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Emile Paré, membre du bureau politique du MPP : « Ce gouvernement est frileux, flottant et composé de beaucoup d’aveugles politiques »
Publié le mardi 12 decembre 2017  |  Le Pays
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© Autre presse par DR
Dr Pargui Emile Paré




Emile Pargui Paré connu sous le sobriquet ‘’le chat noir du Nayala’’, sort ses griffes. Et c’est peu de dire qu’il érafle dans sa propre famille politique, le MPP, parti au pouvoir. Il n’épargne surtout pas le sommet de l’Etat quand, par exemple, il dit de l’actuel gouvernement qu’il est majoritairement composé « d’aveugles politiques ». D’ailleurs, il se dit « iconoclaste », parce que, dit-il, « aucun parti politique n’a pu me maîtriser ». Si la rumeur l’associait à l’affaire de détournements au FAFPA, il n’y voit qu’« une cabale politique » tout en grommelant en ces termes : ‘’depuis que le MPP a pris le pouvoir, je n’ai pas eu un poste de nomination ; qu’on me laisse tranquille’’. Dans cette édition de Mardi Politique, on peut dire qu’il vide son sac. Lisez plutôt !

« Le Pays » : On sait que vous êtes médecin. Est-ce que vous exercez toujours ?

Emile Paré : Je suis toujours en exercice. Mais en tant que médecin, je ne consulte plus. J’ai consulté pendant 12 ans au district sanitaire de Baskuy. Entre-temps, la hiérarchie, notamment le directeur régional de la Santé du Centre, a estimé que compte tenu de mon âge, il fallait qu’il me déplace parce que je ne pouvais pas continuer à consulter à l’âge de 60 ans. Donc, j’ai dû être remplacé par un médecin qui a pratiquement l’âge de ma fille qui est, elle aussi, médecin. J’ai été alors muté dans un service administratif, en l’occurrence l’inspection médico-scolaire. Je tiens à signaler que je fais partie de ces rares médecins de formation, qui sont tenus à la périphérie médicale. Je suis à ces postes depuis longtemps pour des raisons de sanctions administratives du fait de ma position d’opposant au régime de Blaise Compaoré. Depuis 1990, je n’ai jamais eu une carrière professionnelle correcte. On m’a toujours réprimé en me gardant à la périphérie. Mais j’ai toujours dit qu’au Burkina Faso, tant qu’il y a un malade, Dr Emile Paré est toujours disponible pour s’occuper de lui.

Alors, comment fonctionne le Centre de formation du MPP que vous dirigez ?


Je dois dire que l’histoire de ce centre de formation remonte à depuis la création du MPP. Comme vous le savez, le MPP est une fusion de plusieurs partis politiques. Mais, souvenez-vous, il y a eu d’abord des démissionnaires du CDP à savoir Roch Marc Kaboré, Salif Diallo, Simon Compaoré et bien d’autres de leurs camarades qui, en quittant le CDP, le 4 janvier 2014, ont annoncé la nécessité pour eux de former un grand parti de gauche. C’est dans ce sens qu’ils ont approché les autres partis de gauche dont le Mouvement du peuple pour le socialisme (MPS) que j’ai créé avec mes camarades en 2002. Nous avons donc fusionné pour créer le MPP, lors du congrès historique des 4, 5 et 6 avril 2014. A ce congrès, j’ai été sollicité au poste de secrétaire à la formation politique. D’ailleurs, c’est mon job comme on dit, parce que depuis la révolution de Thomas Sankara en passant par le Front populaire, j’ai toujours occupé le poste de formateur politique. Dès la création du MPP, le président du Faso, Roch Kaboré qui était alors président du parti, a demandé à chaque secrétariat de fournir un programme. Et dans le mien, je lui ai proposé la nécessité de créer une école de formation politique. Vous l’aurez remarqué, tous les partis politiques qui ont résisté au temps, ont eu à créer une école de formation politique. C’est ainsi que ce centre de formation politique a été créé sur mon initiative acceptée par le président Roch Kaboré.

Il a été inauguré le 31 décembre 2015. Depuis lors, c’est moi-même qui le dirige avec un certain nombre de camarades qui assurent les cours. Il s’est donné comme première priorité de former les militants du MPP en vue de la conquête du pouvoir et je crois que nous avons atteint cet objectif. Actuellement, le centre est en train de poursuivre les formations politiques pour gérer le pouvoir d’Etat et en même temps pour mieux outiller les militants à même de pouvoir engager les luttes futures, étant donné que les élections sont des questions permanentes et que la politique ne se résume pas à l’électoralisme. Après les élections, il y a toujours le débat politique et le militant doit être capable de l’affronter. Le centre contribue donc à cet aspect du parti.

Quel bilan pouvez-vous faire du fonctionnement de ce centre ?


Pour le moment, nous sommes en train d’installer une administration fonctionnelle. Il y a une Direction générale que j’assure, il y a un président du conseil scientifique en la personne du Pr Basile Guissou. Ensuite, il y a des directions chargées de la formation sur les questions juridiques, politiques, de l’économie politique, des relations internationales, de la défense et de la sécurité, etc. Dans l’immédiat, nous avons eu à former nos militants pour maîtriser les textes fondamentaux du parti comme les statuts et règlement intérieur, le programme politique du parti, le programme présidentiel ainsi que le PNDES. Pour l’heure, nous avons pu former l’élite intellectuelle du parti qui est l’ensemble des secteurs structurés à savoir les militants du MPP qui évoluent dans les divers domaines de l’administration publique et privée. Ils sont organisés du niveau national jusqu’au niveau communal en passant par le niveau provincial. Nous avons également formé les femmes du parti à travers l’union nationale des femmes ainsi que les jeunes qui sont organisés à travers l’union nationale des jeunes. Ce sont les anciens que nous n’avons pas formés, parce que nous estimons qu’il ne faut pas trop boucher leurs méninges parce qu’ils ne peuvent que donner des conseils. Pour me résumer, je dirais que les profils de nos militants formés, ce sont la jeunesse scolaire, estudiantine, rurale, les femmes et surtout les cadres intellectuels du parti.

Malgré l’existence de ce Centre, on constate des dérapages de militants du MPP notamment. Comment expliquez-vous cela ?


