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Fondation Commandant Amadou Sawadogo: un espace pour faire revivre la mémoire du disparu

Publié le mercredi 13 fevrier 2019  |  FasoZine
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© Autre presse par DR
La Fondation Commandant Amadou Sawadogo
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Victime d’un attentat survenu le 18 juillet 1984 et non encore élucidé, le commandant Amadou Sawadogo rend l’âme le 7 août 1984. Ses proches ont choisi de perpétuer sa mémoire à travers la Fondation Commandant Amadou Sawadogo pour l’humanité, portée sur les fonts baptismaux le 7 août 2014.


La députée Marie Rose Sawadogo née Ouédraogo est l’épouse du commandant Amadou Sawadogo. Elle s’est promis d’honorer la mémoire de l’officier de l’armée burkinabè mort dans des conditions non encore élucidées. «J’ai pensé à un salon d’été, un bar pâtisserie du nom de «Délices d’As», qui signifie les délices d’Amadou Sawadogo, où les jeunes se réunissaient. C’était pour moi une manière de perpétuer la mémoire du commandant», affirme Mme Sawadogo. Le 7 août 2014, lors du trentième anniversaire de décès de son époux, ses deux enfants et elle décident de créer la «Fondation Commandant Amadou Sawadogo pour l’humanité».

Située dans le quartier de la Patte d’Oie à Ouagadougou, cette fondation fonctionne sur fonds propres et a pour objectif de promouvoir l’idéal d’Amadou Sawadogo. «Le commandant était un humaniste qui détestait que le plus fort puisse asservir le plus faible. Il avait des valeurs de justesse, de cohésion et de paix. Alors, avec mes enfants, nous nous sommes dit que nous pouvions créer cette fondation qui serait un espace où des jeunes pourront venir lire. Nous avons mis en place une bibliothèque qui leur permet de discuter et d’étudier», explique Marie Rose Sawadogo, la voix nouée par l’émotion.

De ce fait, la fondation mène des actions et activités en faveur de la justice et de la paix, en faveur des plus démunis… Elle sensibilise le grand public et particulièrement les jeunes à travers des formations, des conférences, des appuis aux chercheurs qui se penchent sur les thèmes et valeurs prônées par la fondation. Et conformément à sa ligne directrice, elle organise des concours sur le civisme et décerne des prix à ceux qui se font remarquer comme exemples de civisme et de «burkindlim» (un concept en langue nationale mooré qui globalise intégrité, honnêteté, loyauté, nationalisme et sens du bien commun).

Enfin, la Fondation commandant Amadou Sawadogo pour l’humanité s’est donné pour mission de soutenir les organisations communautaires poursuivant les mêmes objectifs en collaboration avec les services publics et privés dans l’atteinte de leurs objectifs, et de promouvoir les mêmes idéaux en soutien aux efforts régionaux et mondiaux en faveur de l’humanité.

La bibliothèque de la Fondation commandant Amadou Sawadogo pour l’humanité est fréquentée par la frange jeune mais aussi par l’armée. Dans ses rayons, plusieurs centaines de livres sur la vie en société, le social, la politique et l’histoire de la Haute-Volta, des livres en anglais, en allemand…

Au sein de cette fondation, des formations sont dispensées. «L’an dernier, lors du trente-troisième anniversaire de son décès, il y a eu une formation sur la prise de parole: comment être un orateur et pouvoir s’exprimer», confie Mme Sawadogo.

A toutes ces activités, s’ajoute l’octroi de crédits, notamment aux jeunes et aux femmes afin de les aider à mener des activités génératrices de revenus. «Actuellement, il y a un gros problème avec le chômage de jeunes. Ces crédits leur permettent de se prendre en charge parce que c’est lorsqu’on n’arrive pas à se prendre en charge qu’il y a toute cette révolte», souligne la fille de feu Gérard Kango Ouédraogo, ancien Premier ministre du Burkina Faso.

Les promoteurs de la fondation espèrent mettre bientôt en place une salle de jeu et installer la connexion internet afin de permettre aux visiteurs d’approfondir leurs recherches. Elle ambitionne aussi d’initier des formations sur la cohésion pacifique, l’extrémisme violent, la citoyenneté.

