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Vente illicite de parcelles à Niou : Près de 700 millions de F CFA escroqués
Publié le vendredi 6 octobre 2017  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Gestion des lotissements à Pabré :286 parcelles attribuées clandestinement




Rasmané Ouédraogo et Oscar Belemgnegré deux agents de la mairie de Niou et Boureima Kabré, protocole du maire de Boussé croupissent dans les geôles de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Spécialisés dans le faux et usage de faux en écriture publique, ils sont parvenus, par le biais d’un réseau bien organisé, à gruger les populations dans la vente illicite de parcelles. Plus de 700 millions de F CFA extorqués à Inoussa Zong-Naaba, Dgeinjbila Ouoba, Harouna Koanda, Mamouna Lesogo… Enquête autour d’un trafic illégal au sein de la municipalité.

Au Burkina Faso, les opérations de lotissements ont été suspendues sur tout le territoire national, y compris dans la commune rurale de Niou, par un décret pris au cours du conseil des ministres du 8 avril 2015. Selon les termes du décret portant suspension des opérations de lotissement ou de restructuration dans les communes urbaines et rurales du Burkina Faso, les attributions de parcelles et les opérations de recensement en vue d’un lotissement sont interdites. Malgré cette mesure gouvernementale, Madi Guingri Naré était heureux d’être attributaire d’une parcelle de 562 m2 formant la parcelle 01 du lot 03 de la section 22 à la zone commerciale de la municipalité de Niou, en vue d’y construire des magasins. Il a acquis le lopin de terre par arrêté n°2016-441/RPCK/PKWG/C-NIU/SG, signé par Oscar Belemgnegré, agent de communication et des relations publiques de la mairie de Niou après une entente directe. Au terme de cette transaction, Madi Guingri Naré est tenu de mettre en valeur son terrain par la construction des magasins d’une valeur de 37 978 288 F CFA dans un délai de 10 ans et ce, à compter du 24 février 2017, date de signature du présent arrêté. Naïf, M. Naré était loin de s’imaginer qu’il est tombé dans la nasse de Oscar Belemgnegré. Convaincu d’avoir fait une bonne affaire, il se fera établir six autres arrêtés d’attribution pour un montant total de 4 000 000 de F CFA. Mais, sa joie sera de courte durée. Les jours passent et M. Naré n’a toujours pas viabilisé sa parcelle. Il décide alors de revendre ses sept parcelles pour entamer son projet de construction d’une école. C’est le début de ses malheurs. Son frère cadet, Arouna Naré est chargé de liquider les parcelles contre la somme de 4 millions de F CFA l’unité. A l’aide de courtiers, des acquéreurs manifestent leur désir de les racheter. Le cabinet et conseil juridique de Maître Zoundi Sidiki est choisi pour la signature des actes de vente. Mais, la transaction commerciale n’aura jamais lieu. Arouna Naré est, en effet, informé qu’il est en possession de faux documents. Son frère aîné, Madi Guingri Naré, a été grugé dans son affaire de parcelles conclue avec Oscar Belemgnegré. « Assommé », il ne tient plus sur ses deux jambes. Le ciel semble lui tomber sur la tête. Il ne comprend pas comment de faux documents de propriété foncière ont pu lui être délivrés par le service des impôts de Boussé. C’est désormais, la croix et la bannière pour rentrer en possession de son argent. Pire, Oscar Belemgnegré s’est évaporé dans la nature. Aucun signe de vie !
Crédules, plusieurs personnes sont aussi tombées dans la nasse d’Oscar. Inoussa Zong-Naba, Patrice Yaméogo, deux autres victimes du traquenard, ont perdu, au cours de ces transactions frauduleuses, plus de 13 millions de F CFA. Comment Oscar Belemgnegré est-il parvenu à duper les populations ?

Près d’un milliard à encaisser

L’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 a eu pour corolaire la mise sous délégation spéciale de toutes les communes. Niou n’a pas échappé à cette décision de l’exécutif. Profitant de cette période « latente », Rasmané Ouédraogo, agent domanial à la mairie de Niou dérobe les archives de son service. Les références des parcelles de la zone commerciale et certains espaces de l’extension de 2014 du centre loti de Niou sont ainsi identifiées. Après les élections municipales de mai 2016, c’est le moment de passer à l’action. A l’aide de deux ordinateurs et d’une imprimante, de faux cartons et arrêtés d’attribution de parcelles comportant la devise nationale, les références des décrets portant nomination du Premier ministre, de la composition du gouvernement, de la réorganisation agraire et foncière, l’institution de la taxe de jouissance, l’armoirie de la commune de Niou sont imprimés au domicile de Rasmané Ouédraogo. Dans son « laboratoire », la zone commerciale est morcelée en plusieurs superficies de 300 m2, 500 m2, 600 m2…Oscar Belemgnegré, agent de communication et des relations publiques, se charge de contrefaire le cachet du nouveau maire, Oumarou Ouédraogo. Dans cet élan d’« ingéniosité », il imite la signature de l’édile qu’il appose sur tous les arrêtés d’attribution et autres documents de propriété foncière contrefaits. Grâce à son dynamisme, les faux titres de propriété sont écoulés comme de petits pains au marché noir. Les lopins de terre sont alors bradés à la tête du client.

