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Sidwaya N° 7477 du 12/8/2013

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Amadou Diemdioda Dicko, ministre délégué en charge de l’alphabétisation : « Les foyers coraniques peuvent faire évoluer notre taux d’alphabétisation ou de scolarisation »
Publié le lundi 12 aout 2013   |  Sidwaya


Le
© Autre presse par DR
Le ministre délégué en charge de l’alphabétisation, Amadou Diemdioda Dicko


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Aujourd’hui débute à Ouagadougou, les Journées de réflexion sur les foyers coraniques. Pendant 72 heures, les participants vont réfléchir à la contribution de ces écoles dans le système éducatif au Burkina Faso. En prélude à ce forum, une équipe des Editions Sidwaya s’est entretenue le vendredi 9 août 2013 avec le ministre délégué en charge de l’alphabétisation, Amadou Diemdioda Dicko, qui nous parle des enjeux de ces journées et les perspectives pour ces foyers.

Sidwaya (S.) : Demain débutent les Journées de réflexion sur les foyers coraniques sur le thème : « La problématique des foyers coraniques, enjeux et perspectives pour leur prise en compte dans l’organisation du système éducatif au Burkina Faso ». Quel est l’objectif visé à travers ces journées ?

Amadou Diemdioda Dicko (A.D.D.) : Je vous remercie pour l’intérêt que vous portez pour ce sujet. Notre premier objectif est de promouvoir l’éducation pour tous quel qu’en soit l’âge de la personne. Mais, les plus importants, ce sont les jeunes car c’est un problème que nous rencontrons de plus en plus. Lorsque vous arrivez dans les carrefours de nos grandes villes, vous êtes agressé par des enfants qui, tenant une boîte, qui, tenant je ne sais quoi, vous regardent en invoquant Dieu pour leur servir quelque chose. C’est pourquoi, nous nous sommes dit qu’il était de notre devoir d’aider ses enfants à quitter la rue car elle n’est pas faite pour éduquer des enfants. Et c’est pourquoi, nous avons décidé de réfléchir avec la communauté musulmane, les partenaires techniques et financiers, pour régler ce cas qui est non seulement une nécessité absolue mais également une question de justice. Et c’est aussi une occasion pour nous de séparer les vrais des faux. Parce qu’il y a des enfants talibés et des non talibés dans la rue. Du coup se pose le problème des enfants de la rue et ceux qui vont naître dans la rue. Et si on n’y prend pas garde, je suis sûr et certain qu’un jour, nous verrons des femmes enceintes dans les rues et qui vont donner naissance à des enfants dans cette même rue. Et je pense, que c’est un problème sociétal qu’il convient de réparer dès à présent.

S. : Vous venez de nous parler d’un problème sociétal et il m’a tout l’air que les foyers coraniques sont la panache de certaines sociétés africaines. Est-ce que ces gens sont réceptifs à votre message ?

A.D.D. : Nous nous sommes rencontré à plusieurs reprises et nous avons élaboré des stratégies ensemble. Donc tout ce que nous aurons à explorer à partir de lundi a déjà été discuté en amont avec la communauté musulmane qui a donné son aval. Toute chose qui nous a permis d’effectuer des sorties de terrain avec eux et nous avons pu recenser 5 000 foyers coraniques à travers le Burkina et qui abritent déjà près de 75 000 enfants. Et comme nous savons que nous aurons des problèmes si nous allons sans elle, nous les avons impliqués. Car, je pense que l’école coranique a été jusque-là peut-être mal comprise dans le temps et avait été rejetée, et c’est possible que ce soit parce que c’est de l’arabe qui était dispensé alors que dans les écoles classiques, c’est du français. Mais, nous avons de grands intellectuels tels que, Amadou Hampaté Bâ, Cheick Anta Diop pour ne citer que ceux-là qui sont issus de ces écoles coraniques. Je pense que pour peu qu’on s’approche d’eux, on pourra les exploiter en utilisant leurs méthodes et nos méthodes et l’enfant pourra s’en sortir facilement. Parce qu’avec la récitation, il arrive à mémoriser très rapidement et si nous associons le français, je suis convaincu qu’il n’aura pas de difficulté à apprendre.

S. : Avant la colonisation, les écoles coraniques formaient des élèves. De nos jours, quelle est la contribution de ces foyers dans le système éducatif burkinabè ?

A.D.D. : Lorsque vous voyez aujourd’hui ceux que l’on appelle marabout, c’est eux qui dirigent la prière dans les mosquées, et combien ces hommes sont respectables et intègres. C’est à travers le Coran qu’ils ont appris les vertus telles que la tolérance, le pardon, le respect de l’autre, la vie en société, … qui sont des valeurs qu’ils communiquent dans les écoles coraniques. Il y a aussi que ces écoles nous aident à augmenter le nombre d’apprenants dans l’alphabétisation. Et on pourra utiliser leur structure de manière à faire évoluer notre taux d’alphabétisation ou notre taux de scolarisation. Malheureusement, c’est le manque de carte éducative de ce secteur informel qui nous fait défaut. Et en leur tendant la main et en travaillant avec eux, nous pourrions vraiment connaître l’impact de l’école coranique sur notre propre vie. Parce que nous vivons dans les vases non communicants que le problème sévit et je suis sûr que si nous ouvrons les portes à tout le monde comme l’a fait les protestants et les catholiques, je suis convaincu que l’engouement et l’espoir seront plus grand pour nous parce que l’offre éducative va s’accroître. C’est ce qui nous motive plus.

