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DR Gérard Coulibaly, à propos de l’insuffisance rénale : « Elle n’est liée ni à l’âge ni au sexe »
Publié le mercredi 23 aout 2017  |  Le Pays




Dr Gérard Coulibaly est un médecin néphrologue au service de néphrologie et hémodialyse du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU-YO). Dans cette interview qu’il nous a accordée au CHU-YO, il nous parle des causes, des types et des mesures préventives de l’insuffisance rénale. Lisez plutôt !

« Le Pays » : Qu’est-ce que l’insuffisance rénale ?

Dr Coulibaly : Pour définir l’insuffisance rénale, il faut d’abord rappeler les fonctions du rein. Le rein a trois fonctions principales : la fonction d’épuration qui est la mieux connue, qui consiste à éliminer les déchets de l’organisme ; la fonction de régulation du milieu intérieur et la fonction endocrine caractérisée par la production de certaines hormones dont celle qui intervient dans la production des globules rouges. L’insuffisance rénale est la diminution de la capacité du rein à assurer ces fonctions, de façon transitoire ou permanente.

Y a-t-il plusieurs types d’insuffisance rénale ?

Il y a deux types d’insuffisance rénale. On a l’insuffisance rénale aiguë lorsque la diminution de la capacité du rein est transitoire. Dans le deuxième cas, l’insuffisance rénale est dite chronique ; la diminution est permanente et évolue de façon progressive et irréversible vers un stade qu’on dit terminal, auquel il est nécessaire de faire le traitement de suppléance qui est soit la dialyse ou la greffe rénale.

Comment se passe la dialyse ?

D’abord, il y a deux modalités de dialyse : la première modalité est appelée dialyse péritonéale. Elle utilise une membrane appelée péritoine située dans la cavité abdominale. Elle consiste à infuser un liquide dans la cavité abdominale. Pendant le temps de stase de ce liquide dans cette cavité, des échanges de solutés se font entre le liquide et le sang du patient à travers le péritoine. Le liquide est renouvelé au bout de quelques heures de stase. Cette modalité est réalisée habituellement par le patient lui-même, hors du service de santé, après une formation. La deuxième modalité est appelée hémodialyse. Elle nécessite un accès permanent ou temporaire au sang du patient et un appareil appelé générateur d’hémodialyse. Le sang du patient est aspiré, puis épuré dans un rein artificiel contenant un liquide dont la composition est connue et qui guide les échanges. Le sang épuré est ensuite restitué au patient. C’est cette deuxième modalité qui est disponible au Burkina. Les séances de dialyse se font pendant un temps limité dans le cas de l’insuffisance rénale aiguë, ou pour toute la vie en cas d’insuffisance rénale chronique au stade terminal. Pour l’hémodialyse à vie, le nombre recommandé de séances d’hémodialyse est de trois par semaine. Actuellement au Burkina, la fréquence est d’une tous les cinq jours. Cela est dû à l’insuffisance en ressources humaines et matérielles.


La limitation du matériel signifie-t-elle qu’une personne atteinte d’une insuffisance rénale chronique a peu de chances de survivre ?

Le plus ancien en dialyse a 14 ans de dialyse. C’est vrai que les conditions de traitement dans notre unité d’hémodialyse sont très difficiles, donc les risques de non survie pour les malades sont très élevés. Le gouvernement appuie l’unité par une subvention d’un montant d’un milliard de F CFA par an. Cela a permis de diminuer la participation du malade au paiement d’un forfait de 500 000 F CFA pour la dialyse à vie, et de 15 000 F CFA par séance pour l’hémodialyse aiguë. Il y a quelques années, la séance coûtait 71 725 F CFA, la caution s’élevait à 717 250 F CFA et il fallait payer la totalité des séances par mois.

Quelles sont les tendances actuelles en matière d’insuffisance rénale ?

Nous avons des données dites hospitalières. Nous pouvons dire que le nombre de malades augmente de jour en jour. Il faut une étude en population, pour pouvoir affirmer une explosion de la fréquence de l’insuffisance rénale. Mais, ce ne serait pas faux de dire que la prévalence de l’insuffisance rénale augmente.

Quelles sont les causes de l’insuffisance rénale ?

Les causes sont nombreuses, que ce soit en cas d’insuffisance rénale aiguë ou chronique. Dans le premier cas, nous avons trois grands groupes de causes : celles qui diminuent la perfusion des reins par le sang (par exemple les causes de diarrhée, de vomissements, d’hémorragies de grande abondance, d’insuffisance cardiaque sévère), celles qui altèrent une ou plusieurs structures du rein ou ses vaisseaux (par exemple certaines infections bactériennes, certains produits toxiques, la drogue, certains médicaments comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens dont le diclofenac, certains médicaments traditionnels) et celles qui empêchent l’écoulement des urines dans les voies urinaires (par exemple les calculs urinaires, certains cancers de l’appareil urinaire ou de son voisinage). Dans le cas de l’insuffisance rénale chronique, les premières causes, dans le monde entier, sont l’hypertension artérielle et le diabète. Dans certains pays comme l’Afrique du Sud, le VIH/SIDA vient en troisième position. Dans notre contexte, à travers les études hospitalières, nous constatons que l’hypertension artérielle vient en tête suivie des causes infectieuses comme les angines, les infections de la peau contractées le plus souvent pendant l’enfance, les hépatites virales. On peut aussi noter les causes héréditaires ou congénitales telles que la polykystose rénale caractérisée par la présence de nombreux kystes dans chaque rein, la malformation de l’appareil urinaire.

