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Sidwaya N° 7461 du 17/7/2013

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Vente de viande à Ouagadougou : incursion à « Bouzoute yaar », un marché atypique
Publié le jeudi 18 juillet 2013   |  Sidwaya




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Les têtes, pattes, langues, peaux et queues des bovins, ovins et caprins, très prisées dans les pays côtiers, sont en train de prendre une place importante dans l’alimentation quotidienne des Burkinabè en général, et des Ouagalais en particulier. Le « Bouzoute yaar » en langue mooré qui signifie « le marché des têtes de chèvres » en français, est le lieu de convergence, depuis des années, de nombreux adeptes et revendeurs de cette denrée. Allons à la découverte de ce marché atypique sis au quartier Karpala, au secteur n°51 de Ouagadougou (ex-secteur n°30).

L’air serein, casquette sur la tête, c’est avec un sourire chaleureux que le responsable de « Bouzoute yaar », Yacouba Congo, nous reçoit en cette matinée du mois d’avril. Sous un soleil de plomb, accompagné d’une chaleur ardente dégagée par les feux utilisés pour débarrasser les poils, bouchers et employés suffoquent en accomplissant leurs tâches respectives. Pendant que certains vendent aux clients, pattes, langues, queues ou têtes déjà fumées et prêtes pour la cuisson, d’autres s’activent à débarrasser les parties encore crues, de leurs poils. Plus loin, quelques peaux de bœufs, étalées au soleil attendent d’être séchées avant de « rejoindre » le feu. Les discussions autour des prix et les taquineries se mêlent aux rires aux éclats, dans une ambiance propre aux marchés populaires.
Environ 400 personnes exercent à « Bouzoute yaar ». Dans ce marché, débarrasser les poils des différentes parties d’un animal requiert tout un savoir-faire qui contribue à attirer une clientèle de connaisseurs. ‘’J’ai l’habitude de m’approvisionner dans ce marché, parce que les bouchers possèdent des techniques propres à eux’’, affirme une cliente. Chaque « produit » a son prix. En effet, les prix des pattes de bœufs varient entre 750 et 1 000 F CFA l’unité et les queues vont de 3 000 à 5 000 F CFA. Quant aux têtes de bœufs, elles sont vendues entre 15 000 et 25 000 F CFA. Au regard de ces chiffres, l’activité se révèle être une opportunité d’affaires pour les commerçants de « Bouzoute yaar ». Pour le responsable du marché, Yacouba Congo, les recettes sont fonction de la taille du commerce, des moyens qui sont injectés dans l’activité et du nombre de clients reçus. Interrogé sur ses recettes journalières, M. Congo évasif, répond : ‘’Il y a des moments où j’achète les marchandises à des prix variant entre 200 et 400 mille F CFA. Le bénéfice engrangé dépendra de la quantité vendue. En tous les cas, je ne peux pas dire que ce commerce ne nourrit pas son homme, car étant dans cette activité depuis 1988, je parviens à subvenir à mes besoins’’. A côté, un autre commerçant, Boukaré Kabré, estime avoir au moins 5000 F CFA de bénéfice par jour dans la vente de ses marchandises.

