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Adama Ouédraogo Damiss: « Tous ces gens qui se réclamaient défenseurs de la Loi fondamentale en étaient finalement les premiers fossoyeurs »

Publié le vendredi 12 octobre 2018  |  netafrique.net
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© FasoZine par DR
Le journaliste Adama Ouédraogo Damiss
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Propos résumés du journaliste Adama Ouédraogo Damiss, directeur de publication du journal Le Dossier à la barre du tribunal militaire le 09 octobre 2018.

Monsieur le Président, honorables membres du jury, je vais vous donner un exemple concret pour illustrer mes propos.​Le 31 octobre 2014, j’étais sur le terrain en reportage lorsque j’ai appris que des militaires et des civils sont en concertation au camp Guillaume de Ouaga.

Le chef d’état-major général des armées, le général Honoré Nabéré Traoré, venait de proclamer la fin du régime de Blaise Compaoré et la mise en place d’une Transition. Alors je me suis déplacé au Camp Guillaume pour savoir ce qui s’y passe. Sur place, j’ai vu en effet des militaires, un officier en tenue « Léopard » et un autre en « Terre du Burkina » et des civils notamment Me Guy Hervé Kam et le Pr Augustin Loada.

Ils se concertaient. J’y étais en tant que spectateur tout comme la nuit du 16 septembre 2015 quand je me suis retrouvé dans une enceinte militaire, notamment au camp Naaba Kom. Pour moi, c’était une concertation pour aller passer le message du général Honoré Traoré, nouveau chef de l’Etat aux manifestants regroupés à la Place de la Nation. C’est par la suite, après la lecture d’un communiqué à la place de la Nation que je me suis rendu compte que Me Kam et Cie échangeaient pour faire un contre coup d’Etat.

Oui, Monsieur le président, le 31 octobre 2014, j’étais au camp Guillaume où j’ai assisté en direct, sans le savoir, au coup d’Etat fomenté par des militaires et des leaders d’OSC dont Me Guy Hervé Kam, avocat de la partie civile dans ce procès, défenseur acharné, parait-il, du respect de la Constitution qui n’ignorait pas qu’en cas de vacance du pouvoir il faut appliquer l’article 43 de la Loi fondamentale. Du reste, l’ex-président Blaise Compaoré en rendant sa démission avait lui-même demandé dans sa lettre l’application de l’article 43 de la Constitution qui définit la succession en cas de vacances. Nulle part, il n’est écrit dans les lois burkinabè que l’on peut contraindre un président démocratiquement élu à quitter ses fonctions par la rue puis se concerter
entre civils et militaires pour prendre le pouvoir. Certes, il y avait une confusion parce que le gouvernement n’était pas là pour qu’on examine par une saisine du Conseil constitutionnel la question de l’article 43 de la Constitution. Mais à partir du moment où les hommes politiques n’étaient pas opposés à ce que l’armée en tant qu’institution la mieux organisée de notre société assure la continuité de l’Etat, on était dans une situation de compromis politique de fait qui permet au chef d’état-major général d’alors d’être chef de l’Etat.

Mais en lieu et place, Me Kam et bien d’autres éminents juristes se sont concertés pour prendre le pouvoir ou soutenir un militaire du RSP, en l’occurrence un lieutenant colonel, qui a renversé un général par la force.

J’étais là ce jour-là en tant que journaliste et donc spectateur. J’y étais pour m’informer. Je n’avais pas connaissance au préalable de ce qui se tramait. Suis-je complice de ce coup d’Etat du 31 octobre 2014 dont Me Kam est un des cerceaux ? Je connais même les auteurs de la rédaction de ce discours de coup d’Etat à un régime légal. Suis-je complice de ce forfait? Assurément que non. S’il y a des poursuites un jour contre les officiers et les civils qui ont fait ce coup d’Etat, serai-je aussi poursuivi pour attentat ou complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat ? C’est ce cas de figure qui se pose devant vous aujourd’hui à la barre. J’étais au camp Naba Koom comme journaliste et comme spectateur tout comme j’étais au camp Guillaume le 31 octobre quand Me Kam faisait son coup d’Etat. Je n’y étais pas en connaissance de cause ou pour soutenir qui que ce soit, j’y étais juste en tant que journaliste. Il y a des photos pour l’attester.(Je précise que la première photo n’est pas la mienne, les autres oui.)
Au-delà de tout ça, Monsieur le Président, est-ce que le fait d’aller à Naba Koom est une infraction pénale ? Si c’est le cas, arrêtons cette audition, qu’on m’amène à la place de la Nation, qu’on m’accroche à un croc de boucher et qu’on me pende.

A la faveur de l’insurrection, j’ai personnellement cru que cette fois, on allait refonder la société burkinabè et renforcer la démocratie. A ma grande surprise, ceux –là qui se présentaient comme les chantres de ce renouveau démocratique se sont révélés être des démagogues. Après les incendies des difices publics, des biens publics et privés, des gens ont profité opérer un coup d’Etat, mis de côté la Constitution et procéder à un recrutement de chef d’Etat. C’est cela qu’on a appelé le compromis politique. Mais avant ce compromis politique, il y a eu violation de la Constitution alors que les marches contre l’article 37, c’était, dit-on, pour défendre cette Constitution, pour défendre la démocratie.
Tous ces gens qui se réclamaient défenseurs de la Loi fondamentale en étaient finalement les premiers fossoyeurs.
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