Je me souviens, lorsqu’on créait le MPP, le débat s’est posé de savoir si c’est un parti élitiste ou un parti de masse. Certains voulaient en faire un parti élitiste et d’autres ont pensé qu’il fallait en faire un parti de masse, au regard de la démocratie actuelle et de la nécessité de participer aux élections. En moins d’un an, nous avons réussi à implanter le parti jusque dans les villages. Et en moins de deux ans, nous avons réussi à remporter l’élection présidentielle, les élections législatives et communales. Convenez avec moi que nous n’avons pas eu le temps de former cet ensemble de militants. Donc, tout ce que vous voyez comme dérapages ou indisciplines, est le reflet du bas niveau de formation politique de nos militants. C’est ce qui explique qu’il y a eu beaucoup de dérapages comme, par exemple, les crises dans les conseils municipaux entre les militants du MPP et qui vont même jusqu’à des combats mortels. C’est donc le niveau de formation qui pose problème. Mais comme c’est une organisation de masse, je peux dire que nous avons cherché la quantité avant la qualité. Nous n’avons pas recruté que des militants qui comprennent la politique, mais sur la base de la propagande politique. On comprend alors tous ces dysfonctionnements au niveau du parti. Il faut aller maintenant dans le processus de formation de tous les militants sur la base du programme du parti, d’où l’intérêt du centre de formation qui ne pouvait pas gérer tous ces aspects en un an.



Il était entre-temps question de nettoyer les écuries d’Augias au sein du MPP. On parlait même d’une liste de 100 personnes qui devaient être sanctionnées lors de votre congrès de mars dernier. Où en est-on exactement ?



Au sortir des élections municipales, bien que nous ayons eu une large majorité, certains de nos camarades ont posé des actes d’indiscipline, très graves et gravissimes. Nous avons une commission de contrôle et de vérification qui a eu à faire le point dans toutes les provinces jusqu’au niveau communal sur tout ce qui a porté atteinte à l’image du parti. A l’issue de son travail, nous avons estimé qu’il y a des actes d’indiscipline qu’il fallait effectivement sanctionner. Ces sanctions ont eu lieu au congrès. Il y a eu des exclusions et des suspensions de 3 à 12 mois, durée maximale d’une suspension selon nos textes. Bien entendu, comme je l’ai dit tantôt, nous sommes dans un contexte où le niveau de compréhension politique des militants est très bas, les sanctions doivent être dissuasives. C’est dans ce sens qu’en tant que responsable de la formation politique, j’ai dit de ne pas prendre de lourdes sanctions, le temps de pouvoir former le maximum de personnes. Mais je dois vous dire que pour les prochaines élections, la rigueur des sanctions va se faire sentir parce qu’on aura fait de sorte que la qualité prenne le pas sur la quantité. Je suis de ceux-là qui disent que le MPP avance en s’épurant de ses mauvais militants. C’est une dynamique et je suis sûr que nous allons nous défaire des opportunistes. D’ailleurs, ils ne sont pas nombreux, les partis qui ont le courage de sanctionner leurs militants. Il y en a qui attendent, à la porte, pour prendre les déchets des autres. Vous voyez la situation à l’UPC. On devrait exclure les députés frondeurs, mais on ne le fait pas parce qu’on a peur de les perdre.


Alors, quelle lecture faites-vous de cette crise au sein de l’UPC ?



Du haut de mon expérience politique, je peux dire que tout parti politique, dans sa croissance, connaît des crises. Le MPP aussi en connaîtra. C’est dialectique. Mais il faut toujours avoir le courage politique de chercher les causes de la crise. Il y a des facteurs internes et externes. J’ai toujours eu l’habitude de dire que l’UPC est malade de son origine. Rappelez-vous les conditions dans lesquelles ce parti a été créé en 2010. Ses membres fondateurs ou premiers adhérents sont les anciens militants du CDP, du PDP/PS, du PAI, des grands fonctionnaires internationaux qui ont fini de travailler dans de beaux bureaux des Nations unies ainsi que des anciens militaires qui avaient fui le pays sous la révolution. C’est dire qu’à sa création, l’UPC n’avait pas une base hautement politique forte.


Je me souviens que lorsqu’il a créé le parti, le président Zéphirin Diabré, dans ses premières déclarations, a dit que l’UPC n’avait pas d’idéologie tout en faisant savoir qu’il était dans la logique d’une opposition constructive et que si le régime Compaoré faisait quelque chose de bien, ils allaient l’appuyer et que si c’était mauvais, ils allaient dénoncer. A l’époque, c’était une réaction qui visait l’aile radicale de l’opposition dont je faisais partie avec Me Sankara, Issa Tiendrébéogo et bien d’autres. On nous traitait de radicaux et d’aigris mal causeurs. Le président Zéphirin Diabré continuait de soutenir que depuis que le mur de Berlin est tombé, les idéologies sont mortes et que le monde est devenu unipolaire. Avec une telle vision, que peut-on dire de la base idéologique de l’UPC ? Alors qu’il avait en son sein des militants qui étaient de gauche tel qu’Armand Ouali provenant du PAI, un parti marxiste-léniniste. Et c’est lors d’un de leurs congrès qu’il a été obligé de choisir la ligne sociale libérale. Au regard de tous ces aspects, on s’attendait à une rupture de certains militants avec leur direction. Et c’est ce qui s’est passé. Ouali qui était le secrétaire politique, a été exclu pour des raisons d’appréciation. François Tambi Kaboré qui était le directeur de cabinet de Diabré au niveau du CFOP a, lui, démissionné, de même que Kafando, le représentant du parti au niveau du Kadiogo. Et puis, le coup de massue est venu avec la création d’un groupe parlementaire UPC-Renouveau démocratique composé de ‘’13 rebelles parlementaires’’. Ce processus de crises est lié fondamentalement à la nature du parti et on peut ajouter à cela, un certain nombre de critiques qui sont formulées contre le management même du président Diabré. Ce sont là des facteurs internes fondamentaux de la crise au sein de l’UPC. Quant aux facteurs externes, ce sont les influences des autres partis sur les militants de l’UPC. Un certain nombre de militants de l’UPC ont vu que le parti n’était pas dans la bonne direction, lorsque nous avons pris le pouvoir. Rappelez-vous, à la suite de la lutte héroïque que nous avons menée sous la direction de Zéphirin Diabré au sein du CFOP pour le départ de Blaise Compaoré et qui a abouti à l’insurrection populaire, nous avons géré de façon collégiale la Transition. Les partis de l’ex-CFOP avaient créé un cadre où on s’est entendu que chaque parti politique était libre de présenter un candidat à la présidentielle mais que nous allions gérer le pouvoir ensemble pendant une certaine période, parce que des questions de fond étaient connues. Quand on prend le programme de Zéphirin Diabré, il est pour le passage à la 5e République, il est pour la vérité-justice et réconciliation sur les dossiers de crimes de sang et crimes économiques, il est pour l’économie telle que le MPP l’a prévue. Au sortir des élections, une grande partie des militants de l’UPC ont estimé que Zéphirin Diabré devait plus composer dans un gouvernement de large consensus populaire, composé essentiellement des anciens partis du CFOP que d’aller systématiquement dans l’opposition pour s’acoquiner avec le CDP que nous avons chassé du pouvoir suite à l’insurrection. C’est ce qui a provoqué la fracture au sein de ce parti. Les députés Ouali et Kiemdé ont eu à dire que la place de l’UPC n’était pas aux côtés du CDP mais du MPP. Donc, je dois dire qu’il ne faut pas s’opposer pour s’opposer. Me Sankara s’est présenté aux élections avec un programme différent de celui du président Roch Kaboré, mais il a fait le choix de la coalition. C’est ce qui était prévu entre les insurgés. Il était entendu que le candidat qui remportait la présidentielle constituerait un gouvernement post-insurrectionnel avec les autres partis qui ont participé à l’insurrection, pour la gestion du pouvoir sur une certaine période.

