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Kassoum Traoré, chef de poste du bureau de douane de Nadiagou
Publié le mercredi 20 septembre 2017  |  Sidwaya




Les services des douanes de la province de la Kompienga tentent tant bien que mal de mettre fin au trafic d’essence. Dans cet entretien, le chef de poste du bureau de douane de Nadiagou, Kassoum Traoré explique les obstacles qui entravent leur lutte.

Sidwaya (S) : Quelle est l’ampleur de la vente illicite d’essence dans la province ?

Kassoum Traoré (K .T.) : L'importation du carburant frauduleux dans cette province est l'activité prédominante de la jeunesse. C'est avec beaucoup de regret que nous constatons qu'une bonne partie de la population locale est impliquée dans la vente illicite de ce produit. Dans toute la province de la Kompienga, il n'existe pas une seule station-service. Par contre, vous pourriez constater à tous les niveaux, des points de vente illicite de carburant dans les bouteilles. Dans les villes telles que Pama, Nadiagou ou encore Kompienga, la situation est inquiétante. Car ces points de vente sont disséminés dans toutes les rues et souvent à des intervalles de 10 à 15 mètres. En outre, le prix du carburant est nettement inférieur par rapport au prix à la pompe (400 à 450 francs le litre d'essence contre 600 francs). Fort de ce constat, nous pouvons affirmer que cette activité prend des allures inquiétantes.

S. : Comment comptez-vous endiguer le phénomène ?

K.T. : Les services des douanes de la région (bureau de Nadiagou, poste de Pognoa, les brigades mobiles de Fada N’Gourma et de Diapaga) conjuguent leurs efforts tous les jours pour empêcher l'importation de ce carburant frauduleux. Du reste, nous sommes une administration investie de la mission de lutte contre la fraude et je vous rassure que nous combattons quotidiennement la fraude dans sa globalité. Pour le cas spécifique du carburant, nous effectuons des patrouilles, des contrôles inopinés. Cela nous permet de procéder à des saisies relativement importantes de carburant. Cependant, nous reconnaissons également qu'une bonne partie de cette contrebande nous échappe eu égard à la complexité des moyens et stratégies utilisés par les fraudeurs.

S. : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans cette lutte ?

K.T. : Les difficultés sont de plusieurs ordres. Premièrement, les fraudeurs de carburant bénéficient du soutien indéfectible d’une bonne partie de la population (c'est l'activité qui fait vivre plus d'âmes dans la région) au détriment des douaniers. Chaque déplacement ou positionnement des douaniers est systématiquement signalé par les populations et en cas d'altercation entre douaniers et fraudeurs, elles prennent toujours position en faveur des fraudeurs. Nous avons eu des situations où les populations ont encerclé les douaniers et exigé la remise du carburant saisi aux fraudeurs sous peine de représailles (menaces d'incendier le véhicule de la douane par exemple). Deuxièmement, les fraudeurs utilisent des motos pour transporter au moins un fût de 200 litres de carburant et circulent en équipe de 20 souvent jusqu'à 100 avec une allure qui ne permet pas aux agents des douanes de les interpeller sans dommage. A chaque fois que nous menons des opérations ciblées sur les motos, nous en ressortons toujours avec des blessés graves dans le rang des fraudeurs et du coup les menaces des populations fusent. Troisièmement, dans la majorité des cas nous avons affaire à des personnes droguées, possédant souvent des armes blanches. En 2011, un agent du bureau de Nadiagou lors d'une opération de lutte contre l'importation illicite de carburant avait été mortellement atteint par un coup de machette. Il en est de même de la situation malheureuse du fraudeur de carburant qui avait chuté tout seul et qui en était mort entre Nadiagou et Fada. Cette situation avait suscité des représailles sans appel contre les douaniers de la région et occasionnant l'incendie de domiciles de plusieurs d'entre nous. Quatrièmement, il y a la situation des camionnettes chargées de fûts et qui passent nuitamment en contournant le bureau de douane. Chaque fois que nous les pourchassons, elles rentrent dans un site minier artisanal à proximité de Nadiagou. Dans le souci de ne pas engendrer un foyer de tension, nous évitons d'intervenir à l'intérieur de ce site inondé d’orpailleurs aptes à en découdre avec les douaniers. Enfin, ce que nous appelons le goulot d'étranglement, c'est l'existence dans la zone litigieuse entre le Burkina et le Bénin (Koalou) d'un dépôt important de stockage de carburant. Le carburant en provenance du Nigéria transite par le Bénin pour finalement être stocké dans cette zone litigieuse. La douane burkinabè ne peut pas y intervenir. Et tant que le carburant sera stocké dans ce lieu, nous aurons toujours des problèmes d'importation en contrebande.

