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« Le bal des statuts autonomes est terminé »
Publié le mardi 4 juillet 2017  |  Sidwaya
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© aOuaga.com par G.S
Fédération syndicale mondiale : le monde du travail se donne rendez-vous à Ouaga
Mercredi 18 janvier 2017. Ouagadougou. Les affiliés et amis de la Fédération syndicale mondiale (FSM) tient, jusqu`au 20 janvier, une conférence internationale sur le thème "La situation économique de l`Afrique". Photo : Clément Sawadogo, ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale




Il affirme, sans ambages, l’inopportunité de toute augmentation des salaires des fonctionnaires à l’heure actuelle. Il s’érige aussi contre les grèves tous azimuts et la montée du corporatisme dans la Fonction publique burkinabè.
Il évoque également les dessous de l’accord signé entre le gouvernement et le syndicat des agents du Trésor, ainsi que les défis de la modernisation de l’Etat. Lui, c’est Pengdwendé Clément Sawadogo, le ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale, que votre journal a reçu, le 19 juin 2017.
L’invité de la rédaction, qui est par ailleurs le deuxième vice-président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) chargé des relations avec les partis politiques et les alliances, ancien ministre de l’Administration territoriale et ancien Directeur général de la Radiodiffusion Télévision du Burkina, se livre à cœur ouvert.


Sidwaya (S.) : Voilà plus d’un an que vous êtes à la tête de votre département, quelles sont les innovations que vous avez apportées à votre ministère ?


Pengdwendé Clément Sawadogo (P.C.S.) : Je voudrais avant de rentrer dans le fond du sujet, vous remercier pour l’invitation. En tant qu’invité de la rédaction, je mesure à sa juste valeur cette invitation. C’est une marque de considération à ma personne. Je voudrais aussi vous adresser mes encouragements car je sais que ce n’est pas facile de gérer une maison comme Sidwaya qui, au fil des années, a connu beaucoup de péripéties. Ayant appartenu à un moment donné de ma vie à la presse publique comme directeur général de la RTB (Radiodiffusion Télévision du Burkina) dans les années 1990 à 1993, je connais un peu les complications qui sont les vôtres. Vous vous êtes battus, qui, pour résister au temps, qui, pour rénover le journal pour qu’il soit toujours au rendez-vous de l’actualité et en tant que média public, c’est important de relever tous ces défis.
J’ai pris le département à un moment où il y avait des défis énormes à relever. C’était en janvier 2016. J’ai trouvé le dossier du reversement des fonctionnaires de l’Etat dans la loi 081. Naturellement, on s’est rendu compte que la loi avait été adoptée sous la Transition, mais n’avait pas les ressources pour sa mise en œuvre alors que le texte lui-même avait prescrit ce reversement à compter du 1er janvier 2016. Il fallait rapidement faire face à cette exigence. Vous vous rappelez que le front social risquait déjà de s’embraser, puisque les syndicats annonçaient déjà que si cette mise en œuvre n’est pas faite avec diligence, cela pouvait donner lieu à une grève générale. Il fallait donc prendre le taureau par les cornes et trouver des solutions à la fois budgétaire, administrative et informatique pour pouvoir opérer ce reversement. Cela a été finalement fait à la faveur des lois de finances rectificatives qui nous ont permis de budgétiser l’incidence financière de près de 40 milliards de FCFA, si on prend en compte non seulement l’incidence intrinsèque du reversement mais aussi l’incidence de la mise à niveau des carrières. Il fallait mettre chaque agent à jour de ses avancements avant de pouvoir opérer son reversement. L’autre dossier, c’est l’organisation des concours de la Fonction publique. Je suis également arrivé à un moment où les concours étaient en panne. En effet, 12 concours avaient été annulés et concernaient 800 postes avec près de 300 000 personnes. Il fallait trouver des solutions, discuter avec les candidats qui étaient organisés dans une cellule de représentation, voir aussi du point de vue des ressources, la possibilité d’organisation.
Finalement, nous avons pu trouver un consensus qui consistait à reprendre ces concours en les alignant sur la session de 2016. Ce défi a été relevé. Je ne dois pas oublier la question de la journée continue qui était un des débats à l’ordre du jour. Fallait-il la pérenniser, la remettre en question ou l’étendre au privé ? Autant de questions auxquelles, il fallait répondre.
En termes d’innovations, nous avons travaillé à mettre en place un plan d’actions dans le ministère et dans les différents ministères. Chaque année, il est adopté le programme d’activités par le CASEM (Conseil d’administration du secteur ministériel) au cours duquel, on fait le point des dossiers, de toutes les réformes en cours. Nous avons beaucoup travaillé sur trois à quatre axes majeurs. Le premier concerne la modernisation de l’administration publique, qui est un chantier extrêmement difficile dans un contexte où il ya un peu trop de pesanteurs au sein de l’administration qui l’annihilent. En effet, l’administration publique elle-même est au centre de pesanteurs énormes. Il faut pourtant arriver à déverrouiller coûte que coûte ce mécanisme qui génère des contreperformances et faire en sorte que l’on puisse se repositionner sur une administration moderne, performante et efficace. Aujourd’hui, c’est le plus grand chantier auquel je fais face. Comme vous le savez, il implique au plus haut le chef du gouvernement qui est le président national du conseil national de la modernisation. Une instance que nous avons tenue le 18 juillet 2016 et qui aura lieu en juillet prochain.


A cela s’ajoute, l’organisation des concours de la Fonction publique. A chaque session, il y avait des problèmes notamment, la question de la fraude. Après avoir trouvé une solution aux concours annulés, nous nous sommes mis à la page pour savoir quelle innovation trouver pour éviter la fraude. Les mesures prises ont porté leurs fruits parce que la session des concours 2016 n’a été émaillée d’aucune fraude. Nous pensons que cela a suffi à rayer les risques de fraude. Auparavant, les sujets étaient connus des concepteurs longtemps à l’avance. Nous avons enrayé cette possibilité de sorte que les sujets ne sont connus qu’au moment du tirage ; donc il n’ya pas de possibilité de fuite outre mesure. Bien sûr, il fallait aussi renforcer la sécurité, boucher tous les canaux par lesquels des fuites étaient possibles et le résultat a été probant. Pour la première fois, on n’a décelé aucune fraude à l’organisation des concours de l’année dernière.


Il y avait également la gestion du monde du travail. Dans ce domaine, il y a la question du Code du travail pour les privés et la question du dialogue social. Il y a de cela 7 à 8 ans, mon département était scindé en deux départements, celui de la Fonction publique d’une part et celui du Travail et de la Sécurité sociale, d’autre part. Aujourd’hui, les deux sont fusionnés ; ce qui fait que le département ‟pèse lourd”. Sur ce registre, il nous fallait engager des réflexions pour une réforme du Code du travail, une question sur laquelle les organisations syndicales tiraient un peu en termes de revendications. Nous avons effectivement estimé qu’il ya un certain nombre de dispositions de ce code qui ne génèrent pas l’équité et qui peuvent poser des problèmes. Et nous sommes engagés dans ce chantier d’ailleurs en cours et qui, normalement, devrait voir son épilogue à la fin de cette année avec la deuxième session parlementaire de l’Assemblée nationale. On devrait soumettre à l’examen des députés de nouveaux projets de Code du travail.
En matière de dialogue social, nous avons constaté que les mécanismes de dialogue étaient assez défaillants et qu’il fallait travailler à innover. Nous nous sommes mis également en réflexion jusqu’à aboutir à la nécessité de créer un nouveau cadre de dialogue, lequel cadre qui puisse regrouper à la fois l’Etat, les partenaires sociaux que sont les syndicats et le patronat. Ce qui a prévalu à la création, il ya deux mois de cela par le Conseil des ministres, d’un nouveau cadre qui s’appelle Haut conseil du dialogue social (HCDS). Il est en voie de mise en place puisque le texte adopté prévoit sa composition. Il sera composé de trente membres à savoir dix représentants de l’Etat, dix représentants des organisations des travailleurs et dix représentants des organisations du patronat. Chacun s’attelle à la désignation de ses représentants et très bientôt, le président du Faso procèdera à la nomination du président comme c’est prévu par les textes. Et bientôt, le pays disposera d’une nouvelle institution qui va pouvoir aider à aplanir toutes ces questions, toutes ces crises sociales par le renforcement du dialogue social. Telle est la vision du gouvernement ; régler les crises surtout par le renforcement du dialogue social.


Enfin, un chantier qui n’est pas des plus petits est le problème de la protection sociale. Pour la protection sociale, deux questions se posent. La première est celle des conditions des retraités. Nous savons que beaucoup de ces retraités connaissent des moments difficiles de fin de leur vie parce que les pensions sont vraiment erratiques, donc faibles et nous nous sommes rapidement posés la question de savoir qu’est-ce qu’on peut faire pour améliorer leurs conditions. Nous avons lancé l’idée d’un forum national de réflexion sur la question. Il a eu lieu en janvier 2017 et il nous a donné beaucoup d’idées. Nous avons pu capitaliser beaucoup de réflexions, de recommandations, de suggestions sur lesquelles nous sommes en train de travailler pour voir comment améliorer la condition de la sécurité sociale dans notre pays.


La deuxième question est celle de l’assurance maladie universelle. Sous la Transition, il y a une loi qui a été votée pour créer cette assurance maladie mais sa mise en œuvre n’est pas chose aisée parce qu’il faut pouvoir réunir les pré- requis nécessaires et ne pas commettre d’erreur parce qu’une fois qu’on s’y est lancé, plus de recul possible. Quand c’est ainsi, il faut vraiment anticiper sur toutes les difficultés possibles et trouver les meilleures solutions pour asseoir définitivement un système d’assurance maladie universelle qui soit réellement porteur de solution pour les questions de santé des populations dans leur ensemble. Ce n’est pas un projet qu’on peut gérer avec un élan populiste. Il faut vraiment travailler en profondeur. Nous avons commis des experts qui sont là-dessus, qui nous produiront un dossier final y compris avec une étude actuarielle avec des évaluations financières et économiques à la fin du mois de juillet. Cela nous permettra à la rentrée gouvernementale de septembre-octobre de prendre des mesures importantes, créer la caisse d’assurance maladie et la mettre sur un chantier porteur pour le Burkina Faso. Voilà autant de chantiers, de projets et de programmes qui sont novateurs mais qui sont difficiles à porter pour un département ministériel.

S.: En attendant la tenue du Haut conseil du dialogue social, on s’est rendu compte qu’il y a des revendications tous azimuts. Est-ce que le gouvernement a manqué de dialogue social à ce niveau ?


P.C.S. : Le gouvernement n’a pas manqué de dialogue. Vous l’aurez remarqué. A aucun seul moment de l’histoire de notre pays, un gouvernement n’a organisé et animé tant de dialogues sociaux comme celui-ci. Vous avez vu le Premier ministre à la tâche où il a reçu les syndicats et même la grande rencontre gouvernement-syndicats, c’est le ministre du Travail avec quelques ministres qui conduisaient les discussions au titre du gouvernement. Mais là on a vu que c’était le Premier ministre lui-même qui s’est mis à la tâche. Je pense que la question de l’ébullition du front social est liée à toute l’évolution de notre société. Vous aviez compris que depuis 2011, on n’a pas eu une situation paisible au Burkina Faso. L’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 a redonné la liberté à tout le monde. Il n’y a plus le RSP (Ndlr : Régiment de sécurité présidentielle), cette chape de plomb qui faisait qu’on avait parfois peur de parler ; cela n’existe plus. A la faveur de ce regain de liberté et de démocratie sans limite, j’allais dire, effectivement, la tendance est de faire sortir tous les vieux dossiers et d’exiger qu’il y ait des solutions et d’autres disent que c’est parce que le gouvernement a donné satisfaction à certains. Vous avez vu que le Trésor public a été fermé des journées entières, vous connaissez un seul régime dans ce monde qui ne lâcherait pas quelque chose pour que ça rouvre ? Quand vous êtes élu Président de la République, dès que vous portez les attributs et vous repartez dans votre bureau, vous trouvez un préavis de grève. C’est ce que nous avons connu. Le gouvernement ne peut pas ne pas refléter aussi l’allure de la société. Si elle bouillonne, il faut y faire face et cela ne signifie pas qu’il manque de dialogue, au contraire, c’est le dialogue à profusion qui a limité peut-être les dégâts. Parce que toutes ces questions s’y jouent de manière frondeuse mais à chaque fois, on a essayé de trouver une solution pour ne pas s’embourber. Autrement, des gens pariaient sur d’autres insurrections mais ça n’a pas eu lieu. Et je pense que ça n’aura pas lieu de si tôt parce que le gouvernement s’attelle à alimenter et entretenir la flamme du dialogue social, à obliger ceux qui, a priori, ne veulent pas le dialogue, veulent juste poser un ultimatum et la solution ensuite, sinon pas de discussions. Il faut obliger tout le monde à se mettre autour de la table et à trouver des solutions et c’est ce que nous avons fait.