D’aucuns ont tout même vu la main de votre parti dans cette crise. Qu’en dites-vous ?


Non ! Le MPP n’y est pour rien. L’UPC a créé elle-même ses propres ennuis en refusant de composer avec le MPP.



Mais ne pensez-vous pas que l’UPC courait le risque d’être phagocyté en composant avec le MPP ?



Non ! La politique, c’est une question de stratégie et de pratique. D’un point de vue pratique, l’UPC a estimé qu’il fallait faire l’opposition pour garder le statut de chef de file de l’opposition. Mais, voyons, à quoi fallait-il s’opposer ?





« L’UPC a fait le mauvais choix en restant dans l’opposition »



A la gouvernance du MPP….



Mais le MPP venait de prendre le pouvoir pour la première fois, sur la base d’un programme. Il n’y avait donc pas matière à opposition. Je pense que l’UPC aurait dû entrer dans le gouvernement du MPP sur la base d’un contrat politique. Combien de fois l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade, en tant que deuxième force politique, a eu à participer à un gouvernement d’union nationale ? C’est une question de stratégie et de tactique. Mais l’UPC, après avoir perdu la présidentielle, a choisi une politique qui est en train de l’avaler. La preuve est que chaque année, à l’anniversaire de l’insurrection, pendant que le CDP, l’ADF-RDA et autres tirent à boulets rouges sur l’insurrection, le parti de Diabré se trouve gêné au point de créer à l’intérieur du CFOP, le groupe Zéph 2015. Qu’est-ce qui les empêchait de participer au gouvernement pendant, au moins, deux ans, avec pour programme minimal commun d’épuiser les dossiers pendants de l’insurrection, du coup d’Etat, de l’assassinat de Thomas Sankara, d’écrire la nouvelle Constitution, c’est-à-dire la Constitution des insurgés et réaliser la réconciliation nationale sur la base de la justice et de la vérité et aussi relancer l’économie. Etant donné que c’étaient des points communs à nous, je pense donc que l’UPC a fait le mauvais choix en restant dans l’opposition.


Justement, il se susurre que pour ce gouvernement post-insurrectionnel dont vous parlez, le Premier ministère aurait été promis à l’UPC mais à la dernière minute, le MPP n’aurait pas tenu parole. Qu’en est-il ?



Je ne suis pas au courant d’une telle négociation. Mais je sais que la proposition a été faite à l’UPC d’entrer dans le gouvernement. N’ayant pas personnellement participé à ces négociations, je ne peux pas vous en dire plus. D’ailleurs, pourquoi donner le poste de Premier ministre à l’UPC ? D’un point de vue de la science politique, la Constitution dit clairement que le Premier ministre est de la majorité parlementaire. Et c’est le MPP qui détient la majorité parlementaire. Alors, pourquoi allions-nous violer la Constitution ? Ça aurait été anticonstitutionnel de confier le Premier ministère à l’UPC.



« Nos juges qui constituent le pouvoir judiciaire devraient aussi avoir la légitimité populaire »



Parlant de la Constitution, la commission chargée de l’élaboration de la nouvelle Constitution vient de remettre l’avant-projet au chef de l’Etat. Selon vous, quelle différence fondamentale y a-t-il entre la Constitution de la IVe République et la nouvelle ?



Je n’ai pas toute la teneur de l’avant-projet, mais les éléments dont je dispose me permettent de dire que la nouvelle Constitution garde la même nature de régime, à savoir le système semi-présidentiel avec, bien sûr, le renforcement du parlement. Ensuite, la nouvelle Constitution renforce l’indépendance de la Justice avec en sus la suppression des tribunaux spéciaux comme la Haute cour de justice, le Tribunal militaire. Je tiens à préciser que cette nouvelle Constitution a été rédigée sous la présidence de Me Halidou Ouédraogo, ancien président du MBDHP et du « pays réel », avec l’ensemble de la classe politique, des organisations de la société civile, des communautés religieuses et de la chefferie traditionnelle, des éminents spécialistes comme Pr Loada, Luc Marius Ibriga, Pr Soma, Me Hervé Guy Kam. J’en déduis donc que c’est une Constitution consensuelle. Je m’en soumets alors à cette décision consensuelle parce qu’il est toujours mieux d’avoir le consensus autour des textes fondamentaux d’une République comme la Constitution, le Code électoral, le Code des collectivités territoriales.


Mais en tant que directeur de l’école de formation politique, secrétaire à la formation politique du MPP et en tant qu’intellectuel politique, je dirais que cette nouvelle Constitution ne diffère pas de celle de la IVe République. Dans sa nature, c’est toujours le même système semi-présidentiel, sauf qu’on a renforcé les pouvoirs du parlement. D’ailleurs, cela n’est pas nouveau, étant donné que le CNT l’avait déjà fait, de même pour l’indépendance de la Justice. Je dois dire aussi que suite aux recommandations du Collège de sages, il y a eu un processus de renforcement du pouvoir législatif. Donc, je m’attendais à une Ve République qui change la nature du régime. J’ai toujours été pour le système parlementaire au Burkina Faso. C’est le système le plus efficace. D’abord, on gagne en économie ; si le chef de l’Etat est élu par le parlement, vous économisez pour une élection. Ensuite, c’est le parlement qui fait le fond de la démocratie et non l’Exécutif. Etant donné que lorsque le chef de l’Etat est élu, il se décharge immédiatement de son poste dans le parti pour représenter le peuple entier. Alors que dans le système parlementaire, les députés qui sont élus dans les différentes provinces, sont plus représentatifs et plus proches des populations que le chef de l’Etat. Le système parlementaire a l’avantage d’avoir une qualité dans le choix du chef de l’Etat. Il y a par exemple l’Afrique du Sud qui a ce type de système. Du reste, pour un pays de diversité ethnique comme le Burkina, les minorités ethniques ont du mal à se faire élire chef de l’Etat par le suffrage universel direct, au regard du niveau politique des populations et de l’analphabétisme. Si Emile Paré se présente à Yaba comme candidat, les gens me voteront parce que je suis leur fils. Le facteur subjectif est très dominant dans les élections au Burkina Faso. Alors qu’avec le système parlementaire ou le système des grands électeurs, le choix du président sera beaucoup plus sur la base de ses qualités intrinsèques. Mais, on se retrouve avec le même système semi-présidentiel comme sous Blaise Compaoré et personnellement, je pense que ce n’est pas un système efficace. Dans tous les cas, je voterai pour cette nouvelle constitution, même si j’aurais souhaité que ce soit un système parlementaire qui est le plus démocratique. J’ai une autre critique envers cette nouvelle Constitution, c’est la notion de l’indépendance de la Justice. Pour moi, la souveraineté appartenant au peuple, toutes les institutions doivent avoir la caution de la légitimité populaire. A l’image de l’élection du président du Faso et des députés par le peuple, nos juges qui constituent le pouvoir judiciaire devraient aussi avoir la légitimité populaire. Le peuple devrait avoir un mot à dire dans leur mode de désignation. C’est à partir de ce moment qu’on parlera de l’indépendance de la Justice et de la séparation des pouvoirs. Il faut même introduire la notion de participation des citoyens aux tribunaux qui les jugent. C’est un processus qui est en marche en France, et il existe au Canada. Actuellement, c’est le président du Conseil d’Etat qui est le président du Conseil supérieur de la magistrature. Pour moi, ça fait doublon. Il faut un autre organe au-dessus des différentes cours pour incarner la volonté populaire de l’indépendance de la Justice. Et pourquoi on ne mettrait pas l’élection des juges ne serait-ce que pour les membres du conseil supérieur de la magistrature, dans la logique des suffrages universels indirects ?

