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SOMMET UA-UE : « L’Afrique est devenue une priorité absolue de notre politique étrangère. »
Publié le vendredi 1 decembre 2017  |  Le Pays
5ème
© Autre presse par DR
5ème Sommet UA-UE: Conférence de presse
Jeudi 30 novembre 2017. Abidjan. Au terme des travaux du 5e sommet Union Africaine-Union Européenne les dirigeants des deux institutions ont animé une conférence de presse.




« Depuis que j’ai assumé la présidence du Groupe S&D au Parlement européen, l’Afrique est devenue une priorité absolue de notre politique étrangère ». C’est ce que souligne, dans cette tribune, Gianni Pittella, Président du Groupe des Socialistes et Démocrates au Parlement européen, qui se dit convaincu que le destin de l’Europe est étroitement lié à celui du continent africain. Pour cela, estime-t-il, les leaders de l’UA et de l’UE doivent faire en sorte que ce destin commun offre aux citoyens africains et européens de réelles opportunités et un avenir meilleur pour tous. Lisez plutôt.

« À Abidjan, les chefs d’État et de gouvernent africains et européens avaient rendez-vous avec l’histoire. Cette expression, tant de fois répandue sur les médias, était pourtant une réalité. Le sort infâme des migrants africains vendus comme esclaves en Libye et victimes des pires violations des droits de l’homme le long de routes migratoires toujours plus périlleuses, nous rappelle combien les destins de l’Europe et de l’Afrique sont liés. En Côte d’Ivoire, leaders africains et européens n’avaient d’autres choix que de dialoguer de manière franche et ouverte, et surtout d’agir pour relancer le partenariat entre l’UA et l’UE. Deux institutions dont les points de convergence sont aujourd’hui plus nombreux que par le passé, grâce notamment à l’impulsion de la Haute Représentante de la politique étrangère et de sécurité de l’UE, Federica Mogherini et du Président de la Commission de l’UA, Moussa Faki, mais qui doivent faire face aux pressions constantes de leurs États membres au nom des intérêts nationaux, et parfois à leur hypocrisie.

Preuve en est l’émoi provoqué par les images de la CNN parmi les dirigeants du monde entier, et notamment africains, qui, du jour au lendemain, ont joué une partition sur l’enfer des migrants en Libye. Car avouons-le, tout le monde savait ce qu’il se passait dans les « camps de concentration » libyens, mais, mais bon nombre de leaders ont étouffé dans un silence assourdissant les témoignages effroyables recueillis en Afrique et en Europe sur les homicides, les rackets, les viols et les ventes d’esclaves.

« Les chefs d’État et de gouvernement de l’UE et de l’UA ont eu un sursaut d’orgueil. Mais il s’agit d’un réveil tardif »

En annonçant à Abidjan une task force UE-UA-ONU chargée de fermer les centres de détentions en Libye, démanteler les réseaux de trafiquants d’êtres humains, faciliter le retour des migrants pris au piège sur le territoire libyen dans leurs pays d’origine et relocaliser les demandeurs d’asile, et enfin protéger les migrants le long de routes migratoires, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE et de l’UA ont eu un sursaut d’orgueil. Mais il s’agit d’un réveil tardif qui ne peut faire oublier les erreurs du passé et, surtout, ne résout pas un problème qui nécessite la mise en œuvre d’une stratégie politique commune beaucoup plus ambitieuse sur le moyen et long terme.

Le fait que l’agenda du Sommet - initialement dédié à la jeunesse - ait été phagocyté par les actions urgentes pour les migrants, est le résultat de ces erreurs et d’une politique à court terme et excessivement sécuritaire. À qui la faute ?


En Europe, la gestion des flux de migrants a démontré de manière flagrante l’incapacité des États européens à s’accorder sur une politique migratoire commune et solidaire. Des pays comme l’Italie ou l’Allemagne se sont retrouvés très esseulés dans les opérations de sauvetage et d’accueil d’hommes, de femmes et d’enfants traumatisés par leur traversée du Sahel, de la Mer Méditerranée et des Balkans. Le programme adopté par l’UE en septembre 2015 pour soulager la Grèce et l’Italie confrontées à des flux migratoires sans précédents, à travers la relocalisation de 160.000 réfugiés dans tous les États Membres de l’Union, symbolise cette faillite. Deux ans plus tard, seules 46.000 personnes ont été relocalisés, alors que le Rwanda a décidé en moins de 48 heures d’accueillir 30.000 migrants piégés en Libye.

