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Procès du putsch manqué : Quand les soldats Jean Florent Nion et Eloi Badiel chargent Diendéré

Publié le mardi 22 janvier 2019  |  Le Pays
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© Autre presse par Theo Renaut/AP/SIPA
Le général Gilbert Diendéré à l`aéroport de Ouagadougou, le 18 septembre 2015.
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L’adjudant Jean Florent Nion et son co-accusé, l’adjudant-chef major Eloi Badiel, ont débuté leur interrogatoire complémentaire le 21 janvier 2019 à la barre du Tribunal militaire. Accusés d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, incitation à commettre des actes contraires à la discipline militaire, ils se sont insurgés contre les propos du général Diendéré à la barre en novembre 2018, qui disait tout ignorer du coup d’Etat avant le 16 septembre 2015. Pour eux, c’est ce dernier qui a bel et bien donné les ordres. Eux, ils n’ont fait qu’exécuter.

« Je n’ai ni commandité, ni planifié, ni organisé, ni exécuté ce que d’aucuns appellent coup d’Etat, même si certains des actes que j’ai posés à ce moment pourraient m’être reprochés. J’ai juste pris mes responsabilités et celles des sages, vu l’incapacité de l’armée à gérer la crise qui prévalait au sein du Régiment de sécurité présidentielle et de l’armée en général », disait le général Gilbert Diendéré devant la barre du Tribunal militaire le 26 novembre 2018. Cette ligne de défense de celui-là même que d’aucuns considéraient comme le cerveau du putsch manqué de septembre 2015 et jours suivants, n’a pas été bien accueillie par certains co-accusés appelés à la barre pour un interrogatoire complémentaire. En effet, après le passage à la barre de tous les accusés présents, 5 ont été appelés pour comparaître afin d’éclairer le tribunal sur certains aspects de leurs déclarations ou celles de leurs co-accusés. Deux d’entre eux ont clarifié leur position hier, 21 janvier 2019.

Il s’agit de l’adjudant-chef major Eloi Badiel et de l’adjudant Jean Florent Nion. Ils sont tous accusés d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, incitation à commettre des actes contraires à la discipline militaire, dans l’affaire dite du coup d’Etat du 16 septembre 2015 et jours suivants. L’adjudant-chef major Eloi Badiel a été le premier à être appelé au prétoire pour confirmer ou infirmer ses déclarations tenues lors de sa comparution les 9 et 10 juillet 2018. « Beaucoup de choses ont été dites ici à la barre. Quand on écoute, c’est comme si c’est moi qui ai organisé l’enlèvement des autorités.

Même si je reconnais avoir donné des ordres à certains soldats, les ordres sont venus d’ailleurs », a-t-il dit. Il en veut pour preuve l’ordre d’aller interrompre les activités des émetteurs dans la soirée du 16 septembre 2015. A l’en croire, l’ordre est venu du capitaine Abdoulaye Dao. Ce jour-là, a expliqué l’accusé, vers 18h, « j’ai reçu l’appel du capitaine Dao me demandant de joindre au téléphone Moussa Nébié pour aller interrompre le fonctionnement des émetteurs au quartier Gounghin ». Comme ce dernier était injoignable, il rend compte à son supérieur qui lui enjoint encore une fois d’appeler Lamoussa Badoun. Ordre lui avait également été donné de trouver un véhicule.

C’est ainsi qu’il trouve un véhicule de marque Mercedes banalisé. Une fois à Gounghin, l’équipe envoyée en mission se rend compte que l’émetteur n’y est plus, mais se trouvait désormais à Kamboinsin. Toujours selon les explications de l’adjudant-chef major Eloi Badiel, le capitaine Dao instruit, par son intermédiaire, l’équipe de continuer à Kamboinsin pour arrêter les émetteurs. Une fois cette mission terminée, la même équipe fut chargée, sur son initiative, de faire taire la radio Omega à Gounghin.

Ce qui fut fait. Après le passage de celui qui était considéré comme l’un des éléments chargés des opérations sur le terrain le 15 septembre 2015 et jours suivants, l’adjudant Jean Florent Nion est appelé à la barre pour les mêmes raisons que le premier, c’est-à-dire infirmer ou confirmer ses propos tenus les 2 et 3 juillet 2018. «Je maintiens mes propos.