Tout cela, «dans le but de leur faire comprendre qu’un pays ne se bâtit pas sur la violence mais sur une cohésion de l’ensemble de sa couche sociale, et spécifiquement sur les jeunes qui représentent l’avenir».

Une mort non encore élucidée

Fils d’un ancien militaire et ancien combattant, le commandant Amadou Sawadogo est né le 18 décembre 1947 dans la province du Yatenga. Il était, si l’on en croit son épouse, Marie Rose Sawadogo, députée à l’Assemblée nationale, un ami fidèle des anciens présidents Thomas Sankara et Blaise Compaoré. Trente-quatre ans après l’attentat qui lui a coûté la vie, les questions qui taraudent l’esprit de son épouse et de ses enfants sur les motifs réels de ce meurtre restent sans réponses.

«Des hommes armés de kalachnikov et de balles incendiaires lui ont tiré dessus. Il a été touché du côté gauche du cerveau, de l’œil et du bras. Mais avec sa solide formation de commando, il est arrivé à éteindre le moteur de la voiture pour éviter qu’elle explose. Il était avec ma belle-sœur (la femme de mon grand frère)», se rappelle encore sa veuve, Marie Rose Sawadogo. Le drame a eu lieu le 18 juillet 1984 à 20h55 mn au niveau du barrage N°3 (route de Ziniaré). L’ancien pensionnaire de l’Ecole militaire préparatoire de Saint-Louis, au Sénégal, succombera à l’hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce à Paris, le 7 août de la même année.

Qu’est-ce qui était reproché à ce brillant officier, également passé par l’Ecole d’officiers d’Aix-en-Provence et l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, en France? Sa veuve, qui séjournait au Niger au moment des faits, se pose aussi la question. «Mon mari était populaire dans l’armée. Certains pensaient peut-être qu’il allait faire un coup d’Etat pour rétablir son beau-père (Gérard Kango Ouédraogo, Ndlr). Mais mon mari ne faisait pas de politique. Il disait qu’il était militaire et que le militaire ne fait pas de la politique. Il y a eu beaucoup de supputations. Trente-quatre ans après sa mort, personne ne peut me situer sur ce meurtre. C’est ce qui est douloureux.»

Une plainte a été déposée «contre X». Sans suite pour l’instant. «Au contraire, souligne Marie-Rose Sawadogo, on me faisait suivre pour m’intimider. Mais je ne cédais pas à ces intimidations.» Et de poursuivre: «Je me suis adressée au MBDHP (Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples, Ndlr), ils ont pris un avocat pour suivre le dossier et cela n’a pas abouti. Le dossier été classé. Pourtant, comme c’était un crime, il ne devrait pas être classé!»

A l’époque, Mme Sawadogo avait rencontré le «père de la Révolution», Thomas Sankara. «Deux mois avant la mort de Sankara, j’ai décidé d’aller lui cracher mon venin. Blaise Compaoré et lui étaient les amis de mon mari. C’est sous la présidence de Sankara que mon mari est mort. J’étais très fâchée contre Sankara et il le savait. Cette rencontre a été très houleuse parce que j’ai déversé sur lui tout mon ressentiment, toute ma colère. Je lui ai dit qu’il est inadmissible que, sous son régime, mon mari disparaisse comme cela. La rencontre s’est très mal passée. Lorsqu’il avait été arrêté et devrait être éliminé, mon mari s’y est opposé. Je lui ai dit qu’après ce que mon mari a fait pour lui, il n’a pas été reconnaissant. Je lui aurais juré que s’il était mêlé à la mort du commandant, il serait tué et enterré comme un chien! Ce fut notre dernière rencontre», explique la députée.

Mère d’un garçon de 38 ans et d’une fille de 36 ans, vivant tous deux à Montréal, au Canada, la fille de feu Gérard Kango Ouédraogo veut savoir toute la vérité sur la mort de son époux. «Avant de mourir, je demande à Dieu de me faire savoir ce qui s’est passé. Pourquoi l’a-t-on tué? C’est une interrogation permanente pour mes enfants et moi. On veut savoir ce qui s’est réellement passé», conclut dame Sawadogo.



Ylkohanno Somé
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