S.: En réglant les problèmes de manière sectorielle, est-ce que vous n’ouvrez pas la boîte de Pandore ? Cela n’incite t-il pas d’autres syndicats à aller en grève pour trouver des solutions à leurs revendications ?


P.C.S. : Il n’y a pas un seul pays où on a trouvé une solution même globale qui fasse qu’il n’y ait plus jamais de fronde sociale, peut-être à l’époque de l’empire socialiste. Mais dans une société de liberté, vous trouverez quelqu’un qui est insatisfait et qui fait usage du fait qu’il y a la liberté de manifestation, de grève et autres à moins qu’il y ait un contrat social avec l’ensemble des partenaires sociaux. Cela est possible parce qu’il existe des pays qui l’ont fait mais si vous n’avez pas ce type de contrat, vous ne pouvez pas éviter la fronde sociale, les mouvements. Néanmoins, votre question n’est pas déniée de tout intérêt puisque le gouvernement est arrivé à se poser la question si ça doit continuer ainsi. C’est dans le secteur public qu’il y a cette fronde. Autant remettre à plat le système de rémunération des fonctionnaires de l’Etat mais vous savez que cette remise à plat n’est pas non plus un chantier aisé parce qu’il faut arriver à convaincre tout le monde à accepter qu’on puisse recalibrer le système de rémunération aussi bien des soldes indiciaires que des indemnités de manière plus harmonieuse, de manière plus réajustée et plus équitable. Ceux qui ont acquis des avantages mirobolants, ce n’est pas sûr qu’ils accepteraient facilement qu’on rabote. Quelle que soit la solution que nous allons adopter, elle ne devrait pas franchir les 35% de l’ensemble des recettes de l’Etat tels que prescrits par les normes de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine). Si la rémunération des fonctionnaires engloutit plus de 50% des ressources, cela n’est plus un Etat responsable, c’est dire qu’on a hypothéqué d’office le développement national, et comme l’Etat ne doit pas gérer seulement les fonctionnaires qui sont en fait ses armes pour qu’ils travaillent pour la population. Le rôle de l’Etat c’est à l’endroit de la population et non à l’endroit des fonctionnaires. Le principe de l’Etat c’est cela. Ce sont ceux que l’Etat utilise, ceux qui l’appuient pour qu’il réalise ses missions à l’endroit de toute la société. On ne peut donc pas utiliser toutes les ressources uniquement pour prendre en charge ceux qui doivent aider l’Etat à gérer la société ; c’est un non sens. Cela ne peut pas aller au-delà des ratios prescrits. Aujourd’hui, nous sommes déjà à 47% ; ce qui n’est pas bien et nous sommes le seul pays de la sous-région qui est dans cette situation. Il faut arriver à ramener à 35%, soit en jouant sur le numérateur ou le dénominateur, soit en jouant sur les deux à la fois.


S. : Les magistrats disent que ce ratio est calculé sur la base également de la rémunération due aux ministres et aux députés.


P.C.S. : Les ministres sont au nombre de combien ? Peut-être 25 ou 30 au maximum. C’est un langage de type populiste qui ne sert à rien. C’est ramener tout le temps la société à voir les dirigeants d’une certaine manière. Vous connaissez la rémunération d’un ministre ? Je regrette, la rémunération d’un ministre ne peut pas dépasser 300 000 000 de FCFA dans l’année au Burkina Faso. Si vous voulez, je vous donne mon bulletin de salaire, ce n’est pas un secret. Il suffit de faire la sommation. Les indemnités des ministres, les soldes indiciaires sont dans les textes. Mon bulletin affiche 1 057 000. Je veux dire qu’il ne faut pas qu’on le compare au Burkinabè moyen. Le ministre aussi, c’est une somme de contraintes. Si on dit qu’un ministre touche un million de FCFA, cela étonnera nos pays environnants. Ils vont dire que ce n’est pas possible. Ailleurs, c’est trois ou quatre fois plus nos salaires qui sont servis et ce, sur la base de contraintes qui sont celles du ministre. Mais vous avez par contre plusieurs fonctionnaires ou responsables dans des institutions publiques qui touchent même plus que des ministres et quand vous cumulez d’autres types d’avantages, c’est énorme. Le ministre n’a rien en plus de son salaire. En dehors du véhicule de fonction, il n’a rien. Les députés, c’est à peu près du même ordre. Ils sont 127. Ce n’est pas cela qui crée le fossé. La masse salariale, c’est plus de 600 milliards de FCFA. Ce n’est pas seulement la sommation de deux ou trois groupes qui font le poids. C’est juste un langage quand les gens veulent accuser le gouvernement, sinon cela n’a pas d’intérêt scientifique. Je connais une boîte (société) dans le privé où il y a au moins 300 employés qui sont au dessus de la rémunération des ministres. C’est dire que notre salaire n’est pas exagéré et c’est établi depuis longtemps. Il semble que, quelquefois, il y a des régimes qui ont trouvé des moyens pour arrondir la situation des ministres en leur donnant des enveloppes. Certains pensent qu’on a des budgets d’installation. Depuis que je suis nommé ministre du président Roch Marc Christian Kaboré, en dehors de mon salaire, je n’ai pas eu un franc de plus ni pour mon installation ni pour autre chose.


S. : Il nous revient que des ministres ont négocié leur salaire parce qu’ils sont venus d’institutions internationales ou du privé où ils étaient mieux payés. Cela est-il prévu par les textes ?


P.C.S. : Oui, tout à fait parce que vous ne pouvez pas demander à un fonctionnaire international ou quelqu’un qui est dans une position où il a un salaire donné, de renoncer à sa position pour venir rendre service à son pays et lui dire d’accepter de subir une baisse de son revenu . Franchement, chacun de nous, s’il se met à sa place, ce n’est pas tolérable. Mais si on estime que sa compétence est telle qu’on a vraiment besoin de lui, je pense qu’il faut accepter de lui donner au moins la même rémunération. C’est tout à fait légitime et c’est également une pratique de longue date. Je ne pense pas qu’on puisse faire autrement.


S. : Ne peut-on pas parler de patriotisme dans ce cas ? Le fait d’être appelé pour servir le pays…


P.C.S. : C’est nous qui avions besoin de ses compétences et on lui fait appel. Ce n’est pas un appel à patriotisme. Si on voulait aller sur ce terrain, il suffisait juste de demander à ceux qui veulent renoncer à leurs avantages pour venir servir le pays. Ici, on a ciblé un oiseau rare. Ce n’est pas n’importe qui, qui est Premier ministre ou ministre. On a besoin de ses compétences pour avancer. Ce qu’il va venir faire, il y a un aspect de sacrifice. Ne croyez-vous pas qu’un monsieur comme Paul Kaba Thiéba est plus à l’aise à la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) où il touche sa rémunération que de venir s’arracher les cheveux au risque d’être chauve en l’espace de six mois avec la même rémunération ?


S. : Manquait-il des compétences à l’interne pour assumer cette responsabilité ?


P.C.S.: Le chef de l’Etat sait qu’il y a des personnes qualifiées à l’interne. S’il a fait appel à cet oiseau rare, il a ses raisons.

S.: Est-ce que ce n’est pas se créer des dépenses ?
P.C.S.: La rémunération d’une seule personne, ce n’est pas cela qu’on appelle de la dépense. Si l’intéressé peut faire avancer le pays, il va faire gagner peut- être mille fois la rémunération que vous payez. Connaissez-vous quelqu’un qui n’est pas prêt à embaucher le fonctionnaire le plus cher de la terre, s’il lui permet d’engranger N plus P fois la rémunération. Non ! Il faut raisonner comme cela. Je suppose que si on a identifié une personnalité exceptionnelle, c’est qu’on attend d’elle des objectifs pour que le pays avance. Maintenant, il appartient au président d’apprécier. Si le pays est avancé de par son apport, tant mieux. Si le pays n’a pas avancé, il prendra d’autres mesures.


S. : Vous avez tantôt parlé de forum qui pourrait permettre de réduire les disparités salariales. Est-ce que ce forum va se tenir et à quelle date ?


P.C.S. : Le Premier ministre a annoncé la tenue du forum d’ici à la fin de l’année dans le discours sur la situation de la nation la dernière fois (14 avril 2017) à l’Assemblée nationale. Du reste, nous avons déjà une équipe technique qui travaille sur le sujet. Au niveau du gouvernement, nous allons faire un premier cadrage. Plus tard, nous élargirons la réflexion avec les partenaires sociaux. Encore une fois, nous ne voulons rien faire sans eux. Ce qui va déboucher sur ce grand forum national, prévu pour se tenir pour la fin de l’année 2017.


S.: Dans le cadre de la modernisation de l’Etat, des outils informatiques, comme la carte du fonctionnaire, le SIGASPE, ont été lancés par vos prédécesseurs, après plus rien. Qu’est-ce qui se passe ?


P.C.S. : Je ne suis pas tenté par l’idée que rien ne s’est fait. Je ne suis pas de ceux qui négligent ce que les prédécesseurs ont fait. Aujourd’hui, l’Administration publique burkinabè est l’une des mieux gérées en Afrique, du point de vue des emplois et des carrières. Prenez le cas d’un fonctionnaire, si vous rentrez dans le SIGASPE, vos avez toute sa situation. Cela est une réalité. Je connais des pays où toute la gestion des carrières des agents est encore manuelle si bien qu’on ne peut même pas dire combien d’ans de service a un agent et en quelle année il doit aller à la retraite. A un moment donné, l’intéressé est fatigué et décide de quitter l’administration. Mais ce n’est pas un cas d’école. Il ne faut pas se comparer à ceux qui sont des mauvais élèves. On ne peut pas citer plus de deux pays en Afrique où la gestion du personnel est aussi bien assurée qu’au Burkina Faso. Il y a un seul bémol à tous ces outils comme la biométrie des fonctionnaires, le SIGASPE, le SID et bien d’autres, c’est la question de la fluidité du réseau Internet. Sinon tous ces instruments sont en marche. Il y a certainement des gens à Sidwaya ici qui, munis de leur code, peuvent accéder au SIGASPE et d’y voir leur situation administrative. Bien sûr, tout le monde ne l’a pas. Le principe, c’est de faire en sorte que tout le monde puisse l’avoir. Mais généralement, un fonctionnaire connaît sa situation puisque la catégorie, l’échelle et le grade sont indiqués sur son bulletin de salaire. Ce qui est important, c’est que chaque fonctionnaire puisse constater ses avancements de manière régulière parce que nous avons connu ce genre de problèmes. Il y a des fonctionnaires qui ont cumulé plusieurs années sans avancement. A un moment donné, leur situation devient difficile à gérer, parce que l’incidence est devenue grande et nous avons des contestations sur les grades et les échelons. Il faut faire en sorte que tout soit géré de manière quasi-automatique. Mais avec les reversements que nous avons opérés, tous les fonctionnaires ont été mis à jour. De nos jours, il y a des avancées. Le phénomène des fonctionnaires fantômes, disparus dans la nature et qui touchaient leur salaire n’existe presque plus aujourd’hui. La biométrie a aidé à assainir le fichier. De temps en temps, nous faisons une opération billetage pour régulariser la situation des fonctionnaires qui, entre- temps, ont eu des situations irrégulières pour les rappeler à l’ordre. Comme vous l’aurez constaté, la dernière opération billetage qui s’est déroulée en 2015, n’a pas révélé de situation anormale. Du point de vue de la gestion du personnel, ce n’est pas mal. Cependant, le travail se poursuit. Par contre, pour ce qui concerne le chantier de la modernisation, il y a encore beaucoup de choses à faire notamment, sur la transparence de l’activité de service ; la dématérialisation des tâches qui permet d’éviter le contact physique direct entre l’usager et l’agent. Ce sont des défis importants à relever comme en matière fiscale ou douanière. C’est le contact physique qui génère d’autres choses. La célérité des traitements dans les dossiers des usagers, la régularité des fonctionnaires, leur présence effective aux heures de service, c’est sur ce terrain que la lutte se mène en matière de renforcement de la gouvernance de l’Administration publique.