Ce manque scandaleux de solidarité intra-européenne fait la joie des partis d’extrême droite qui profitent de la crise économique et des cures d’austérité infligées aux citoyens européens pour alimenter toutes sortes de fantasmes sur les migrants en annonçant des invasions qui ne le sont pas. Car faut-il le rappeler : les flux migratoires intra-africains sont largement supérieurs aux flux qui touchent l’Europe. Ce fantasme est d’autant plus incompréhensible que le déficit démographique alarmant des pays de l’UE nécessitera dans un futur proche plus de main d’œuvre extra-européenne. Les leaders européens le savent bien, mais ne disent rien car la crainte de perdre des élections est omniprésente.

« Les mesures prises à Abidjan, aussi utiles et vitales soient-elles, ne nous mettront pas à l’abri des défis communs qui attendent l’Europe et l’Afrique sur le long terme. »

L’Afrique quant à elle est confrontée au problème opposé. En 2050, elle accueillera plus de deux milliards d’habitants, parmi lesquels des centaines de millions auront moins de 25 ans. Dès lors comment garantir un avenir meilleur aux futures générations africaines dans un continent où les taux de croissance économique impressionnants ne parviennent pas à réduire fortement la pauvreté et les inégalités sociales ? Cette question hante les esprits des leaders qui s’étaient réunis à Abidjan. Tout comme le risque de voir les tragédies des migrants se décupler dans les prochaines décennies.

Les mesures prises à Abidjan, aussi utiles et vitales soient-elles, ne nous mettront pas à l’abri des défis communs qui attendent l’Europe et l’Afrique sur le long terme. L’Europe doit sortir de sa logique sécuritaire pour faciliter l’ouverture de voies sûres et légales pour les migrants, et favoriser la migration circulaire. Les leaders africains quant à eux, doivent répondre aux exigences d’une jeunesse qui ne veut plus être dirigé comme avant et qui demande une répartition juste des richesses du continent.


Investir sur les jeunes nécessite donc des propositions aussi ambitieuses que concrètes en termes de lutte contre la pauvreté, la corruption, l’évasion fiscale et le terrorisme, d’investissements durables, d’accès à l’eau et à l’électricité, de promotion des droits de la femme, de soutien aux secteurs de la santé et de l’éducation, en particulier supérieure, et de défense des libertés fondamentales. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que l’aide au développement ne suffit plus pour éradiquer la misère sociale en Afrique, même si son apport reste crucial pour les populations les plus pauvres. Il faut investir, mais pas n’importe comment.

L’agrobusiness, pour ne faire qu’un exemple, est un acteur important pour un secteur qui emploie 60% de la main d’œuvre africaine. Mais la transformation agricole ne peut favoriser des multinationales comme Monsanto, qui exerce des pressions énormes sur les gouvernements africains pour promouvoir les OGM en Afrique. Il en va de même pour le nouveau plan d’investissement extérieur de l’UE pour l’Afrique que les Socialistes et Démocrates européens ont soutenu. Doté d’un budget initial de 4,1 milliards d'euros, ce plan mobilisera jusqu'à 44 milliards d'euros d'investissement pour favoriser le secteur privé en Afrique, notamment les petites et moyennes entreprises et les États fragiles, et la création d’emplois décents, surtout pour les jeunes et les femmes. Afin d’éviter les mauvaises surprises, il faut que les investissements soient durables et que le plan facilite l’accès aux financements des PME africaines plutôt qu’aux multinationales championnes de l’évasion et de l’optimisation fiscale, ou qui exploitent les matières premières du continent africain sans respecter les droits de l’homme, les deux allant souvent de pair.

Depuis que j’ai assumé la présidence du Groupe S&D au Parlement européen, l’Afrique est devenue une priorité absolue de notre politique étrangère. Nous sommes persuadés que le destin de l’Europe est étroitement lié à celui du continent africain. Il revient aux leaders de l’UA et de l’UE de faire en sorte que ce destin commun offre aux citoyens africains et européens de réelles opportunités et un avenir meilleur pour tous. »

Gianni Pittella, Président du Groupe des Socialistes et Démocrates au Parlement européen
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