Et avec quel corps électoral ?


Le corps électoral pourrait être les magistrats, des professeurs d’université, tout comme des députés qu’on pourrait mettre à contribution. On peut envisager un mode d’élection des juges au suffrage indirect. C’est un système qui existe dans d’autres pays. C’est en cela qu’on pourra avoir une Justice vraiment indépendante. Actuellement, nous traversons une transition. Pensez-vous que des juges qui étaient acquis sous l’ère de Blaise Compaoré pendant des années, peuvent devenir subitement indépendants ? Je n’accuse pas délibérément les juges, mais je doute de leur indépendance d’esprit. C’est pour cela que jusqu’à présent, on ne sait pas pourquoi les dossiers pendants traînent.



Mais si ces dossiers pendants sont bloqués par le fait des juges « acquis » sous l’ère Compaoré, les juges « acquis » du régime Kaboré pourraient les reprendre en main ?



Est-ce que le président Kaboré a des juges « acquis » ? Il vient d’arriver au pouvoir. Je suis du MPP et je ne connais pas un juge « acquis » du parti. Par contre, si ce sont les juges « acquis » de Blaise Compaoré au temps du CDP, j’en connais beaucoup parce qu’ils participaient aux réunions du parti et on en connaît qui étaient dans le bureau politique du CDP. Le MPP est actuellement dans une dynamique d’indépendance totale de la Justice, voilà pourquoi il a signé le pacte national pour le renouveau de la Justice.



Tout compte fait, vous allez donc voter oui pour la nouvelle Constitution de mauvais gré ?



Comme elle est consensuelle, je vais voter pour, mais avec des réserves. C’est ce que j’ai fait d’ailleurs lors du référendum pour l’adoption de la Constitution de la IVe République. J’ai voté avec des réserves, parce que j’étais contre l’existence de la deuxième chambre. Cette fois-ci encore, je voterai oui tout en demandant qu’on améliore certains aspects.



« Le train de vie de l’Etat est un point qui ne me donne pas encore satisfaction »


On estime à 2 milliards de FCFA, le coût organisationnel du référendum pour adopter cette nouvelle Constitution. D’aucuns trouvent que c’est cher payé, eu égard aux difficultés économiques auxquelles le pays est confronté actuellement. Qu’en dites-vous ?



Le Burkinabè est trop obtus d’esprit quand il s’agit de l’argent. Mais la démocratie coûte cher. Si 2 milliards de FCFA peuvent nous permettre d’avoir une bonne Constitution pour pérenniser la démocratie, stabiliser le processus politique, je ne vois pas en quoi ce coût pourrait poser problème. Il y a des milliards de F CFA qui sont souvent dépensés inutilement dans le budget d’Etat. Je pense qu’il faut avoir le sens du sacrifice. Sous la révolution, il avait été demandé aux travailleurs et aux étudiants de consentir des efforts pour réaliser un certain nombre d’infrastructures, et pour ça, on m’a ponctionné environ 4 000 F CFA sur ma bourse et quand je suis devenu travailleur, c’est autour de 50 000 F CFA. 2 milliards de F CFA, ce n’est vraiment rien pour se doter d’une Constitution. D’ailleurs, je suis contre le financement des élections par la communauté internationale. Parce que ça porte atteinte à la souveraineté et à l’indépendance. Nous n’avons pas besoin d’urnes ou d’isoloirs modernes, on peut utiliser des sekos comme isoloirs. Sous Sankara, on s’alignait derrière les candidats pour les voter, mais ce n’était pas moins démocratique que maintenant. Toujours est-il que pour avoir les 2 milliards de F CFA, on peut supprimer des lignes budgétaires dans le budget de l’Etat.



Quel type de dépenses par exemple ?



Il y a par exemple les indemnités faramineuses de certains travailleurs. Et surtout, en diminuant le train de vie de l’Etat qui est un point qui ne me donne pas encore satisfaction, on peut trouver les 2 milliards de F CFA pour la consolidation de la démocratie.



« Mais cela n’empêche pas de dire que nous ne sommes pas encore satisfaits de son travail. Une de ses insuffisances, c’est que jusqu’à présent, il n’arrive pas à réduire le train de vie de l’Etat »


Alors, quelles sont, selon vous, les insuffisances du gouvernement ?



