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Le Pays N° 5401 du 16/7/2013

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Fonctions publiques africaines : La caverne d’Ali Baba
Publié le mercredi 17 juillet 2013   |  Le Pays




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Sur quoi repose ou se fonde la force de l’Etat républicain moderne ? Selon Hegel, elle repose, comme un roc indestructible, sur le dévouement, l’engagement civique désintéressés et surtout sur la loyauté des fonctionnaires. Dans les « Principes de la philosophie du droit », Hegel définit, très clairement, l’Etat rationnel moderne comme l’Etat des fonctionnaires. Et l’on peut aussi ajouter que la République, c’est d’abord la chose du fonctionnaire avant d’être celle du peuple tout entier. Un fonctionnaire loyal, sérieux, compétent, intègre, regarde l’Etat républicain comme quelque chose de grand, les affaires publiques l’emportant sur les privées dans son esprit. Ainsi, la liberté du fonctionnaire et l’autorité de l’Etat ne sont donc pas incompatibles.

Créé pour la liberté des individus et la défense de l’intérêt général, l’Etat moderne ou Etat des fonctionnaires ne doit, en aucun cas, se confondre avec la sphère de la société civile. En d’autres termes, personne ne doit chercher à utiliser l’Etat en le dirigeant exclusivement vers la satisfaction de l’intérêt personnel des individus. Sinon, la relation censée être harmonieuse entre l’Etat et ses serviteurs dévoués, ses agents, disparaît, et l’Etat s’affaiblit. Chez le fonctionnaire, on assiste également à un attiédissement de l’amour du pays, au triomphe de l’avidité, du népotisme, de la corruption, de la passivité, et surtout de la paresse. C’est en se fondant sur une telle inspiration républicaine que, sur les instruments politiques du président Macky Sall, le ministre sénégalais de la Fonction publique, du travail et des relations avec les institutions, Mansour Sy, vient d’initier un audit des fonctionnaires, sur l’ensemble du territoire sénégalais. Une fois de plus, le président Macky Sall vient de montrer qu’en matière de gouvernance démocratique et républicaine, le Sénégal qu’il préside est et reste un Etat cohérent, c’est-à-dire bien organisé et bien géré. Nous savons bien qu’il faut faire preuve d’un gros courage politique pour lancer de tels audits sous nos cieux, tellement l’on s’expose aux railleries, levées de boucliers, voire carrément à des menaces de mort. Logique, puisque l’enjeu de tels audits, c’est d’abord débusquer tous ces agents fictifs de l’Etat, tous ces cadavres-vivants qui continuent à émarger au budget de l’Etat, en toute illégalité et en toute impunité. Avec une telle audace politique, Macky Sall sait très bien qu’il croisera le fer avec ces petites mafias établies au sein même de l’Etat, grâce à la complicité de certains fonctionnaires soi-disant dévoués au service exclusif de ce même Etat. En Afrique subsaharienne, il suffit de jeter juste un petit coup d’œil sur nos administrations publiques pour découvrir, assez vite, qu’elles ressemblent à de véritables cavernes d’Ali Baba.
En règle générale, nos Etats ignorent le nombre de leurs agents. Pire, souvent, les Etats se révèlent incapables d’apporter une réponse rationnelle à ces trois questions : qui est agent public ? Comment a-t-il été recruté ? Et pour accomplir quelles tâches publiques ? Pourtant, la définition du fonctionnaire est inscrite dans nos constitutions dites républicaines. N’est-ce pas cette situation ubuesque qui explique que l’image du fonctionnaire en Afrique noire renvoie facilement à celle d’un individu paumé, déloyal, incompétent, affairiste, et payé à ne rien faire ?

Bref, à l’image de citoyens inutiles.
Or, il existe, sur notre continent, de nombreux fonctionnaires dévoués, compétents, loyaux, courageux, donc exemplaires, et qui n’hésitent pas à se sacrifier quotidiennement pour assurer le bon fonctionnement de l’Etat. Sans eux, nos pays connaîtraient une véritable descente aux enfers, c’est-à-dire une perte collective d’esprit civique. De tels agents sont les sources ultimes de la puissance de la relation entre République et allégeance citoyenne. Grâce à eux, nos sociétés cheminent vers la mise en œuvre de citoyennetés pleines et entières. Si le fonctionnaire, c’est avant tout un statut, précisons que, celui-ci doit se comprendre et se vivre comme un ensemble de droits et d’obligations au sein de l’Etat. Ce qui donne une dimension politique cathartique à l’initiative du président Sall, c’est que l’audit en cours concerne tous les métiers de la puissance publique, à savoir enseignants, militaires, magistrats, forces de l’ordre, journalistes, etc. A l’arrivée, il s’agira pour l’Etat sénégalais d’harmoniser les listes de tous ses agents salariés. Dès lors, l’Etat pourra agir davantage avec autorité et efficacité, au profit des intérêts supérieurs du peuple sénégalais. Car les fonctionnaires sont le corps et l’âme de l’Etat tout entier. L’initiative du président Sall montre également que la République ne peut être bien gouvernée sans la transparence et la Justice. Là où il n’y a pas de justice, il n’y a pas de République. Tous les agents fictifs débusqués, au-delà de leur radiation, devront être déférés devant les juridictions légitimes du pays, pour répondre de leurs forfaits. N’oublions pas qu’en matière politico-judiciaire, les bonnes pratiques en font faire de meilleures, les mauvaises en amènent de pires. L’existence d’agents fictifs au sein de nos fonctions publiques est incompatible avec les exigences et les idéaux du régime républicain. Elle pose aussi le problème de la relation du citoyen au pouvoir politique. C’est pourquoi dans cette lutte, la responsabilité de ceux qui exercent le pouvoir politique sur notre continent est cruciale. Il faut lire cette intrusion d’agents fictifs dans la sphère publique comme une trahison envers l’Etat et qui peut mener à une désobéissance des citoyens les plus honnêtes. Ce phénomène, disons-le, pèse lourdement sur la question du chômage et du sous-emploi des jeunes sur notre continent. Il entraîne également, ici, d’immenses inégalités sociales et économiques, quand il n’exerce pas un effet dépressif à l’échelle continentale, sur le statut des fonctionnaires.

Soulignons que sur notre continent, la majorité des fonctionnaires sont pauvres et leur aspiration à vivre mieux se heurte, au sein de nos Etats, à de redoutables difficultés. Finalement, à qui profite bien ce « bordel » dans ces cavernes d’Ali Baba que sont les fonctions publiques africaines ?
Evidemment, à tous ces gouvernants qui refusent de mener des politiques, non pour les vivants, mais pour les morts, en misant sur le népotisme et la désolation morale de leur peuple. Oui, Macky Sall a parfaitement raison de rendre à la politique toute sa noblesse et sa dignité.

« Le Pays »

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