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Personnes atteintes d’énurésie
Publié le mercredi 9 aout 2017  |  Sidwaya




L’énurésie désigne la perte involontaire des urines la nuit au coucher. De nombreuses personnes adultes vivent avec ce mal. Elles sont souvent marginalisées dans la société. Pire, celles qui vivent en couple sont stigmatisées, obligées de vivre «cachées».Témoignages de victimes, dans la commune de Ouarkoye dans la province du Mouhoun, dont le quotidien se résume à faire la lessive.


Wakuy, un mardi du mois d’avril 2017 ! Hankarafa Loyara est assise toute seule, aux environs de 11h, sous un hangar délabré après la saison des pluies de l’année dernière. L’atmosphère de Wakuy, ce village situé à 22 km de la commune rurale de Ouarkoye, dans le Mouhoun, semble peser sur ses épaules. La jeune dame, la vingtaine, presqu’à terme, a l’air pensif. Sur son visage, se lisent tristesse, angoisse et anxiété. Isolée dans son coin, elle n’a personne avec qui converser. Elle est agacée lorsqu’on cherche à comprendre son désarroi. Difficile de parler de son mal, l’énurésie. A travers une voix entrecoupée, elle affirme à demi-mots, souffrir d’une « maladie tabou et honteuse », et ce, depuis l’âge de cinq ans. A l’entendre, son quotidien se résume à la solitude depuis ses trois années de mariage. Mme Loyara dit n’être jamais allée en consultation et pense que sa maladie est une malédiction. Elle souligne que sa belle-famille la dédaigne, la hait et désaprouve son mariage avec leur fils. « Ma belle-mère me dit que je suis habitée par un esprit maléfique qui va tuer son fils », rapporte-t-elle, la tête baissée. Malgré ce dédain, Sillas Naboho, le mari de Hankarafa, soutient son épouse dans cette dure épreuve. Au début de leur union, M.Naboho a souffert des critiques et des préjugés de son entourage. Aujourd’hui, il fait fi de la médisance des gens. Mme Hankarafa n’est pas une exception. Elles sont nombreuses, les femmes qui souffrent de cette maladie toujours considérée comme un tabou. Martine Voho en est une. Vêtue d’un pagne de couleur jaune-bleu et d’une camisole carrelée blanchâtre, champion parsemée de noir, Mme Martine Voho du village de Fakena vit, elle aussi, avec l’énurésie depuis l’âge de 10 ans. Elle avoue être la risée de tout le village. Martine se sent stigmatisée et rejetée. « Lorsqu’il y a une cérémonie au village, je suis toujours toute seule à m’y rendre et lorsque j’arrive, les femmes fuient», affirme-t-elle, les larmes aux yeux. « Je regrette le jour où je suis née. Je préfère même mourir que de vivre cette honte toute ma vie », avoue-t-elle.Du fait de son mal, Martine s’est résignée et elle a abandonné toute activité génératrice de revenus.Marginalisée, son quotidien se résume à faire la lessive. Comment peut-on expliquer une telle pathologie ?

Un mal aux causes
multiples

Quelles peuvent en être les causes ? Selon le tradipraticien Bakary Dao du village de Bêkuy, cette maladie est due à la consommation d’eau non potable comme l’eau des marigots, utilisée par les populations et à la rétention des urines. Contrairement à cette thèse, l’urologue au Centre hospitalier universitaire Yalgado- Ouédraogo, Fasnéwindé Aristide Kaboré, soutient que la consommation d’eau non potable peut entraîner la bilharziose qui est à l’origine des infections urinaires mais pas l’énurésie. D’emblée, M. Kaboré convient que l’énurésie, c’est lorsqu’une personne continue de perdre des urines la nuit après la période théorique de maturité vésicale (2 ans). Lorsque ces pertes d’urines vont au-delà de 2 ans, voire 5 ans, il s’agit de l’énurésie primaire. Elle peut régresser avec le temps ou persister jusqu’à l’âge adulte. Quant aux causes, M. Kaboré clarifie qu’elles sont multiples. En effet, selon lui, il existe deux types d’énurésie à savoir, celle primaire et secondaire. « L’énurésie primaire a des causes génétiques. Il y a certains gènes qui ont été identifiés principalement dans les familles énurétiques. Il y a ceux liés à l’immaturité du système de contrôle de la vessie, notamment du système nerveux. En ce moment, les ordres ne sont pas tout à fait bien transmis à la vessie», fait-il savoir. En revanche, poursuit-il, l’énurésie secondaire peut être due à plusieurs facteurs. Il s’agit notamment des infections qui surviennent chez certaines personnes et de la petite capacité de la vessie chez d’autres. L’énurésie a une répercussion sur la vie en société pour la victime.

