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Abbe Isidore Zongo, formateur au petit séminaire de Pabré : « Tout chrétien baptisé de tout âge, et qui est mort, peut bénéficier des funérailles chrétiennes »
Publié le samedi 27 janvier 2018  |  Le Pays




S’il y a un sujet dont les contours ne sont pas encore bien cernés par les fidèles chrétiens catholiques, c’est bien la célébration des funérailles chrétiennes. Sont-elles obligatoires ? Tous les chrétiens peuvent-ils en bénéficier sans discrimination aucune ? La célébration des funérailles chrétiennes est-elle universelle ? Ce sont là, entre autres, des questions qui nous ont poussé à aller à la rencontre de l’Abbé Isidore Zongo, par ailleurs formateur au petit séminaire de Pabré. Dans l’entretien qui suit, il répond sans détour à toutes les questions. Lisez !

« Le Pays » : De quand date la célébration des funérailles chrétiennes?

Abbé Isidore Zongo : Les funérailles chrétiennes, dans la forme actuelle que nous célébrons, ont commencé depuis 2001 par décret de Son Excellence Monseigneur Jean Marie Untani Compaoré qui était archevêque de Ouagadougou. C’est à travers ce décret donnant des orientations de célébration des funérailles chrétiennes, que l’Eglise a commencé ces funérailles comme « souvenir du retour à Dieu de nos fidèles chrétiens décédés », et pour manifester notre foi et notre espérance en la vie éternelle de nos défunts qui reposent dans la miséricorde de Dieu. Dans ce décret, il est noté que la célébration des funérailles chrétiennes se fera ensemble, c’est-à-dire de façon communautaire et à des dates bien précises. De 2001 à 2008, c’est l’archidiocèse de Ouagadougou seul qui célébrait les funérailles chrétiennes. Par la suite, à partir de 2008, les autres diocèses de la province ecclésiastique de Ouagadougou (Koudougou, Ouahigouya et Manga) ont adopté ce mode de célébration des funérailles chrétiennes.

Quel est l’esprit qui sous-tend les funérailles chrétiennes ?

C’est un esprit de l’ « Eglise Famille de Dieu » qui doit prévaloir dans cette célébration, c’est-à-dire l’esprit communautaire, esprit d’unité et esprit de solidarité et d’amour. Avant, cette célébration de funérailles chrétiennes pour un défunt, était individuelle. La famille choisissait un dimanche pour les célébrer. Depuis la veillée jusqu’à la messe, tout se faisait individuellement et dans les familles. C’est donc à partir du décret du Père de famille, l’archevêque, qu’il y a eu regroupement pour célébrer en Eglise, pour vraiment montrer que nous appartenons à une même famille, « l’Eglise Famille de Dieu » à Ouagadougou. L’esprit qui sous-tend aussi cette célébration est qu’on a voulu orienter les chrétiens vers une célébration qui est « inculturée », c’est-à-dire qui intègre un peu les bonnes mœurs de nos traditions en matière de célébration des funérailles. C’est aussi pour casser quelques mauvaises pratiques de la tradition, qui étaient constatées dans ces célébrations des funérailles chrétiennes qui doivent être marquées de l’esprit purement chrétien. D’où une célébration quelque peu « inculturée » de ces funérailles chrétiennes que propose l’Eglise.

Comment les funérailles chrétiennes sont-elles célébrées ?


La célébration se fait en deux jours. D’abord, le vendredi soir à partir de 20h, il y a une veillée qui regroupe toutes les familles à l’église paroissiale ou ailleurs. Cette veillée se termine par cette élément de la tradition qui s’appelle « reeme », une animation joyeuse, manifestation de la joie dans cette vie éternelle. Tout cela finit à une certaine heure de la nuit (pas au-delà de minuit). Le samedi, on célèbre la messe à l’église paroissiale regroupant encore toutes les familles. Après la messe, les catéchistes sont répartis dans les familles où une petite prière est dite avant que le repas en communauté (qui n’est d’ailleurs pas obligatoire) puisse être servi aux invités.

Qui peut bénéficier des funérailles chrétiennes ?



