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An II du putsch manqué : mauvais film d’un scénario judiciaire mal écrit
Publié le lundi 18 septembre 2017  |  L`Observateur Paalga
Coup
© AFP par AHMED OUOBA
Coup d`Etat militaire au Burkina Faso
Le Général Gilbert Diendéré parle au palais présidentiel à Ouagadougou , le 17 Septembre 2015. Il a déclaré un coup d`Etat, un jour après avoir pris en otage le président par intérim et les membres supérieurs du gouvernement, alors que le pays était déjà prêt pour ses premières élections depuis le renversement du leader de longue date Blaise Compaoré. Photo : le général Gilbert Diendéré, président du Conseil national pour la démocratie (CND)




Comment commémorer l’anniversaire du putsch manqué du général Gilbert Diendéré ? Voilà une question à laquelle les tenants du pouvoir actuel ont dû se triturer les méninges avant de trouver réponse.

En effet, les événements qui ont entouré ce que plus d’un analyste a appelé « le coup d’Etat le plus bête du monde » sont encore frais dans les mémoires, non sans leur dose d’émotions et de symbolisme ; symbolisme du refus de la dictature et de l’attachement à la légitimité républicaine portés par les insurgés d’octobre 2014 et les résistants de septembre 2015.

Si le premier anniversaire de ce coup d’Etat manqué a été passé sous silence par les autorités actuelles, en faire de même pour le deuxième aurait été comme pousser vers l’oubli cet engagement remarquable des Burkinabè contre la forfaiture militaire et pour l’Etat de droit démocratique.

Il y a alors des signes qui donnent à penser que le pouvoir judiciaire, peut-être bien sous la pression de l’exécutif, avait imaginé un scénario et un timing parfaits pour donner un signal fort sur sa volonté de rendre justice aux victimes et à leurs ayants droit dans ce dossier de putsch manqué. En tout cas, la justice militaire voulait servir quelque chose de consistant à l’opinion publique à l’occasion de ce deuxième anniversaire de la conjuration avortée.

Ainsi l’audience de confirmation de charges aux accusés devait-elle se tenir le vendredi 15 septembre avec, certainement dans la foulée, l’annonce d’une date du procès des conjurés. Mais ce cadeau d’anniversaire s’est révélé un flop magistral car les avocats de la défense se sont montrés pugnaces dans leur exigence d’une justice équitable pour leurs clients, sans précipitation ni orchestration d’aucune sorte.

En effet, en fixant la date de l’audience de confirmation de charges pour le 15 du mois courant, veille du 2e anniversaire du putsch, la justice militaire avait comme mis la charrue avant les bœufs, car elle avait passé sous silence l’appel des avocats de la défense contre l’ordonnance de non-lieu, de non-lieu partiel et de requalification de charges. En termes clairs, pour les avocats de la défense, plus d’accusés devaient bénéficier du doute sur l’insuffisance de preuves ou, à tout le moins, de l’abandon de certaines charges contre eux.

Tant qu’un délibéré n’est pas rendu sur cet appel pendant devant la chambre de contrôle de l’instruction du dossier, une quelconque confirmation de charges était hors de question, a fortiori la tenue d’un procès.

Sans compter qu’il faut signaler, par ailleurs, la saisine du Conseil constitutionnel pour un recours en inconstitutionnalité concernant l’article 99, alinéa 9, du Code de justice militaire. L’article incriminé devant le Conseil constitutionnel par les avocats de la défense limite à trois les cas où les accusés peuvent faire appel des décisions de la justice militaire. Cela est contraire à la loi fondamentale du Burkina, estiment les avocats de la défense.

Selon la loi, le Conseil constitutionnel, saisi les 12 et 13 septembre dernier, devrait se prononcer dans un délai d’un mois. C’est tout ce qui a présidé au renvoi de l’examen de l’appel interjeté par les avocats. Ledit renvoi a annulé, de ce fait, le cadeau qui ne dit pas son nom que les autorités voulaient faire, on va dire, au bon peuple des insurgés puis des résistants dont certains souffrent encore des séquelles de la répression, respectivement d’octobre 2014 et de septembre 2015.

C’est connu, pour les plus intransigeants de ce bon peuple, la justice doit aller vite et les coupables désignés sont bien connus. Ils ne comprennent rien à ces longues procédures judiciaires avec des libertés provisoires, pis, des non-lieux accordés à certains prévenus.

Comme on les comprend sans pour autant être d’accord avec eux ! Si la justice militaire multiplie les bourdes par mauvaise maîtrise des procédures judiciaires, qu’elle en assume toutes les conséquences, y compris celle de la lenteur à boucler le dossier et à fixer une date pour ce procès tant attendu. Du reste, ne dit-on pas que qui va lentement va sûrement et qu’en matière de justice la forme dans la procédure est tout aussi importante que le fond du procès ?

Au demeurant, c’est une première pour la justice militaire burkinabè d’avoir à traiter une affaire à la fois aussi délicate que complexe qui implique une centaine de personnes avec, en sus, de la passion et de la pression politique derrière. Soyons donc indulgents à son égard et donnons du temps au temps. C’est la condition sine qua non d’une procédure non bâclée à l’issue incertaine car chacun des cas de la centaine de prévenus est unique.

Ils sont certes impliqués dans la même affaire mais pas au même degré et donc avec des charges différentes. La justice militaire a comme un écheveau difficile à démêler et, comme le disait Voltaire, « il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent. »

La soif de justice des Burkinabè ne doit pas être à géométrie variable. Les valeurs de la République pour lesquelles les martyrs ont versé leur sang, d’hier à aujourd’hui, impliquent que les citoyens naissent libres et égaux en droits. Cela passe, entre autres, par une justice équitable pour tous. Le bon peuple des insurgés, puis des résistants, les victimes et/ou leurs ayants droit ne doivent pas pousser leur impatience au point de souhaiter une justice à la tête du client.

En effet, la République vertueuse que nous appelons tous de nos vœux et qui a été l’un des points focaux du dernier discours présidentiel à la nation s’accommode mal d’une justice des vainqueurs où le droit serait absent au profit des règlements de comptes de bas étage.

Or, c’est justement le danger qui guette les jeunes démocraties comme celle du Burkina qui ont traversé des crises de légitimité et de reconstruction comme celles d’octobre 2014 et de septembre 2015, où les antagonismes des différents acteurs de la scène politique nationale se sont aussi exprimés dans la violence.

Une justice rendue dans les règles de l’art, même sur le tard, est préférable à celle expéditive au service des impératifs politiques. Qu’on se souvienne des travers des Tribunaux populaires de la révolution (TPR) et des sommes colossales que l’Etat a dû débourser pour dédommager ceux des accusés qui ont demandé la révision de leurs procès parce que leurs droits n’avaient pas été totalement respectés. Les leçons de l’histoire doivent servir ici et maintenant.


La Rédaction
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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