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Centre de promotion rurale PK60 de Fada : La désillusion au bout du compte
Publié le jeudi 7 septembre 2017  |  Sidwaya




Connue dans les années 1980 sous l’appellation de brigade de production, les actuels Centres de promotion rurale (CPR), de par leur mission, se devaient d’être un creuset pour les jeunes agro-entrepreneurs. Malgré leur importance dans la formation professionnelle des jeunes déscolarisés et non scolarisés, les CPR peinent à atteindre leurs objectifs à cause de la mauvaise politique de gestion dans leur mise en œuvre. Un coup d’œil au centre PK60 de Fada N’Gourma a permis de comprendre les raisons de la désertion du centre par les jeunes.

«Le centre a beaucoup contribué à faire de moi ce que je suis. Quand les gens me voient, ils ne savent pas que je suis producteur. Ils me prennent pour un fonctionnaire. Pourtant, je n’ai rien à envier à un fonctionnaire ».Ces propos sont du jeune Diamano Tankouano de la 5e promotion (2011-2013) du Centre de promotion rurale (CPR) de Fada N’Gourma. Assétou Nignada est de la 4e promotion (2008-2010) du même centre. Grâce à la formation reçue, elle fut recrutée comme animatrice agricole dans une association. En plus de ses fonctions d’animatrice, elle donne un coup de main aux producteurs de Diapangou en matière de technique agricole. Si aujourd’hui ces deux agro-agriculteurs peuvent se vanter d’être des modèles de réussite dans le domaine agricole, ils doivent ce savoir au CPR de Fada N’Gourma.
Situé à 60 km de la capitale de la région de l’Est, le centre de promotion rurale PK60 qui, jadis, fut une référence dans le domaine de la formation des jeunes, n’est plus que l’ombre de lui-même. En effet, prévu pour accueillir au moins 100 apprenants, le centre PK60, qui n’en compte de nos jours que six (6), se trouve dans un état de délabrement. Salles de classes et dortoirs décoiffés et laissés à la merci de chauves-souris, groupes électrogènes et plaques solaires en panne, bio-digesteur non-fonctionnel, cuisine et réfectoire couverts de toile d’araignée, porcherie vide, étable, bergerie et poulailler peu peuplés. Une situation de précarité qui ne date pas de maintenant, selon un ancien directeur, Bourgou Y. Pascal. Il a été le 3e directeur et a exercé de décembre 2006 à mai 2013. Il se rappelle des objectifs que l’Etat s’était fixés à la création des huit centres de promotion rurale installés à travers le pays. « Au début, il était question de former des jeunes agriculteurs qui feront partie du maillon de la production.Ce sont les Centres de formation des jeunes agriculteurs (CFJA) qui étaient chargés de former les jeunes ruraux pendant trois ans. On y alliait la technique agricole à la théorie. Dès lors, il s’agit juste d’un transfert de compétences où les CPR étaient comme des collèges qui formaient des jeunes entrepreneurs agricoles », explique M. Bourgou. Une initiative qui, selon lui, n’a pas abouti pour cause de mauvaise politique dans sa mise en œuvre. « En tant qu’approche et outil mis en place par l’Etat pour promouvoir l’entreprenariat agricole de la jeunesse rurale, l’idée est très pertinente. Seulement dans les faits, les actes n’ont pas suivi les discours », soutient M. Bourgou pour qui, la disparition des CFJA fut le signe avant-coureur de l’échec de la politique gouvernementale. Ainsi, pour pallier cette disparition soudaine des CFJA, l’Etat fut contraint de recruter des jeunes à tout venant, repris des écoles primaires et même des jeunes non-scolarisés. Selon l’ex-directeur : « C’est cette diversité de niveau qui a créé d’abord un problème de gestion dans la transmission du savoir et l’assimilation des cours ». A cela, il ajoute le manque de compétence de l’équipe pédagogique de l’époque. « Parmi les encadreurs avec qui j’ai travaillé, j’étais le seul à avoir reçu une formation en formation des jeunes », avoue-t-il. Mais pour certains, la disparition des CFJA et le manque d’expérience de l’équipe d’encadrement ne sont pas les seules causes de la désertion du centre par les jeunes.