Tout chrétien baptisé, de tout âge (jeunes et vieux), de toutes conditions sociales sans distinction de forme de mort, peut bénéficier de ces célébrations. Dans la tradition, les funérailles se faisaient pour les défunts d’un certain âge et il n’y avait pas de funérailles pour les enfants et des personnes mortes accidentellement ou par pendaison (peut-être qu’il y avait une forme de célébration pour cette catégorie de personnes). Pour nous chrétiens, nous ne faisons autre chose dans ces célébrations que de demander la miséricorde et l’amour de Dieu pour nos fidèles défunts. Nous estimons que toute personne a droit à notre prière dans nos célébrations des funérailles, surtout ceux qui sont morts dans des conditions difficiles et qui n’ont pas pu se préparer à la mort qui surprend. Et c’est à ce niveau que se trouve cet esprit chrétien qui vient comme lumière pour éclairer la tradition qui donne à penser qu’il ne faut rien faire pour ces personnes mortes dans une certaine condition. C’est là l’inculturation de la foi. Tous ceux qui souhaitent que l’Eglise prie pour leur défunt au moment de la célébration des funérailles chrétiennes, peuvent le faire. Les familles doivent tout simplement se signaler auprès de la Communauté chrétienne de base (CCB). Les responsables de la CCB donneront une note pour que le demandeur se rende auprès du secrétariat de sa paroisse avec la somme de 2 000 F CFA, comme honoraire de messe, pour l’inscription. Signalons, pour terminer ici, en réponse à cette question concernant les personnes qui ont droit à ces funérailles chrétiennes, une confusion que nous constatons, lors des inscriptions de ces messes de requiem : beaucoup de catéchistes ne sont pas bien informés et refusent d’inscrire à ces funérailles chrétiennes, le nom de certains chrétiens morts dans des situations difficiles (situation « irrégulière », dit-on ordinairement). L’Eglise n’a jamais instruit cela, car on ne doit pas refuser de prier pour ces personnes qui ont plus besoin de la miséricorde de Dieu. C’est plutôt à leur décès que s’appliquent certaines restrictions par rapport à la célébration des obsèques. Ils n’ont pas droit à une célébration à l’église. La prière, assurée par les catéchistes ou un responsable de la CCB, se fait de façon brève : ce sont des mesures pastorales pour les vivants qui sont ainsi invités à conformer leur vie de foi à l’Evangile et à l’Esprit du Christ. Dans tous les cas, ce n’est pas la forme de prière dite par les vivants qui sauve nos défunts, mais l’Amour et la Miséricorde de Dieu. Même un « notre père » peut sauver l’âme d’un défunt.


N’importe quel prêtre peut-il célébrer les funérailles chrétiennes ?

Tout prêtre de l’Eglise catholique est habilité à célébrer les funérailles chrétiennes. La règle veut tout de même que si un prêtre doit aller dans une paroisse autre que la sienne pour une telle célébration, il prenne le soin de demander l’autorisation du curé de la paroisse où il doit célébrer. Dans le cas contraire, la messe sera illicite.

Les funérailles sont-elles obligatoires, vu qu’elles nécessitent beaucoup de dépenses ?

Dans l’Eglise, la célébration des funérailles telles que nous le faisons dans la province ecclésiastique de Ouagadougou, ne sont nullement obligatoires. Elles sont proposées aux familles qui désirent célébrer « le souvenir à Dieu (funérailles chrétiennes)», de leur parent défunt, pour qu’elle puissent le faire dans un esprit chrétien et loin des manières traditionnelles de célébrer ces funérailles. L’Eglise d’ailleurs considère comme célébration de funérailles chrétiennes, le jour des obsèques et de l’enterrement. Encore une fois, c’est le souci d’inculturation qui a amené l’Eglise à proposer cette forme actuelle de célébration. Cela n’a pas été bien indiqué par les responsables de l’Eglise et la sensibilisation a manqué par rapport à cette célébration qui n’est pas obligatoire. On peut s’en tenir aux demandes de messes et célébrer des anniversaires, après le décès et l’enterrement de son défunt. C’est ce que beaucoup de familles adoptent de plus en plus, de nos jours. Notre problème, actuellement, est que des fidèles ont mal compris cette célébration : l’aspect matériel semble prendre le dessus sur le spirituel, la prière surtout, et c’est déplorable. Prenons le cas de nos malades qui manquent de moyens pour se procurer les soins nécessaires, ou des personnes qui croupissent dans la misère extrême durant leur vie terrestre ; et après la mort, on leur organise des funérailles grandioses. Les familles dépensent des sommes faramineuses pour faire leurs funérailles chrétiennes. Vous voyez que cela est très gênant ; ce n’est même pas conforme à l’esprit chrétien. L’Eglise, dans ces célébrations, et cela est bien indiqué dans le rituel, recommande la simplicité et une pensée pour les veuves et les orphelins que laissent souvent nos défunts. Une sensibilisation sur des recommandations fortes pour nos familles chrétiennes, est bien nécessaire.

Y-a-t-il des dates déterminées au niveau des diocèses pour la célébration des funérailles chrétiennes ?

Trois dates ont été retenues pour la célébration des funérailles chrétiennes :

- le première : vendredi-samedi du 3e week-end de janvier ;

- la deuxième : vendredi-samedi du 3e dimanche de Pâques ;


- et la troisième : vendredi- samedi après le 2 novembre qui est la célébration de tous les fidèles chrétiens.

D’aucuns accusent l’Eglise de faire dans le syncrétisme religieux pour ce qui est de la célébration des funérailles chrétiennes. Que leur répondez-vous ?

