Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

AN II du coup d’Etat de septembre 2015 : des proches de victimes broient du noir
Publié le samedi 16 septembre 2017  |  Sidwaya




Le Burkina Faso commémore, demain samedi 16 septembre 2017, le deuxième anniversaire du coup d’Etat perpétré sous la transition par des éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Ce coup de force avait endeuillé plusieurs familles. Sidwaya est allé à la rencontre des proches des victimes, dont les vies sont bouleversées à jamais.

Le coup d’Etat du 16 septembre 2015, qui avait porté un coup à la démocratie burkinabè en reconstruction après l’insurrection populaire, a brisé des vies. Issa Ouédraogo, un chauffeur routier actuellement au chômage, fait partie des Burkinabè ayant perdu un être cher lors de ce coup de force de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Son épouse, Angèle Kaboré, est tombée sous les balles assassines des putschistes le 17 septembre 2015, alors qu’elle venait à peine d’accoucher de leur fils, Abdoul Koudouss. Et c’est avec le cœur encore meurtri qu’il relate les faits, deux ans après. « Dans la matinée du 17 septembre 2015, alors qu’elle se trouvait à l’entrée de la concession, ma femme a reçu une balle des éléments du RSP qui avaient investi le quartier, tirant des coups de feu un peu partout. Se précipitant pour rejoindre la cour, elle est tombée et a perdu connaissance. Lorsque nous l’avons transportée d’urgence au dispensaire, puis ensuite au CMA Paul VI, il se trouvait que les agents observaient une grève. Il ne nous restait plus d’autre choix que de nous orienter vers l’hôpital Yalgado Ouédraogo, avec le risque de ne pas arriver à temps », raconte-t-il, étreint par le douloureux souvenir. Mme Ouédraogo a donc été conduite dans le plus grand centre hospitalier de la capitale, mais les médecins n’ont pas pu la sauver. « Sur place aux services des urgences, on nous a informé que la balle est entrée par le sein gauche, transperçant les parois internes pour aller se loger dans le bas ventre, et qu’une opération s’imposait. Ce qui fut fait. Malheureusement, Angèle rendra l’âme, laissant son bébé à peine âgé de 10 mois », confie le veuf, les larmes aux yeux.

Toujours inconsolable

L’homme, qui rumine sa douleur, est inconsolable depuis ce drame. Lorsque Sidwaya l’a rencontré, le mardi 12 septembre dernier, il avait un gamin sur les jambes, mais nous étions loin d’imaginer qu’il s’agissait du bébé que lui a laissé sa défunte épouse. Agé de plus de deux ans de nos jours, Abdoul Koudouss, tout innocent, ne sait pas jusque-là ce qui est arrivé à sa génitrice. Son père, qui garde encore le secret vis-à-vis de son enfant, tente de combler le vide laissé par sa tendre épouse. Il se livre à une gymnastique de parent unique avec son corollaire de contraintes. Mais grâce au soutien de sa mère, qui a dû abandonner ses activités de vendeuse de légumes pour se consacrer à son petit-fils, son calvaire s’est atténué. Aux bons soins de sa « mamie », qui s’évertue à lui combler d’amour maternel, l’orphelin semble bien se porter. Pour autant, Issa Ouédraogo ne parvient toujours pas à surmonter l’épreuve de la perte de son épouse. « Rien ne peut combler le vide qu’elle a laissé. Je me rends régulièrement au cimentière de Gounghin où elle repose pour m’incliner sur sa tombe », affirme-t-il, désespéré. Ce proche de victime ne fait pas mystère de sa déception vis-à-vis de l’attitude du pouvoir à l’égard des familles des victimes.