S. : A quoi sert la carte de fonctionnaire ?


P.C.S. : La carte de fonctionnaire est un dossier qui a été oublié. Elle doit servir en termes d’identification. Normalement, on doit la porter à la poitrine sous forme de badge afin que l’usager sache à qui il a affaire, y compris chez les policiers. Chez les militaires, eux, ils inscrivent le nom quelque part. En réalité, ce sont des outils qui font partie des instruments de lutte contre la corruption car l’agent dont l’identité est connue sera moins enclin à se jeter dans certains actes, de peur de voir son nom relever. Ce sont des instruments importants de gestion et de moralisation de la vie publique. Normalement, le service de sécurité doit installer des dispositifs biométriques pour mieux organiser l’accès. Si vous êtes agent d’un service donné, dès que vous y arrivez, vous apposez votre carte ou vos empreintes pour pouvoir y accéder. Ce sont autant de choses qui sont dans nos projets. Cela me rappelle le dispositif que nous sommes en train de mettre en place pour le contrôle de présence. La carte est utile. Mais elle a été lancée sans ces instruments de valorisation et à un moment donné, elle a été stoppée si bien que vous avez raison de dire qu’il y a un sentiment d’inutilité.


S. : Pourquoi, en dépit du SIGASPE, les fonctionnaires revenus d’une école de formation professionnelle mettent encore plus d’un an avant d’être reclassés ?


P.C.S. : Sous réserve de quelques cas isolés, ce que vous dites relève du passé parce qu’il arrive parfois que des services fassent maldonne sur un cas donné. Par ailleurs, il arrive également qu’une promotion, sortie d’une école professionnelle, ait des difficultés particulières pour n’avoir pas réuni à bonne date les dossiers d’intégration. Nous avons actuellement un dispositif qui fait que lorsque nous recrutons les 3000 enseignants sortis des écoles et les 3000 autres issus du concours direct, tous ceux qui sont sur la chaîne de traitement se retirent à Koudougou ou à Tenkodogo pendant 10 jours et ils reviennent avec tous les dossiers d’intégration traités. C’est ce qu’on fait depuis maintenant deux ans. Ce qui a permis que les enseignants puissent rejoindre leurs lieux d’affectation munis de leurs actes d’intégration. Ce qui leur permet de ne pas faire deux ou trois mois maximum sans toucher leur salaire. Cela est déjà une petite révolution. En ce qui concerne ceux qui sortent de l’ENAM, en principe, le processus doit être pareil. En effet, le processus commence à partir de l’école où un certain nombre de renseignements réunis permet qu’on ait leurs dossiers avant même qu’ils ne quittent l’école. Mais, il m’est revenu qu’en 2016, il y a quand même eu quelques cas et c’est la raison pour laquelle, je dis sous réserve de quelques cas. Si sur 15 000, il y a 500 ou 600 cas, je considère qu’il y a eu des avancées. Maintenant, il faut travailler à aller à zéro cas. Mais la nature ne nous prescrit pas d’avancer toujours dans l’absolu. C’est toujours par étape.


S. : Sur le chantier de la dépolitisation de l’Administration, on a l’impression que les mêmes pratiques qu’on a connues par le passé perdurent.


P.C.S. : Est-ce que l’Administration burkinabè est politisée à ce point? On en parle comme ça parce que ce sont des thèmes ‟one man show"…


S.: Mais cela existe si bien que lors de la rencontre Etat /OSC (Ndlr : le 16 juin 2017), ces derniers ont même recommandé la dépolitisation de l’Administration…


P.C.S.: Dites-moi, est-ce que vous connaissez un seul ministère où il y a une cellule du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) ou d’un autre parti ?


S. : Le ministère des Infrastructures…


P.C.S. : Attendez, j’arrive. Est-ce que vous connaissez un seul ministère où les cellules des partis politiques influencent les décisions de l’Administration. ?


S.: Nous parlons de l’existence même de ces partis politiques dans l’Administration.


P.C.S.: Que des partis politiques organisent une cellule en recrutant des fonctionnaires qui ne travaillent pas dans le ministère, relève de la liberté d’organisation des partis politiques. Mais qu’il y ait une cellule qui est connue dans le ministère qui peut émettre des avis sur la vie du ministère et qui impacte l’avis du ministère politiquement parlant, je voulais que vous me citiez un exemple.


S.: Il en existe même de façon sous-marine…


P.C.S.: Si ce sont des cellules sous-marines, depuis que le monde est monde et tant qu’il y a la démocratie, un parti politique aura toujours la liberté de manière sous-marine, d’organiser ses cellules.


S.: Nous avons appris qu’il y a dans des ministères des activistes du parti au pouvoir qui n’ont pas de numéros matricules et qui sont rémunérés d’une manière ou d’une autre en attendant d’être recrutés par les mesures nouvelles. Est-ce que vous en avez eu vent ?


P.C.S. : Non ! Ça n’existe pas.


S.: Pourtant ce sont des cas qui existent…


P.C.S.: Non ça n’existe pas ! Des activistes pré-recrutés ? Ça n’existe pas. D’abord dans mon ministère, ça n’existe pas. Voilà mon DCPM : les activistes, ça existe chez nous ? Non... (répond le DCPM). (Rires …)


S. : On accuse des responsables de recruter ces activistes par le truchement des concours mesures nouvelles. Que répondez-vous ?


P.C.S. : Là, il s’agit de ce qu’on appelle les mesures nouvelles ordinaires parce qu’il y a deux types de mesures nouvelles. Il y a celles qui permettent de recruter pour les ministères. A ce niveau, sept ministères sont éligibles : l’enseignement, la santé, l’hydraulique, l’agriculture, les TIC… pour lesquels ce sont des recrutements en nombre important. Par exemple, pour le MENA, ce sont 3000 enseignants du primaire qui sont recrutés chaque année et plus d’un millier pour la sante, formés dans les écoles professionnelles. Il s’agit de recruter quelqu’un qui a une qualification professionnelle pour que l’intéressé serve directement. Pour ces mesures nouvelles, les recrutements sont organisés dans les mêmes conditions que les concours directs. Mais, il reste les mesures nouvelles dites ordinaires où un petit nombre de fonctionnaires peuvent être recrutés par les ministères. Ces cas sont prévus généralement pour les besoins de complément, surtout pour le personnel d’appui. Généralement, c’est moins de 10 personnes par ministère comme les chauffeurs, les agents de liaison, de bureau, les secrétaires qui sont recrutés. Si vous voulez recruter une centaine de chauffeurs pour tout le Burkina par la méthode des concours directs, il vous faut au moins la moitié du budget de l’organisation des concours directs. C’est ingérable parce qu’on se réfère le plus souvent à des gens qui sont détenteurs de permis de conduire ou du Certificat d’études primaires par exemple. C’est pour cette raison, que l’on préfère que chaque ministère procède à ses recrutements. Mais cette année 2017, il y a un nombre un peu plus grand parce que nous avons cumulé les deux années 2016 et 2017. Dans la rigueur absolue, c’est critiquable. Mais ce sont des contraintes compréhensibles qui font qu’on préfère que cela soit géré au niveau de chaque ministère. C’est pourquoi au niveau du ministère de la Fonction publique, nous avons pris une circulaire qui encadre ce recrutement. Cela n’existait pas avant. Il y en a qui ont critiqué la circulaire estimant qu’elle ne verroue pas suffisamment, que l’on ne publie pas toutes les candidatures. Néanmoins, je considère qu’on a déjà fait un premier pas. Nous allons à partir de cette année réévaluer la situation. Et lorsque les gens nous critiquent, cela nous aide. C’est l’intérêt de la critique utile. Nous allons, après avoir fait le bilan de cette année, voir comment nous organiser pour les années prochaines. Peut-être qu’on peut être appelé à changer de système pour éviter qu’il y ait la moindre critique. Mais en matière de recrutement, même si on ne va pas féliciter notre gouvernement, nous avons mis beaucoup de transparence, un petit mieux dans la manière d’organiser pour qu’au niveau du plus grand nombre, il n’y ait pas de critique. Mais pour ce qui concerne ce petit nombre de fonctionnaires, il faut qu’on apprenne à faire confiance à nos responsables.


S.: Est-ce qu’il y a appel à concurrence pour le respect du principe d’égal accès aux emplois publics ?

P.C.S.: S’il faut faire un appel à concurrence ouvert à 100%, il vous faut un budget de 30 millions pour pouvoir organiser ce concours, parce que si avez 100 000 candidatures, qu’allez-vous faire ? C’est pour cela, qu’on renvoie au ministère puisque des candidats y déposent tous les jours des dossiers de candidature. Il suffit de voir dans ces lots. Mais, il y en a aussi qui ont publié sur leur site. Cela sera une publication a minima. Mais si nous avons 30 ou 50 candidatures, c’est gérable.


S. : En tant que cadre du MPP et ministre de la Fonction publique, est-ce que vous ne profitez pas de cette double casquette pour promouvoir les cadres de votre parti en les intégrant dans la Fonction publique ?


P.C.S. : Non. Je n’ai jamais fait de cela un de mes objectifs parce que le MPP n’a pas conquis le pouvoir dans l’objectif de promouvoir ses militants et ses membres. Citez-moi les cadres du parti qu’on a promus par recrutement ? Je sais bien que beaucoup de jeunes du MPP se plaignent au motif que leur direction ne s’occupe pas d’eux . Et la réponse que nous leur donnons, c’est que si nous nous sommes battus pour être au pouvoir, ce n’est pas pour nous occuper de nous-mêmes, mais pour nous occuper du peuple. Evidemment, ils ne sont pas contents d’entendre ce type de réponse. Mais gérer le pouvoir, c’est aussi prendre le courage pour lutter contre ses propres tentations. Du reste, ce sont les mêmes qui disent qu’il y a la politisation de l’Administration, ce sont eux qui se plaignent. On vient à leur rescousse : « Vous avez aidé des gens à monter au pouvoir. Ils vous oublient. Est-ce vous avez un emploi ». C’est du Burkinabè. On veut toujours une chose et son contraire. Mais quand on est au pouvoir, il faut rester serein.


S. : Mais comment expliquez-vous le fait qu’on publie les résultats d’un concours auquel des gens n’ont pas pris part et à l’arrivée, ils ont leur nom sur la liste des admis ?


P.C.S. : Cela s’est passé où ? Dans les mesures nouvelles ou dans les concours directs de la Fonction publique?


S.: Cela s’est passé à Dédougou, dans les mesures nouvelles de recrutement des enseignants du secondaire où l’on a constaté qu’il y a une candidate admise à deux concours dont les épreuves se sont déroulées le même jour et à la même heure.


P.C.S. : Alors, c’est un cas dont on ne m’a jamais parlé. Il est évident que cela dénote non pas d’une erreur matérielle, mais d’une gymnastique de fraude. Pour ce cas, nous allons remonter la chaîne non seulement pour que les vrais méritants soient établis dans leur droit mais aussi, si la fraude est établie, que des fautifs soient sanctionnés. J’ai mis toute la transparence dans l’organisation des concours. Cela me dérange de tomber sur un seul cas. Je n’ai jamais entendu parler de cela. Peut-être que mes collaborateurs après avoir rectifié, n’ont pas eu besoin de m’en parler.


S. : Malgré les efforts de l’Etat afin de permettre aux fonctionnaires de gravir des échelons, il y a toujours des corps dans l’Administration qui n’arrivent pas à faire certains concours professionnels comme la catégorie A. Qu’est-ce qui explique que certains ne puissent pas faire les concours professionnels ?