En démocratie, lorsqu’on prend le pouvoir, ce qui est connu, c’est le programme. Ce qui est moins connu, c’est l’architecture gouvernementale et les hommes pour la mise en œuvre de ce programme. Et là, au sein des partis politiques, il y a toujours des divergences. Ce combat dialectique entre ceux qui disent de commencer lentement et ceux qui demandent d’aller vite aux réformes, survient au lendemain de toute prise de pouvoir. Le gouvernement actuel qui a commencé à travailler à mettre en œuvre le programme présidentiel et le PNDES, a fait beaucoup de choses. Mais cela n’empêche pas de dire que nous ne sommes pas encore satisfaits de son travail. Une de ses insuffisances, c’est que jusqu’à présent, il n’arrive pas à réduire le train de vie de l’Etat. Alors que c’était un des engagements forts du président Roch Kaboré. Je me souviens que le ministre d’Etat, Simon Compaoré, a dit qu’on ne doit plus voir les 4x4 fond rouge de service, circuler à Ouagadougou. Est-ce que cela a changé ? Non. Ensuite, vous voyez que le Burkina Faso est plutôt devenu un pays de séminaires et d’ateliers. Je pense qu’il faut mettre fin à ces choses-là, parce qu’elles n’apportent rien de nouveau. De nos jours, on n’a pas besoin qu’un ministre de l’Education se déplace avec un cortège d’une dizaine de 4x4 pour aller juste inaugurer une école dans une localité, alors qu’il y a un directeur régional qui aurait pu le faire. Imaginez le coût en termes de millions de F CFA de ce genre de cérémonies. C’est tout cela qui pousse les travailleurs à dire qu’il y a l’argent. Le sommet de l’Etat devrait pouvoir donner l’exemple pour ce qui est de la réduction du train de vie de l’Etat. A consulter l’audit de l’ASCE/LC sur la gestion des ministères sur un an, c’est sans appel. On voit bien qu’il y a trop de gaspillages. La deuxième insuffisance du gouvernement, c’est sa faible capacité de négociation tant en direction du monde syndical que de la communauté internationale. On vient d’évaluer la mise en œuvre du PNDES, et nous ne sommes pas encore au vert. Il y a donc quelque chose qui ne va pas. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les techniciens. De même, quand on regarde le compte rendu de l’évaluation du responsable chargé du suivi du programme présidentiel, on se rend compte que nous n’avons pas atteint nos objectifs. Il faut le dire, ce gouvernement de Paul Kaba Thiéba traîne beaucoup d’insuffisances. Je peux encore en énumérer d’autres. Je ne suis en train de faire le procès du gouvernement, mais c’est pour dire que ces insuffisances doivent être saisies par le président du Faso, Roch Kaboré, pour nous proposer un nouveau gouvernement. Si vous vous souvenez, le président Kaboré a dit à l’an I de son mandat qu’en l’an II, c’est-à-dire en 2017, nous allions passer à la vitesse supérieure. Mais cette vitesse semble traîner. Donc, en 2018, il doit pouvoir passer à cette vitesse supérieure pour corriger les insuffisances qui sont là, par un gouvernement offensif, plus politique et plus réactif, que de rester avec ce gouvernement plutôt défensif et qui court toujours pour rattraper les dégâts. Nous sommes dans un système électoral, il faut être à l’écoute de l’électorat, il faut être sensible à ce que disent l’opinion et les militants du parti. Il faut donc revoir l’architecture de ce gouvernement, au niveau des hommes et du contrôle de ses actions. Une autre insuffisance de ce gouvernement, c’est que, par peur d’être taxé de chasse aux sorcières, il n’arrive pas à dépolitiser l’Administration alors qu’elle est bourrée à 90% d’anciens cdpistes si bien que la mise en œuvre de certaines de nos décisions importantes sont bloquées par ces gens tapis dans l’ombre.
Pensez-vous normal qu’un ministre ne soit pas au courant de la tenue d’une grève des travailleurs de son département ? Imaginez-vous un ministre qui a fait deux ans dans le gouvernement et qui, après avoir démissionné, accable le président et tout le gouvernement, et qui dit que c’est le chaos total sans qu’il y ait une réponse adéquate d’un membre de ce gouvernement à ce ministre démissionnaire ? Mais qui ne dit rien, consent. C’est comme s’il avait raison. Et plus grave, le ministre porte-parole du gouvernement se présente aussitôt sur un plateau de télé pour dire que lui n’a même pas lu les raisons de la démission de son collègue. Par ailleurs, je m’attendais à ce que, pour le parallélisme des formes, le gouvernement se présente sur un plateau de télé pour démonter les arguments de Tahirou Barry. Cela n’a pas été fait, et il s’en est tiré à bon compte. Ce qui m’amène à dire que ce gouvernement est frileux, flottant et composé de beaucoup d’aveugles politiques. Or, nous sommes dans un système où l’opposition attaque politiquement toutes les actions du gouvernement qui devrait, à son tour, être en mesure de s’assumer. Et pour cela, il doit être hautement politique. C’est le MPP qui répondra des résultats des cinq ans de gestion. A mon avis donc, on doit recentrer l’orientation gouvernementale.



Vous êtes donc dans la même logique que le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, qui a dit aux militants du MPP du Kadiogo ceci : « Si nous dormons, 2020 sera difficile pour nous. » Tout porte à croire qu’il y a vraiment péril en la demeure, n’est-ce pas ?



Le président Sakandé voulait faire savoir à ces militants qu’il y a actuellement une offensive de l’opposition contre notre pouvoir, une offensive des forces syndicales pour nous déstabiliser. Il les a donc invités à se réveiller parce qu’on sent qu’ils dorment. Ce que j’ajouterais à ces propos, c’est que nous devons d’abord, en notre sein, montrer l’exemple d’une gouvernance vertueuse qui va galvaniser nos militants. Nous devons associer nos militants à la gestion du pouvoir. Ils ont l’impression qu’on a délégué la gestion de leur pouvoir à d’autres personnes. Le président de l’Assemblée nationale, Sakandé, est donc dans son rôle en interpellant les militants de la sorte. Moi, je vais plus loin en disant que si le président Roch Marc Kaboré ne change pas l’architecture et l’orientation du gouvernement, 2020 sera plus difficile que Sakandé le pense.



Vous venez de dire que le Burkina est devenu un pays de séminaires alors que les problèmes sont déjà connus. Dans le même sens, il y en a qui trouvent qu’on n’avait pas besoin d’états généraux de la jeunesse qui peuvent même paraître budgétivores. Quel commentaire en faites-vous ?


C’est comme si vous me dites que les problèmes de la Justice tout comme ceux des syndicats étant déjà connus, on n’a plus besoin de se concerter. Le forum de la jeunesse fait partie du programme présidentiel. Ce qu’il faut remarquer notamment avec le président Kaboré, c’est qu’il déroule au fur et à mesure ses engagements électoraux. Il avait par exemple promis une Fonction publique hospitalière qui vient d’être une réalité par l’adoption d’un projet de loi en Conseil des ministres. Il faut dire que Roch Marc Christian Kaboré essaye de rester collé à ses engagements. Je ne dis pas forcément qu’on ne peut pas revenir sur un engagement s’il y a des arguments. Mais nous, nous pensons que la jeunesse est le fer de lance de tout développement. Notre pays étant à majorité jeune, il faut donc toujours poser les problèmes de cette jeunesse. Il s’agit notamment des questions de l’emploi, de l’éducation, de l’agriculture. Aujourd’hui, on voit que la jeunesse rurale est beaucoup plus tentée par l’émigration. Il faut arriver à la fixer en lui donnant les outils modernes nécessaires pour les activités agricoles. Avec tous ces problèmes, je pense que ce n’est pas une mauvaise chose de réunir les forces vives de la Nation pour en discuter. Pour ce qui est du coût de l’organisation de cette activité, je pense plutôt qu’il faut féliciter le ministre de la Jeunesse. Il a fait en sorte que ces états généraux ne soient pas budgétivores. Les jeunes ont été hébergés et on leur a donné juste 500 FCFA pour leur café en dehors des séances de travail. Mais vous avez vu comment cette jeunesse était mobilisée. C’est pour dire qu’avec moins de frais, on peut faire beaucoup de choses.