Des laissés-pour-compte

Hanlombo Voho vit également le désespoir à Wakuy. Elle n’a eu qu’un seul enfant. Après la découverte de sa maladie, son mari n’a plus cherché des relations intimes avec elle. « Cela fait 5 ans que je n’ai plus eu de rapports sexuels avec mon mari. Chaque nuit, il préfère rejoindre ma coépouse. Je suis abandonnée », explique-t-elle. Toute en larmes, Hanlombo ajoute que son homme ne peut pas la répudier parce que leur mariage est une alliance entre les deux familles. « Ce que je vis dépasse l’enfer », déclare la jeune dame. Quant à Lamousahan Tamini, une autre victime, elle confie que l’énurésie a eu raison de son mariage. Son époux ne supportait plus de la voir mouiller le lit conjugal toutes les nuits. Désamour de son mari, calomnie et injures de la belle-famille, regard accusateur du voisinage… Ainsi se résument les trois ans de vie du couple Tamini. «Mon mari refusait tout plat que je lui préparais. Comme il me qualifiait de sale et dégoutante, il a préféré me répudier avec mon nourrisson de 6 mois », témoigne-t-elle. Sophie Tamini, sœur aînée, se dit sidérée de voir sa cadette lui exposer ses problèmes de foyer qui, selon elle, se résument en de multiples incompréhensions avec son époux, pour cause de maladie. « Je suis vraiment impuissante face à cette situation que vit quotidiennement ma sœur», regrette-t-elle. Rosalie Naboho, une septuagénaire de Wakuy, a aussi connaissance du mal. Elle relate que selon une anecdote, lorsque la femme fait ‘’pipi’’ au lit et qu’une fourmi « boit » ses urines, la piqûre de l’insecte peut se révéler mortelle pour le conjoint, et vice-versa.Toutefois, la doyenne trouve la société trop injuste envers l’autre moitié du ciel. « Pourtant, l’homme qui fait ‘’pipi’’ au lit n’est pas répudié, parce qu’il est chef de famille, à moins que ce ne soit la femme qui décide de le quitter », déplore-t-elle.

Guérira ou guérira pas ?

Bien que la majorité des malades rencontrées soit des femmes, des hommes vivent également cette réalité. Saoko Dembélé, la trentaine bien sonnée, en sait quelque chose, même s’il dit ignorer la cause de sa maladie. Il fait savoir que personne n’est au courant de son mal. Un secret bien gardé par sa femme. De l’avis de Pr Kaboré, toutes les maladies n’ont pas de solutions en médecine. « Pour ce qui est de l’énurésie primaire, des traitements existent, mais on ne peut pas à proprement parler de guérison », dit-il. Il affirme que pour l’énurésie primaire, il n’y a pas de traitement spécifique. L’entourage du ou de la malade, doit s’organiser et l’aider à se réveiller de temps en temps pour aller se soulager. Le spécialiste précise qu’il existe des systèmes de réveil du patient, appelé des ‘’pipi-stop’’. «Ainsi, le patient va porter ces systèmes la nuit, et dès que celui-ci a des gouttes d’urines qui commencent à le mouiller, une alarme retentit ou une décharge électrique le secoue et il se réveille pour aller uriner», dit-il. Il note qu’avec ces systèmes de réveil, l’énurésie n’a pas été traitée, mais ses effets sont juste atténués. Pour également pallier les effets de l’énurésie, l’urologue préconise le traitement-comportement de l’individu malade. Il s’agit, selon lui, d’amener le patient à boire moins d’eau ou des liquides le soir, pour diminuer la production des urines la nuit. L’énurésie secondaire causée par une infection est, pour le Pr Kaboré, guérissable. Il suffit,dans ce cas, de traiter les infections urinaires du patient. L’énurésie étant une maladie honteuse et tabou, l’urologue du Centre hospitalier universitaire Yalgado- Ouédraogo, Fasnéwindé Aristide Kaboré avoue que les victimes n’aiment pas se faire consulter dans les hôpitaux. Il dit qu’il n’a pas de chiffres exacts quant à la fréquence des consultations énurétiques dans son service. « Depuis janvier 2017, seulement deux patients ont été reçus en consultation. Au niveau mondial, il y a 10%, surtout chez les enfants, mais à l’âge adulte, ce chiffre se situe autour de 2% de personnes qui sont touchées par l’énurésie, dans les pays où on a des statistiques », justifie-t-il. Nombreux sont les malades d’énurésie qui se confient à la médecine traditionnelle. Le tradipraticien, M. Dao dit avoir traité, avec succès, des cas d’énurésie. « Pour soigner cette maladie, je dépose du mil sur les fourmilières. Ensuite, je l’étale au soleil pour être écrasé. Je prépare une décoction à partir des feuilles de plantes médicinales. La farine mélangée, la décoction est utilisée pour faire la bouillie pour le patient. Après trois jours de traitement, le malade guérit », déclare-t-il. Malgré cela, il n’est pas parvenu à trouver le remède « miracle » pour mettre fin aux souffrances de Saoko Dembélé et Habou Nikiema, du village de Ouarkoye, actuellement dans le désarroi. Saoko dit avoir fait le tour de tous les tradipraticiens, sans succès. « J’ai eu à prendre un produit chez un tradipraticien venu du Mali, et lorsque je l’ai utilisé, ma maladie s’est arrêtée pendant un bout de temps. Quelques mois après, elle a repris de plus belle. Je ne sais plus quoi faire », s’interroge-t-il. Habou, quant à elle, arpente toujours les couloirs des services de santé et des tradithérapeutes à la recherche de solutions, après plus de deux décennies de « galère ». Jusque-là, pas de remèdes. « J’ai essayé la médecine traditionnelle en vain. Je me suis lancée dans celle moderne. Je n’ai pas encore eu de solution », dit-elle. A quand un remède efficace contre l’énurésie ?

Wamini Micheline
OUEDRAOGO
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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