Aux éventuels acheteurs, ils délivrent de faux arrêtés contre la somme de 800 000 F CFA à 4 000 000 de F CFA. A certaines victimes, ils proposent d’encaisser le montant de la transaction commerciale contre la signature d’une décharge. A d’autres, celui qui se faisait aussi passer pour le secrétaire général de l’Hôtel de ville de Niou, leur octroie des cartons d’attribution de parcelles contre paiement d’une somme comprise entre 300 000 F CFA et 1 000 000 de F CFA. Grâce à Oscar Belemgnegré, les acheteurs fusent de partout. C’est la ruée vers les « nouvelles parcelles » de Niou à l’insu des nouvelles autorités communales. Originaires de Koupèla, Pouytenga, Ouagadougou, Boussé, les commerçants, cibles privilégiées d’Oscar et sa bande, ne veulent sous aucun prétexte rater cette alléchante opportunité.

Des millions de F CFA dans le vent

Le marché conclu, les acheteurs sont référés à Boureima Kabré, protocole de l’actuel maire de Boussé. S’octroyant le titre d’inspecteur des impôts et se substituant au receveur des domaines et de la publicité foncière du Kourwéogo, celui-ci encaisse discrètement les taxes de jouissance des parcelles vendues et délivrent aux acquéreurs de fausses quittances de paiement marquées du sceau du Trésor et de la comptabilité publique. En se référant à l’article 5 du titre III de la loi 020/96/ADP du 10 juillet 1996 portant institution d’une taxe de jouissance pour l’occupation et la jouissance des terres du domaine foncier national appartenant à l’Etat, la taxe de jouissance due par l’acheteur est calculée : 500 F le m2 multiplié par la superficie achetée. Cette somme était perçue en un seul versement ou en plusieurs acomptes répartis de la façon suivante : 50% dans les 12 mois qui suivent l’attribution dont 25% dans les trois mois dans ladite attribution. Le reliquat représentant 50% devait être payé dans les deux mois qui suivent cette période de 12 mois à raison de 25% au minimum par an. Tout retard de paiement ou le non-paiement de ladite taxe ou des acomptes est sanctionné par une pénalité égale au montant de la somme due (100%) et/ou au retrait de la parcelle. D’autres sont sommés de payer cash. Conformément à cette règle de jeu, le 7 février 2017, Harouna Koanda, attributaire de la parcelle 02 lot 03 de la section 22 d’une superficie de 442 m2, dans la zone commerciale, en fera les frais. Le commerçant a dû débourser 221 000 F CFA avant de mettre en valeur son terrain. A la mairie de Boussé juxtaposée au service des impôts du Kourwéogo, l’«inspecteur des impôts » Boureima Ouédraogo dispose d’un bureau bien équipé. Les clients déferlent discrètement pour s’acquitter de leur taxe de jouissance. Le 24 mars 2017, c’est au tour de la détentrice de l’arrêté n°2016-444/RPCL/PKWG/C-NIU/SG portant attribution provisoire à Mamouna Lesogo, une zone commerciale d’une superficie de 544 m2 formant la parcelle 01 du lot 02 de la section 21 de passer à la caisse pour s’acquitter de la somme de 272 000 F CFA. Plusieurs personnes mordront à l’hameçon du trio Rasmané Ouédraogo, Oscar Belemgnegré et Boureima Kabré. T. A. n’a que ses yeux pour pleurer. Fonctionnaire à Boussé, il a été dépouillé de la somme de 1 450 000 F CFA dans cette transaction frauduleuse. Il a d’abord versé la somme de 1 300 000 F CFA à Rasmané Ouédraogo pour l’achat d’une parcelle de 600 m2. Content d’avoir acquis une telle superficie pour une bouchée de pain, T.A. n’hésite pas à lui offrir gracieusement 150 000 F CFA de plus. Pour écouler ses « parcelles », Oscar Belemgnegré n’hésite pas à berner les siens. Des victimes sont aussi pêchées à Koupèla, sa ville natale. Pour les arnaquer, son stratagème a consisté à leur faire croire qu’il est la personne chargée de commercialiser la centaine de parcelles dont dispose l’édile Oumarou Ouédraogo. Une fois la confiance établie, les lopins de terre sont achetés à tour de bras. Commerçant domicilié au secteur n°3 de Koupèla, Placide Yaméogo regrette d’avoir cru à la bonne foi de Oscar Belemgnegré. Ses 3 200 000 F CFA se sont volatilisés dans l’échange commercial. Inoussa Zong-Naba n’oubliera jamais aussi le jour où, Oscar Belemgnegré est venu lui proposer cinq parcelles que le conseil municipal comptait liquider. C’est alors qu’il effectue le déplacement de Niou pour voir « ses parcelles ». Rassuré, il n’hésite pas à délier le cordon de sa bourse. Au terme de ce marché conclu par entente directe, il a déboursé 4 000 000 de F CFA. Sous la houlette de Oscar Belemgnegré, il est conduit aux services des impôts de Boussé où Boureima Kabré encaisse 650 500 F CFA de plus au titre des taxes de jouissance (ndlr : son arrêté et 16 autres copies de titre de propriété que nous avons pu obtenir et vérifier l’authenticité au service cadastral sont tous faux). Inoussa Zong-Naba était loin de s’imaginer que ses millions de F CFA sont partis dans le vent. Ahuri, désespéré, il s’en remet aux autorités communales pour être rétabli dans ses droits. Edmond Niongré est aussi tombé dans les mailles des faussaires. Originaire du village de Beotenga, dans la province du Kourittenga (Ndlr : Egalement le village de M. Belemgnegré), celui-ci ne croit pas qu’un «parent» ait pu, à lui et 19 autres personnes, extorquer la somme de 25 millions de F CFA. Mais, le conseil du village a décidé de n’engager aucune poursuite à son encontre.