Jusque-là, vous donnez l’impression que si vous aviez voix au chapitre, vous alliez faire bouger beaucoup les lignes. Et pourtant, vous n’êtes ni député ni ministre. N’êtes-vous pas amer aujourd’hui ?



Etre ministre, ce n’est pas une fin en soi. On m’avait demandé de déposer mon dossier de candidature pour la députation, mais j’ai refusé. Le ministre Bonanet et moi sommes du Nayala et nous avons tous les deux décidé de ne pas nous présenter aux législatives afin de permettre le renouvellement de la classe politique dans la province. C’est donc pour laisser la place à une nouvelle génération d’hommes politiques au Nayala, que j’ai décidé de ne pas me présenter aux législatives. Et je ne m’en plains pas.



Vous n’êtes pas non plus ministre….



Je vous ai dit que ce gouvernement a un problème de casting. Je ne me voyais pas dans un gouvernement défensif. Si j’y étais, j’aurais déjà démissionné. Moi, je suis un homme offensif. Je ne suis pas un ‘’yesman’’. Je crois que le président Roch Kaboré connaît mon caractère et s’il a besoin de moi pour être ministre, il sait ce à quoi il doit s’en tenir. D’ailleurs, on ne participe à la gouvernance en étant seulement ministre ou député. Nous avons des camarades qui sont directeurs généraux, présidents d’institutions, et dans d’autres postes intéressants. Il y a donc plusieurs manières de contribuer à la gestion du pouvoir. Quant à moi, personnellement, je ne suis pas aigri du tout. Et puis, je dois vous dire une chose, depuis que je fais la politique, mon seul intermède de participation au pouvoir, c’était sous la révolution. J’ai toujours milité dans l’opposition, si bien que je ne vois même pas la nécessité d’aller forcément négocier un poste. Bien entendu, si le président Kaboré estime qu’Emile peut être utile à tel poste de la gouvernance, ministre, président d’institution ou autre, je suis disposé à l’accompagner parce que c’est quand même notre pouvoir. En fait, les gens ne savent pas ce que c’est le titre de ministre. Ministre veut dire serviteur. Au temps de Lénine, on appelait le ministre ‘’commissaire du peuple’’. C’est pour dire que le ministre est là pour servir le peuple. Et pour moi, Emile, en tant que marxiste et révolutionnaire jusqu’aux os, je pense que le poste de ministre c’est pour servir le peuple, la Nation. Ce n’est pas un poste pour manger. Or les gens ne voient que les perdiems, les bureaux feutrés, les voyages dans les avions. Cela n’est pas de l’Emile. Je vous rappelle que j’ai 60 ans, et ce n’est pas à cet âge qu’il faut courir après les postes. Certes, je ne suis ni député ni ministre, mais je suis dans le bureau exécutif du MPP et je fais partie des militants qui disent que le parti doit s’approprier son pouvoir, sa gouvernance. Roch Marc Kaboré appartient au peuple entier, mais il est le candidat du MPP et du peuple insurgé. Et moi, je suis MPP et insurgé, donc qu’on me nomme ministre ou pas, cela ne m’empêchera pas de travailler pour le parti.

Vous vous dites insurgé alors qu’il y a des partis politiques qui exigent le jugement de certains insurgés. Vous qui avez revendiqué la paternité de l’insurrection, serez-vous prêt à répondre un jour devant le juge ?


C’est très grave pour un parti politique de dire de juger les insurgés. Pour avoir pardonné certaines situations, aujourd’hui, les bourreaux deviennent les victimes. Voulez-vous qu’on juge les insurgés ? Comment ? L’insurrection que nous avons vécue est populaire et nationale. Les Ouagalais ont l’habitude de croire que c’est eux seuls qui sont les insurgés. Les 45 provinces se sont insurgées. De Ouahigouya à Bobo-Dioulasso en passant par Toma, il y a eu des morts d’hommes, des incendies d’institutions. Quelqu’un s’est-il déjà plaint de l’action des insurgés sur l’Assemblée nationale ? Tout récemment, nous avons été même honorés par la Coalition contre la vie chère et le MBDHP qui ont marché venir devant cette Assemblée nationale pour magnifier l’acte héroïque des insurgés. Il y a même un comité qui a été créé avec de nombreuses personnalités, pour en faire le musée de la démocratie. Rappelez-vous, le jour de l’insurrection, ce sont toutes les couches socio-professionnelles voire confessionnelles qui étaient dans la rue. Qui peut juger un tel mouvement ? Le CDP qui demande qu’on juge les insurgés, a même fait son mea-culpa autant que d’autres partis de la mouvance présidentielle en son temps, qui ont fait leur autocritique pour n’avoir pas mesuré la volonté du peuple. D’ailleurs, les insurgés n’ont pas brûlé l’Assemblée nationale parce qu’ils voulaient le faire, mais dès lors qu’on a tiré à balles réelles sur eux et qu’ils ont pu tout braver et atteindre le parlement, ils se sont mis dans une furie incroyable.

Quid des maisons et biens privés brûlés?



A ce niveau, nous sommes dans un processus de réconciliation nationale. Je suis de ceux qui pensent que s’il y a des domiciles privés qui ont été brûlés par la jeunesse insurgée parce qu’elle était en colère, il faut la réparation. Il y a aussi des militants du MPP qui ont vu leurs maisons saccagées. Nous avons, par exemple, une grande militante à Bobo-Dioulasso dont le domicile a été saccagé. La boutique de la députée Laurence Marshall au niveau de l’hôtel Azalaï, a été également saccagée. Dans tout mouvement insurrectionnel, il y a toujours ce genre d’actes qui sont posés. Dans le cadre donc de la réconciliation nationale, je ne suis pas contre le fait qu’on puisse déterminer ce qui doit être réparé ou dédommagé. Mais aussi celui qui va parler de juger les insurgés, non seulement il ne sera pas dédommagé, mais aussi on répétera l’acte qui lui est survenu parce que c’est de la malhonnêteté politique.

Ce qu’on ne dit pas, c’est que moi j’ai échappé trois fois à des tentatives d’assassinat. Le jour de l’insurrection, on a dit de tirer sur moi. Le soldat qui est un insurgé a dit qu’il ne tire pas. Mais je n’ai pas encore parlé, j’attends le forum de la réconciliation. Je suis dans un mouvement collectif. Nous avons organisé l’insurrection et nous nous sommes assumés. Si sous la direction d’Emile Paré, on a pris l’Assemblée nationale, est-ce que ça veut dire qu’Emile Paré doit répondre de toute l’insurrection ? Je le répète, celui qui va dire de juger les insurgés, c’est qu’il ne veut pas la réconciliation.



Mais pourquoi avoir réclamé la paternité de cette insurrection ?