« Nous sommes abandonnés à nous-mêmes »

« Nous sommes abandonnés à nous-mêmes. Nous ne demandons pas forcément de l’argent. Comment comprendre qu’après les oraisons funèbres à l’eau de rose prononcées lors de l’inhumation de nos proches, l’on ne daigne pas rendre visite aux orphelins pour s’enquérir de leurs nouvelles », s’offusque M. Ouédraogo. Il n’est pas le seul à déplorer vivre des moments difficiles. La plupart des proches de victimes du putsch souffre le martyre, comme l’a fait savoir le président de l’Association des parents des victimes du coup d’Etat (APVCE), El Hadj Aboubacar Yelnongo. « Passées les cérémonies officielles d’hommages, les parents des victimes, notamment les veuves et les orphelins traversent pratiquement les mêmes difficultés, à des degrés divers », fait-il observer. Dans certaines familles où c’est le pilier qui s’en est allé, explique M. Yelnongo, les membres éprouvent parfois de sérieuses difficultés à pourvoir à leurs besoins alimentaires. A entendre ce dernier, la rentrée des classes, qui s’annonce, constitue une période redoutable pour nombre de ces familles déjà à bout de souffle. « Sous la Transition, un montant forfaitaire de 75 000 F CFA/an a été accordé à chaque orphelin au titre de frais de scolarité. Mais cette aide s’est révélée insuffisante, car dans les établissements privés où est inscrite la majorité des 33 enfants concernés par cette mesure, la scolarité est plus élevée que la somme allouée. Sans oublier les tenues, les fournitures scolaires et autres frais de cotisations », explique le président de l’APVCE. Pour ce porte-parole des parents de victimes, des efforts doivent être faits par les autorités gouvernementales, au regard de ce qui précède.

Plaidoyer pour une pension alimentaire

A son avis, il est bien de payer la scolarité d’un enfant, mais le faire en prenant en compte sa ration alimentaire est encore mieux. « En plus de revoir le montant de 75000 F CFA à la hausse, nous souhaitons qu’une pension alimentaire et un minimum de couverture sanitaire soient accordés à ceux que l’on appellent pupilles de la nation », plaide Aboubacar Yelnongo. En attendant une suite favorable à ces doléances, les proches de victimes, par la voie de leur président, témoignent leur reconnaissance au président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré et à la ministre en charge de l’action sociale, Laure Zongo pour leur disponibilité. « Grâce à la bonne volonté du chef de l’Etat, des travaux d’aménagement sont entrepris sur le sites des logements (8 villas) attribués à des familles de victimes du putsch manqué et trois veuves, titulaires du certificat d’études primaires (CEP), ont été intégrées à la Fonction publique » se réjouit « Ladji ». A coté de l’APVCE qui regroupe les parents de victimes décédées, il y a l’Association des blessés du coup d’Etat (ABCE-16) présidé par Honoré Savadogo. Selon ce dernier, si les blessés ont eu plus de chances ayant vu leurs vies épargnées, leur sort n’est pas des plus enviables. « Certains d’entre nous trainent depuis deux ans avec des balles dans le corps et parfois à des endroits sensibles comme ceux situés entre le cœur et les poumons, les mâchoires ou encore la région lombaire », explique-t-il. Du bilan établi par M. Savadogo, sur les 183 blessés que compte l’ABCE- 16, seules 87 personnes estiment que leur état de santé s’est amélioré. Plus de 90 personnes attendent désespérément des prises en charge sanitaires de la part des autorités au pouvoir et sept cas nécessitent des évacuations à l’étranger pour des interventions chirurgicales. « En plus de souffrir de leurs blessures, ils manquent cruellement de nourriture », ajoute Honoré Savadogo. Face à un tableau moins reluisant, le président de l’ABCE- 16 ne pouvait s’empêcher de plaider pour plus de magnanimité de la part de l’Etat burkinabè. « Il s’agit de l’équation des cas urgents, le remboursement de certains frais de soins, l’appui financier aux démunis afin d’aider ces cas sociaux à se passer de l’aide et de la mendicité », a-t-il énuméré.

