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Lassina Ouattara, député MPP à propos de l’arrestation d’un président d’institution en exercice : « Désormais, nul n’est intouchable »
Publié le jeudi 14 septembre 2017  |  Le Pays




Lassina Ouattara est un élu du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) dans la province de la Léraba. Le 7 septembre dernier, nous l’avons reçu dans nos locaux où il a bien voulu se prononcer, entre autres, sur la disparition du président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo, dont il a été proche durant plus d’une vingtaine d’années, l’incarcération de la présidente du Conseil supérieur de la communication (CSC), Nathalie Somé, l’agitation autour de la question du F CFA, etc. C’est sans détour que l’honorable député a répondu à nos questions. Lisez plutôt!


« Le Pays » : D’aucuns disent que vous étiez très proche du défunt président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo. Comment avez-vous appris la nouvelle de sa disparition ?



Lassina Ouattara : Pour nous autres, c’était un très grand coup de massue, l’effondrement, dès l’annonce, au petit matin, de son décès. Habituellement, je dors tôt, mais ce jour-là, je me suis couché à 3h du matin. Comme je voulais prendre part à la marche en hommage aux victimes de l’attaque du Café Istanbul, j’ai décidé d’éteindre mes téléphones, étant donné que j’avais peu de temps de sommeil à faire. Quand vous laissez votre téléphone allumé, dans votre subconscient, vous savez qu’il peut sonner à tout moment et vous n’avez pas un sommeil profond. Et Salifou Diallo, dans ses indications, m’a toujours dit de ne jamais éteindre mon téléphone. Curieusement, j’ai éteint mes deux téléphones, ce jour-là. Vers 3h 30mn, des proches ont commencé à me joindre, mais en vain, puisque mes téléphones étaient éteints. C’est vraiment à mon réveil que j’ai appris la mauvaise nouvelle. Dans le cas d’espèce, je n’étais plus en état d’aller à la marche. C’est comme si le monde s’effondrait autour de moi. Quand vous avez été proche de quelqu’un pendant plus d’une vingtaine d’années, relation qui allait au-delà de la camaraderie, du militantisme, je crois que vous ne pouvez qu’être sonné. Chez lui, à la maison, j’étais considéré comme un membre de la famille. J’ai perdu mon père biologique. Et ma mère, quand elle voulait avoir des nouvelles de Salifou Diallo, me posait la question suivante : où est ton papa ? Cela pour dire que c’était quelqu’un qui m’était très cher. Tout le monde, avec tous les hommages qui lui ont été rendus, a pu constater le type de personne qu’il était. On ne peut que regretter la perte d’un être aussi cher.



C’est un clin d’œil fait à l’ensemble de la jeunesse du Burkina


L’Assemblée nationale a un nouveau président en la personne de Alassane Sakandé, depuis le 8 septembre dernier. Quel est votre commentaire sur le choix porté par votre parti et ses alliés sur la personne de M. Sakandé ?



Sakandé était le président du groupe parlementaire MPP auquel j’appartiens. C’est donc quelqu’un que nous connaissons très bien en tant que camarades du MPP. Donc, nous savons ce qu’on peut attendre de lui et ce qu’on ne peut pas attendre de lui. Je crois que son élection est une victoire collective car, c’est ensemble que nous l’avons porté à la tête du Parlement. C’est aussi mon promotionnaire car nous avons fait le campus à la même période, donc quelqu’un que je connais bien. En même temps, pour nous autres de sa promotion, c’est un clin d’œil fait à l’ensemble de la jeunesse du Burkina qui ne cesse de réclamer d’être responsabilisée à des postes. Nous avons voulu, à travers cette élection, envoyer un message assez clair à l’ensemble du Parlement et à la Nation, pour leur montrer que nous avons certes reçu un coup dur avec le décès de notre illustre président, Salifou Diallo, mais que le parti demeure toujours dans la cohésion et dans la même vision. Comme tout le monde l’a dit, Salifou Diallo, en collaboration avec tous les groupes parlementaires, avait une vision stratégique de l’Assemblée, qui avait déjà été déclinée. Des sillons étaient déjà tracés. Et je pense que le président Sakandé va s’inscrire dans cette continuité et il a toutes les chances de réussir, bien sûr avec l’accompagnement des autres. Nous saluons au passage la bonne compréhension, la bonne solidarité qui s’est exprimée à travers son vote par des députés qui ne sont pas de la majorité présidentielle. Comme vous le savez, la majorité compte 70 députés. Il a eu 104 voix, c’est la preuve que d’autres qui ne sont pas de la majorité, lui ont accordé leurs voix. En tout cas, tous nos vœux de succès l’accompagnent.

Quand vous dites que vous savez ce qu’il peut faire et ne peut pas faire, qu’est-ce qu’il ne peut pas faire ?



Nous avons travaillé ensemble dans le groupe et nul n’est parfait. Même Salifou Diallo qui était là, n’était pas parfait. Cela pour dire que nous avons placé notre confiance en quelqu’un dont on sait ce que l’on peut entendre de lui.



Depuis le 6 septembre, l’actualité nationale est marquée par l’arrestation de la présidente du Conseil supérieur de la communication (CSC), Nathalie Somé. Comment avez-vous accueilli la nouvelle de son incarcération ?


Par voie de presse, nous avons suivi le rapport de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) qui faisait cas d’un certain nombre de manquements dans la gestion de la structure. Nous sommes dans un Etat de droit et tous, nous sommes des justiciables devant la loi. Autant nous avons des droits, autant nous avons des devoirs, surtout envers la chose publique. Cela dit, c’est une instruction qui est en cours et nous allons attendre de voir. Que ceux qui vont être reconnus coupables des faits, répondent de leurs actes.