Nous avons dit que le MPP est la force motrice de l’insurrection. Mais je ne dis pas que nous sommes les seuls insurgés.



Pour revenir sur la réconciliation, quel est, selon, le mécanisme approprié pour y parvenir?



Il n’y a pas une volonté des Burkinabè de faire une réconciliation. Le président Blaise Compaoré, en son temps, en 2000, a fait une réconciliation bâclée. Une partie du peuple a boycotté sa cérémonie de pardon. Nous avons été clairs ; pour nous, on ne peut pas faire la réconciliation en sautant l’étape de la vérité et de la justice. On se pardonne, après avoir dit la vérité et la justice. Nous voulons savoir comment Sankara est mort ; nous voulons savoir comment Norbert est mort ; nous voulons savoir qui a tiré sur les insurgés et qui a donné l’ordre de tirer. Il y a des pays qui ont connu des fractures sociales plus que la nôtre et qui ont réussi la réconciliation. Que ce soit au Bénin, au Mali, au Congo, en Afrique du Sud, la vérité a d’abord été dite au peuple. Pour moi, le HCRUN (ndlr : Haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale) n’a qu’à mettre en branle le processus de la vérité, justice et réconciliation. Il y a des questions qui sont réglées. Le Collège de sages a déjà fait cas des crimes économiques et de sang. Je suis pour un forum de vérité à la Maison du peuple et qui sera retransmis en direct au cours duquel on va se dire ce qui s’est passé de 1960 à nos jours. Ce qui va permettre à la jeune génération de savoir la vérité sur un certain nombre de choses. L’insurrection a permis de relancer les procédures judiciaires d’un certain nombre de dossiers qui étaient bloqués sous le régime de Blaise Compaoré. Il va falloir accélérer leur jugement et que tous ceux qui y sont cités, répondent devant la Justice. Il n’est pas question de juger quelqu’un par contumace.

Justement, vous venez de créer un groupe de pression pour l’extradition et le jugement de Blaise Compaoré et autres. Est-ce une forme de pression sur la Justice ?


Nous avons donné les raisons qui nous ont amené à créer ce groupe. Il est d’abord formé d’anciens parlementaires. Et je pense qu’en tant qu’ancien parlementaire, je suis une personnalité du pays qui a eu à légiférer, à voter des lois. Donc, je ne peux pas rester silencieux si les lois que j’ai contribué à voter ne sont pas bien appliquées. Le CNT a mis en accusation Blaise Compaoré et son gouvernement. Aujourd’hui, on constate que la Justice traîne avec le dossier de l’insurrection qui est pourtant le dossier père des autres dossiers, comme celui de l’attaque de Yimdi qui a été jugé et celui du putsch qui est beaucoup avancé. Concernant ce dossier de l’insurrection, au lieu que des éléments de l’ancien régime demandent qu’on l’accélère pour qu’il y ait la paix, ils veulent le retourner dans le sens contraire en demandant d’aller à la réconciliation. Ces derniers temps, il y a plusieurs voix qui s’élèvent pour demander que Blaise Compaoré revienne. Moi aussi je fais partie de ceux-là qui veulent qu’il revienne parce qu’il a beaucoup à dire après 27 ans de gestion du pouvoir. Nous voulons une réconciliation vraie. Ce n’est pas normal que le président d’un pays, après 27 ans du pouvoir, se lève un jour pour quitter le pays avec une cinquantaine de véhicules sous la protection des Français, aille s’installer en Côte d’Ivoire et peu de temps après, Alassane Ouattara lui donne la nationalité ivoirienne. Il faut qu’il vienne répondre des actes qu’il a posés. Nous parlons de sa responsabilité en tant que chef de l’Etat. Comme le CNT l’a mis en accusation, il doit venir répondre. Et conformément à la loi, s’il ne vient pas, il doit être extradé. Si Blaise Compaoré revient au Burkina s’expliquer au peuple et se soumettre à la Justice, peut-être qu’il serait plus heureux ici que là où il est en exil. Le Pr Joseph Ki-Zerbo a dit du haut de son expérience de l’exil de Dakar, que l’exil est une autre prison. Je ne crois pas que Blaise Compaoré soit heureux en Côte d’Ivoire. La CODER est allée rencontrer Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire, Nana Thibaut aussi qui, lui, a dit que Blaise Compaoré revient le 17 décembre prochain. Nous, en tant qu’anciens parlementaires, notamment ceux du CNT qui ont mis en accusation Blaise Compaoré, disons de revenir répondre de ses actes librement, parce qu’il est parti librement. Mais s’il ne vient pas, qu’on l’extrade comme on demande l’extradition de François Compaoré actuellement. Nous avons donc créé ce groupe de pression parce que nous avons constaté que les différents dossiers où Blaise Compaoré est cité, traînent. Actuellement, on juge ses ministres et pourquoi ça traîne pour lui ? Nous sentons une volonté de l’extraire du jugement.

Volonté de la part de qui ?



De la Justice. D’ailleurs, je salue au passage le courage de l’ancien Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, et d’autres ministres qui ont accepté de rentrer pour se soumettre à la Justice.

Il se susurre aussi que le pouvoir actuel fait traîner leur jugement pour les casser politiquement dans la perspective de 2020. Qu’en dites-vous ?


Qui fait traîner le dossier ? Le dossier a été ouvert et ce sont les propres avocats de ces ministres qui le font traîner avec des questions de procédures. Si j’étais à la place de ces avocats, j’allais rapidement entrer dans le fond pour libérer mes clients. Je crois même que les ministres ont intérêt à dire à leurs avocats d’arrêter la procédure et d’aller dans le fond. Pour ça, le pouvoir n’a rien à voir ainsi que les juges de la Haute cour.



Revenons sur une affaire qui a défrayé la chronique au Burkina. Comment avez-vous accueilli le scandale ‘’Tranquilos’’ ?



Je vais peut-être vous décevoir, mais il n’y a pas eu de scandale. Nous sommes en temps de guerre contre le terrorisme et tout le monde sait que le ministre de la Sécurité, Simon Compaoré, est sur le terrain de la guerre permanente. Il était peut-être sorti pour autre chose et il a fait escale chez le député de l’UPC. Peut-être qu’il était en tournée avec les forces de sécurité. D’ailleurs, si le fils du député n’avait pas mis la vidéo sur les réseaux sociaux, personne n’aurait parlé de scandale. Ensuite, on oublie que lors de la grève sans autorisation de l’UNAPOL, on est allé désarmer la sécurité du ministre à son domicile. Donc, pour moi, que le ministre Simon Compaoré porte un gilet pare-balles ou une arme de guerre, cela ne gêne pas parce que nous sommes dans une guerre contre le terrorisme.