P.C.S. : Les concours professionnels répondent à ce qu’on appelle le plan de carrière. Il faut que dans les textes qui organisent les emplois spécifiques, il soit dit que pour tel emploi, son niveau B s’appelle par exemple attaché en ceci ou en cela et que son niveau A, c’est conseiller. Il y a des emplois pour lesquels, il n’y a pas le niveau suivant parce qu’on a constaté que le niveau supérieur relève d’un autre profil. C’est le cas des statisticiens. C’est-à-dire qu’à l’ENAREF, on formait jusqu’au niveau B parce que les ingénieurs statisticiens devaient venir des écoles de statistiques. Il est vrai que les intéressés ont revendiqué au point qu’ils avaient une intention d’organiser une marche. Nous avons déjà discuté dans le sens d’ouvrir cette formation à l’ENAREF. Mais à l’impossible nul n’est tenu. Si l’ENAREF n’a pas les qualifications professionnelles pour l’animer, comment fait-on ? Aujourd’hui, l’ENAREF a travaillé à réunir cette possibilité. Il est certain qu’à partir de 2017, nous allons ouvrir ce concours et un premier recrutement se fera. Mais le principe de base de recrutement, c’est qu’il réponde à un besoin. Le plan de carrière ne peut pas s’imposer à l’Etat si le besoin n’est pas établi. Le plan de carrière est prévu, mais il n’intègre pas automatiquement qu’on est obligé de recruter même si on n’en a pas besoin. Aujourd’hui, on a un problème qui est l’inversion des niveaux. Que ce soit au ministère des Finances ou à d’autres niveaux, on tend à avoir plus de cadres supérieurs que de cadres moyens et d’agents d’exécution. Ce qui pose un problème parce que c’est un peu comme dans l’armée. Le général doit avoir à encadrer des colonels qui encadrent des commandants, etc. Au bout du compte, je suppose qu’il doit avoir 2000 à 3000 hommes à gérer. Mais s’il se trouve qu’il y a plus de généraux et de colonels que de soldats, d’hommes du rang, ce n’est plus une armée. Cela pose problème. Et dans l’Administration effectivement, nous sommes guettés par cette difficulté alors que nos effectifs sont énormes. Aujourd’hui, on a globalement 170 000 fonctionnaires parce que la solution ne va pas être de dire qu’il faut recruter davantage à la base. On a déjà un effectif très énorme au niveau général de la Fonction publique. Ce qu’il faut, c’est limiter les recrutements pour les niveaux supérieurs pour rétablir l’équilibre.


S. : C’est ce qu’on a constaté cette année…


P.C.S. : A certains endroits, oui. Par exemple, pour les administrateurs civils, on en a plus que des secrétaires et adjoints administratifs. Comment allez-vous faire ? Donc le ministre concerné nous a dit de ne pas recruter d’administrateur civil cette année. Et c’est ce qu’on a fait. Sinon, cela ne servira pas. Il faut que le principe de rationalisation des dépenses prime avant toute autre chose. Or, quelquefois, nos partenaires sociaux tendent à croire que c’est une gestion de droit plutôt à leur profit. Non ! Les droits doivent s’arrimer avec l’intérêt national.


S.: N’y a-t-il pas lieu de s’inquiéter que nous retombions dans les mêmes travers par rapport à ce qu’on voit aujourd’hui avec des gens qui atteignent l’âge limite et après demanderont à être reclassés ?


P.C.S.: Il n’y aucune obligation d’atteindre l’âge limite en ayant atteint le niveau supérieur. Si vous êtes agent de catégorie B, vous faites votre carrière en B jusqu’à aller à la retraite. C’est tout à fait normal.


S. : Mais il y a un dossier du ministère de la Communication sur votre table de cette nature…


P.C.S. : Je ne veux pas parler en particulier de ce dossier. Je veux dire, si nous n’avez pas réussi à un concours pour passer au niveau A, vous restez au niveau B jusqu’à aller à la retraite. Dans le principe de base, vous êtes recrutés pour être en B puisqu’il y a la progression en B. Chaque deux ans, vous avancez jusqu’à atteindre le niveau supérieur de la catégorie B vers votre retraite. En A, c’est pareil. La possibilité qui est donné de passer de B en A, passe nécessairement par un concours auquel vous êtes admis. Mais il y a des gens qui n’ont jamais été admis. Donc, il reste en B jusqu’au bout. Et cela, il n’y a rien d’anormal. Si vous avez été recrutés avec le baccalauréat, si vous n’avez pas pu faire mieux, vous restez en B. En réalité, il n’y a rien d’anormal à cela. Mais en réalité, pour un cas précis, il faut qu’on regarde pour voir l’explication qu’il y a.


S. : Avec l’institution de la journée continue de travail, on se rend compte qu’à partir de la pause de la mi-journée, de nombreux fonctionnaires ne reviennent plus à leur poste. N’y a-t-il pas de contrôle de présence des agents dans l’Administration publique ?


P .C.S.: Il y a trois raisons à cela. La première, c’est l’inconscience professionnelle. Comme vous le dites si bien, il y en a qui ne reviennent plus au service après la pause, mais le plus grand nombre ne fait pas comme cela, c’est quelques-uns qui le font. Ce sont des inconscients, professionnellement parlant. La deuxième raison, c’est l’inexistence du contrôle. Elle est imputable à l’administration qui, à tout moment, doit pouvoir s’assurer que les agents sont en place pour travailler. Cela met au premier chef le responsable hiérarchique de l’agent qui n’exerce pas son contrôle comme il se doit. Lui également est autant irresponsable. C’est pourquoi, il faut une prise de conscience générale pour venir à bout du phénomène. La troisième raison, c’est le fait qu’on n’est pas arrivé à créer les conditions nécessaires dans les services pour accompagner les journées continues. C’est notamment la question de la restauration qui devrait pouvoir s’organiser sur place. Il y a des services où des efforts sont faits à ce niveau mais ce n’est pas le cas partout. Or si la restauration existait sur place, cela ferait déjà un prétexte de moins. Ces trois raisons qui existent de manière cumulative expliquent ce que vous dites. Mais je dis bien que dans un pays comme le nôtre, un fonctionnaire de l’Etat doit comprendre qu’il est investi d’une mission de service public, c’est-à-dire une mission de rendre service à son peuple. Donc, il ne faut pas qu’il profite de la moindre petite faille pour agir de la sorte. Autrement, il vole l’Etat puisqu’il ne mérite pas son salaire. Celui qui n’a pas travaillé durant un certain nombre d’heures de la journée dans le mois, pour la part non travaillée, il a volé l’Etat. Il y a des fonctionnaires médiocres qui passent leur temps à dénoncer les autres comme voleurs mais ils oublient qu’eux-mêmes le sont de par leur médiocrité.


S. : Au regard de tous ces aspects, quel bilan faites-vous de cette expérimentation de la journée continue ?


P.C.S.: Selon les conclusions d’une enquête que nous avons réalisée avec l’INSD (Institut national de la statistique et de la démographie), les résultats semblent cautionner largement la journée continue comme étant le mode d’organisation du travail qui répond à la situation actuelle. Seulement dans le privé, les responsables d’entreprises ne semblent pas le souhaiter. Ce qui n’est pas le cas des agents qui, eux, le souhaitent. Ce sont des aspects particuliers que nous allons regarder. Sinon dans le public, la position majoritaire c’est que les agents préfèrent qu’on maintienne la journée continue. Autre exception, c’est au niveau de l’enseignement où les encadreurs souhaitent majoritairement que l’on revoie. C’est ce que l’enquête a aussi révélé. Donc les deux groupes qui sont réservés vis-à-vis de la journée continue, ce sont l’enseignement primaire et les chefs d’entreprises. Sinon tous les autres groupes sont partants.


S. : Vous avez dit que c’est un mode d’organisation largement souhaité. Est-elle pour autant bénéfique ?


P.C.S.: A partir du moment où c’est le même nombre d’heures de travail, cela ne joue pas sur le rendement. Mais je suis d’avis qu’il faut continuer les mesures d’accompagnement et continuer aussi à réfléchir aux moyens pour faire pression sur tout le monde pour que les gens soient au bureau et qu’ils travaillent.


S. : Outre l’assiduité au travail, il y a certains fonctionnaires qui sont présents au bureau mais qui sont plus actifs sur les réseaux sociaux ou Internet que sur ce pour quoi ils sont payés. Qu’en dites-vous ?


P.C.S.: Si l’agent agit de la sorte, c’est son chef de service qui doit le rappeler à l’ordre. Et s’il ne lui a pas donné du travail à faire, la faute lui incombe. Tout le monde nous dit qu’on a besoin d’agents et c’est ce qui fait qu’on recrute chaque année. Maintenant, à certains niveaux, il y a pléthore et les concernés ne nous le disent pas. Conséquence, certains sont là à ne rien faire. Mais ceux qui ne travaillent pas, faute de travail, n’atteignent pas en nombre ceux qui ont du travail et qui ne le font pas. C’est là que je parle de l’inconscience des agents. Vous prenez par exemple un agent qui a devant lui une file qui attend à son service mais au lieu de s’en occuper, il est plutôt préoccupé par son téléphone et à préparer son week-end ; c’est de l’inconscience. Ou encore, un enseignant qui déserte sa classe. Ce sont des cas extrêmement graves qu’il faut commencer déjà à enrayer. Pour ceux qui ne sont pas suffisamment occupés, un redéploiement peut régler cela. Mais là aussi, il faut que les responsables fassent connaître le besoin de reploiement pour qu’on les envoie là où on a vraiment besoin d’eux.


S. : Aujourd’hui, tous les corps de la Fonction publique réclament un statut particulier. Quelle est la réponse que vous donnez à cette préoccupation ?


P.C.S.: S’ils ne réclamaient que le statut particulier, j’allais dire que c’est déjà donné par la loi 081 puisqu’elle prévoit qu’on réorganise les emplois de l’administration. Ce dont on parlait tantôt à propos des textes d’organisation des emplois tombe à l’eau. On va les remplacer par un nouveau dispositif qui s’appelle Répertoire interministériel des emplois de l’Etat, le RIME. Nous sommes en train de travailler sur le RIME et un décret va être pris pour le réorganiser. C’est-à-dire que pour un certain nombre d’emplois donnés, on organise ce qu’on appelle le métier. Je prends l’exemple du métier de l’enseignement qui va du niveau le plus bas, c’est-à-dire l’instituteur, en montant. A un moment donné, on a le professeur puis le professeur d’université. Le métier va lister les emplois qui font partie du métier d’enseignant, et organiser la possibilité d’évoluer à l’intérieur du métier d’enseignant. Vous voyez que cela va être beaucoup plus harmonisé, peut-être plus scientifique et plus rationnel. Maintenant pour chaque emploi, il est prévu qu’il y ait un statut particulier. Le statut particulier, en plus de préciser l’évolution de la carrière et autres, doit également préciser les particularités qui entourent cet emploi-là. S’il y a des contraintes particulières, des servitudes particulières, etc. Donc c’est une manière de mieux cerner les différents emplois dans leur métier. Ça c’est la loi 081. Maintenant ce dont vous parlez est autre chose et s’appelle statut autonome. Le statut autonome veut dire : indépendant du statut général de la Fonction publique. Et c’est là qu’il y a problème. Cela veut dire que c’est un simple calcul corporatiste visant à ce qu’on vous sorte de la Fonction publique pour vous rémunérer spécialement. Les gens le maquillent avec des mots, mais c’est du vernis. La réalité, elle, est purement pécuniaire. Et c’est grave pour un pays. Cette revendication est porteuse du germe de l’iniquité. Elle vise à ce que moi on me sorte pour que j’aie une rémunération autre que celle des autres fonctionnaires. C’est égoïste et c’est pousser l’Etat à commettre l’injustice. Et c’est pourquoi nous avons déjà eu l’occasion de dire que ce bal-là est terminé.


S. : Et qu’adviendra-t-il de ceux qui sont déjà sortis ? Par exemple les agents de la police ou les magistrats ?


P.C.S.: Rassurez-vous, si le Trésor a fermé un mois et n’a pas obtenu ce statut autonome-là, personne d’autre ne l’obtiendra. Je l’ai déjà dit ; je ne sais pas pourquoi quelqu’un est recruté au regard du statut général, il entre et il dit qu’il faut qu’il en sorte. Ce n’est même pas logique. Maintenant pour les rémunérations, c’est un autre débat. Il faut qu’on les réorganise de façon cohérente et juste.
Le cas des magistrats et des policiers par exemple, il s’agit d’une situation qui a été réglée déjà en partie sous le régime de Blaise Compaoré. Surtout en ce qui concerne la police qui avait eu un statut spécial qui, par la suite, a été renforcé par le dispositif constitutionnel au niveau des lois votées par la Transition. Le point que nous pouvons faire c’est que ceux qui sont déjà dans le statut autonome c’est-à-dire vis-à-vis de la Fonction publique, ce sont les magistrats, la police et tous les corps paramilitaires. Pourquoi les corps paramilitaires, je pense que le législateur a estimé qu’ils sont sur deux tableaux, c’est-à-dire une gestion de type militaire et une gestion de type public. Donc on a voulu les séparer pour mieux cerner leur particularité. Et puis à côté, on a ajouté les auxiliaires de justice. C’est une liste qui est limitative. Les enseignants-chercheurs sont un autre cas parce que la Constitution a prévu qu’on organise le domaine de la recherche de l’enseignement. Mais comme vous le savez, ils sont en plus régis par des textes supranationaux comme ceux du CAMES. Même leur promotion fait l’objet de concours internationaux et vous remarquerez que c’est par décret qu’ils sont recrutés. Ce qui n’est pas le cas pour les autres. En dehors de ces cas, tous les autres fonctionnaires sont dans le statut général. Maintenant il faut que la discussion sur la refonte du système de rémunération les concerne aussi, puisque le régime indemnitaire concerne des textes pris par décret. Quand on va en discuter, il faut que tout le monde soit concerné.


