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Sidwaya N° 7479 du 14/8/2013

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Programme Saaga : le budget 2013 n’est pas encore en place
Publié le mercredi 14 aout 2013   |  Sidwaya


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© Autre presse par DR
le colonel Kounsaouma Palenfo


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Avec une augmentation de l’offre hydrique de plus de 12%, le programme Saaga est plus que vital pour le Burkina. Mais après sa mise en place 1998, que devient-il ? A-t-il encore les moyens financiers de poursuivre ses activités ? Ce sont autant de questions auxquelles le coordonnateur national du programme, le colonel Kounsaouma Palenfo a donné des réponses à travers cet entretien réalisé, le 15 juillet 2013, à Ouagadougou.

Carrefour Africain (C.A) : Que devient le programme Saaga ?

Kounsaouma Palenfo(K.P) : Le programme Saaga existe bel et bien et le faire connaitre est l’un de nos objectifs majeurs. Nous avons en projet une campagne de communication et d’information sur les activités et la contribution du programme Saaga au développement socio-économique du Burkina Faso.

C.A : A quelle période débute normalement l’opération Saaga ?

K.P : Je comprends que vous voulez parler des opérations d’ensemencement. Sinon le programme Saaga est permanent. Normalement nos activités opérationnelles saisonnières débutent en mi-mai et les dispositions ont été prises à bonne date à cet effet.

C.A : Pourquoi malgré l’installation tardive de la pluie en début de saison hivernale, l’opération Saaga n’a-t-elle pas réagi ?

K.P : Vous savez, les opérations d’ensemencements c’est toute une logistique et une organisation qui demandent une planification et des moyens. Depuis la mi-mai, toutes nos structures sont prêtes. Mais les opérations d’ensemencement n’ont pas commencé, par manque de moyens. Jusqu’à l’heure où je vous parle (15 juillet 2013), notre budget 2013 n’est pas mis en place. Cet retard est dû, semble-t-il, à des problèmes administratifs liés à la mise en place du nouveau gouvernement qui a consacré la scission de l’ancien ministère en charge de l’Agriculture et de l’Eau en deux ministères distincts avec la création d’un nouveau Ministère en charge de l’eau dont nous dépendons. Dans tous les cas, les autorités du ministère sont sensibles à cet état de fait et nous espèrerons que la situation sera débloquée dans les jours à venir. Sinon le personnel est prêt.

C.A : En 2011 la campagne agricole a été catastrophique à cause de la mauvaise pluviométrie. Les Burkinabè n’ont pas senti le programme Saaga. Pourquoi ?

K.P : En 2011 le programme Saaga a travaillé comme les années précédentes et je peux dire que c’est l’une des raisons qui a fait que la saison n’a pas été aussi catastrophique que cela. Les activités d’ensemencement sont tributaires des conditions météorologiques et avec les changements climatiques, nous aussi, nous subissons le coup parce qu’il faut que les conditions soient réunies pour que l’intervention se fasse. Vous avez parfois des cellules nuageuses qui sont bien formées mais avec l’effet du vent, elles se désagrègent. Notre rôle est d’anticiper pour traiter ces cellules. Mais s’il n’y a pas de cellule, vous comprendrez que Saaga ne peut intervenir. Nos agents veillent nuit et jour pour guetter les cellules et les traiter comme un dispositif de défense anti-aérienne. Généralement pour les cellules nuageuses (lignes de grain) qui passent la nuit, il y a des générateurs installés dans des sites (plus d’une trentaine) qu’on actionne afin d´augmenter les précipitations. Pour les cellules nuageuses de jour on emploie l’avion.

C.A : Combien coûte l’opération Saaga à l’Etat burkinabè ?

K.P : Chaque année, nous avons autour de 500 millions FCFA. Ce financement sert au fonctionnement du programme, vu que c’est nous qui payons le personnel, le carburant pour les avions, les produits d’ensemencement, les primes des gens qui travaillent avec nous et l’équipement des générateurs au sol. En plus, comme je l’ai dit plus haut, nous devons assurer la formation et la mise à niveau du personnel de même que la maintenance du matériel technique (radars, avions et équipement de mesure etc), et le financement des études scientifiques que nous commandons.

C.A : Il se dit que l’opération Saaga n’a plus les moyens de se poursuivre. Est-ce vrai ?