Des morceaux prisés
dans les pays voisins

Jeannette Adjoa est une cliente ghanéenne et exerce ce métier de vente de pattes de bœufs depuis plus de 20 ans à Accra. Elle importe surtout les pattes et les peaux de bœufs qui, à l’écouter, sont les plus consommées dans son pays. Durant sept à quatorze jours, elle conditionne dans des sacs, les marchandises achetées au Burkina avant de les acheminer au Ghana où un semi-grossiste les acquiert et les revend, à son tour à d’autres clients. Elle soutient être une grossiste au Ghana, même si elle confie n’y retourner que pour rentrer en possession de ses fonds. Mme Adjoa estime que les prix des marchandises sont abordables au Burkina mais qu’il est difficile de les revendre au Ghana avec un bénéfice substantiel. Elle n’est pas seule dans ce commerce de têtes, pattes, peaux vers le pays de Kwamé N’krumah. Certaines de ses collègues commerçantes, à entendre Mme Adjoa, amènent des produits ghanéens au Burkina et au retour, ramènent les pattes et les peaux de bœufs. Fidèle de « Bouzoute yaar », depuis Zangouétin (premier site de ce marché au centre de la capitale burkinabè) à Karpala, Jeannette Adjoa dit s’épanouir de ce commerce, bien qu’elle ajoute ne pas engranger beaucoup de bénéfices. ‘’Je peux acheter les marchandises pour un à deux millions de F CFA, mais je ne gagne pas beaucoup de bénéfice. Pour une patte qui coûte 750 F CFA, par moments à 1000 FCFA, je ne me contente que de 50 ou 100 FCFA de bénéfice sur chaque patte‘’, déclare t-elle. Quant à la qualité de la viande, Mme Adjoa n’a trouvé aucun reproche à faire. ‘’Je n’ai aucune raison de me plaindre de la qualité de la viande. Etant une cliente fidèle, les vendeurs font de leur mieux pour me satisfaire et c’est cela aussi mon avantage’’, s’est-elle réjouie. Contrairement à cette Ghanéenne, Paul Béhanzin, venu du Bénin n’achète exclusivement que les peaux de bœufs pour les besoins de sa clientèle, car il déclare n’avoir pas de clients pour les autres parties (têtes, pattes, queues) dans son pays. ‘’Je peux m’approvisionner en peaux de bœufs de 200 mille à 500 mille F CFA, mais les prix ne sont pas stables. Ils varient de 10 000 à 11 000 F CFA l’unité’’, souligne-t-il. Pour constituer son stock de marchandises, M. Béhanzin peut séjourner au « pays des Hommes intègres » pendant un à deux mois. Comme il n’y a pas d’activité sans pertes, le Béninois Béhanzin dit connaître quelquefois des pertes énormes. En effet, il indique que lorsque les peaux sont trop sèches, elles se cassent au cours du transport et quand elles ne sont pas bien séchées, elles pourrissent.

