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15 Octobre 1987: « Où étiez-vous ? »
Publié le vendredi 13 octobre 2017  |  L`Observateur Paalga




« Où étiez-vous le 15 octobre 1987 ? Comment est-ce que vous avez appris la mort de Thomas Sankara ? Quelle a été votre réaction après cette nouvelle ? » Ce sont les questions auxquelles se sont pliés des acteurs politiques, de la société civile, des responsables de presse et des citoyens lambda. Ils étaient alors invités à nous raconter comment ils ont vécu la journée fatidique du 15 octobre 1987 qui a emporté avec elle, dans sa course folle, l’ex-président du Faso, Thomas Sankara, et ses douze compagnons d’infortune.

Juliette Bonkoungou, députée du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP)

«C’est de mon bureau que j’ai entendu les tirs»

«J’étais en famille, j’y étais pour quelques jours, c’est du côté de la Coopération allemande, pratiquement en face de l’Université de Ouagadougou. J’ai quitté la maison vers 15 h 30 pour aller au palais de justice, il fallait obligatoirement passer vers les ministères et les autres institutions pour gagner le palais de justice puisque je suis magistrat de profession. C’est à peine arrivée dans mon bureau que j’ai entendu les tirs. J’ai voulu m’asseoir mais les tirs s’intensifiaient et mon reflexe a été de filer vite à la maison et non plus chez mes parents. Je suis allée mettre mes enfants à l’abri et j’ai constaté que mon mari n’était pas là. Il enseignait à la faculté de médecine. Je l’ai eu au téléphone pour lui dire que ça tirait dans tous les sens et il a répondu qu’il arrivait. Après, j’ai entendu la musique militaire à la radio nationale. Il n’y avait plus d’autres programmes. Les bruits aussi ont commencé à circuler, on savait qu’il y a eu quelque chose mais quoi exactement, on ne pouvait le dire. De bouche à oreille et un peu tard dans la soirée, il se susurrait que les tirs avait eu lieu au Conseil de l’entente et qu’il y avait eu des morts. Dès le 19 octobre, on savait que Thomas Sankara faisait partie des victimes. C’était un profond sentiment de tristesse parce que je ne savais pas comment les choses allaient se passer par la suite. C’était un leader charismatique.

En même temps, il y avait à cette époque beaucoup de choses (licenciement massif d’enseignants, de magistrats, incendie du journal l’Observateur, entre autres), qui avaient suscité des mécontentements. Tout en partageant les fondamentaux de la Révolution, je pensais que la méthode pouvait être autre que la force. Un jour au palais de justice, on a amené quelqu’un dont tout le corps était devenu une seule plaie. C’était le fait de CDR (Comité de défense de la Révolution). Le juge d’instruction avait mis ces CDR sous mandat de dépôt mais d’autres se sont organisés pour aller les libérer. C’est donc dire qu’il y a eu aussi des dérapages.»

Me Hermann Yaméogo, président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD)

«C’était un choc mais aussi une satisfaction pour le futur »

«A l’époque, j’avais un cabinet à Koudougou et un autre à Ouaga, selon les affaires que je traitais, je faisais la navette. Ce jour, j’ai quitté Koudougou, un peu après Poa, j’ai vu Boukary Kaboré dit le lion qui allait à Ouaga, il m’a dépassé. Avant l’entrée de la capitale, je l’ai vu encore mais en direction de Poa et à toute vitesse. Je me suis demandé ce qui se passait. Au poste de police, j’ai vu un attroupement mais je n’ai pas pensé à quelque chose de particulier. Nous étions en période de Révolution, je me suis dit que ce sont certainement les CDR qui étaient en opération. J’ai continué à mon cabinet, j’ai vu le personnel, chacun faisait ses bagages pour rentrer. J’ai encore posé la question de savoir ce qui se passait et un avocat stagiaire m’a répondu en ces termes : ‘’Vous n’avez pas écouté la radio ? Je crois qu’il y a eu un coup d’Etat, ça chauffe, ça tire et c’est même très grave parce qu’il y a mort d’hommes.’’ Arrivé à la maison, il y avait ma femme, mes enfants, comme il n’y avait pas de téléphone portable, ils ont appelé à Koudougou en vain pour avoir de mes nouvelles, ils s’inquiétaient. C’est là qu’ils m’ont annoncé que la radio a fait état d’un coup d’Etat et qu’il semble que Thomas Sankara est mort.