S. : Ces derniers temps, on entend parler de Fonction publique hospitalière, territoriale ou parlementaire. N’est-ce pas une autre forme de statut autonome qui est visée ?


P .C.S.: La Fonction publique hospitalière n’est pas encore actée mais elle est en discussion, j’en conviens. On a considéré que le domaine médical doit être mieux cerné par une organisation spécifique. Maintenant à temps, ce sera au gouvernement d’en décider. La Fonction publique hospitalière, quel contenu on y met ? Il faut savoir que le corps médical aujourd’hui n’est pas dans le statut général de la Fonction publique. Les hôpitaux sont des Etablissements publics de l’Etat (EPE). Donc déjà, ils sont en position de détachement. Il reste à voir maintenant quels domaines la Fonction publique hospitalière va embrasser et qu’est-ce qu’on va y mettre comme contenu. Concernant la Fonction publique territoriale, elle regroupe les fonctionnaires des collectivités territoriales, pas de l’Etat. Ce qui est normal parce qu’ils ne sont pas dans la Fonction publique de l’Etat.


S. : Leur statut est-il autonome ?


P.C.S.: Dans le principe même, la Fonction publique territoriale n’a rien à voir avec le statut général de la Fonction publique. C’est un autre domaine d’activité parce que l’Etat est une chose et la collectivité en est une autre. La collectivité a son personnel régi par la Fonction publique territoriale, et l’Etat a aussi son personnel, régi par le statut général de la Fonction publique. Mais c’est quand un fonctionnaire est dans la gestion de l’Etat et a un statut qui sort de ce cadre que l’on parle de statut autonome. Sinon, pour les autres ce n’est pas le même cas. Il en est de même pour le Parlement qui est un monde à part.


S. : Et les journalistes ? Si l’on considère que ce sont eux le quatrième pouvoir, ils devraient aussi bénéficier d’un statut autonome ?


P.C.S.: Déjà, la presse n’est pas seulement publique. D’ailleurs la presse publique tend à être aujourd’hui l’exception. Quand Sidwaya sort son journal du jour c’est parmi cinq à dix autres quotidiens. Mais je pense qu’au niveau des médias d’Etat, le débat qui a cours, c’est quelle forme donner aux médias d’Etat. En principe, je crois qu’ils migrent vers des sociétés d’Etat avec ses avantages et ses inconvénients.

S. : Les EPE, eux, sont régis par la loi 033. A quand la relecture de cette loi ?


P.C.S.: Oui, il y a une relecture de la loi 033 qui régit les personnels des EPE dont une partie est directement recrutée par l’établissement et l’autre est le fait de détachement de fonctionnaires de l’Etat. Une fois que ces fonctionnaires s’y trouvent, la Fonction publique constate donc leur détachement et suspend leur rémunération au niveau de la Fonction publique. Il est régi entièrement par la loi qui gère le personnel des EPE. C’est cette loi que nous sommes en train de relire avec l’engagement de finir ce processus au plus tard avec la deuxième session de l’Assemblée nationale.


S. : Mais, en attendant, ces fonctionnaires ont, semble-t-il, été reversés dans la loi 081 ?


P.C.S.: Oui, mais il s’agit uniquement des fonctionnaires de l’Etat mis en position de détachement. De toutes les façons, ils sont en détachement au sein de l’EPE mais leur carrière continue d’être gérée au niveau de la Fonction publique. Leurs dossiers sont toujours à la Fonction publique et leurs avancements sont administrativement constatés à ce niveau. Si on ne les reverse pas dans la loi 081, à un moment donné, ils auront des problèmes. Et en les reversant, cela permet à certains aussi d’avoir des avantages. Parce que cela veut dire que si ce qu’ils gagnaient au sein de l’EPE n’atteint pas ce qu’ils sont censés gagner au sens de la loi 081, ils l’auront avec l’application de la loi 081. C’est pourquoi au niveau des hôpitaux, il y a eu quelques remous parce qu’ils ont calculé et ils ont trouvé qu’ils gagnaient. Et comme c’est le cas, tout le monde met la pression pour demander le reversement. Sinon, ceux qui étaient dans les EPE, gagnaient plus, et là personne ne dit rien.


S. : L’actualité aussi est marquée par ces critiques contre la proposition de loi devant régir le droit de grève. Les syndicats estiment que l’on veut les museler. Quelle est votre appréciation de cette proposition de loi?


P.C.S. : Je ne peux pas dire que le gouvernement n’est pas impliqué parce que la procédure de traitement des propositions de loi, à un moment donné, transite par le gouvernement. Dire que le gouvernement n’a rien à y voir, ce serait mentir puis qu’entre-temps, l’Assemblée nationale lui a transmis la proposition de loi pour demander son avis. Et quand elle est arrivée effectivement en Conseil des ministres, le gouvernement a examiné et a proposé un certain nombre d’amendements. Maintenant vous dites que les organisations syndicales ont redouté cela que c’est une manière de les museler. Vous savez, je ne peux pas répondre à la place des initiateurs de cette proposition de loi. Ils sont à l’Assemblée et c’est peut-être mieux de leur demander à eux, ce qu’ils en pensent. Mais en tant que ministre en charge du Travail, je pense qu’il est normal effectivement que l’on songe à une relecture de la loi de 1960 qui est la loi 45/60 régissant le droit de grève dans les services publics au Burkina Faso. Déjà, vous voyez que c’est l’une des rares lois qui datent de 1960. Cela veut dire que personne n’a pu la réviser parce qu’à chaque fois que l’on engage une révision, la pomme de discorde est là.


S. : Pourquoi réviser cette loi ?


P.C.S.: Il faut la réviser parce que cette loi est inopérante et dépassée. Aujourd’hui par exemple, une des formes des manifestations, c’est le débrayage sous forme de sit-in. La loi n’en dit rien. Et c’est devenu donc un phénomène de société. Deuxième type de problème, quand vous voyez l’organisation du service minimum, la loi dit qu’un service minimum doit être organisé mais ne dit pas comment on doit l’organiser. Et dans l’imprécision, les gens se faufilent et certains même ont le courage et l’audace de dire qu’il n’y aura pas de service minimum. Qu’est-ce que ça veut dire?


S. : C’est peut-être une façon de se faire entendre rapidement ?


P.C.S. : Non, on ne peut pas se faire entendre de la sorte. Si on quitte la loi, on ne doit plus se faire entendre et on ne doit même pas être entendu. Parce qu’on est sorti de la loi, du cadre organisé. C’est devenu de l’anarchie maintenant. Et quand on tombe dans l’anarchie, c’est fini. La société même va devenir une jungle et c’est celui qui est le plus fort qui va imposer sa loi. Il faut que l’on fasse très attention parce que si la liberté n’est pas bien organisée, elle tue la liberté. On va dériver vers le libertinage et là, il y aura problème. Et c’est pour cela que les organisations syndicales elles-mêmes ont intérêt à ce qu’il y ait une relecture de cette loi, mais pas n’importe quelle manière. Il faut une relecture telle que l’on évite des travers liberticides. Et cela, je suis entièrement d’accord avec elles. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’encadrement de ce domaine. Il y a par exemple l’Organisation internationale du travail (OIT) qui pond tous les jours des conventions et des recommandations encadrant toutes ces questions. Et un Etat n’a pas le droit d’empiéter sur ces conventions. Quelle que soit la loi que vous adoptez, elle doit s’inscrire déjà dans les conventions adoptées par l’OIT. Mon département étant garant de cela, c’est notre rôle d’attirer l’attention de tout le monde sur le fait qu’il faut respecter telle ou telle convention. Moyennant donc ces précautions, il faut effectivement réorganiser avec le maximum de précision la manière dont s’exerce le droit de grève chez nous. Il n’y a pas un seul Burkinabè aujourd’hui qui n’est pas effaré par cette avalanche de grèves dont certaines n’ont de justification que parce qu’on est arrivé à asseoir une organisation solide, j’allais dire presque monolithique et dans laquelle on fait pression. Qu’on ait raison ou pas, on fait pression pour obtenir quelque chose. En d’autres termes, c’est du corporatisme. Ce corporatisme ambiant dans la Fonction publique est de nature à dégénérer l’Etat et, à terme, à le liquider.


S. : Est-ce à dire que vous voyez des mains destructrices derrière ces mouvements ?


P.C.S.: Mais c’est clair. Ce n’est même pas une question à poser.

S. : Et cela peut provenir de qui ?
P.C.S.: Au fait, le corporatisme en lui-même n’est pas bon. Il n’est pas le fait d’un individu. C’est-à-dire que la quasi-totalité des corps de l’Etat migrent progressivement vers ce corporatisme-là à la faveur d’un certain nombre d’évolution avec le fait que beaucoup interprètent l’insurrection comme étant venue leur donner la liberté de demander tout ce qu’ils veulent. C’est tant mieux s’ils les obtiennent. Il ne faut pas que cet élan de corporatisme soit poussé à l’extrême au point d’hypothéquer les fondements de l’Etat lui-même.
Vous demandez s’il y a des mains derrière. Non, moi je ne rentre pas dans ce débat. De toutes les façons, on sait tous au Burkina Faso qu’il n’y a rien qui se fait dans la scène publique sans qu’il n’y ait quelque part des mains politiques, même si on a un peu reproché au discours du Premier ministre sur la politisation. C’est une réalité connue de tous. Je ne fais pas dans la langue de bois parce que ça ne sert pas un pays. La vérité, c’est toujours bien. Nous sommes tous là et nous savons tous que pendant que les syndicats organisent leurs marches, il y a des partis aussi qui ont leurs pancartes dedans. Vos caméras sont là pour immortaliser, donc c’est un fait. Si tel est le cas, cela veut dire qu’il y a atomes crochus quelque part. Ça c’est ce qu’on voit de nos yeux. Et il ne fallait pas que le Premier ministre fasse allusion à cela. Un tollé général ! On est en train de ne pas aimer la vérité dans notre pays. Et cela n’est pas bon. Quand un régime arrive et quelqu’un déclare qu’il n’y aura pas d’état de grâce pour ces gens, cela veut dire quoi ? Il faut juger les gens sur la base des actes qu’ils ont posés. Mais ils n’ont même pas posé le moindre acte et on fait déjà ces déclarations.


S. : C’est peut-être aussi parce qu’on estime qu’ils étaient déjà aux affaires ?


P.C.S.: Non, ce n’est pas le cas.


S. : Vous avez par exemple été ministre sous l’ancien régime…

P.C.S. : Justement, c’est grave ce que vous dites parce que cela suppose que vous vous donnez le droit de juger ce que le peuple a jugé. Ça, c’est extrêmement grave car cela veut dire que vous ne croyez pas en la démocratie. Sinon, il y avait combien de candidats qui n’ont pas été élus pour gérer le pouvoir ? Vous rappelez-vous du nombre de candidats à la présidentielle de 2015 ?


S. : Vous êtes expérimentés. Et c’était d’ailleurs votre atout de campagne ?


P.C.S.: Si le peuple a estimé qu’il était bon de faire confiance à des hommes expérimentés, qu’on leur laisse l’occasion effectivement de poser les jalons. On ne les menace pas dès le premier jour de leur prise de pouvoir. Mais ceux qui ont dit cela ne l’ont même pas dit dans le même esprit que vous. Ça, c’est votre opinion. Maintenant si vous voulez qu’on apprécie cela dans ce sens, le minimum, c’est de laisser justement que cette expérience-là puisse s’exprimer et qu’on en profite si elle est vraiment établie. Mais si on dit qu’il ne faut même pas laisser le temps à ces gens-là de travailler, je ne sais pas à quoi cela répond. Et malheureusement, c’est dans cet esprit que d’autres l’ont dit.