Quelle réponse donnez-vous à ceux qui pensent que les médicaments traditionnels peuvent causer l’insuffisance rénale ?


Certains tradithérapeutes sont en relation avec le CNRST (Centre National de Recherche Scientifique et Technologique). Le principe actif de leur médicament est à ce moment connu, avec des règles de prescription bien claires. Par contre, chez d’autres, et c’est la majorité des cas, le produit n’a fait l’objet d’aucune étude. Vous convenez avec moi que dans ce deuxième cas de figure, le consommateur de ce produit s’expose à un risque élevé, notamment sur le plan rénal. Il n’est pas rare que nous recevions dans notre service des patients avec une insuffisance rénale en rapport avec l’usage de médicaments traditionnels.

Comment l’insuffisance rénale se manifeste-t-elle?

Dans le cas de l’insuffisance rénale aiguë, les signes sont habituellement ceux de la maladie. Il peut s’agir de diarrhée, de fièvre très élevée ou d’une tension très élevée. Lorsque l’insuffisance rénale aiguë est sévère, des signes qui lui sont propres peuvent apparaître : des œdèmes des membres inférieurs, l’augmentation du taux sanguin de certaines substances dissoutes (potassium par exemple) ou leur diminution (bicarbonate par exemple).
Dans le cas de l’insuffisance rénale chronique, il n’y a presque pas de signe ressenti par le malade au début. C’est pourquoi on parle de « tueur silencieux ». Cela peut se résumer à une augmentation légère de la pression artérielle. La fréquence des signes augmente au fil de l’aggravation de l’insuffisance rénale chronique. On peut alors observer une pression artérielle moins bien contrôlée, un gonflement des pieds, du visage, un essoufflement au moindre effort qui peut être lié à une anémie (manque de sang), des troubles digestifs (vomissements matinaux, manque d’appétit). Tous les appareils et systèmes peuvent être concernés avec les signes en rapport.

Quelles sont les mesures préventives pour lutter contre l’insuffisance rénale ?

Etant donné que les causes sont multiples, il faut d’abord une bonne hygiène de vie, une bonne activité physique régulière, une alimentation bien équilibrée sans excès de sel ni de graisse, et surtout aller en consultation dans un service de santé quand on est malade et éviter de faire de l’automédication. Quand on est hypertendu, il faut aller régulièrement au suivi médical et suivre régulièrement le traitement. Aussi, quand on est diabétique, il faut que la glycémie soit bien contrôlée par un bon suivi du régime alimentaire et du traitement médicamenteux. Il faut aussi prévenir les infections par la vaccination par exemple.

L’insuffisance rénale est-elle liée à l’âge ou au sexe ?


Elle n’est liée ni à l’âge ni au sexe, mais ce sont les causes qui peuvent l’être. Par exemple, la prééclampsie sévère caractérisée par l’apparition récente d’une hypertension artérielle associée à la présence d’albumine dans les urines et parfois une insuffisance rénale aiguë au cours du deuxième ou troisième trimestre de grossesse, ne concerne que la femme enceinte. L’infection digestive avec certaines souches de bactéries appelées Escherichia coli peut causer une forme grave d’atteinte rénale chez l’enfant, mais beaucoup moins souvent chez l’adulte. Les causes malformatives de l’insuffisance rénale chronique sont plus fréquentes chez l’enfant que chez l’adulte ; par contre les maladies cardiovasculaires sont plutôt l’apanage des sujets de plus de la soixantaine.

Que signifie pour vous la célébration mondiale de la journée mondiale du rein ?

Nous pouvons dire qu’à travers cette journée, sont manifestées la compassion et la solidarité envers les personnes qui souffrent des maladies du rein. C’est aussi l’occasion de rappeler que la maladie rénale constitue un problème de santé publique, même chez l’enfant, et qu’il vaudrait mieux la prévenir.

Un mot pour conclure cet entretien !

Je vous remercie de vous intéresser à la lutte contre la maladie rénale qui est un problème de santé publique majeur dans le monde entier. La maladie rénale est l’aboutissement d’une ou de plusieurs maladies. Elle peut évoluer vers l’insuffisance rénale chronique dont la prise en charge est très coûteuse, surtout pour les pays pauvres comme le nôtre. La prévention de la maladie rénale est d’un intérêt certain.

Valérie TIANHOUN
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