D’abord c’était un choc, on disait qu’il y a eu beaucoup de morts, c’était du jamais vu dans l’histoire du Burkina Faso, c’étaient des humains. Ensuite, on souhaitait la fin de ce régime, chaque soir quand on rentrait se coucher, on se demandait si Dieu nous avait oubliés. On attendait de voir ce qu’il va faire pour nous débarrasser d’un régime qui prône l’exclusion et fait des arrestations. Même si dans un premier temps ce régime avait créé l’espoir en laissant croire qu’il allait faire des transformations sociales importantes, il s’était transformé en régime autocratique. Il a légalisé la mort comme arme politique. C’était un choc mais aussi une satisfaction pour le futur. Il fallait qu’il y ait un changement, que cette action débouche sur une réconciliation nationale, le retour des exilés et une reconstruction démocratique du Burkina. C’est tout cela qui m’a amené à téléphoner à Blaise Compaoré. Je lui ai dit que j’étais prêt à lui apporter le peu d’expérience que j’ai si le coup qui s’était produit visait ces idéaux. Il m’a fait contacter par Bongnessan Yé et a souhaité que j’aille à Koudougou voir « le lion » pour calmer la situation, parce qu’il y a une rébellion qui s’y préparait. J’ai fait la mission et suis revenu le rencontrer. Il ne fallait pas que la situation soit récupérée par les maximalistes du CNR (Conseil national de la révolution). Nous avons donc proposé un mouvement politique qu’est le Mouvement des démocrates progressistes (MDP). »

Me Bénéwendé Stanislas Sankara, député, président de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS)

«C’était un sentiment de révolte, d’indignation, voire de dégoût »

«Ce jour, j’étais à mon domicile avec mon épouse et mon premier fils qui avait quelques mois. La nouvelle de l’assassinat du président Thomas Sankara était bouillante, tonitruante, il y a des armes qui crépitaient et à l’époque quand il y avait ces crépitements d’armes on était obligé de se renseigner pour savoir ce qui se passait. C’était le bouche-à-oreille, c’était la rumeur et il y a eu un premier communiqué. Personnellement, je me suis rendu au siège de la permanence du secteur 11 (Ouidi), j’y ai retrouvé d’autres camarades. C’était d’abord un sentiment de révolte, d’indignation, voire de dégoût. On se demandait à l’instant même s’il était possible d’avoir des mots d’ordre du secrétariat général national des CDR. Nous, nous étions prêts à en découdre, à porter les armes pour défendre la Révolution.»

Abou-Bakr Zida, directeur général des Editions Sidwaya

«Les gens se sont agglutinés devant les postes de radio pour s’informer»

«On jouait au ballon dans le quartier. J’habitais à Gounghin vers le lycée Songtaaba, non loin du camp militaire ou camp de l’Unité. A un moment donné, on a senti un mouvement mais avec le regard d’enfant en son temps on ne savait pas ce qui se passait exactement. Les parents nous ont interpellés afin que nous rentrions à la maison. On avait un cousin qui était militaire, il était à la garde présidentielle, un commando de la garnison de Pô. Papa tentait de l’appeler pour savoir de quoi il s’agissait. A ce moment-là, il n’y avait pas de téléphone portable. Ce n’est qu’avec le téléphone fixe qu’on pouvait joindre quelqu’un mais ça n’a pas été possible. Du coup, on s’est accroché à la rumeur et on est allé vers les aînés, les personnes âgées pour comprendre ce qui se passait. On savait qu’il y avait un problème puisque la radio ne diffusait que de la musique militaire. Il n’y avait pas beaucoup de postes de radio. Les gens se sont donc agglutinés devant les quelques-uns qu’il y avait pour glaner des informations. Toujours est-il qu’en raison de la proximité avec le camp de l’Unité, qui n’était pas clôturé, on voyait le mouvement des militaires, il y avait la peur.

Quand on a appris que c’est Thom Sank qui avait été tué, j’avoue qu’on a eu beaucoup de peine parce qu’on était dans les mouvements de pionniers. On se demandait ce qu’on allait devenir car c’était le chaos et c’était très difficile, surtout avec les lamentations de certaines personnes. Un certain nombre de questions se bousculaient dans la tête des enfants que nous étions, à savoir quel est le sens de l’amitié, pourquoi les adultes se comportaient de cette manière ? Quand on parle de Thomas Sankara, on se sent très concerné parce que Sidwaya est né de la volonté de cet homme. C’est un produit de la Révolution qui a été créé en 1984, juste un an après l’avènement de la Révolution. C’était un outil de propagande qui a été mis en place pour soutenir la pensée et l’idéologie révolutionnaires. »