Est-ce, selon vous, la preuve d’une certaine indépendance de notre Justice ? Parce que, de mémoire, c’est la première fois qu’un président d’institution en exercice à été incarcéré.



C’est la preuve qu’il y a quand même un changement, si l’on sait effectivement d’où nous venons, c’est-à-dire avant l’insurrection, et comment les choses fonctionnaient. Les gens, en son temps, étaient comme des intouchables. Désormais, je pense que nul n’est intouchable ; l’environnement et les mentalités ont changé. La Justice a fait preuve, ici en tout cas, d’une certaine indépendance et nous souhaitons qu’elle utilise cette indépendance pour aller dans le sens de ce que la population recherche : qu’elle s’applique à tous et qu’elle ne soit pas une justice à deux vitesses. Au sein de la Justice elle-même, une note stigmatisait des comportements en interne. Cela est une bonne chose et il faut souhaiter qu’elle traite tous les Burkinabè sur le même pied.



« L’ambassade des Etats-Unis est dans son droit de protéger ses citoyens »



Le 3 septembre dernier, l’ambassade des Etats-Unis a procédé à l’évacuation de ses 124 bénévoles du Peace Corps. En tant qu’élu, que vous a fait ressentir cette décision ?


Le Corps de la paix est un partenaire du Burkina qui nous épaule dans nos activités de développement. Ces bénévoles sont déployés dans les coins les plus reculés du pays. Leur évacuation est regrettable. Cela dit, c’est une décision souveraine. Nous savons dans quelle ambiance sécuritaire nous évoluons, avec des barbares qui n’épargnent personne. L’ambassade des Etats-Unis est dans son droit de protéger ses citoyens. Ce sont des mesures conservatoires que nous regrettons. Toutefois, il est préférable qu’elle prenne ces mesures plutôt qu’on ait à regretter des pertes en vies humaines, tôt ou tard. Là, ce serait beaucoup plus dramatique.



Vous êtes un élu de la province de la Léraba. Quels sont les problèmes majeurs que rencontrent vos populations et quelles sont les actions menées ou en voie d’être menées pour résoudre ces problèmes ?



Au niveau de la Léraba, et comme dans tout le Burkina, les grandes préoccupations sont les questions d’accès à l’eau potable. Nous sommes une des régions les mieux arrosées et le phénomène d’érosion des routes y est beaucoup ressenti. Nous avons beaucoup de problèmes d’infrastructures routières. Nous avons une zone qui produit beaucoup et nous sommes très proches de la Côte d’Ivoire et du Mali. Si nous parvenons à résoudre la question du désenclavement, ce sera une grande opportunité pour développer l’économie locale. C’est une des attentes de la population, sans oublier les questions des infrastructures éducatives et sanitaires. Au niveau de notre parti, nous appuyons le gouvernement dans toutes ses initiatives, les dernières étant les allègements consentis à travers les Partenariats public-privé (PPP) pour donner un coup d’accélérateur à tous les programmes et toutes les promesses. Ce sont des attentes des populations, mais nous avons fait des promesses à travers le président Roch Kaboré. Il faut donc qu’au seuil de 2020, nous soyions à la hauteur des attentes des populations.

Pensez-vous, comme certains, que notre monnaie, le Franc CFA, est une monnaie de servitude ?


Je ne dirais pas que c’est une monnaie de servitude. Il est vrai que théoriquement, on peut avoir un certain ressentiment, mais je pense qu’il faut regarder les choses en face. J’ai vu le monsieur (NDLR : l’activiste Kémi Seba) qui a brûlé un billet de 5 000 F CFA récemment. C’est bien, ça a fait le buzz. Peut-être que c’était l’objectif qu’il visait. Mais lui-même sait que ce n’est pas la meilleure voie pour changer les choses au niveau de nos ensembles économiques. Ce que moi j’ai toujours déploré, en ce qui concerne le Franc CFA, c’est le fait que, comme vous le savez, nous avons deux zones (ndlr : le CFA de l’Afrique de l’Ouest et celui de l’Afrique centrale), mais il n’y a pas de convertibilité. Ce que j’appelle économie intégrée, n’existe pas.

Le problème de l’Afrique, c’est sa gouvernance



Or, ce sont des questions qu’il faut d’abord régler. Aujourd’hui, si on sort du Franc CFA, on appellera ça comme on veut, mais tant qu’on ne bâtira pas une économie intégrée, ce sera vain. C’est déjà un avantage d’avoir le Franc CFA Afrique de l’Ouest et celui de l’Afrique centrale. Le plus important est de régler d’abord cette question d’intégration. La monnaie est un outil de développement, mais en même temps, un outil d’intégration. Comme on le dit, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Ces grands ensembles que nous avons déjà expérimentés, sont un avantage. Reste maintenant à travailler pour l’intégration de nos économies.



Quel est votre commentaire suite à l’invalidation de l’élection du président kenyan, Uhuru Kenyatta, par la Cour suprême ?



Nous autres Burkinabè, qui avons changé les choses chez nous à travers une insurrection populaire, ne pouvons que saluer cela. De mon point de vue, le problème de l’Afrique, c’est sa gouvernance. Nous parlions tout de suite du Franc CFA. Si nous avons une monnaie et qu’au niveau de la gouvernance, les choses n’évoluent pas positivement, si définitivement l’ancrage de la culture démocratique n’est pas effective dans nos Etats, quelle que soit la situation dans laquelle nous allons nous mettre, nous n’allons pas nous en sortir. Je pense que c’est un bon signal qui a été donné au Kenya et c’est pour dire que les choses sont effectivement en train de changer en Afrique. C’est la voie royale vers laquelle nous devons aller.

Propos recueillis par Colette DRABO
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