Merci monsieur le président de m’avoir donné l’occasion encore une fois de m’exprimer. J’ai écouté ce que le général Diendéré a eu à dire : « Je n’ai ni commandité, ni planifié, ni organisé, ni exécuté ce que d’aucuns appellent coup d’Etat. Je m’inscris en faux. Là où je suis d’accord avec lui, c’est qu’il n’a pas exécuté le coup d’Etat ». Mais il a donné des ordres. J’ai saigné en moi quand je l’ai entendu parler à la barre », a relevé l’adjudant Jean Florent Nion avant de souligner que le sergent Roger Koussoubé joue à un jeu dangereux parce qu’il tente de protéger le général Diendéré.

Selon ses dires, il dormait lorsque Eloi Badiel et Roger Koussoubé sont venus à son poste de garde. Eloi Badiel a alors demandé à Roger Koussoubé de reprendre ce que le général Diendéré avait instruit de faire, à savoir un coup d’Etat. « Personne ne savait qu’il y avait un coup d’Etat. Quand j’ai eu l’information, j’ai eu le réflexe d’envoyer un message téléphonique au général Diendéré. Il a répondu qu’il était à son domicile et que par conséquent, je pouvais passer », a révélé le prévenu. Pouvez-vous nous parler davantage de l’argent reçu grâce à votre ami qui est en Côte d’Ivoire, interroge le parquet ? « Ce n’était pas 1,9 million de F CFA comme les autres l’ont dit, mais 2 millions de F CFA.

Ce sont les frais d’envoi qui ont réduit les montants », a-t-il dit avant de revenir sur les circonstances dans lesquelles l’argent avait été envoyé. Il dit avoir connu des personnalités du Burkina et d’ailleurs qui pouvaient lui confier 100, 200, 300, 500 millions de CFA, voire plus. Selon ses dires, le 16 septembre 2015, il était allé boire avec d’autres soldats et des civils. C’est à ce moment que son ami qui vit en Côte d’Ivoire l’a appelé pour savoir comment il allait. « Je lui ai répondu que ça ne va pas parce que toutes les banques étaient fermées », se souvient Jean Florent Nion. C’est ainsi que ce bienfaiteur s’est proposé d’envoyer de l’aide à chacun d’entre eux, y compris les civils qu’il dit ne plus reconnaître. « Un président qui était à Ouagadougou le 18 septembre 2015, m’a aussi donné 3 millions de F CFA. Vous, vous dites que c’était pour soutenir le coup d’Etat ? ».

A la question du parquet militaire de savoir pourquoi l’accusé avait caché certaines informations au cours de la procédure, Jean Florent Nion répond : « On nous a enseigné que lorsque tu te fais des ennemis, tu ne dois jamais te dévoiler. Je pensais que lorsque le général Diendéré allait venir, il allait tout révéler. Mais il dit que c’était un mouvement d’humeur. Ce qui s’est passé était plus sérieux qu’un mouvement d’humeur. Je ne suis pas en train de charger quelqu’un. Je ne suis pas non plus en train de mentir sur quelqu’un », a-t-il laissé entendre avant d’avouer qu’il a peur du général Diendéré, mais il est obligé de dire la vérité même si elle peut faire mal. « J’ai peur du général, mais je ne peux pas mentir. J’ai 24 ans de service. Je suis venu le trouver. En 2014, j’avais environ 20 ans de service aux côtés de Blaise Compaoré. J’ai appris à le connaître. Je ne suis pas le seul à avoir peur de lui ». Vous avez dit qu’après chaque passage à la barre, il y a des flèches. « C’est quoi les flèches ?», reprit le ministère public. « Lorsque tu viens à la barre et que tu cites le nom de quelqu’un, ils se concertent pour te charger », répond l’accusé. Notons que les avocats de la défense, contrairement aux autres jours, n’ont pas été tendres envers les autres co-accusés dans la défense de leurs clients. Chacun y est allé de ses moyens pour trouver des éléments à décharges au profit de ses clients, quitte à incriminer les autres accusés, notamment le général Diendéré.

Issa SIGUIRE
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