Godefroy Bazié, journaliste à la RTB

«J’ai passé la nuit à la radio nationale»

«J’étais à la maison. J’étais programmé pour présenter le journal de 22 h à la radio nationale du Burkina où j’étais à cette époque. C’est quand ma petite sœur est revenue de l’Université qu’elle m’a informé qu’il y avait des tirs au niveau du Conseil de l’entente. Je me suis rendu au service et j’ai constaté que le coup avait déjà eu lieu, les militaires avaient tout barricadé. On ne pouvait pas accéder à la radio, quel que soit le point cardinal d’où on venait. J’ai essayé avec un collègue de joindre le service ; on a négocié avec eux, ils nous ont laissé entrer à la radio. On est resté là-bas, on a tout suivi de bout en bout : les déclarations, les communiqués. J’ai passé la nuit à la radio avec plein de gens qui sont devenus ministres, conseillers, de hauts gradés de l’armée burkinabè. C’est au matin du 16 que je suis rentré chez moi.

En allant à la radio ce 15 octobre, je ne savais pas qu’il y avait eu un coup d’Etat. J’ai su seulement qu’il y avait eu des tirs et que les échanges avaient eu lieu entre 15h et 16h. Je suis arrivé au service vers 17 h. Au niveau du Centre national des arts du spectacle et de l’audiovisuel (CENASA), j’ai vu des militaires en bérets noirs. D’habitude, ils ont des bérets rouges mais j’ai su après que c’était des loyalistes qui avaient retourné leurs bérets. Même ceux qui étaient de faction devant la radio étaient en bérets noirs. C’est quand on a pu y accéder que ceux qui étaient la cheville ouvrière de ce putsch sanglant ont dit qu’il y a plein de gens qui sont morts, Thomas Sankara, Bamouni, Zagré, entre autres. Cela m’a glacé. J’étais dans la fleur de l’âge, un jeune journaliste qui avait à peine un an de service. C’est le lendemain que j’ai réalisé que c’était fini, on baignait dans la Révolution depuis quatre ans. Une page était tournée, ça m’a rendu triste.»

Agnan Kayorgo, Secrétaire de rédaction, L’Observateur paagla

«Ce jeudi noir dont je me souviendrai toujours »

«Le 15 octobre 1987 : ce jeudi noir dont je me souviendrai toujours. Cela fait encore froid dans le dos quand j’y repense. Ce jour-là, comme bien d’autres, sauf ceux qui avaient ourdi leur plan machiavélique et fatidique, j’étais loin d’imaginer ce qui allait arriver. Et dire que je me suis retrouvé, à 16 h devant les locaux de la Radio diffusion du Burkina, donc à environ 100 m du Conseil de l’entente, le QG de la Révolution. Avec un cousin, nous allions rendre visite à son grand frère étudiant habitant à Zogona, non loin du campus, juste à côté de l’établissement Mme Bambara. Nous avons eu le temps, certainement grâce à la providence, d’arriver chez notre cousin en question. Et à 16 h 30, des tirs de kalachnikov étaient entendus au Conseil. C’était courant d’entendre le bruit des armes à cette époque où des éléments des Comités de défense de la révolution (CDR) faisaient des salves. Mais il n’en était rien cette fois car les coups de feu persistaient de ce côté-là. C’était la panique et le sauve-qui-peut-général. Il fallait regagner le domicile paternel au quartier Ouidi situé au secteur 11. Aux environs de 17h, la nouvelle déconcertante d’un coup d’Etat dans lequel le capitaine Thomas Sankara a trouvé la mort, comme une traînée de poudre, s’est répandue dans la ville de Ouagadougou. Il n’y avait que de la musique militaire sur les antennes de la radio nationale. L’élève de terminale que j’étais à cette époque était troublé et dérouté. »

Karim Sama, alias Sam’k le Jah, membre du Balai citoyen

«Ça a été une nuit très difficile, même les chiens n’osaient pas aboyer»

«J’étais encore élève au Lycée mixte de Gounghin, les jeudis soir étaient réservés au sport et on se retrouvait pour jouer au football. Pendant qu’on jouait, on nous a dit de rentrer parce qu’il y avait des tirs en ville. On a essayé d’abord de comprendre ce qui se passait, pourquoi il y avait des tirs. Peu après, on a vu que la direction du lycée se vidait de son personnel, les gens enfourchaient leur moto, leur vélo. J’habitais Nonsin et pour rentrer, je passais par le camp Lamizana ; à cette époque, c’était le génie militaire. Arrivé vers le camp, c’était barré et il fallait trouver d’autres chemins pour rentrer à la maison et ça n’a pas été simple. Il a fallu passer vers le marché de Gounghin, faire le tour des rails pour rentrer. En ville, les gens roulaient à vive allure, ce n’était pas comme aujourd’hui où on a des téléphones portables pour s’appeler et se donner des informations ; à l’époque, c’était la radio nationale, BBC, Africa n°1, France Inter qui est devenue RFI.