Les mauvaises conditions de vie et de travail


M. Tankouano se souvient qu’au départ ils étaient 30 apprenants mais avec le temps, d’autres ont déserté et ils ont terminé la formation avec 25. D’après lui, nombre d’entre eux ont trouvé les conditions très difficiles car il fallait parcourir des distances pour les travaux champêtres. Sur le plan alimentaire, il fallait se contenter souvent de la bouillie. « En cas de maladie, c’était vraiment le parcours du combattant puisqu’on devait parcourir 15 km pour se faire consulter », relate-t-il. Et Mme Nignada de renchérir que pour elle comme pour nombre de filles de sa promotion, le centre fut un mirage car elles y sont allées avec l’idée de recevoir une formation en couture, en coiffure, en fabrication de savon… « Mais grande fut notre surprise d’être logées à la même enseigne que les garçons à notre arrivée ; puisqu’on devait apprendre l’agriculture, l’élevage, l’agroforesterie… », se souvient-elle. Mme Nignada affirme également qu’à leur temps, il était souvent difficile d’avoir la dotation hebdomadaire en savon et en pétrole.
« Si tu étais en manque de ces produits avant la fin de la semaine, tu es obligé de négocier avec tes camarades pour tes besoins», explique-t-elle. Nonobstant ces difficultés M. Bourgou tout en se remémorant l’éloignement du centre de la capitale de la région de l’Est, pointe du doigt le manque d’infrastructures et de moyens adéquats comme étant les facteurs de l’abdication des jeunes. « Il était question de former les jeunes, de les équiper et de les installer en tant qu’entrepreneurs agricoles dans le domaine de l’agriculture, de l’élevage, de l’agroforesterie et de l’artisanat. Ce qui n’a jamais été le cas », regrette-t-il.Et d’avouer que chaque sortie de promotion était un calvaire pour lui. « Lorsque tu encadres des enfants pendant deux ans et au bout du compte ils te demandent ce qu’ils allaient dire à la maison parce que concrètement ils n’ont rien appris qui prouve leur passage au centre, ça te marque et ça te blesse car tu vois que l’élan de ton intension a été brisé », relate Pascal Bourgou avec regret. Si ces difficultés sont, entre autres, à l’origine de la désertion des jeunes du centre, M. Tankouano relève le manque d’ambition de la plupart des apprenants. «Certains d’entre nous se voyaient déjà engagés comme formateur ou agent de vulgarisation, ce qui ne fut pas le cas. Mais à mon avis leur découragement a été aggravé par les promesses non tenues des autorités de les équiper et de les installer à leur sortie», justifie-t-il. Et Assétou Nignada de faire cette confidence : « pendant notre séjour au centre, certaines de mes camarades ont avoué qu’elles déconseilleraient le centre aux éventuels apprenants même à leurs ennemies».


Des débuts de solutions qui tardent à venir


Sur instruction du ministre de l’Agriculture et des Aménagements hydrauliques, Jacob Ouédraogo lors de sa tournée dans le cadre de la campagne agricole 2015-2016, la Direction générale du foncier, de la formation et de l'organisation du monde rural (DGFOMR) a, aux dires du Directeur régional (DR) de l’agriculture et des aménagements hydraulique de l’Est, Joseph Nikièma,pris des dispositions pour un début de solutionnement aux problèmes du centre. « Après le passage du ministre, nous avons tenu plusieurs rencontres et de formations en vue de renforcer la capacité des acteurs.
Ce qui a permis de constater une amélioration dans le traitement des dossiers de pièces justificatives. Il y avait également la question liée à la propriété foncière. Mais comme la question du domaine ne relève pas de la compétence du ministère, le gouverneur a instruit le haut-commissaire et le maire de Fada N’Gourma de travailler collégialement à ce qu’il y ait des délibérations qui puissent entamer le processus de sécurisation du domaine du CPR », explique le DR.
Toujours selon lui, pour ce qui est de la question des bâtiments, du fonctionnement et des statuts, instruction a été donnée à la DGFOMR pour que diligemment la réhabilitation des bâtiments puisse se faire. Aussi, des dispositions sont prises afin que des ressources nécessaires au bon fonctionnement des CPR puissent être mobilisées par la Direction des affaires administratives et financières (DAAF) et mises à la disposition des différents CPR.Enfin, que des facilités soient trouvées pour clarifier le statut des centres. Mais sur le terrain, le constat reste le même.
Le budget qui est passé de 12 millions F CFA à 30 millions F CFA tarde à être disponible, le domaine est toujours en l’état et pire, il est menacé d’amputation pour des raisons de tracés de pistes de transhumance. Le directeur du centre PK60 de Fada N’Gourma, Zoubabio Tamini témoigne qu’il n’y a pratiquement pas de ressources pour mener leurs activités.
Et pour ne pas croiser les bras en attendant des ressources qui pourraient arriver presque à la fin de l’année, les responsables du centre sont obligés de se tourner vers d’autres acteurs. « Nous avons entrepris des activités de production, mais il a fallu l’appui de nos collègues de la vulgarisation, c’est-à-dire les différentes directions provinciales pour que nous ayons les facteurs de production à crédit en attendant qu’on puisse les rembourser », relève M. Tamini. Malgré ces difficultés de fonctionnement de son CPR, M. Tamini a bon espoir que les choses vont changer, car le pays a besoin de nouveaux types de producteurs pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. « Le changement attendu dans l’agriculture passe par la formation de nouveaux types de producteurs agricoles sensibilisés aux questions de changement climatique, d’agriculture durable et également de gestion entrepreneuriale », a-t-il laissé entendre.
Il rassure qu’à tous ces trois niveaux, les CPR, à travers les modules qu’ils dispensent, ont un rôle à jouer pour impacter et produire un effet sur l’agriculture burkinabè.


Donald Wendpouiré NIKIEMA
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