S. : Mais qui l’a dit ?


P.C.S.: N’inversez pas les rôles, c’est vous le journaliste. C’est vous qui écrivez et nous on vous lit.


S. : Le 30 juin de cette année, il sera célébré, en différé, la Journée internationale de la Fonction publique. Quel est l’objectif de cette journée au moment où vous avez noté que la fronde sociale est montée d’un cran ?


P.C.S.: En principe, c’est le 23 juin et elle sera célébrée en différé au Burkina le 30 juin. Je pense qu’il ne faut pas ramener tout à la fronde sociale. La fronde sociale, c’est la question des rapports avec les partenaires sociaux. Mais la Fonction publique, elle, est une institution qui doit s’améliorer continuellement. Encore une fois, le problème de l’Etat ce n’est pas les fonctionnaires uniquement. Mais c’est comment tirer la nation entière vers le haut. Et la Journée internationale de la Fonction publique, à côté de cela, la Journée africaine de la Fonction publique à la même date sera l’occasion pour interpeller l’opinion nationale, africaine, internationale sur les enjeux qui entourent le rôle de la Fonction publique. Et d’interpeller surtout les acteurs de cette Fonction publique sur leur responsabilité devant l’histoire. Il y a un risque qui est général en effet. Tous les acteurs de la Fonction publique tendent à se recroqueviller autour d’eux-mêmes et à ramener l’intérêt de leur action à leur propre satisfaction. C’est extrêmement grave et c’est ce qui se passe chez nous. C’est-à-dire que tout se passe comme si finalement l’enjeu de l’Etat c’est l’Etat lui-même. Or, non. L’administration ne peut pas être repliée sur elle-même ! Elle doit tous les jours surveiller la manière dont elle atteint ses résultats au profit de la société. Et c’est en cela qu’elle est une administration normale et qui rend service à l’intérêt général. En dehors de l’intérêt général, point d’administration. S’il est établi par une enquête que l’administration ne rend pas service à l’intérêt général du Burkina Faso, en termes de sécurité publique, de progrès et d’amélioration des vécus des citoyens, etc ; alors elle doit être supprimée, purement et simplement. Il y a des pays où il n’existe presque pas d’administration publique. Oui, parce que tout peut être réglé à l’échelle de la société privée et l’Etat lui-même est un petit noyau. Bref, la raison d’être de l’administration publique, c’est de rendre service aux citoyens. En dehors de cela, point de salut et point d’utilité de l’administration publique. Cette année, nous allons encore marteler cela et nous poser la question de savoir comment on améliore justement le service public.


S. : Des voix s’élèvent de plus en plus pour demander la tenue des états généraux de la Fonction publique. Qu’en pensez-vous ?


P.C.S.: En réalité, chaque année, il y a une conférence nationale de gestion des ressources humaines de l’Etat et un Conseil national de la modernisation de l’administration publique présidé par le Premier ministre. Ce sont des instances qui, justement, doivent jouer ce rôle-là. Maintenant, peut-être que vous voulez parler d’une grande assise nationale qui va faire le point de l’Etat dans son ensemble de toute l’Administration publique. En tous les cas, ce serait souhaitable. A mon avis, on va y arriver. Mais pour le moment, on gère, je ne dirai pas le plus pressé, mais les réformes qui sont inscrites dans nos programmes de travail. J’en conviens qu’à un moment donné, il faut penser à une grande assise de ce genre et permettre aux citoyens de parler. Vous allez être effaré certainement parce que, si le citoyen a la liberté de parole, je pense que cela va interpeller chacun de nous.



S. : Vous êtes partisan de la transparence dans les dossiers des agents. Pourtant, concernant ceux du Trésor, nous n'avons vraiment pas de détails sur l'accord en question. Pourquoi cette réserve?


P.C.S : Pourtant, nous avons fait une conférence de presse. Non, ce n'est pas un accord « mouta mouta » (Rires…). A supposé qu'on n'ait pas voulu dévoiler, c'est aux journalistes d'aller fouiller. C'est un document signé et s'il est signé, c'est qu'il est disponible.
Avant c'était la signature, effectivement, nous avons remarqué qu'il y avait quelques ratés dans la communication. Pour éviter d'empiéter sur la négociation, on s'est entendu pour ne pas trop en parler, sauf pour ce qui était nécessaire. Sauf à un moment donné, nous sommes sorti de cette réserve pour en parler aux médias.



S. : Eclairez-nous un peu sur ce que le gouvernement a lâché.


P.C.S. : Le gouvernement a concédé à une réévaluation de certaines indemnités qui sont inscrites dans le registre indemnitaire de l'Etat. On peut regarder là où vous avez vraiment des raisons. Nous avons regardé du point de vue des indemnités de responsabilités, ceux qui sont nommés à des postes au niveau du Trésor. Nous avons constaté qu'un contrôleur financier avait 175 000 FCFA. Au niveau du Trésor, le plus important, le plus élevé avait 80 000 FCA. Quand on compare les deux, quelle est la responsabilité du contrôleur financier? Il aide juste l'ordonnateur à s'assurer que les documents financiers sont conformes à la loi. En dehors de cela, devant qui répond-il ? Or, le trésorier qui est garant des deniers, sa responsabilité pécuniaire et pénale est engagée. On s'est dit que si les trésoriers tirent sur ca, il faut avouer qu'ils ont raison et on a eu tendance à les aligner avec les contrôleurs financiers qui avaient déjà obtenu gain de cause. Et encore une fois, ce n'est pas nous qui avions donné cela, c'était sous la Transition. Sinon, ce n'était pas bon d'isoler une catégorie comme cela et la gratifier. Cela va créer naturellement un effet boule de neige. Ça, c'est pour ceux qui sont nommés. Pour ceux qui ne sont pas nommés, il y a une indemnité de responsabilité, étant donné qu’eux aussi concourent d'une manière ou d'une autre à la gestion quotidienne, ce sont des indemnités allant de 10 000 FCA à 30 000 FCFA. Vous voyez, il y a rien d'extraordinaire et d'inexplicable. On ne peut pas céder à des choses qu'on ne peut pas gérer. L'essentiel en réalité, c'était l'affaire des fonds communs. De toutes ces indemnités, ce n'est rien par rapport aux fonds communs. Le fonds commun, c'est un bloc d'argent que vous avez du coup. Pour cela aussi, ils voulaient qu'on augmente la masse d'argent à partager. Nous avons dit non en leur signifiant que le fonds commun reste dans ses limites actuelles. Maintenant, à l'intérieur du Trésor là-bas, il y a eu une partition qu'ils avaient instaurée. Une partie va dans le fonds d'équipement du Trésor, l'autre au ministère des Finances. Nous avons dit que si ça tire, vous pouvez prendre tout cela et partager (rires…), ce sont vos conditions de travail. C'était pour les aider à travailler, mais comme ils sont à couteaux tirés sur cela, débrouillez-vous. Maintenant, vous allez travailler sur les dotations.


S. : Les mêmes vont encore réclamer les mêmes conditions de travail?


P.C.S. : Le gouvernement accorde le crédit en fonction de ses possibilités. L'augmentation qu'ils demandent, même 0, 1%, ce sont des milliards. C'est sur la masse globale des ressources de l'Etat. Je pense qu'au niveau du ministère des Finances, il y a eu un débat engagé sur la réflexion du fonds commun, mais, ce n'est pas seulement au ministère des Finances qu'il y a des fonds communs, nous avons listé une vingtaine. Un fonds de stimulation dans un domaine comme le Trésor et les Impôts est utile, parce qu'il ne faut pas passer d'un extrême à un autre. En fait, il faut se dire que dans tous les différents pays qui nous environnent, ça existe. Ce qui fait que chez nous, il y a problème, c'est que ce mal a évolué. Jusqu'aujourd'hui, les bases juridiques ne sont pas très claires. Pourtant ailleurs, ils ont mis ça dans la loi des finances de manière réglo. Si vous voyez que les agents du Trésor et des Impôts revendiquent, c’est parce qu'ils comparent aux autres. Ils se disent que chez les autres c'est comme ça, je veux parler des autres pays comme le Niger, le Mali. J'avais le bon rôle de leur dire que moi, Clément Sawadogo, ministre, quand je vais en mission à Genève ou à Washington, on me donne 115 000 FCFA, mais mon collègue du Mali perçoit 600 000 FCFA/ jour. Si chacun doit se mettre à comparer comme cela, c'est nous d'abord ministres qui allons déposer une plateforme au Président..(murmures…). Vous savez qu'avec 115 000 FCFA, on ne peut pas se prendre en charge. A chaque fois que vous voyagez, vous vous appauvrissez avant de venir. Ce n'est pas bien. Nous, on l'accepte parce que, à quelque part, il y a l'aspect de sacrifice. C'est vrai, ces genres d'encouragements existent au niveau des services du Trésor d'autant qu'on veut les amener à encaisser plus et bien gérer ce que l'on a pu engranger. Si vous ne les encouragez pas, ce que vous craignez de perdre, vous allez perdre peut-être 50 à 100 fois plus. Pour que toute la société gagne, il faut qu'on accepte tout ça. Poussez cela à l'extrême et en faire le puits dans lequel on vient de partout s’alimenter, ce n'est pas possible. En plus de cela qui a été concédé, on a admis qu'au niveau du Trésor, par rapport aux fonds d'équipement, il fallait améliorer leur dotation en carburant. Sinon pour beaucoup d'autres revendications, elles sont d'ordre organisationnel faisant trait au fonctionnement des services. Exemple, doubler les chanceliers qu'on nomme dans les ambassades. Certains croulent sous le poids de la lourdeur de leur tâche tout seul. Il y a eu une étude qui a été menée et qui confirme cela. Dans ce cas-là, nous avons dit que nous allons le faire systématiquement dans toutes les ambassades. Il y a eu environ une dizaine que nous avions identifiés. Il a été dit que les perceptions au niveau des provinces doivent être opérationnelles parce qu'on a créé 45 perceptions provinciales et il n'y a que quelques-unes qui marchent. Nous avons dit que pour cela, il faut améliorer le dispositif du travail et il faut le faire. Mais sur 4 points, nous avons dit non : statut autonome, régime indemnitaire spécial, accroissement de l'indexation du taux de prélèvement du fonds commun sur le budget général et prime de rendement à asseoir sur la trésorerie nette. Cela veut dire que s’ il y a 2000 milliards, on prend un pourcentage de ces 2 000 milliards et ça devient un autre 13e mois. Ce sont ces questions qui étaient préjudicielles parce que si on lâchait sur un de ces points, nous allons voir le lendemain 10 000 plateformes sur nos bureaux. Et les gens auraient raison parce qu’ on ne peut pas continuer à lâcher indûment.


S.: A vous entendre, vous êtes plus préoccupé par la Fonction publique….


P.C.S. : Je ne suis pas monopolisé par la Fonction publique. Au contraire, je passe plus le temps avec les partenaires sociaux et à résoudre les questions du monde du travail. A mon avis, je mets beaucoup plus de temps de ce côté- là. Parce que la Fonction publique, ce sont des mécanismes qui sont posés. Les gestions courantes, je ne mets pas ma main la-dedans. Le Secrétaire général de la Fonction publique est l'un de ceux qui signent le plus d'actes administratifs. De l'intégration jusqu'au licenciement et à la révocation passant par tous les avancements. C'est le ministère où on a délégué le maximum de tâches. A un moment donné, on avait délégué une bonne partie des tâches aux directeurs des ressources humaines des ministères. Ce qui m'occupe le plus sur le volet Fonction publique, c'est le chantier de la modernisation de l'administration et le moment des concours car il faut veiller pour qu'il n’y ait pas de dérapages. Pour le volet travail, la présence du ministre est encore plus délicate, car avec les partenaires, c’est un milieu très sensible. Pour un rien, il faut que le ministre monte au créneau pour qu'il y ait des discussions pour que ça ne lâche pas. A côté, il y a la sécurité sociale qui s'ajoute également, mais c'est équilibré. A mon niveau, je n'ai pas de difficultés particulières pour tout coordonner de façon harmonieuse.


