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Victimes du putsch du 16 septembre 2015: Repartir de zéro après avoir vécu le pire
Publié le mardi 27 fevrier 2018  |  Sidwaya




Le procès des personnes accusées d’avoir fomenté et exécuté le coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015 débute ce jour, mardi 27 février 2018, dans la Salle des banquets de Ouaga 2000. Au moment de la reddition des comptes, des yeux et des oreilles seront spécialement attentifs à tout ce qui sera dit et fait dans le cadre de ce procès. Des auditions aux plaidoiries jusqu’au délibéré final, ils chercheront à comprendre pour quelles raisons leurs proches ont dû payer de leurs vies. Peut-être pourront-ils alors réapprendre à vivre. Sidwaya a pénétré l’univers des victimes avant que la justice ne décide au final de ce qu’il adviendra de leur chagrin.


Loin de la Salle des banquets de Ouaga 2000 qui s’apprête à être le théâtre d’une scène pour lequel le Burkina entier, voire des yeux extérieurs, se passionnent, dans une ruelle du secteur n° 15, arrondissement n°3 de Ouagadougou, un enfant, Abdoul Koudouss Ouédraogo, baigne dans l’insouciance. Il s’amuse avec son cousin et un autre enfant du voisinage. Riant à gorges déployées, ils se pourchassent devant la concession familiale, escaladent parfois la murette en face pour aller dans la cour de l’établissement scolaire, sous les yeux enjoués et protecteurs de leurs tantes et grand-mères qui les ramènent sévèrement à l’ordre lorsque le jeu donne l’impression de passer les limites de l’amusement. Le petit Koudouss est celui qui retient le plus l’attention. « C’est la prunelle de mes yeux », murmure son père, Issa Ouédraogo, sans quitter le gamin du regard. « C’est eux qui ont chassé le président Blaise Compaoré du pouvoir », reprend Issa, à propos de Koudouss, trois ans. Son fils est né le 29 octobre 2014. Les lendemains 30 et 31 octobre, une insurrection embrasait le pays, contraignant le président d’alors à rendre sa démission. En ce moment, le père était loin de se douter qu’un fait beaucoup plus dramatique se profile dans leur vie. Onze mois plus tard, une junte crée le Conseil national pour la démocratie (CND) et tente de soumettre le pays des Hommes intègres sous son joug. Le jeune homme de 39 ans se souvient avoir vécu ce fait comme une grande trahison. « J’étais déçu au plus profond de moi-même», assure-t-il. Alors, dès que la rumeur de coup d’Etat est confirmée, le jeune père de famille entre en résistance. « Le vendredi matin (17 septembre 2015), j’ai pris ma pièce d’identité, empoché 1 000 F CFA et suis monté au front. J’étais prêt à affronter la mort. Mais elle m’a rejoint à la maison », confie-t-il. Pendant qu’Issa et les autres s’occupent à bloquer le pont de Baskuy, sa femme, Angèle Kaboré, assise devant la concession familiale est atteinte d’une balle dite perdue. «Elle a subi une intervention chirurgicale à l’hôpital Yalgado. Malgré cela, son pronostic vital n’était pas rassurant. La balle l’a touchée au sein gauche et a traversé son ventre pour aller se loger dans son bas-ventre », explique le jeune mari. Angèle rend l’âme le 20 septembre à 7h30. Koudouss a, en ce moment, 7 mois. Deux ans et cinq mois plus tard, le petit orphelin de mère méconnaît jusque-là cet épisode dramatique des premiers moments de sa vie. Le papa lui-même n’a pas encore fait son deuil, il n’est même pas certain d’avoir les ressources nécessaires pour répondre à Koudouss quand il réclamera sa mère. Issa collectionne donc les coupures de presse en attendant ce rendez-vous avec son fils.


A 61 ans, il veut repartir sur les cendres d’une vie


« Elle délirait et répétait sans cesse que son bébé ne têterait plus », se souvient Issa Ouédraogo sur les derniers instants de vie de son épouse. C’est pourquoi, le jeune homme dit observer le procès de loin, attendant de voir l’issue, avant de se prononcer. C’est son frère aîné, Soumaïla Ouédraogo, qui est délégué pour parler au nom de la famille à ce sujet. Celui-ci, membre du bureau de l’Association des 14 familles de victimes du coup d’Etat (AVCE) répète inlassablement qu’ils n’ont pas de haine. « Tout ce que nous voulons, c’est la justice. Savoir pourquoi des gens ont agi ainsi et pour quelles raisons nos parents sont décédés », martèle ce dernier. Si Issa Ouédraogo a encore la possibilité de voir son fils grandir, Jean Sédégo, lui, a tout perdu. Le coup d’Etat a emporté son dernier enfant, Richard Sédégo, à la fleur de l’âge. Il avait 17 ans. Lorsqu’il nous reçoit à l’entrée de Yagma (périphérie Nord de Ouagadougou) pour nous amener chez lui, juché sur son vélo, les pieds tremblotant, le sexagénaire ne paraît visiblement pas en bonne santé physique. Mais il reste passionné par le sujet du coup d’Etat. Le dos voûté et marchant avec peine, il insiste pour faire découvrir sa modeste maison et les conditions dans lesquelles il vivait avec son fils avant qu’il ne le retrouve quatre jours après la prise de pouvoir du CND, à la morgue de l’hôpital Yalgado. Jean Sédégo veut assister à toutes les audiences du procès qui s’ouvre ce 27 février 2018. « Je veux savoir qui a autorisé qu’on tue nos enfants. Et pourquoi », marmonne-t-il. Ce sont les réponses à ces deux questions qui lui permettront de repartir sur les cendres de sa vie du haut de ses 61 ans.


Fabé Mamadou OUATTARA
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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