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Adama Bayala, journaliste-écrivain : "Les nouveaux riches devraient travailler à une juste redistribution des richesses"
Publié le vendredi 16 fevrier 2018  |  Sidwaya
Journaliste-écrivain,
© Autre presse par DR
Journaliste-écrivain, Adama Bayala




Journaliste et écrivain, Adama Bayala a mis sur le marché du livre, deux romans. Dans cet entretien qu’il nous a accordé le mercredi 14 février 2018 à Ouagadougou, il nous parle de ses ouvrages et de son amour pour l’écriture, mais fait également une analyse du désintérêt des jeunes Burkinabè pour la lecture.

Sidwaya (S.): Comment est né votre amour pour l’écriture ?

Adama Bayala (A.B.) : Mon amour pour l’écriture est intimement lié à mon goût pour la lecture et cela remonte à mon enfance. Alors que j’étais élève en classe de CP et de CE déjà, notre mère, la brave-que son âme repose en paix-, nous réunissait autour d’elle pour des séances de lecture. Rassemblés autour d’une lampe à incandescence, elle nous faisait lire à tour de rôle. C’est le meilleur d’entre nous qui poursuivait la lecture avec les classiques de la Collection « Le Soleil », comme « Les Contes du père, Voilà pourquoi», «Tiény Gbanani, l’enfant terrible». C’est ainsi qu’est parti mon amour pour la lecture. Et un jour, je me suis dit qu’il fallait que je m’invite à mon tour dans le salon des gens, à travers l’écriture, rien que pour honorer la mémoire de notre défunte mère. Juste au lendemain de mon admission au Baccalauréat Série A, j’ai écrit le manuscrit du premier roman.

S. : Comment appréciez-vous l’accueil qui a été réservé à votre premier roman «Les bénédictions d’une mère» ?

A.B. : Nous sommes portés par des sentiments mitigés. A ce jour, nous ne savons pas s’il faut parler d’échec ou de réussite. Echec, parce qu’il n’a pas connu de promotion, il n’a pas été rendu disponible dans les librairies par Harmattan international, la maison d’édition. Nous ne pouvons malheureusement pas vous dire combien d’exemplaires ont été vendus. N’empêche que nous tirons satisfaction des échos qui nous parviennent ici et là. Tous ceux qui ont parcouru le document, qu’il s’agisse des élèves, qu’il s’agisse des anonymes ou encore des gens du livre, ils l’ont apprécié. Ils ont aimé et c’est à ce titre que nous pensons à une réussite. C’est en partie ce qui nous a amené à poursuivre la conquête de votre estime et celle d’un plus grand nombre de nos contemporains.

S. : Vous venez de publier votre deuxième roman « La République Bana Bana ». De quoi parle cette œuvre ?
A.B. : L’ouvrage fait une satire de la société contemporaine. Une société vérolée dans toutes ses composantes : des femmes aux hommes ; des tenanciers de kiosque aux chauffeurs et apprentis ; des gens des métiers aux cadres de l’administration ; des acteurs politiques aux gouvernants. A travers le parcours d’un homme miséreux, mais génialement débrouillard, qui traverse toutes les couches sociales, nous fustigeons les vicissitudes du monde, régulé de nos jours par l’argent qui règne en maître absolu.

S. : N’est-ce pas un clin d’œil à ce qui se passe en Afrique en général et au Burkina Faso en particulier?
A.B. : Vous l’avez compris et c’est bien dommage. Et c’est bien un homme catastrophé, avec le cœur lacéré, qui vous parle pour que brillent les rayons d’un nouveau soleil sur notre monde.

S. : Le monde de l’édition au Burkina Faso est quasiment inexistant. Quelles sont, selon-vous, les raisons de cette léthargie ?