C’est un peu plus tard dans la nuit que quelques informations ont commencé à circuler, selon lesquelles le président Thomas Sankara avait été tué dans un coup d’Etat. Ç’a été une nuit très difficile. Même les chiens n’osaient pas sortir aboyer comme d’habitude. Des balles traversaient le ciel et c’est de la fenêtre qu’il fallait imaginer l’ambiance dehors. Ce jour-là, c’était vraiment la peur car la radio nationale ne diffusait que de la musique militaire.

C’est le lendemain que la mort de Sankara a été confirmée. A l’époque, j’avais 16 ans et quelque chose venait de se briser. Etant pionniers, on avait des rêves et on ne pouvait pas imaginer que Sankara puisse être tué. On voulait lui ressembler. C’est comme un enfant qui ne peut pas croire que quelqu’un peut frapper son papa. »

Abdoulaye Diallo, gestionnaire du Centre national de presse Norbert-Zongo

« J’ai été plus déçu de savoir que sa mort était le fait de Blaise»

«J’étais en Côte d’Ivoire, précisément à Dabou, et élève en classe de 4e. J’avais entre 15 et 16 ans, mais ça m’a marqué. J’ai appris le décès de Thomas Sankara le 16 octobre, c’est-à-dire le lendemain. Je me souviens très bien que c’était un vendredi et que j’avais cours à 10h. Mais avant, je suis passé chez un grand frère du quartier qui se trouvait en compagnie d’autres amis et tous étaient en larmes. J’ai continué mon chemin. Chose curieuse, en cours de route, je voyais des groupes de personnes qui pleuraient également. J’ai été choqué de voir plusieurs personnes, à des endroits différents, pleurer en même temps. C’est une fois dans la cour de l’école que j’ai eu l’information que Sankara avait été tué. Et là, je ne suis plus resté suivre le cours. J’étais très malheureux. Je crois que j’ai fait presque une semaine sans me retrouver. Je faisais tout de travers. C’était pour moi une désillusion, car mon rêve de rencontrer Thomas Sankara s’était brisé. En effet, on avait des grands frères de retour du Burkina qui nous disaient qu’ils avaient vu Sankara à vélo, qu’ils l’avaient vu marcher : cela nous fascinait. Cette nouvelle a changé beaucoup de choses dans ma vie, j’ai commencé à m’intéresser aux conférences, à la presse. C’est vrai que je rêvais de venir rencontrer Sankara au Burkina Faso mais pas pour y rester. Cependant, avec ce qui est arrivé, j’ai décidé de faire ma vie au Burkina et je suis rentré définitivement après l’obtention du baccalauréat. J’ai été plus déçu de savoir que sa mort avait été le fait de Blaise Compaoré. Je me souviens très bien que les camarades disaient : le Blaise-là, lui il est plus dangereux. »

Lookman Sawadogo, Directeur de publication du Journal « Le Soir »

«Ya teng kuum »

«J’étais en Côte d’Ivoire avec mes parents dans un village du nom de Pauly. La nuit, mon père mettait en marche son poste de radio et il captait la radio nationale burkinabè. Ce jour-là, il était sur une autre fréquence et quelqu’un est arrivé et lui a dit qu’apparemment il y a un problème au pays. Automatiquement il a capté la radio nationale du Burkina, qui diffusait alors de la musique militaire. A ce moment-là, tout le monde était calme et écoutait ce qui allait être dit d’un moment à l’autre, mais la musique durait. Par la suite, un autre voisin est venu se joindre à nous et a dit : « Ya teng kuum », pour signifier que quelque chose de dramatique était arrivé. Eux avaient l’expérience des coups d’Etat, ils disaient que c’en était un. Ils cherchaient à comprendre et effectivement on a appris qu’il s’agissait d’un coup d’Etat et que Sankara y était mort. Et il y avait un silence de mort. J’étais triste parce que dans ma tendre enfance, j’avais un penchant pour l’armée. Tout ce qui était militaire me fascinait. Je me souviens que pour rompre le silence, j’essayais de faire un peu de bruit et on m’ordonnait de me taire. C’est dire combien les gens étaient affligés. A la rentrée quand j’ai repris l’école, mes camarades ivoiriens me disaient : «Vous les Mossi-là, vous êtes trop bêtes ; vous avez tué tous vos présidents. Vous ne changez pas vos présidents, mais vous les tuez. Vous faites trop de coups d’Etat.» Ceux qui étaient un peu plus âgés parlaient de l’élégance et de la beauté de Thomas Sankara.