La folie des millionnaires

L’argent obtenu illicitement sur le dos des populations est utilisé pour des achats de biens de luxe. Commencent alors les dépenses faramineuses pour Oscar et ses acolytes. Piqué par la « folie du millionnaire » Oscar Belemgnegré entame la construction d’une villa à Ouagadougou. Une prouesse qui est loin d’être hors de tout soupçon pour un travailleur dont le bulletin de salaire mensuel affiche moins de 100 000 F CFA ! Sous le couvert de son épouse, il s’offre des motos de luxe, une voiture, des portables de 300 000 F CFA l’unité. L’argent « sale » est aussi injecté dans l’ouverture de maisons de commerce à Ouagadougou. Boureima Kabré investit, quant à lui, dans les vêtements de luxe, l’achat de deux motos d’une valeur de 1 400 000 F CFA chacune. Selon des témoignages, ils désertent leur poste de travail pour la « bamboula ». Les débits de boisson deviennent leur second « bureau ». Ils y passent par jour plusieurs heures. La boisson est servie à « gogo » aux copains et copines. En 9 mois de vente mafieuse de parcelles (ndlr : novembre 2016 à juillet 2017), ils sont parvenus à écouler plus de 500 arrêtés d’attribution, plus de 200 cartons d’attribution, à signer plus de 1000 décharges contre la promesse d’attribuer des parcelles. Ce sont au total près de 700 000 000 de F CFA qui ont été ainsi escroqués à des commerçants, paysans, fonctionnaires, etc. Les malfaiteurs démasqués, plus d’une dizaine de plaintes pour escroquerie ont été déposées à la gendarmerie de Sig-Noghin à Ouagadougou. Déboussolées, près d’une centaine de personnes déferlent à la mairie pour mieux comprendre leur sort. Voyant l’étau se resserrer autour de lui, le trio décide alors de se débarrasser de ses« outils » de travail. Les cachets disparaissent au fond du WC de Rasmané Ouédraogo. Les fausses quittances et des dizaines de copies d’arrêtés d’attribution de parcelles de la zone commerciale et celle à usage d’habitation cachées dans le bureau du « receveur » Boureima Kabré partent en fumée. Arrêtés, le 13 juillet 2017, avec plus de 13 000 000 de F CFA collectés au titre des taxes de jouissance, ils ont passé leur première nuit à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, le 18 juillet dernier. Aujourd’hui, bernées, les victimes crient à l’arnaque. Elles exigent le remboursement pur et simple de leur argent. En attendant le procès de Belemgnegré et ses accolytes, elles n’ont que leurs yeux pour pleurer…


Abdel Aziz NABALOUM
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