K.P : Je ne sais pas qui le dit ? Mais ce qu’il faut savoir c’est que le programme Saaga est financé par le budget de l’Etat et jusqu’à présent je n’ai pas encore entendu cela de la bouche de l’autorité de tutelle. C’est vrai que pour atteindre nos objectifs stratégiques et faire du programme Saaga un programme sous- régional, il nous faut plus de moyens, mais dire que le Programme Saaga n’a pas les moyens de se poursuivre est un peu trop oser. Nous pensons que si l’Etat a consenti à investir autant de moyens pour acquérir du matériel technique aussi coûteux, ce n’est pas pour s’arrêter en si bon chemin. On a certes un problème de moyens financiers étant donné que nous émargeons au budget de l’Etat. Mais cela est dû aussi au fait que nous avons des ambitions. Nous avons pour ambition par exemple de diversifier nos activités en contribuant à la prévention des catastrophes naturelles et en procédant aux mesures par exemple du taux de pollution atmosphérique. Il faut dire que les fonds qui nous sont alloués ne nous suffisent pas parce qu’il y a du personnel spécialisé qui a besoin d’une formation, il y a le carburant à assurer, l’entretien des radars et leur réparation. La preuve, on a notre radar de Ouagadougou qui est en panne depuis 2010. Nous avons essayé de le réparer mais c’est très coûteux. On comptait sur le budget de cette année (2013) pour la réparation et on avait même pris des contacts avec nos partenaires américains. En principe, ils devraient être là et rendre le radar opérationnel mais faute de moyens, la situation est en stand-by.


C.A : Comment se déroule le processus d’ensemencement des nuages ?

K.P : Nous avons deux modes d’intervention : le vecteur aérien (avec les avions) et le vecteur terrestre (avec les générateurs).
L’ensemencement avec les générateurs au sol consiste à installer une cheminée et une bonbonne d’air d’oxygène sur une élévation (les reliefs les plus élevés). On fait un mélange d’acide acétone avec de l’iodure d’argent qui se consume au contact de l’oxygène. La zone d’influence du générateur est de 30 km à partir de sa position. Des météorologues basés à Ouagadougou surveillent la position des masses nuageuses (radars et satellites). Si les conditions sont réunies (présence de nuages), ils alertent les opérateurs de site. Une fois que l’opérateur (l’agent de site que le programme Saaga recrute temporairement) est alerté, il actionne la bonbonnière, l’oxygène en contact avec l’acétone s’enflamme et brûle et c’est la fumée qui se dégage de ce mélange qui provoque la condensation au niveau des nuages. En fait, ce mélange tend à alourdir les nuages (plus les gouttelettes d´eau grossissent, plus elles deviennent lourdes) qui retombent sous forme de pluie. Mais on a besoin d’allumer ce dispositif deux heures avant le passage des nuages, ceci pour permettre au produit d’aller plus haut au contact des nuages. Lorsqu’il commence à précipiter, les opérateurs de site coupent le générateur.
Pour l’ensemencement avec le vecteur aérien, on utilise deux produits : l’iodure d’argent (Agl) et le sodium (NaCl) : pour ce qui est du sodium, il s’agit en réalité de sel de cuisine conditionné dans des cartouches (sels hygroscopiques) qu’on allume une fois qu’on est sous la base du nuage. Concernant l’iodure d’argent, on a besoin des températures négatives (-5 ; -6 ;-7) et pour cela, il faut aller en altitude, une fois qu’on atteint la température -5 ou -7 degré, on pénètre le nuage à ce niveau, on actionne le dispositif monté sous l’avion et on éjecte l’iodure d’argent dans les nuages. Ce produit fait alourdir le nuage et lui permet de tomber sous forme de pluie.

C.A : Où sont situés les sites de générateurs ?

K.P : L’opération Saaga a commencé en 1998 suite à un déficit pluviométrique et le but était de remplir les barrages de la ville de Ouagadougou et les barrages hydroélectriques. Dans cette optique, on a installé plus d’une trentaine de sites composés de générateurs au sol, 80 km de rayon autour de Ouagadougou (nord-est et au sud-ouest de Ouagadougou). Par ailleurs, le programme Saaga intervient sur l’ensemble du territoire par le vecteur aérien.

C.A : L’utilisation de produits chimiques n’a-t-elle pas de conséquences sur l’environnement ?

K.P : Pour l’instant, aucune conséquence sur l’environnement n’a été constatée. On a fait une étude environnementale à travers laquelle il est ressorti qu’il n’y a aucun danger. Avec les scientifiques, des prélèvements ont été faits pour mener des études mais pour l’instant il n’y a pas un impact dangereux pour l’homme et la nature.