Mousbila Sankara, ingénieur des travaux de télécommunication à la retraite

«Blaise a dit qu’il était débordé »

«J’étais en mission aux Etats-Unis dans le cadre de la 42e session de l’ONU en compagnie d’une délégation. C’est de là-bas que nous avons appris qu’il y avait des mouvements à Ouagadougou et, quelque temps après, on nous a précisé qu’il s’agissait d’un coup d’Etat. On a pu écouter un message qui en disait long et on a appris également par la radio que le président avait été tué avec d’autres camarades. Ma réaction, séance tenante, traduit les limites de l’être humain : quand j’ai écouté le message, j’ai dit que c’était la Réaction qui voulait nous diviser sinon Blaise ne pouvait pas s’en prendre à Thomas et que s’il y avait un coup d’Etat, ce ne pouvait pas être lui le responsable. Naturellement, j’ai essayé de joindre Blaise et il m’a dit qu’il était débordé et il me demandait de rester à mon poste et d’attendre qu’il m’invite à revenir au pays. Ce que j’ai fait. Par la suite, il s’en est pris à Boukary, dit le lion, qui semblait s’opposer au coup et j’ai compris qu’il était du côté des acteurs négatifs de ce jour. Je suis rentré dès qu’il a attaqué Koudougou, on m’a mis en prison et j’en suis ressorti quatre années après. Il n’y a pas eu d’approfondissement de la démocratie, contrairement à ce que les autorités disaient. »

Alain Ilboudo, ancien membre du Conseil national de la Révolution (CNR)

«Le lendemain j’ai pleuré, car on racontait que Thomas était un renégat »

« Je dormais chez moi, dans un immeuble près du Mess des officiers. Ma sœur, informée de la situation, m’a rejoint pour s’assurer que je n’étais pas pris par les flammes. Après son départ, des coups de feu ont commencé à retentir. Je suis allé ensuite aux nouvelles et j’ai compris qu’une crise s’installait. Je suis allé immédiatement dans ma famille à Gounghin, par réflexe, où j’avais l’essentiel de mon matériel militaire. Sur une voie conduisant à l’immeuble Baonghin, j’ai aperçu des militaires qui avaient renversé leurs bérets rouges de sorte qu’on en aperçoive le fond, noir. Ils m’ont informé qu’un officier les avait postés là pour surveiller le passage à niveau. Après, je me suis rendu au secrétariat des CDR. Sur place on m’a confirmé la mort du président du CNR. Dans la nuit, j’ai pris une dizaine de soldats et je me suis retiré dans mon bureau où j’ai passé la nuit en état de choc. Mais le lendemain, j’ai craqué et pleuré après avoir entendu des femmes traiter Thomas Sankara de renégat, de mégalomane. Les semaines suivantes j’en ai été bouleversé. J’ai tiré alors des enseignements de la politique. »

Cléopâtre, un citoyen qui a voulu s’exprimer sous l’anonymat

«Elle tentait de rejoindre l’hôpital lorsqu’elle a été sommée de changer de direction»

«Nous étions en pleins travaux à l’ancien Centre national de traitement de l’information (CENATRIN) sur nos machines de saisie quand le coup d’Etat se déroulait. Un de mes collègues, qui s’occupe de la reliure, a été alerté par une fillette. Cette dernière était vendeuse d’arachides, et ce jour-là, elle tentait de rejoindre l’hôpital lorsqu’elle a été sommée de changer de direction. Notre collègue est allé en éclaireur puis est revenu nous informer que ça chauffait vers le Conseil de l’entente. Nous avons quitté les lieux illico presto sous le crépitement des balles. En passant par l’archevêché, j’ai remarqué que les gens, affolés, couraient dans tous les sens. C’est au Collège de la Salle que ma course s’est terminée. C’est là que j’ai appris que Thomas Sankara avait été assassiné. Quand j’ai appris sa mort, j’étais sidéré. »


Aboubacar Dermé

Assiata Savadogo

Félicité Zongo

Harold Alex Kaboré
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