La justice, le maillon faible

Que ce soit les proches de victimes ou les blessés du coup d’Etat, tous sont unanimes sur la lenteur du volet judiciaire de l’affaire. Les familles sont très remontées contre la justice, dont ils ont fustigé le « balbutiement » lors d’une conférence de presse le 11 septembre dernier à Ouagadougou. A l’occasion, le secrétaire général de l’APVCE, Patrice Balibié Bazié, a déclaré qu’il est inadmissible qu’on laisse les présumés bourreaux de leurs proches se promener « allègrement » sans être inquiétés par la justice. Et le président Yelnongo de renchérir : « Sous le prétexte de liberté provisoire, nombre de ceux qui étaient placés en détention préventive ont été élargis ». « Ceux qui sont morts sont des citoyens ayant des droits. Nous demandons simplement que ceux qui sont responsables de leur mort viennent s’expliquer devant un tribunal et non qu’on les tue en retour », lance-t-il, l’air remonté. Mais l’horizon n’est pas bouché, puisque le gouvernement a rencontré, ces jours-ci, les parents des victimes pour discuter des problèmes pendants. Des promesses ont faites par les autorités même si rien n’a filtré pour le moment.

Beyon Romain NEBIE
nbeyonroamain@yahoo.fr

Retour sur les faits
Cela fait exactement deux ans, que l’ex-RSP, dont le maître à penser était le général de brigade Gilbert Diendéré, a opéré sans succès un coup d’Etat contre la Transition conduite par le président Michel Kafando. A l’annonce dans la matinée du 17 septembre 2015 sur la chaine de la télévision nationale, de ce coup d’arrêt au processus devant consacrer un retour à l’ordre constitutionnel au Burkina, le peuple entre en résistance. Cela, suite à l’appel lancé par le président du Conseil national de la Transition (CNT) Moumina cheriff Sy, qui avait pris la tête du pays en vertu des dispositions constitutionnelles, en attendant la libération du président Kafando. Ce dernier, son Premier ministre Yacouba Isac Zida et d’autres membres du gouvernement, enlevés la veille, en plein conseil des ministres, étaient encore entre les mains de leurs ravisseurs du RSP. Les syndicats des travailleurs entrent à leur tour dans la danse en décrétant une grève illimitée, entrainant une paralysie générale de l’administration publique et privée. Le peuple monte au créneau pour dénoncer une « forfaiture » dont l’ambition n’était autre que de ramener aux affaires le régime de Blaise Compaoré, balayé, un an plus tôt, par l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Dès lors, les événements s’enchainent très vite et on apprend que de jeunes officiers de l’armée loyale à la tête d’unités spéciales ont quitté les différentes régions militaires, en direction de Ouagadougou, pour en découdre avec les putschistes. Les populations des villes et des campagnes traversées se mobilisent pour saluer leur courage. Pendant ce temps, les journées des 17 et 18 septembre 2015 se montrent très chaudes et meurtrières avec le déploiement des éléments de la garde prétorienne. Ces derniers avaient investi les quartiers de la capitale, tirant parfois à balles réelles sur les foules, faisant plusieurs victimes. Le bilan fut très lourd : 14 morts, plus de 250 blessés et de nombreux dégâts matériels. La communauté internationale, avec à sa tête les Etats-Unis et la France, condamne le coup d’Etat, contraignant ainsi la CEDEAO à réagir en pompier. La pression de la communauté internationale et des forces républicaines finit par contraindre le général Diendéré à la reddition. L’homme, qui croupit en prison, est visé par douze chefs d’inculpation, dont « crime contre l’humanité par meurtre », « actes de terrorisme » et « trahison ». Selon des sources proches du dossier, plus de 400 personnes ont été entendues comme témoins et parties civiles et 93 autres sont inculpées. Le dossier serait même bouclé et transmis, depuis avril dernier, par le juge d’instruction au parquet militaire. La chambre de contrôle du Tribunal militaire qui était en audience, hier jeudi 14 septembre 2017 a renvoyé l’examen des dossiers du putsch au 24 octobre prochain. L’affaire du Coup d’Etat sera-t-elle alors mise en jugement avant la fin de l’année, comme il se susurre ? Wait and see !
B.R.N.
Commentaires

Dans le dossier

Société civile
Titrologie



Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie
Sondage
Nous suivre

Nos réseaux sociaux


Comment