S. : Comment comptez-vous réussir cette opération quand on sait que la plupart de ces enfants sont mobiles ?

A.D.D. : C’est un des points de discussion sur lequel nous allons nous attarder le plus au cours de ce forum car il remet en question la prise en charge des maîtres coraniques et des apprenants. Si aujourd’hui, les enfants sont dans la rue, c’est parce que le maître est laissé à lui-même. Et quand les parents viennent confier leurs enfants, ils lui disent, je te confie mon enfant, fais-en ce que tu veux. Dans leur mentalité, ils se disent qu’ils mettent l’enfant au service de Dieu. Et même s’il venait à mourir, c’est la volonté de Dieu. Tout simplement pour vous dire à quel point nos esprits sont manipulés qu’on ne voit plus encore les questions matérielles mais plutôt celles spirituelles. Et comme, je vous le disais, en accord avec les partenaires techniques et financiers et la communauté musulmane, nous allons voir dans quelle mesure ces enfants pourront bénéficier des services de cantine. Quant à la prise en charge du maître coranique, nous allons voir avec l’appui des partenaires techniques et financiers et peut-être du Fonds national pour l’alphabétisation et l’éducation non formelle(FONAEF) comment les aider.

S. : A quelques heures de l’ouverture des travaux, qu’est-ce que vous attendez de ces réflexions ?

A.D.D. : Nous attendons de l’ensemble des acteurs du système éducatif, qu’ils soutiennent les conclusions du forum. Donc, il faudra dans un premier temps, identifier les foyers coraniques et ensuite que l’on puisse les accompagner en créant des infrastructures et en initiant des projets pour la formation des maîtres coraniques. Parce qu’à partir du moment où l’Etat s’intéresse à ce domaine, il faut bien que légalement, qu’ils soient formés pour nous permettre de les évaluer. Car nous avons besoin de leurs résultats pour une compilation au niveau du ministère. Et il va s’agir également d’encadrement et comme c’est un encadrement où les enfants apprennent le Coran et que nous voulons nous y introduire, il faudrait qu’on trouve les techniques nécessaires pour les former et les prendre en compte selon leur spécificité. C’est en cela que nous attendons des pédagogues, qu’ils nous proposent l’approche qui nous permet d’avoir dans une classe, un répétiteur et un technicien aguerri des méthodes actives. Et je suis persuadé qu’en associant les deux enseignants on pourra trouver une méthode mixte qui sera bénéfique pour ce genre de classe.

S. : A vous entendre, vos intentions sont bonnes, mais nous savons que certains maîtres coraniques sont souvent réfractaires aux changements. Est-ce que des dispositions sont prises pour les contraindre à s’adapter aux changements qui seront opérés ?

A.D.D. : Bien entendu, car l’extrémisme est en train de monter un peu par tout. C’est pourquoi, nous devons nous réveiller afin de scinder les vrais des faux. Sinon, si nous les laissons ensemble, on risque de ne plus nous trouver. C’est vrai qu’il y a des orthodoxes qui sont là et qui pense que le Coran ne peut par être traduit dans aucune autre langue que l’arabe et qu’il est interdit à une femme de toucher à ceci ou à cela et c’est ce qu’on leur a appris. Mais petit à petit, cela va changer car nous travaillons avec le Cercle d’étude, de recherche et de formation islamiques (CERFI), la communauté musulmane et toutes les treize régions ont été visitées, leurs représentants sont là et au cas où il y’aura des réfractaires, nous allons essayer de trouver des méthodes pour les raisonner.

S. : Au-delà de l’alphabétisation de ces enfants, avez-vous des projets pour leur réinsertion socioprofessionnelle ?

A. D.D. : Cela fait partie des réflexions qui seront menées ce lundi, parce que nous parlons ici d’alphabétisation et de formation. Si de nos jours on dit que notre école est d’une école inadaptée et inappropriée, c’est parce qu’au niveau de ses écoles, on ne forme rien d’autre que le développement de l’intelligence sans jamais songer à des questions pratiques où l’enfant doit allier les connaissances théoriques à des connaissances pratiques et je crois qu’il faut qu’on aille de plus en plus vers cela. Il faut que dès la base, des choix commencent et si l’enfant excelle dans le domaine, que l’on puisse l’accompagner. J’ai eu à discuter avec les techniciens pour leur dire que j’aurais souhaité que désormais au niveau des écoles et les centres de formation, que les jeunes puissent apprendre quelques rudiments en matière d’élevage et d’agriculture. Quant aux autres formations professionnelles, ce serait des ajouts à sa formation de base. Car, les types de citoyens que nous voulons, c’est un agriculteur, un éleveur et c’est le principe de base qu’il faut donner à tous les enfants. Et je pense que de par notre système à vouloir être moderne, nous sommes devenus des déracinés car l’Europe nous a devancés. Il faut qu’on revienne sur terre pour tout reprendre à zéro afin de pouvoir nous développer. Le problème auquel nous sommes confrontés, c’est l’accompagnement. Comment réinstaller ou installer les apprenants et si nous ne prenons garde, nous risquons de revenir à l’ancienne formule c’est-à-dire les Formateurs des jeunes agriculteurs(FJA) ou les écoles rurales qui ont formé des jeunes et qui malheureusement se sont retrouvés en Côte d’Ivoire. Pour moi, c’est bien de leur apprendre quelque chose, mais c’est mieux de trouver une solution pour les fixer dans leur terroir.

S. : Avez- vous un appel à lancer aux participants ?

A.D.D. : Je demande aux participants de nous proposer une feuille de route que l’on peut mettre en pratique en fonction de nos moyens et de nos besoins. Car, ils sont nombreux ces enfants qui attendent que nous fassions un geste pour les sortir de leurs conditions sociales.

Donald Wendpouiré NIKEMA

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