Mais nous sommes dans un Etat de droit…



Je vous demande si dans un Etat de droit, les policiers ont le droit d’aller désarmer la sécurité d’un ministre de la Sécurité. Est-ce que vous êtes d’accord que dans un Etat de droit, un parti politique, parce qu’il a des problèmes internes, mobilise ses militants pour aller brutaliser un citoyen ? Ce sont autant d’actes répréhensibles. Je pense qu’il faut plutôt s’attaquer à la cause qui a amené le ministre Simon Compaoré à poser cet acte. En Côte d’Ivoire, lorsqu’on a nommé Hamed Bakayoko comme ministre de la Défense, il s’est habillé en tenue militaire pour aller visiter des camps. Moi-même, le jour où on va me nommer ministre de la Défense, je serai toujours au bureau habillé en tenue militaire et en position permanente de combat, parce que c’est la guerre contre le terrorisme. Il n’est pas allé tirer sur un individu. L’opposition a dit qu’elle va déposer plainte par l’intermédiaire de Me Farama, suivons donc les règles de la République dans ce dossier. Sinon, pour moi, il n’y a aucun scandale.


« Je puis vous dire qu’en matière de gestion de la chose publique, je suis propre »



Dans l’affaire de détournement de fonds au FAFPA, il ressort que plus de 340 millions de F CFA auraient été transférés dans le compte d’un cabinet de fiscalité dont vous seriez le deuxième associé. Qu’en est-il exactement ?



C’est par la presse que j’ai appris que je suis un associé de ce cabinet dont je ne connaissais même pas le nom. C’est un cabinet de fiscalité alors que moi Emile Paré, je suis médecin. Et en tant que médecin, je ne vois pas comment je peux m’associer à un cabinet de juristes et de fiscalité. Je suis fonctionnaire de l’Etat depuis 1986 soit 31 ans de service. J’ai fait l’hôpital de Kaya, l’hôpital de Gaoua, j’ai aussi servi à la clinique des travailleurs à Ouagadougou. J’ai été le premier médecin-chef des urgences médicales de l’hôpital Yalgado Ouédraogo pendant 7 ans. Après cela, j’ai été élu député. Quand j’ai quitté l’Assemblée nationale, j’ai été affecté au district sanitaire de Baskuy, précisément au dispensaire de Gounghin où j’ai fait 12 ans. Actuellement, je suis à l’inspection médico-scolaire. Je n’ai pas exercé d’autre profession. Connaissant les textes de la Fonction publique, je me suis toujours refusé d’exercer une profession libérale. Si besoin est de le rappeler, les textes de la Fonction publique interdisent aux fonctionnaires de créer des sociétés ou d’exercer dans les professions libérales, en dehors de l’agriculture et de l’élevage. Même là, je ne suis ni dans l’agriculture ni dans l’élevage. Je ne suis que dans la médecine. Il y a beaucoup de médecins de la Fonction publique qui font des prestations dans les cliniques privées, mais vous ne verrez aucune trace de Paré Emile dans une clinique privée alors que j’ai été sollicité.


De mon point de vue, si je dois créer une société privée, c’est bien entendu une clinique ‘’Paré et frères’’ ou ‘’Paré Emile et fils’’ ou « fille’’ parce que ma fille est médecin. Mais, je ne sais même pas comment on crée une société ou une clinique. Dans cette affaire de cabinet de fiscalité, mon nom a été cité à la Une de certains journaux alors que dans le corps du texte, on parle d’un Paré Pargui. Au Nayala, il y a plus d’une vingtaine de Paré Pargui et plus d’une dizaine de Paré Emile. Dans les grandes familles au Nayala, le prénom Pargui est donné aux garçons et Parlô aux filles. Moi, ayant fait le petit séminaire, mon nom catholique est Emile. Je suis donc Paré Pargui Emile et je suis médecin. Je suis né en 1958 alors que le Paré Pargui dont on parle dans l’affaire du FAFPA est né en 1953. Il est aussi dit que Paré Bakary qui est cité dans cette affaire serait mon frère. Oui, c’est mon petit frère, et alors ? Vous ne trouverez mon nom dans aucune société. Je trouve que citer mon nom dans cette affaire de cabinet de fiscalité ou de détournement de fonds au FAFPA, n’est qu’un lynchage médiatique, une cabale politique à mon endroit depuis un certain temps. Je suis de ces hommes politiques qui n’aiment pas poursuivre la presse parce que j’ai été parmi ceux-là qui ont milité pour la dépénalisation des délits de presse. J’ai comme l’impression d’une instrumentalisation de la presse par des hommes politiques qui ne sont peut-être pas contents de mes analyses de la situation nationale. Sinon, est-ce que si quelqu’un a un problème de gestion, est-ce que ça engage son petit ou grand frère ? Si le Premier ministre a un problème de gestion, est-ce que ça engage son petit ou grand frère ? Si le ministre Bouda a un problème de gestion, est-ce que ça engage son petit ou grand frère ? Vous n’êtes pas sans savoir qu’au Burkina Faso, les homonymes parfaits sont légion. En ce qui me concerne, je suis un homme politique, j’ai été président d’un parti politique, j’ai été député, j’ai été deux fois candidat à une élection présidentielle et aujourd’hui, je suis dans le bureau exécutif du MPP. Je ne serais donc pas introuvable si l’on voulait vérifier certaines informations me concernant. Je puis vous dire qu’en matière de gestion de la chose publique, je suis propre. D’ailleurs, je n’ai jamais eu l’occasion de gérer des biens publics, puisque je n’ai jamais eu de promotion administrative ni de promotion politique. Si une société a été créée par mon frère avec des associés, je pense qu’il est libre de le faire mais de là à y associer mon nom, je pense que c’est trop osé. Je ne suis pas non plus de ces fonctionnaires qui créent des sociétés prête-noms. La presse doit faire attention à une certaine opinion politique qui tente de me dénigrer par tous les moyens. Du haut de mon expérience, j’ai eu à dire au président Roch Marc Kaboré de nettoyer dans son entourage. Aussi bien dans son entourage gouvernemental qu’au niveau de la présidence, sinon ils peuvent l’envoyer tout droit dans le mur. En ce qui me concerne, je suis clean et tranquilos dans le dossier FAFPA.

Mais qu’est-ce qui vous fait dire que c’est une cabale politique ?


C’est une cabale politique qui vient du MPP. Je ne citerai pas de noms d’abord. Il faut que ces gens arrêtent ; sinon, ils risquent d’envoyer notre régime tout droit au mur. Je pense que le dénigrement d’un leader politique de ma trempe, de la direction du MPP, contribue à la destruction du parti et ça contribue au dénigrement du régime de Roch Marc Christian Kaboré. Je suis dans l’opposition depuis 1989, c’est la première fois que je participe à la gestion du pouvoir d’Etat sous la direction du MPP. Et depuis que le MPP a pris le pouvoir, je n’ai pas eu un poste de nomination ; qu’on me laisse tranquille.

Interview réalisée par Drissa TRAORE
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