Aujourd’hui, plus d’un Burkinabè en raffole

Les clients de « Bouzoute yaar » sont aussi burkinabè. Les restaurateurs des quartiers et les hôteliers de Ouagadougou qui s’y approvisionnent sont nombreux. Le responsable du marché, M. Congo, convient qu’à Zangouétin, avant que le marché ne soit délocalisé, la majorité de leurs clients étaient des Ghanéens et des Nigérians. De nos jours, à Karpala, il y a également des Togolais, des Ivoiriens, des Béninois et parfois des Occidentaux. La consommation des peaux, pattes et langues a longtemps été l’apanage des pays côtiers. Aujourd’hui, plus d’un Burkinabè s’en régale. “Les pattes, surtout quand elles sont bien préparées, sont meilleures à la chair. Au début, beaucoup se plaignaient que la préparation prenait plus du temps, mais présentement, nous avons des commandes de restaurants et d’hôtels de la place’’, affirme M. Congo. Oumou Compaoré, vendeuse de soupe de têtes de bovins/ovins dit tirer profit de son activité. Un autre vendeur de soupe de pattes et de têtes de moutons attire de nombreux Ouagalais tous les soirs au quartier Sanyiri de Ouagadougou (ex-secteur n°30). André Zallé, un consommateur occasionnel de pattes, souligne que les différentes parties du corps d’un animal représente chacune, une caractéristique bien donnée et les bouchers ont su mettre ces parties en exergue, en utilisant ses spécificités pour attirer les clients. ‘’La soupe de tête ou de pattes donne un goût particulier, comparée à celle de la viande, surtout après plusieurs heures de conservation. En plus, trois pattes à 200 F CFA, je trouve que c’est un prix à la portée des pauvres’’, renchérit-il. Un autre client, amateur de la soupe de tête dit en consommer au moins deux fois dans la semaine avec des amis.
Le nutritionniste, Dr Dominique Bambara, de la direction de la nutrition de Ouagadougou relève que ces différentes parties prisées par les consommateurs contiennent effectivement des éléments nutritifs. Il explique que les pattes et les queues renferment une partie jaunâtre gluante à la cuisson et ce liquide selon lui, est très nourrissant. ‘’Cette partie jaunâtre est riche en lipides et est d’une qualité supérieure à la graisse végétale, avec un goût particulier et contient des éléments minéraux’’, avoue-t-il. La langue, quant à elle, qui est une partie charnue, contient des protéines. Tous ces morceaux, comme l’indique le nutritionniste Bambara, n’ont plus besoin d’huile à la préparation. Il soutient par ailleurs qu’il est bien de consommer ces viandes qui renferment plusieurs matières nutritives, mais qu’il est nécessaire de le faire de façon modérée, afin d’éviter la prise de poids et certaines conséquences sur la santé. ‘’Ces viandes consommées régulièrement pendant un mois amènent le consommateur à prendre du poids et à pousser du ventre. Si le poids n’est pas contrôlé, la personne va en surpoids et cela peut entraîner l’obésité. Il y a également la goutte. Donc, le mieux serait de consommer modérément ces viandes’’, avertit Dr Bambara.
Si l’on se réfère aux circuits officiels d’approvisionnement de Ouagadougou en viande, notamment par les abattoirs frigorifiques de la capitale et de Saaba, une banlieue à la périphérie Est, la qualité sanitaire des organes d’animaux commercialisés à « Bouzoute yaar » est contrôlée. Le responsable à l’inspection de l’abattoir frigorifique de Ouagadougou, Dr Jean Marie Batiébo, rassure que l’inspection de la viande s’effectue à l’abattoir et avant cela, un contrôle est effectué sur l’animal vivant pour détection de signes de maladie. Les animaux bien portants sont acheminés pour abattage mais ceux présentant des signes de maladie sont amenés à l’abattoir sanitaire pour une prise en charge. Selon lui, les différentes parties de l’animal abattu, aussi bien les organes que la carcasse sont inspectées. ‘’Si la viande est mise sur le marché, cela suppose que l’inspection a jugé qu’elle peut être consommée sans problèmes majeurs’’, martèle Dr Batiebo. Toutefois, il relativise en précisant que ce n’est pas une garantie parce que, si le transport de la viande de l’aire d’abattage jusqu’à destination n’est pas fait dans de bonnes conditions, elle peut se souiller.

Un marché qui mérite
plus d’attention

La plupart des commerçants rencontrés dans ce marché atypique ont soulevé de nombreuses difficultés qui minent leur activité à certaines périodes de l’année. En période de chaleur, explique le responsable du marché, Yacouba Congo, les marchandises sont fumées et séchées sans aucune difficulté pour la conservation. En saison pluvieuse, par contre, le problème de conservation se pose avec acuité. Le manque de hangar est également un autre facteur qui entrave le fonctionnement de leur activité. ‘’Nous avons des maisonnettes où nous pouvons nous abriter en cas de pluie mais nos marchandises, où les stocker ? Ce sont là tous nos soucis’’, déplore M. Congo. Wendintaaré Ouédraogo, vendeur de têtes et de pattes de bœufs à « Bouzoute yaar » relève l’absence d’une fontaine qui pourrait les aider dans le lavage de leurs denrées avant de les mettre sur le feu. Au regard de ces difficultés, le responsable du marché souhaite un marché bien construit, avec une clôture et aménagé avec des étals et une fontaine. Par ailleurs, la commercialisation des pattes, langues, queues, peaux et têtes d’animaux doit pouvoir faire l’objet d’une organisation spécifique, compte tenu de la forte demande des pays côtiers. Avec des milliers de têtes d’animaux abattus par an au niveau de l’abattoir frigorifique de Ouagadougou, il y a nécessité de promouvoir l’exportation, d’améliorer d’une part, le système de transport et de convoyage des commerçants et d’autre part, celui des clients de la sous-région. Si ces doléances sont prises en compte, « Bouzoute yaar » pourrait susciter plus d’engouement et pourquoi pas devenir un marché de renommée sous-régionale.


Afsétou SAWADOGO

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