S. : Quel peut être l’impact de cette fraude sur les recettes fiscales ?

K.T. : Il est évident que l'importation frauduleuse du carburant engendre un manque à gagner pour le trésor public. Pour le moment, nous ne disposons pas de statistique, mais nous avouons que c'est considérable. Vous savez que les droits et taxes de douanes perçus sur l'importation des hydrocarbures constituent une part importante des recettes collectées par l'administration des douanes. C'est pourquoi, cette question de la lutte contre l'importation en contrebande du carburant est une priorité pour le directeur général des douanes qui est actuellement en train d'affiner une stratégie pour plus d'efficacité.

S. : Faut-il taxer le carburant frauduleux ?

K.T .: Vous savez qu'au Burkina Faso, il n'y a que la SONABHY (Société nationale burkinabè des hydrocarbures) qui détient l'exclusivité de l'importation, du stockage et de la commercialisation du carburant. Dans cette optique, le dédouanement du carburant se fait exclusivement dans les bureaux de douane de Bingo et de Bobo-gare. Compte tenu de la difficulté d'approvisionnent de la partie Est de notre pays, les autorités avaient accordé des autorisations spéciales à des particuliers pour importer et commercialiser le carburant dans la région. Malheureusement, depuis notre arrivée il y a un an, aucune de ces personnes n'a accompli des opérations de dédouanement au bureau de Nadiagou. Pour notre part, nous croyons que cette proposition de dédouaner du carburant illicite mérite encore beaucoup de réflexion de la part de la SONABHY, de l'administration et des plus hautes autorités du pays. Du reste, la qualité de ce carburant me semble très douteuse.

S. : Quelles solutions pour mettre fin à la pratique ?

K .T. : Pour solutionner cette question de contrebande du carburant qui ne date pas d'aujourd'hui, il sied d'entreprendre des actions à plusieurs niveaux. Il faut commencer par résoudre la question de la zone litigieuse de Koalou. Evidemment cette solution relève de la responsabilité des plus hautes autorités du pays. Si l'appartenance de cette zone est confiée au Burkina Faso, le dépôt illégal et problématique sera détruit et la zone sera sous le contrôle de la douane burkinabè. Dans ces conditions, le déplacement du bureau des douanes de Nadiagou à la frontière apportera visiblement une réponse stratégique à cette lutte. Il est impératif que la SONABHY développe une stratégie dans le but de s'imposer dans la zone de l'Est en installant des dépôts et en procédant à la sensibilisation des populations. Elle pourra mettre en avant comme argumentaire la qualité de ses produits, gage de sécurité pour leurs engins. En outre, l'administration des douanes et la SONABHY pourraient encourager les marqueteurs à ouvrir des stations-services dans la province en leur accordant des avantages fiscaux. Bref, la SONABHY doit chercher à être plus compétitive dans cette zone. Il est aussi important que le gouvernement mette en place un programme d'accompagnement pour la réorientation des jeunes marchands de carburant vers d'autres activités. Car, l'éradication totale du phénomène risque de causer des conséquences sociales négatives dans la région (le chômage, le grand banditisme, etc.). Nous estimons enfin qu'il faut organiser des opérations conjointes de grande envergure de toutes les forces de défense et de sécurité en utilisant la manière forte pour dissuader ceux qui s'adonnent à de telles pratiques. J’insisterai également sur le fait que la lutte contre la fraude incombe à tous les citoyens burkinabè et compte tenu de l'ampleur du phénomène, la douane à elle seule ne peut y mettre fin.

S. : Quel est votre message à l’endroit des trafiquants et des populations ?

K.T. : Je voudrais leur dire que la douane est déterminée plus que jamais à lutter contre leurs entreprises illicites qui ne font que détruire le tissu économique de notre pays. Par conséquent, nous les invitons au respect de la loi par rapport à l'importation du carburant. A l'endroit des populations, nous les exhortons à soutenir l'action de la douane dans la lutte contre la fraude de façon générale et l'importation en contrebande du carburant. Aux pouvoirs publics, ils doivent mûrir davantage la réflexion sur les possibilités de libéralisation du secteur des hydrocarbures. A court terme, il sied de trouver une alternative salutaire pour les populations de l'Est en ce qui concerne la disponibilité et l’accessibilité au carburant de qualité.

Propos recueillis
par J. H.
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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