décision mais elle a refusé d’endosser le coup de force, contrairement à ce que dit le général Diendéré», a-t-il expliqué.

A l’écouter, au moment des faits, Diendéré a soutenu que l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) a mis fin au pouvoir de la Transition en vue de le remettre à l’armée. Mais la hiérarchie a désapprouvé ce coup de force. «Nous nous sommes exprimés sans ambiguïté», a-t-il témoigné. Alors, «Golf» l’aurait supplié de le soutenir. «J’ai besoin de votre aide, de votre soutien», aurait dit le général Diendéré, selon le témoin. «Dès lors, je pressentais qu’un coup d’Etat était en téléchargement», a précisé Nabéré Traoré. Et d’ajouter que c’est à l’issue de l’échec de la médiation de la délégation (composée de l’ex-CEMGA, Pingrénoma Zagré, l’ancien SG du MDNAC, Alassane Monè, l’ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo et monseigneur Paul Ouédraogo) que Diendéré a fait savoir que le RSP compte mettre en place le Conseil national pour la démocratie (CND) et faire une déclaration.

Laquelle a été lue sans signature au vu et au su des participants à la rencontre. «On s’est demandé qui en était l’auteur mais aucune réponse n’a été donnée. Ce n’est que le lendemain que l’on a constaté à travers sa lecture à la télévision nationale qu’elle a été signée par Gilbert Diendéré. C’est en ce moment qu’on a compris qu’il s’agissait bel et bien d’un putsch», a relaté le général Traoré. «Mais pourquoi ne l’avoir pas mis aux arrêts ?», ont demandé le parquet militaire et les avocats de la partie civile. Et le témoin de répondre qu’ils n’y ont pas songé et d’ailleurs, il n’y a pas de texte qui justifierait son arrestation. «Aussi, pendant la réunion, j’ai constaté qu’ un cordon de sécurité lourd y a été instauré. Il y avait même des chars blindés. Alors, pour éviter des affrontements, on n’a pas voulu procéder à son arrestation», a expliqué l’ex-CEMGA.

Les griefs du général Diendéré

En confrontation avec le témoin, le général Diendéré a soutenu qu’il n’a jamais été question d’aller consulter la troupe. «D’ailleurs, je n’ai pas fait de va-et-vient au MDNAC. J’ai juste devancé la délégation pour aller préparer la réunion», a-t-il souligné. Pourtant, le commandant Aziz Korogo, dans sa déposition, a soutenu que le général est venu les consulter avant de repartir au ministère en charge de la défense. Pour Diendéré, la hiérarchie militaire lui aurait, dans la mollesse, fait allégeance car, à la réunion du 17 septembre, dès son entrée dans la salle, les officiers se seraient mis au garde-à-vous pour l’accueillir et même le CEMGA à l’époque, Pingrénoma Zagré lui aurait demandé de prendre «sa» place. Une version que Honoré Traoré a confirmée. Cependant, il a précisé que l’armée n’a jamais donné son aval pour le maintien de l’ordre. A ce propos, le coaccusé, Boureima Kiéré persiste et signe.

«L’armée a accompagné le coup d’Etat car le chef d’état-major de la gendarmerie et le directeur général de la police ont demandé du matériel de maintien d’ordre les 16 et 17 septembre. Ils ont souhaité une réquisition», a-t-il indiqué. Après tous ces témoignages, le parquet militaire a soutenu que l’heure de la vérité a sonné car les versions sont concordantes. «Le général a décidé de mettre fin à la Transition. Il n’était donc pas question d’une médiation. Alors comment est-ce que la hiérarchie pouvait-elle soutenir un tel acte ?», s’est demandé le procureur militaire. Mais l’accusé a rétorqué que s’il a été mêlé à cette situation, c’est parce qu’il a maintes fois réglé des crises de l’ex-RSP.

«J’ai été appelé plusieurs fois par le président Michel Kafando et le Mogho Naaba pour résoudre des crises de l’ex-RSP», a-t-il indiqué. Et le parquet de réagir que c’est parce que sa capacité de nuisance est connue qu’on lui a toujours fait appel. Pour Diendéré, s’il a expliqué les raisons de ce putsch devant la hiérarchie, c’est parce que la troupe lui aurait soumis des griefs. A contrario, les accusés Jean Florent Nion, Moussa Nebié dit Rambo, Eloi Badiel, Abdoul Aziz Korogo et Hussène Zoumbri, ont tous reconnu ne lui avoir jamais soumis des griefs. Toutefois, ils ont signalé que ces griefs existaient au sein du corps.

La «chienlit» du général Traoré

Invité par Me Aouba Zaliatou de la défense à se prononcer sur la descente des militaires des autres garnisons sur Ouagadougou, le général Traoré l’a qualifiée de « chienlit », parce que, pour lui, ils l’ont fait sans se référer à la hiérarchie. Et l’avocat de déduire que le problème n’était pas uniquement au RSP mais au sein de l’armée toute entière. Quant à l’accusé Diendéré, il a dit être fier d’entendre le témoin parler de chienlit là où lui, il avait perçu un acte d’indiscipline. A l’entendre, c’est la présence des militaires dans le gouvernement de la Transition qui a conduit à cette situation. A ce sujet, Me Aouba a dit ne pas comprendre pourquoi l’ex-Premier ministre Zida a fait un bon de 13 ans en passant de lieutenant-colonel à général de division. «Cela a frustré toute l’armée», a-t-elle mentionné.

A la suite du général Traoré, c’est un autre ex-CEMGA, Oumarou Sadou qui a été appelé à la barre. Il dit avoir également participé à la réunion du 16 septembre au MDNAC en tant que membre de la Commission de réflexion et d’aide à la décision (CRAD). Selon lui, la hiérarchie militaire a demandé qu’on libère les otages et qu’on considère la situation comme une crise et non comme un putsch. Car, a-t-il fait savoir, les coups d’Etat sont proscrits dans le règlement militaire. Dans la quête de solutions, selon les explications du témoin, une délégation est allée rencontrer les éléments de l’ex-RSP et a rapporté qu’ils n’étaient pas prêts à faire marche arrière.

C’est en ce moment que la hiérarchie militaire leur a demandé d’assumer leurs actes et les conséquences éventuelles. Les accusés Kiéré et Diendéré n’ont rien trouvé à redire après la déposition de l’ex-CEMGA Sadou. Pour eux, ce témoignage corrobore ce qu’ils avaient déclaré à la barre. Mais le parquet s’est demandé si le général Diendéré a bien compris la déposition du témoin. Celui-ci parle «d’assumer leurs actes et leurs conséquences», alors que pour Diendéré, il s’agissait «d’assumer la vacance du pouvoir», a fait observer le ministère public. «Peut-être que nous n’avons pas eu la même compréhension ce jour», a nuancé le général Diendéré. Quant à la partie civile, elle a félicité le général Sadou pour la clarté de son témoignage. Son audition se poursuit le vendredi 22 février à 9h.

Fleur BIRBA
Mady KABRE
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