On peut avoir raison de le dire, quand on voit que l’Eglise a introduit des manières traditionnelles dans nos célébrations. C’est mal comprendre « l’inculturation » de la foi que l’Eglise universelle a recommandée pour toutes les Eglises particulières du monde. Le Concile Vatican II et certains synodes l’ont souligné : il faut évangéliser nos cultures en y introduisant l’Evangile, cet esprit du Christ et vivre ainsi notre foi en Africain. L’histoire de cette inculturation dans notre pays, distingue deux périodes. La première période, c’est le temps où des pères blancs nous ont apporté l’Evangile et la foi dans leur pureté, en recommandant d’abandonner purement et simplement nos traditions qu’ils ont nommées péjorativement « têeb-zîrî » (fausses croyances). Ce que nos chrétiens, à cette époque, devaient laisser pour embrasser la foi chrétienne dans sa pureté absolue. Cette période ne présente donc pas de tentative d’inculturation. La deuxième étape de l’évolution de l’inculturation, c’est la période des prêtres Noirs africains burkinabè. Avec eux, a débuté un processus d’inculturation, difficile par moments, qui s’est poursuivi jusqu’à nos jours : c’est ce que nous remarquons dans les célébrations des funérailles et dans d’autres domaines. Ce n’est donc pas du syncrétisme, mais une tentative d’inculturation, une introduction de la foi chrétienne dans la culture pour la rendre pure et vivable par nous chrétiens.

Les prêtres Blancs (occidentaux) peuvent-ils célébrer les funérailles chrétiennes, compte tenu du fait que celles-ci alignent modernité et tradition ?

Les pères Blancs qui sont au Burkina, peuvent célébrer les messes des funérailles chrétiennes. Quand ils sont dans les pays autres que les leurs, ils suivent les règles de ces pays en matière de célébration et d’inculturation, comme tout prêtre du pays.

La célébration des funérailles chrétiennes, telle que faite au Burkina Faso, est-elle une pratique « partagée » dans les autres pays ?


Dans d’autres pays, c’est une autre manière de célébrer. Au Ghana, au Togo ou au Bénin, il semble que les chrétiens ont leur façon de célébrer. C’est un jour choisi. Mais la célébration des funérailles chrétiennes sous la forme actuelle, est une particularité de la province ecclésiastique de Ouagadougou qui comprend l’archidiocèse de Ouagadougou, les diocèses de Manga, de Ouahigouya et de Koudougou.

Y a-t-il des difficultés que vous rencontrez en célébrant ces funérailles chrétiennes ?

Des difficultés, il n’en manque pas dans cette célébration. Et elles sont de plusieurs ordres. Beaucoup de gens sont encore réticents pour certains aspects des célébrations des funérailles chrétiennes : par exemple, cette manière communautaire de célébrer. Beaucoup ont encore tendance à la célébration individuelle. Le jour choisi, pose aussi problème pour certains : le samedi. Ils auraient préféré le dimanche, parce que, disent-ils, on ne salue pas des funérailles le samedi, selon la tradition moaga. Mais ils ignorent que nous ne sommes plus dans la tradition ; nous sommes dans la grande famille ecclésiale où il y a toutes les ethnies. Et puis, pourquoi avoir peur ? Christ a vaincu la mort. Rien ne peut arriver à un chrétien qui pose un acte salutaire pour les morts : la prière pour le repos de leurs âmes respectives. Quoi de mauvais ? Mais peu à peu, les comportements changent.

Une autre difficulté est cette importance que les familles accordent au matériel : les dépenses pour les funérailles chrétiennes. Cela fait que de plus en plus, beaucoup de gens ont peur ou même ont honte de célébrer les funérailles chrétiennes, faute de moyens. L’Eglise se bat pour changer cette mentalité. Elle recommande la simplicité dans la célébration, c’est-à-dire s’en tenir à la messe. Mais beaucoup ne comprennent pas encore ; un effort est à faire à ce niveau



Votre mot de fin ?

Je remercie votre journal pour l’intérêt qu’il porte à la question de l’Eglise catholique et surtout pour ce sujet très délicat et important qui porte sur les funérailles chrétiennes. Pour ma part, je souhaite que l’Eglise poursuive la réflexion pour une meilleure organisation de ces célébrations des funérailles chrétiennes, car il existe encore quelques points d’ombre sur ces funérailles qui ont besoin de précisions. Et j’invite les familles chrétiennes et tous les fidèles chrétiens catholiques qui s’engagent dans ces célébrations des funérailles chrétiennes, à plus de foi et d’espérance en Jésus-Christ notre Seigneur et Sauveur qui a vaincu la mort pour que nous ayons la vie. A Lui la gloire pour des siècles et des siècles ! Amen !


« Que par la miséricorde de Dieu, les âmes de nos fidèles défunts reposent en paix » !

Propos recueillis et retranscrits par Valérie TIANHOUN
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