C.A : L’opération Saaga a-t-elle toujours les résultats escomptés ?

K.P : Bien sûr et il y a des études qui ont été menées et qui ont montré que le programme Saaga a contribué à l’offre hydrique pour plus de 12%. En réalité, on ne peut pas voir l’action du programme Saaga parce que nos activités coïncident avec la saison hivernale et même lorsqu’il pleut, il est difficile pour les Burkinabè de savoir si c’est le programme Saaga qui est à l’origine.
Vous avez tantôt parlé d’installation tardive de la saison, c’est peut-être parce que le programme Saaga n’a pas eu les moyens d’intervenir que cela a été remarqué. Nous aurions intervenu que la saison se serait peut-être installée normalement en juin et personne n’aurait dit que c’est grâce au programme Saaga. Ce qui est sûr, nous intervenons systématiquement lorsque les conditions sont favorables.
Nous pensons donc que le programme Saaga contribue substantiellement à l’augmentation de l’offre hydrique. A mon avis cette installation tardive de la saison hivernale due au fait que nous n’avons pas pu intervenir alors qu’il y avait des conditions favorables est une preuve que nos interventions ont des résultats positifs.

C.A : Qu’en est-il du partenariat avec le Royaume du Maroc ?

K.P : Le partenariat avec le Royaume du Maroc se porte bien. Les Marocains nous soutiennent toujours par leurs conseils avisés. En plus ils peuvent nous aider à faire du lobbying en direction de certains instituts ou groupes scientifiques. Sur le plan conseil, lorsque nous avons des préoccupations, nous sollicitons les Marocains qui ont été les précurseurs de l’opération au Burkina Faso. Et même s’il y a des besoins en formation, ils sont sollicités.

C.A : Les changements climatiques ont-ils un impact sur le déroulement du programme Saaga ?

K.P : Evidemment que oui et je vous ai dit plus haut comment se font les opérations d’ensemencement.
En réalité, il faut qu’il y ait des nuages avant de procéder à l’ensemencement de ceux-ci. Le programme Saaga aide en quelque sorte les cellules nuageuses à se former rapidement et à tomber sous forme de pluie. Or, les changements climatiques jouent sur la formation des nuages.

C.A : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la mise en œuvre du programme Saaga ?

K.P : Le problème fondamental, c’est la mise en place tardive du budget qui ne nous permet jamais de respecter notre planning annuel par manque de moyens financiers conséquents.

C.A : Qu’en est-il du personnel du programme Saaga ?

K.P : Nous avons deux types de personnel : en premier lieu, les permanents. Il s’agit de l’administration composée de deux cellules : la cellule scientifique où il y a les météorologues et les pilotes.
La cellule logistique avec le personnel technique. En second lieu, il y a les saisonniers (ceux qui sont sur les sites) car on n’a pas les moyens de former et de maintenir ce personnel permanemment. Je profite de l’occasion pour remercier tout ce personnel pour son don de soi. Vous savez que ce travail est très contraignant et dangereux surtout pour les équipages dans les vecteurs aériens. En effet, c’est le nuage que le pilote évite en temps normal que nos pilotes doivent traquer et ensemencer en passant au plus près. Cela nécessite savoir-faire, maitrise et courage.

C.A : Quelles sont les perspectives ?

K.P : Nos perspectives pour l’atteinte des objectifs stratégiques sont :
La mise en œuvre du projet de développement et de valorisation du programme Saaga par l’élaboration d’un plan stratégique.
Ce projet a pour objectifs spécifiques de renforcer par la recherche et la formation continue les capacités scientifiques du programme dans la perspective d’une amélioration et d’une diversification des services et des produits qu’il offre à la communauté.
Ce projet permet aussi de valoriser l’expertise et l’expérience du programme dans la perspective d’en faire un programme sous régional sur la modification artificielle du temps en Afrique de l’Ouest.
En outre, nous ambitionnons mettre en place une stratégie de communication adéquate pour donner plus de visibilité aux actions du programme Saaga et relancer les démarches sur la généralisation d’un programme sous régional dans le cadre du CILSSS.
Enfin nous avons en vue l’installation de générateurs sur l’ensemble du territoire, mais avant, nous allons mener une étude pour voir si l’effet des générateurs est efficace. Autrement dit si le positionnement actuel des différents générateurs est meilleur.


Interview réalisée par Souleymane KANAZOE

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