S. : N'est-il pas lourd pour vous?


P.C.S. : C'était deux ministères séparés et vous savez pourquoi, on est arrivé à les séparer ? On avait estimé qu'il y avait trop de départements ministériels. A mon avis, c'est une bonne rationalisation. Pour moi, deux ou trois volets marchent ensemble. La Fonction publique et la Protection sociale s'intéressent à tous les deux aspects. Là, vous avez la sécurité sociale ( la CARFO qui gère la retraite des fonctionnaires, la CNSS qui gère pour ceux des privés et l'assurance maladie qui va finalement concerner tout le monde). A mon avis, c'est un tout harmonieux mais c'est lourd. Pour ce côté, je suis entièrement d'accord avec vous. Ce n'est pas facile, mais je pense qu'il faut peut-être conserver cela plutôt que de procéder à des positionnements, et revenir un autre jour. Ça ne sert pas.


S. : Dans le privé, les employeurs peuvent licencier facilement les travailleurs. Quelle est votre partition pour l'amélioration des conditions de travail de ces travailleurs ?


P.C.S. : Je considère qu'une grande problématique au niveau du privé, c'est l'économie. Si l'économie et les entreprises marchent bien, il y a moins de problèmes. Dans tous les pays du monde, la question se pose en ces termes. Pour la législation du travail, il ne faut pas trop braquer là-dessus parce que quelle que soit la législation qui est mise en place, si les entreprises ont des difficultés pour se maintenir, le travail deviendra précaire. En revanche, si l'entreprise prospère, vous avez beau être un patron méchant, vous n'êtes pas enclin à chasser vos travailleurs. Qui va travailler pour que ca prospère ? C'est ce paramètre qui est plus important. Tout de même, les questions de réglementation peuvent intervenir. C'est vrai que dans notre Code du travail, il y a beaucoup de facilités à se séparer d'un agent, parce que l'indemnisation n'est pas très dissuasive, 24 mois de salaire. Si vous toucher 200 000 FCFA, si vous êtes prêt à payer 5 millions, vous pouvez vous séparer de l'agent.
Il y a aussi le problème du CDI, le contrat de travail à durée indéterminée. Ce sont des dispositions incriminées par les organisations syndicales. C'est essentiellement pour les questions de transparence que les syndicats ont exigé la relecture. Comme nous sommes là-dessus, je suis sûr que ça va tirailler un peu avec les employeurs. Si quelque part, ils considéraient qu'on a un Code du travail qui encourage l'entreprise et les employeurs à investir, ils pourront être les vrais garants de leurs entreprises


S. : Et le cas des travailleurs de l'hôtel Silmandé ?


P.C.S : Il y a une situation là-bas que nous déplorons par son incidence, son impact, parce qu'il y a beaucoup de travailleurs qui ont été licenciés. C'est une situation que l'Etat a essayé de gérer dès les premiers moments, surtout au niveau des ministères en charge de l'hôtellerie. Cela n'a pas pour le moment abouti et les syndicats ont adressé un écrit au président du Faso pour attirer l'attention sur la gravité de la situation. Ce que je puis dire, c'est que, au niveau de mon département en charge du Travail, nous sommes en train d'engager de nouveaux pourparlers, parce qu’ il y a conflit collectif. Quand il y a conflit collectif, nous devrions nous en saisir. Jusque- là, ce que l'on a fait, c'est tenter de raisonner les deux parties. Cela ne semble pas donner de résultats, mais on va passer à d'autres vitesses, c'est-à-dire au traitement d'un conflit collectif. Si cela n'aboutit pas, ce qu'on ne souhaite, ça ira forcément aux structures judiciaires. Vraiment c'est à déplorer que l'on puisse en arriver-là. Vous avez plus d'une dizaine de travailleurs dans la rue qui grossissent l'armée de sans travail, cela pose quand même problème. Apparemment, parmi eux, il y a les plus anciens de la maison et c'est une situation extrêmement délicate.


S. : Il y a beaucoup de fonctionnaires qui ont connu cette situation….


P.C.S. : Nous travaillons à résoudre cette situation. La solution réside dans la relecture de la grille. Tout cela procède par une avancée par étape. Dans un premier temps, il fallait à travers la loi 081 fusionner les fonctionnaires et les contractuels pour faire une seule fonction publique. Vous vous rappelez qu'avec la loi 13, certains étaient des contractuels, d'autres des fonctionnaires. Les contractuels, c'est le nom, parce que de toutes les façons, ce sont des fonctionnaires aussi. Personne ne va les licencier un jour, il ne sert à rien de charrier cette fonction publique à deux vitesses. On donne en faisant cette fusion à travers la loi 081, on confère aux contractuels, la stabilité et la garantie définitive de leur emploi tout en faisant bénéficier au fonctionnaire, le niveau de rémunération des contractuels qui était plus élevé auparavant que celui du fonctionnaire. Chacun a gagné des deux côtés. La grille qui en est résultée est une grille qui s'est arrimée moins à celle des contractuels puisque c'était la rémunération de référence car elle était la plus importante. Or la grille des contractuels n'était pas une bonne grille, c'est une grille qui manquait de beaucoup de cohérences à certains niveaux. Ce qu'il faut dans cette deuxième étape, c'est relire entièrement la grille de la loi 081 pour faire une grille harmonisée. C'est à cette occasion qu'on peut corriger les distorsions qui se sont introduites. On était amené à régler de manière provisoire le cas des inspecteurs de l'enseignement secondaire car pour eux, c'était très criant. Il y a quand même d'autres cas au niveau des enseignants et autres. C'est une situation qu'il faut rattraper.


S. : Il y avait un avant- projet du code électoral. Qu'est-ce que cet avant- projet veut introduire justement dans le code électoral ?


P.C.S. : Comme vous le dites si bien, il y a un avant- projet parce qu’au stade de projet, cela vient au gouvernement. L'avant-projet veut dire que ce sont des débats entre les partenaires à l'échelle de la société. Pour le moment, personne ne nous a pas parlé. Ce sont des idées. Je pense que le plus urgent dans ce projet, c'était de pouvoir créer des conditions matérielles au plan juridique qui permettent d'organiser le référendum sur la Constitution.
En matière de référendum, les dispositions du code électoral sont assez vagues et quasi-inexistantes. En dehors du référendum qui est prévu dans le principe d’organisation de la CENI, la matière n’a pas été enrichie. C’est ce qui urgeait. Maintenant, il y a, parallèlement, des propositions de certains acteurs de la société qui recommandent que certains aspects du code électoral soient revus en profondeur. C’est un exerce auquel les initiateurs se sont essayés. Dans les prochains jours, des discussions vont certainement permettre de conserver ce qui est plus urgent et de reporter les autres aspects. En raison de la révision de la Constitution, la relecture du code électoral pourrait être renvoyée à une date ultérieure.
S. : En tant qu’ancien ministre en charge de
l’Administration territoriale, avez-vous été approché pour solliciter votre expertise dans le cadre de la relecture du code électoral?


P.C.S. : Non, mais j’ai l’occasion, de toute façon, d’y concourir étant donné que tous les acteurs politiques ont été invités à faire connaître leurs suggestions.



S. : En lieu et place de la Commission électorale nationale indépendante, l’avant-projet parle d’autorité administrative indépendante. Que reprochez-vous à l’actuelle CENI.


P.C.S. : La réforme de la CENI n’est pas un débat récent. Si nous n’y prenons pas garde au Burkina, nous risquons d’être dans un perpétuel recommencement. Quand il y a un débat comme celui-ci, des acteurs en profitent pour induire l’opinion en erreur. En rappel, des discussions sur les réformes politiques ont été engagées en 2011 et le principe d’engager une réforme de la CENI avait été accepté de façon consensuelle par les acteurs politiques. Ensemble, on avait trouvé que le mode de fonctionnement de la CENI actuelle est par à-coups. Ce qui signifie qu’après cinq ans, il faut recomposer une nouvelle CENI avec le risque de ne pas disposer toujours d’acteurs suffisamment outillés pour conduire les opérations de manière professionnelle.
Nous avions proposé de nous inspirer de l’administration électorale du Ghana qui reste la meilleure en termes de professionnalisme dans la sous-région. C’est une formule, à mon avis, qui pérennise l’institution électorale et la professionnalise. Sur cette base, la CENI pourrait être comme une sorte de conseil d’administration qui nomme par consensus son directeur général. A écouter certains acteurs, on dirait que ce débat est subitement tombé du ciel. Ceux qui en parlent disent qu’il y a un scandale public parce que, d’après eux, le MPP veut récupérer l’administration électorale. Quelque part, il y a de la mauvaise foi et, de cette manière, on ne peut pas avancer. L’idée, en réalité, est très bonne. Mais comme les a-priori vont complètement noyer sa justesse, on va l’abandonner.


S. : N’y a-t-il pas un problème de communication autour de cette question lorsque certains estiment que l’autorité a été approchée, en vain, pour une rencontre devant aboutir à la rédaction du document de travail?


P.C.S. : D’abord même, à propos du document de travail, la rédaction ne peut poser problème. Ce qui est mauvais, serait d’engager son exécution sans concertation. De cette manière, qui doit avoir l’initiative de proposer quelque chose ? On va tourner en rond inutilement. Le pays n’avancera pas si on continue dans cette lancée. En fait, il y a une extrême politisation qui risque, à coup sûr, de mettre à mal le développement du Burkina. Je constate qu’aucun débat objectif n’est possible. Tout se règle sur des intérêts politiciens.
Mais, pour l’heure, je pense qu’il faut se concentrer sur le débat de la révision de la Constitution et après, on remettra celui de la CENI sur la table de discussion.


S. : Face à la montée de l’incivisme au Burkina Faso, quelles solutions préconisez-vous ?


P.C.S. : Dans le fond, des dysfonctionnements de l’Etat sont les causes de cet incivisme grandissant au Burkina Faso. Mais, il ne faut pas, non plus, dédouaner le rôle de certains acteurs politiques et sociaux. Si l’autorité de l’Etat n’est pas instaurée, si elle ne s’impose pas, le phénomène va perdurer. Il faut que l’Etat, par les moyens dont il dispose, puisse affirmer son autorité. En outre, l’autorité judiciaire, tout en rassurant les citoyens de son objectivité, de sa sérénité et de son indépendance, doit pleinement jouer son rôle. De plus, les acteurs politiques et sociaux ont aussi leur part de responsabilité. Ils doivent éviter d’alimenter l’incivisme au gré de leurs intérêts propres. En se comportant ainsi, ils contribuent à scier la branche sur laquelle on est tous assis. Certains opposants pensent même qu’il faut mettre le feu partout. Qu’ils sachent que ce même feu ne les épargnera pas.
Si vous remarquez dans les pays qui ont une longue expérience démocratique, les gens n’acceptent pas que l’on fasse des dérives, même contre un adversaire politique parce que ce sont des dérives qui n’épargneront personne. Quand on prend l’exemple de la France, les partis politiques « normaux », à chaque fois qu’ils ont l’impression que l’extrémisme va s’imposer, ils se liguent pour le combattre. Cela signifie qu’ils ont un noyau commun qu’est la république qu’il faut sauver. Or chez nous, malheureusement, il y a certains qui pensent que la lutte pour le pouvoir inclut la destruction de la république.


S. : Vous pensez à qui ?


P.C.S. : Non, non ! Je ne nomme personne mais vous observez cela vous-même. C’est comme si à la limite, certains acteurs politiques et sociaux considèrent la conquête du pouvoir comme une lutte par l’insurrection populaire. Toute chose qui fait que ces derniers restent des leaders putschistes et non des leaders politiques.
Au bout du compte, à cette allure, on va consolider la nation et la démocratie quand ? L’on peut aussi se demander s’il y a des gens qui se sentent plus patriotes que les autres. La quasi-totalité des acteurs politiques ont déjà fait leurs preuves sous le régime de Blaise Compaoré.
L’insurrection n’est pas le fait des humeurs de quelqu’un. C’est un mouvement spontané. Si le 28 octobre, 2015, le jour de la grande marche, Blaise Compaoré avait déclaré qu’il mettait fin à son projet de révision de l’article 37 de la Constitution, il n’allait pas avoir d’insurrection, parce que la population marchait pour cela. Certains ont estimé que le MPP a joué un rôle essentiel dans l’insurrection. Un avis que je ne partage pas et j’estime qu’il faut tout simplement rendre justice au peuple burkinabè. Car c’est ce peuple burkinabè, qui de part sa mobilisation consciente et guidé par des acteurs et c’est dans ce cadre que le MPP a joué un grand rôle, mais pas un rôle unilatéral. Ce n’est ni l’insurrection du MPP ni celle d’un individu. C’est tout simplement l’insurrection du peuple. Si le MPP dans son programme voulait accéder au pouvoir par l’insurrection, le MPP serait un parti putschiste. Son principe c’est d’accéder au pouvoir par les élections, et cela est écrit noir sur blanc dans les statuts du parti et dans sa déclaration de naissance. S’il ya eu insurrection populaire, parce qu’il a eu entêtement de Blaise Compaoré à vouloir modifier l’article 37. C’est d’abord l’entêtement qui a créé cela. Maintenant, si certains estiment que pour prendre leur revanche ils doivent organiser des insurrections, je les assure qu’il n’ y aura plus d’insurrection au Burkina Faso, car la prochaine insurrection, c’est celle qui mettra fin au nom du Burkina Faso.