A.B. : C’est ce que nous disions tantôt. S’il n’y a pas de lecteurs, les maisons d’édition ne pourront pas prospérer et avec, les auteurs. Faut-il encore rappeler que c’est une question de volonté ? D’ailleurs, il n’y a pas de volonté politique affichée. Des initiatives récentes visant à renforcer la filière du livre ont tourné court. Or, on s’attendait à une défiscalisation des intrants entrant dans la fabrication du livre et une législation favorable à ce maillon important de l’industrie culturelle. C’est dans ce contexte que les acteurs se démènent avec les moyens du bord, en l’occurrence des équipements peu performants, dans un environnement hautement concurrentiel.

S. : Au Burkina Faso, l’écriture nourrit-elle son homme ?
A.B. : Pas vraiment. Nous avons envie de dire aucunement. Nous écrivons par amour, par passion et surtout par sacerdoce. L’objectif, pour notre part, étant de contribuer, au moyen de la fiction, à susciter une prise de conscience qui préside à un réveil sociétal.

S. : De nos jours, les jeunes lisent moins. Qu’est-ce qui peut expliquer cela ?

A.B. : C’est vrai ; c’est triste et aberrant. Les raisons sont connues de tous. C’est avant tout un problème culturel. Le contact avec le livre arrive au soir de l’enfance. Ailleurs, les enfants sont bercés par la lecture pour les envoyer dans les bras de Morphée. Plus grave, à l’école, les mécanismes de familiarisation sont presqu’inexistants. Il n’y a, à moins que je ne me trompe, ce qui est loin de l’être encore que je traîne ma bosse dans le milieu scolaire, pas de collection avec des livres illustrés pour les mômes du primaire. Au collège et au lycée, des livres sont programmés pour les différentes classes, mais le monde éducatif et les enseignants en particulier, sous le couvert de la pauvreté, n’appliquent pas la mesure. En conséquence, aucun livre au programme n’est étudié. Autres raisons, ce sont les nouveaux moyens de distraction qui polarisent les élèves. Ils ont une préférence pour la télévision, les jeux vidéo, les réseaux sociaux et autres. Fort de ces dérivatifs, ils trouvent que la lecture est ennuyeuse. Et pourtant !

S. : Cette situation n’est-elle pas à la base de la baisse du niveau de nos élèves tant dans la rédaction que dans leur expression ?

A.B. : Evidemment, nous le constatons amèrement. Des élèves et étudiants, que nous fréquentons au quotidien, ne nous permettent pas de dire le contraire, quand bien même c’est ce que nous aurions voulu. Mais à qui la faute ?

S. : Quelles solutions préconisez-vous pour corriger cette donne ?

A.B. : Il faut que les responsables de cette crise prennent la mesure de la situation. Nous pensons aux autorités gouvernementales, à savoir les départements en charge de l’éducation et à l’ensemble des acteurs du monde éducatif. Dans une synergie d’actions, un vœu si cher à la SAGES, il urge de porter les livres avec les illustrations dans les écoles maternelles. Pas seulement, il faut entretenir la dynamique au primaire avec une collection de livres comme les éditions Le Soleil le réussissent si bien en Côte d’Ivoire, avec des manuels ludiques et pédagogiques, truffés d’illustrations. Quant au secondaire, il revient purement et simplement aux enseignants, avec l’aide de la tutelle, de soumettre les livres au programme à l’étude des élèves. Parallèlement, le gouvernement peut promouvoir et encourager l’organisation de jeux-concours, articulés autour du conte, de la lecture et de l’art oratoire. Mieux, il peut accompagner les auteurs nationaux dans l’édition des ouvrages retenus dans les programmes scolaires. Qui sait si ça ne va pas susciter des vocations ?

S. : Votre mot de la fin ?

A.B. : Je ne pense qu’à vous remercier pour avoir pensé à ma modeste personne. Plus sérieux, nous rêvons d’un monde de paix, de justice, d’équité et d’amour. Pour ce faire, les nouveaux riches, trinquant les eaux sales des marigots politiques ménagées par la sueur et le sang des pauvres petites mains, devraient avoir un égard pour ces dernières. Ils devraient travailler à une juste redistribution des richesses. Sinon, viendra un jour où la colère désenchantée de ces masses laborieuses va les emporter. Est-ce que ça va durer encore ?

Entretien réalisé par
Joseph HARO
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