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Salifou Diallo: retour sur le tournant de 2008-2009
Publié le dimanche 20 aout 2017  |  FasoZine
Salifou
© Autre presse par DR
Salifou Diallo, président de l`Assemblée nationale du Burkina




Porté au perchoir de l’Assemblée nationale du Burkina Faso le 30 décembre 2015, la notoriété de Salifou Diallo — qui nous a quittés ce matin à Paris — n’est plus à faire. Dans le long périple que fut son parcours politique, son débarquement du gouvernement, en 2008, reste sans doute l’un des tournants les plus marquants de l’héritage qu’il lègue à la nation. Il avait alors suggéré d’aller «vers un régime parlementaire, qui nous éviterait une patrimonialisation de l’Etat». Retour sur cette étape à travers l’éditorial publié pour la circonstance, en juillet 2009, par fasozine.com.

Il l’avait dit, en son temps, que lui, Salifou, n’est pas un «yes man»! Et le voilà au centre de tous les intérêts et de toutes les attentions politiques du moment. Peu de temps après avoir présenté ses lettres de créances, à Vienne, en qualité d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burkina Faso en Autriche, Salifou Diallo, dont la sortie du gouvernement, le jour de Pâques 2008, a fait grand bruit dans l’opinion, est à nouveau au cœur de l’actualité. Et, avec lui, son projet d’offrir un enterrement de première classe à la IVe République, en donnant naissance, dans une Ve République «consensuelle», à un régime parlementaire, dans lequel le vrai détenteur de l’Exécutif sera un Premier ministre, responsable devant le Parlement.

Evidemment, c’est autant la «proposition», que son auteur — dont on cherche encore à décrypter la posture et les motivations réelles — qui font débat. Et l’on peut aisément parier que ce débat-là n’est pas près de s’achever. La sensibilité et la pertinence du sujet, ainsi que la personnalité de l’homme qui le lance dans l’arène, font que cette question finalement «détaboutisée» de l’alternance, alimentera encore longtemps les discussions dans les états-majors politiques et les causeries de l’opinion publique nationale et internationale. J’imagine que, aussi bien au Burkina qu’à l’étranger, plusieurs chancelleries cherchent à cerner les contours des «suggestions» de notre ambassadeur en Autriche et à dessiner, à grands traits, les simulations possibles suivant différentes évolutions.

A l’évidence, un «vieux routier de la politique» comme Salifou Diallo, et qui est en plus un «baron» du régime en place, ne saurait jeter un tel «ballon d’essai» dans l’opinion sans savoir quelles fleurs et/ou quelles épines retomberaient sur sa personne. On peut donc, a priori, préjuger qu’il ne s’étonnera pas des sanctions qui lui tombent dessus actuellement, et que, plutôt, Salifou Diallo défendra crânement sa vision des choses, quitte à avoir tort d’avoir eu raison trop tôt. Suspendu de toutes les instances de son parti, dont il était jusque-là l’un des «hommes forts», peut-être bientôt sanctionné par le gouvernement qui lui reproche de n’avoir pas observé l’obligation de réserve auquel tout diplomate est astreint, Salif Diallo serait-il, ainsi que le pensent certains, le «mouton du sacrifice» d’une mission commandée, dont il récolterait les bénéfices bien plus tard? Il est encore tôt d’y répondre péremptoirement. Et s’il semble qu’il n’a pas eu la caution de Blaise Compaoré dans cette «aventure», on peut déjà prendre le pari que, quels que soient les développements que le temps imprimerait à cette nouvelle carotte politique, qui ne laisse personne indifférent, elle fera date dans l’histoire du pays.

En effet, applaudi par les uns, snobé par les autres, ou encore carrément réprouvé plus loin, Salif Diallo est au cœur de toutes les polémiques. Et son idée de régime parlementaire — qui en appelle aussi à la «refondation» de l’Etat et de ses institutions, réclamée par nombre de partis politiques d’opposition —, passera incontestablement, désormais, sous le scanner des politologues et autres ténors de la classe politique, mais aussi de la société civile et de l’opinion publique. En attendant, «l’outrecuidance» de l’homme m’incline à formuler trois hypothèses.

Primo, Salifou Diallo a le blues et en a (déjà!) marre de son «exil doré» à Vienne. Il a alors décidé de donner un grand coup de pied dans la fourmilière et à s’émanciper de la machine du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), en initiant un poker politique dans lequel il sait comment rester dans le jeu — ou non — quelle que soit l’issue des débats.

Secundo, il a toujours, en sous-main, l’oreille du président du Faso à qui il a soufflé mot de sa stratégie pour l’après-2015. Il commence donc à mettre les rouages en place, en rebattant complètement les cartes, et en vidant ainsi de tout sens, un éventuel débat sur l’oblitération de l’article 37 de la Constitution sur la limitation à deux termes du mandat présidentiel.

Tertio, c’est le scénario peut-être téméraire mais le plus pertinent qu’il ait trouvé pour un retour en grâce auprès du président du Faso (ce qui présuppose qu’il ait perdu la confiance du locataire du palais de Kosyam). En se plaçant dès maintenant sur le terrain de la bataille institutionnelle pour définir — ou du moins proposer — un cadre de réflexions pour un après-2015 avec Blaise Compaoré, Salifou Diallo montre qu’il sait être fidèle et loyal, même dans la tempête.

En tout état de cause, le moins que l’on puisse dire, c’est que les jeux sont on ne peut plus ouverts et que chacun y va de son interprétation et de ses hypothèses. La vérité, elle, finira bien par s’imposer à tous, un jour…
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