S. : C’est déjà arrivé deux fois.


P.C. S. : Deux fois ? C’est- à- dire ?


S. : En 1966 et en 2014…


P. C. S. : En 1966, vous étiez déjà nés ? (rires). Je veux dire organiser des insurrections en un temps record, tel que les gens veulent le faire de façon successive. Je dis cela parce que, dès que nous sommes arrivés aux affaires, il y a certains qui ont annoncé qu’il faut une autre insurrection.


S. : Craignez-vous une autre insurrection ?


P.C.S. : Non, non, moi non. Mais je prends à défaut ceux qui raisonnent comme ça, sur le fait que ce raisonnement est meurtrier et vise à mettre fin à l’existence du Burkina Faso. Sinon, l’insurrection veut dire que la démocratie est en panne et si la démocratie marche, je ne vois pas pourquoi on va faire une insurrection. Aussi, tous les mécanismes de la démocratie sont en place, les contre-pouvoirs également et les gens peuvent s’exprimer librement, contester par voix de presse ou par la rue mais, faire une insurrection comme cela, parce qu’on veut le pouvoir? Et c’est pour cela, il faut commencer par bloquer la mise en œuvre de leur programme et là, en cas d’échec, les gens se soulèveront.


S. : Avez-vous foi au procès qui est en cours ?


P. C. S. : Lequel ?

S. : Le procès de l’insurrection.


P. C.S. : C’est le travail de la justice et il faut que ceux qui sont chargés du procès se hâtent. Malheureusement, je suis comme vous, inquiet.


S. : Vous sentez-vous responsable dans la mesure où la loi sur la Haute Cour de justice a été élaborée au moment où vous étiez aux affaires?


P.C.S. : Non. D’abord, je voudrais vous dire une chose, quand vous jugez un régime, il faut le faire de manière holistique et systémique. Dans le régime de Blaise Compaoré, certains d’entre nous y étaient. Moi, j’ y étais, mais qui vous dit que j’avais droit au chapitre sur la Haute Cour de justice et qui sait comment finalement on avait arrêté ça ? Parce que si vous avez un chef de l’Etat, il doit trancher sur les grandes questions législatives, gouvernementales, etc. Une loi peut comporter des failles et c’est tout à fait normal, sans que l’intention de départ ne l’empêche d’être opérationnelle. Par contre ce qui n’est pas bien, c’est que ceux-là même qui ont été à l’origine de cette loi, parce que la loi s’applique à eux, la dénoncent à cor et à cri . Ce qui pose un problème parce que le CDP à l’époque avait la majorité. Il existe toujours et ces gens doivent être jugés devant la Haute Cour de justice.

S. : Pour l’avenir, n’ y a t-il pas lieu de revoir le système juridique ?


P.C.S. : Ce sont des héritages des pays où le système juridique est inspiré de l’ancien colonisateur. Mais je dirai que les systèmes juridiques s’équivalent, pourvu que les principes généraux de droit qui prescrivent qu’un procès doit être équitable et que le justiciable doit avoir la possibilité de faire un recours soient respectés. Je pense que c’est ça qui est incriminé. La Haute Cour de justice peut être maintenue et elle continuera à juger.


S. : Peut-on imaginer un jour la suppression de la Haute Cour de justice ?


P.C.S. : En principe oui, mais est-ce que dans la pratique ce n’est pas complexe ? Dans le système de l’équilibre des pouvoirs, je n’émets pas une idée radicale là-dessus et ça ne me gênerait pas non plus qu’on supprime la Haute Cour de justice et que tout le monde soit jugé par les mêmes tribunaux.


S. : Les Maliens ont manifesté samedi 17 juin dernier contre le projet de modification de la Constitution voulu par le président Ibrahim Boubacar Keïta. Avez-vous des craintes que ce qui est arrivé au Burkina Faso se produise au Mali avec un tel projet ?


P.C.S. : Les conditions ne sont pas les mêmes parce que Blaise Compaoré avait fait 27 ans au pouvoir. Ce qui n’est pas le cas du président malien qui n’est qu’à son premier mandat. Deuxièmement, je ne pense pas que les dispositions du projet de modification soient du type de l’article 37 de la Constitution de notre pays. Comme ce ne sont pas les mêmes causes, je ne pense pas que ce sera les mêmes effets. D’après ce que j’ai compris dans la presse, les Maliens incriminent le fait qu’il y ait trop de pouvoirs entre les mains du président. Si ce n’est que ça et si vous analysez l’ évolution constitutionnelle d’un pays comme la France qui est depuis à sa Ve République, il y a tellement eu des constitutions à géométrie variable. Des fois, les pouvoirs du président sont renforcés, des fois, ils sont les moindres. Je pense que dans tous les pays, cette polémique existe, mais que cela conduise à une insurrection populaire, là je ne sais pas. Qu’est- ce qui a encouragé les Maliens à une telle extrémité, sachant que leur pays est aujourd’hui sur tous les fronts ? Et la plus récente actualité nous rappelle que le moment n’est pas propice à des turbulences graves au niveau institutionnel de ce pays. Il en est de même chez nous, nous sommes réellement sous des menaces terribles et il faut qu’on prenne tous conscience de cela. C’est le moment où on a le plus besoin de cimenter l’unité nationale et la cohésion. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’ y aura pas de divergences, mais l’essentiel est que la démocratie ne soit pas atteinte.


S. : Le président américain a dénoncé les accords de Paris sur le climat ainsi que l’accord, dit-il, « totalement inéquitable signé avec Cuba » par l’administration Obama. Quel commentaire en faites-vous?


P.C.S. : Sur les actes du président américain, il est vraiment difficile de se prononcer.En tant que ministre, membre du gouvernement burkinabè, nous devons tout simplement respecter les choix juridique, politique, économique de ce pays. C’est un gouvernement démocratiquement élu et il a le droit de prendre les décisions qui s’inscrivent dans le bon sens pour son pays. Si tel est que sa décision ne porte pas atteinte au droit international et aux institutions démocratiques de son pays. S’il était sorti du droit pour prendre une telle décision, cela donne le droit aux citoyens d’autres pays et aux gouvernements de dire non, et qu’il n’a pas le droit d’empiéter sur le droit international qui nous unit tous. C’est un Etat souverain et nous devrons respecter sa souveraineté. C’est ça la réponse de monsieur le ministre. Mais si vous voulez demander l’avis de monsieur Clément Sawadogo, je ne partage pas sa décision sur le climat. Les risques environnementaux que nous courrons aujourd’hui font que si tous les grands spécialistes du monde se réunissent en un lieu donné et admettent que si on ne prend pas des décisions énergiques, la planète risque de sombrer et que par la suite un pays remette cela en cause, c’est porteur de danger et de risques pour tout le monde. Donc à ce titre, je ne saurai aller dans le même sens. Même à supposer que ce pays ait des spécialistes qui indiquent que ce n’est pas tout à fait vrai. C’est quand même tout le monde scientifique qui a dit que le danger est réel. Même à supposer qu’il y ait une polémique dessus, je préfère que la polémique traîne jusqu’à ce qu’on voie plus clair que de prendre une décision tout de suite pour se retirer. Maintenant sur la question de Cuba, là aussi, son prédécesseur avait estimé qu’il faut davantage humaniser les rapports des USA avec ce pays parce que se sont des crises historiques et à un moment donné, il faut en finir. Mais, lui, il a estimé le contraire et ne disposant pas des tenants et des aboutissants, mais mon point de vue personnel aurait été de travailler plutôt dans le sens de lever les entraves pour que de plus en plus, le monde soit plus ouvert, un monde où tout le monde est à égale citoyenneté. Donc je ne suis pas non plus avec cet avis.


S. : Le Premier ministre Paul Kaba Thiéba, présentant la situation de la Nation le 14 avril dernier, s’est réjoui de la croissance que connaît le pays. A quand alors une augmentation de salaires des fonctionnaires ?


P.C.S. : Je constate d’abord, conformément à mes observations précédentes, que votre première préoccupation, c’est l’augmentation des salaires. Alors que je m’attendais à ce que vous me disiez si le pays se porte mieux, à quand on va pouvoir créer des meilleures conditions pour l’agriculture et pour l’industrie burkinabè ? Parce que là, ça va toucher plus de 90% de la population. Et même si le pays se porte mieux, je ne suis pas pour une augmentation des salaires maintenant. Encore une fois, nous ne sommes pas là pour nous-mêmes. Savez-vous que 40% de Burkinabè vivent avec moins de 100 dollars par an ? Et l’ensemble des fonctionnaires burkinabè font partie des 10%, peut-être même 5% des privilégiés. Mais comment voulez-vous que la première mesure à prendre quand il y a des améliorations ne soit pas au profit de ceux qui ont plus de problèmes ? Cela ne veut pas dire que je suis satisfait des salaires mais il faut qu’on se compare au reste du pays. Je pense que le plus urgent, c’est d’investir dans les sphères qui vont tirer notre pays. Cela constitue le leitmotiv du Premier ministre Paul Kaba Thiéba et le PNDES vise à cela. On ne peut distribuer alors qu’on n’a pas encore produit.


S. : Sur la question des 47% du budget engloutis par les fonctionnaires, vous êtes contre ?


P.C.S. : Le principe ici est qu’on ne consomme que ce qu’on a pu produire. C’est-à-dire que vous ne pouvez pas artificiellement vous arranger pour prendre, parce que si vous prenez c’est au détriment des autres couches. La logique c’est qu’on constate qu’on a pu accroître le dénominateur. C’est–à-dire qu’au lieu de 1 200 milliards engrangés, on a engrangé 1500 milliards. 35% de 1200 milliards, cela fait peut-être 400 milliards de F CFA. Si on a pu engranger 1 600 ou 1800 milliards, ça veut dire qu’on peut s’autoriser à faire des augmentations pour aller jusqu’à 500 milliards de masse salariale. Ça devient logique. Mais on ne peut pas au temps T où les ressources se sont affaissées vouloir engloutir 50%. Cela veut dire qu’on a pris un côté pour desservir une autre composante de la société et là aussi, l’injustice va s’installer. Donc parlant d’insurrection, si on continue dans ce sens, la prochaine insurrection sera celle des paysans, de ces 40% contre tous les fonctionnaires réunis. Ce n’est pas un cas d’école, car cela s’est déjà produit ailleurs.


S. : Quels sens donnez-vous aux mots suivants :


La liberté : c’est la faculté donnée à toute personne d’agir sans libertinage, dans le bon sens pour s’épanouir lui-même.


Le syndicalisme : c’est une forme d’organisation sociale et collective des travailleurs d’un secteur donné ou d’un corps social afin de lutter pour l’amélioration conséquente de leurs conditions de vie et de travail.


L’incivisme : c’est la forme désordonnée d’actions de populations ou de groupes sociaux qui font usage de moyens illégaux pour pouvoir obtenir satisfaction d’une revendication quelconque.

Le salaire : c’est la rémunération mensuelle du travailleur.


La grève : c‘est la cessation collective et concertée du travail décrétée par une organisation professionnelle, généralement syndicale afin d’obtenir satisfaction d’une plateforme revendicative.


Le koglweogo : c’est un groupe d’autodéfense visant à permettre aux citoyens d’assurer par eux-mêmes leur propre sécurité avec tous les risques et dérives possibles.


Le journaliste : c’est une personne ayant qualité ou vocation à être le porte-voix de la société par l’exercice d’une fonction appelée journalisme au moyen d’instruments de presse.



La Rédaction
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