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Procès putsch manqué / «le conseil constitutionnel a manqué l’occasion de clarifier les débats» (Maître Paul Taraoré)

Publié le vendredi 27 avril 2018  |  L`Observateur Paalga
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© AFP par Ahmed OUOBA
Le général Gilbert Diendéré (G) et l`ancien ministre des Affaires étrangère Djibrill Bassolé sont les pincipaux accusés dans le procès du putsch manqué de septembre 2015.
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Dans le cadre du dossier du putsch manqué, le Conseil constitutionnel a été saisi d’un recours en inconstitutionnalité contre les nominations et les affectations de juges au tribunal militaire par le président du Faso dans un contexte de séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire. Les sages avaient rejeté le recours au motif que le caractère spécifique de cette juridiction permettait de déroger aux règles de droit commun et que ces nominations étaient conformes à la Constitution. Dans cette tribune, Maître Paul Taraoré critique cette décision qui, selon lui, « jette le trouble et crée un précédent dangereux ». Lisez plutôt !

Le 20 mars dernier, le Conseil constitutionnel rendait une décision rejetant le recours en inconstitutionnalité déposé par deux accusés poursuivis devant le tribunal militaire de Ouagadougou.

Etant passée inaperçue et n’ayant suscité aucune critique, cette décision jette le trouble et crée un précédent dangereux.

I. cette décision jette le trouble

Par une formule sommaire, laconique et lapidaire, le Conseil constitutionnel expose que le tribunal militaire est une juridiction spécifique, que les nominations et les affectations de cette juridiction dérogent aux règles de droit commun et qu’elles ne sont pas du ressort du Conseil Supérieur de la Magistrature et qu’il s’ensuit que les articles 14 et 18, alinéa 3, de la loi n°24/94 ADP du 24 mai 1994 portant Code de justice militaire ne sont pas contraires à la Constitution.

En statuant ainsi, le Conseil constitutionnel jette le trouble et l’on peut s’interroger sur la conformité de cette décision à la Constitution et aux conventions internationales ratifiées par le Burkina Faso, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966.

En effet, il résulte de l’article 4 de notre Constitution que « tous les Burkinabè et toute personne vivant au Burkina Faso bénéficient d’une égale protection de la loi » et que « tous ont droit à ce que leur cause soit entendue par une juridiction indépendante et impartiale ».

Il résulte également de l’article 14 du Pacte international précité que « tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice » et que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ».

En l’espèce, en sa qualité de gardien de la Constitution, le Conseil constitutionnel ne peut faire état de la spécificité de la juridiction militaire pour déroger aux textes précités qui, par définition, sont des normes juridiques supérieures à la loi.

En outre, la Constitution ne fait nullement état d’une quelconque juridiction spécifique.

En effet, l’article 126 de notre Constitution précise simplement que les cours et tribunaux sont institués par la loi ; toute loi instituant une juridiction devant se conformer à la Constitution, aucune dérogation n’est prévue par ladite Constitution.

En d’autres termes, toute création d’une nouvelle juridiction doit se faire dans le respect des règles essentielles suivantes dégagées par la Constitution : l’indépendance, l’impartialité et le droit à un procès équitable.

Or, le tribunal militaire tel qu’institué par la loi n°24-94 /ADP modifiée par la loi 44-2017/AN portant Code de justice militaire est inconstitutionnel dans la mesure où il n’est pas indépendant et ne peut être considéré comme impartial, puisque ses membres sont directement nommés par le pouvoir exécutif, en l’espèce par décret du Président du Faso contresigné par le ministre de la justice, en lieu et place du Conseil supérieur de la magistrature, l’article 134 de la Constitution prévoyant la nomination des magistrats par ce Conseil.

Les membres de ce tribunal étant placés sous l’autorité du ministre de la Défense.

Il sera rappelé que le ministre de la Justice s’est constitué partie civile devant le tribunal militaire dans le cadre du dossier relatif au putsch manqué de septembre 2015.

Manifestement, cette juridiction d’exception ne peut garantir un procès équitable aux 84 accusés poursuivis devant elle. (1)

Faisant fi des principes fondamentaux dégagés par les textes précités, que sont le droit pour tout citoyen d’être jugé par un tribunal indépendant, impartial et le droit à un procès équitable, le Conseil constitutionnel a rejeté la requête soumise à son appréciation et ce, en méconnaissance de ces principes qui constituent l’un des fondements de toute démocratie.

D’évidence, en invoquant le caractère spécifique de la juridiction militaire pour justifier sa décision, le Conseil constitutionnel a, à une étape importante de l’histoire judiciaire de notre pays, manqué l’occasion de clarifier les débats et de garantir à l’avenir à tous nos concitoyens le droit à un procès équitable.

II. Cette décision crée un précédent dangereux

En définitive, cette décision crée un précédent dangereux, dans la mesure où elle pourrait ouvrir la voie à des lendemains incertains et autoriser ainsi des gouvernants revanchards à créer des juridictions d’exception dites « spécifiques », aux ordres du pouvoir en place, et devant lesquelles seraient traduits des adversaires et opposants politiques.

Ainsi sur simple lettre de cachets, les juges officiant pour ces juridictions et acquis à la cause des gouvernants en place se chargeraient de faire embastiller les adversaires et opposants politiques, les laissant ainsi aux oubliettes et ce, pendant de nombreuses années.

Pilier essentiel de la démocratie, la justice contribue à l’évidence à garantir la paix sociale et à prévenir les troubles sociaux.

Il nous revient donc à tous et, en particulier, à tous les acteurs de la justice, notamment aux magistrats, fonctionnaires et auxiliaires de justice, d’œuvrer à la préservation de l’indépendance et au bon fonctionnement de notre justice.

Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons contribuer à l’enracinement et à la consolidation de notre jeune démocratie.


Nous avons le devoir de léguer à la postérité une justice indépendante et impartiale garantissant à tous un procès équitable.


Souvenons-nous que les hommes et les régimes passent mais que le pays demeure et demeurera toujours.





Maître Paul TARAORE



Avocat aux Barreaux de LAVAL et du Burkina Faso



Ancien avocat au Barreau de Bruxelles
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