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Conflit foncier à Roumtenga: Bisbilles autour d’un héritage familial
Publié le jeudi 29 juin 2017  |  Sidwaya
Conflit
© aOuaga.com par A.O
Conflit foncier: le chef du village de Zouekounga face à la presse
Mercredi 15 mai 2013. Le chef de Zouekounga s’exprime relativement au conflit qui oppose son village à celui de tanghuin Dassouri




A Roumtenga, un village de l’arrondissement n°4 de Ouagadougou, un conflit foncier oppose un enseignant-chercheur de l’université Ouaga 1 Joseph-Ki-Zerbo, Rakièta Compaoré, à un propriétaire terrien, Ousmane Ilboudo. Alors que la première citée affirme avoir acheté le terrain après des années d’exploitation sous prêt, le second objecte qu’il n’en est rien et soutient qu’il a été grugé. Enquête !

Rakièta Compaoré, enseignant-chercheur à l’université Ouaga 1 Joseph-Ki-Zerbo n’avait jamais imaginé que l’achat d’un terrain de 10 hectares, à 5 millions de F CFA, selon ses dires, allait l’entraîner au Tribunal de grande instance de Ouagadougou. A l’écouter, tout a commencé en 1999, alors qu’elle était encore étudiante. «Je voulais réaliser un rêve qui me tenait à cœur, celui de mettre en place un projet d’agriculture et d’élevage à Roumtenga, un village de l’arrondissement n°4 de Ouagadougou», explique-t-elle. Pour ce faire, elle passe par sa tante, Martine Nikièma, habitante du village, pour demander un lopin de terre sous forme de prêt, à un propriétaire terrien du village, Ousmane Ilboudo. Elle obtient une superficie de 500 m2. Durant deux saisons, elle y cultive de l’arachide. Celle qui deviendra enseignant-chercheur engage des femmes et des jeunes du village pour les travaux dans le champ. A en croire Martine Nikièma, à la troisième année d’exploitation, Ousmane Ilboudo l’a approchée pour lui soumettre une idée d’augmenter la superficie, vu que Rakièta Compaoré s’intéresse à l’agriculture. Dans un second temps, le propriétaire terrien est revenu à la charge, cette fois-ci, avec une option de vente. «Ousmane Ilboudo m’a proposé que si Rakièta le désire, il peut lui vendre le terrain. Mon mari (Alphonse Ilboudo, Ndlr) et moi lui avons répondu qu’elle est en déplacement et que nous l’informerons une fois de retour. Quand celle-ci est revenue de son voyage, nous lui avons transmis la commission. Elle et Ousmane Ilboudo se sont rencontrés et elle a acheté le terrain», raconte Martine Nikièma.
Mais le propriétaire terrien conteste ces propos. Pour lui, il n’y a pas eu de vente de terrain. Bien au contraire, au cours de la troisième année, c’est le mari de Martine Nikièma, qui l’a approché pour faire une proposition. «Alphonse Ilboudo est venu m’informer que Rakièta Compaoré a des amis européens qui veulent l’aider à installer une unité de transformation dans le village et que si je suis d’accord, elle va exploiter une partie du terrain. Je lui ai répondu que si cela peut profiter à tout le village, notamment les jeunes et les femmes, je n’y trouve pas d’inconvénients! Donc, j’ai délimité la partie qu’elle voulait exploiter. Sur les 10 hectares, je lui ai donné 5 hectares», déclare-t-il. Si Ousmane Ilboudo reconnaît avoir reçu de l’argent des mains de Rakièta Compaoré, il persiste n’avoir pas vendu son terrain. Selon lui, estimant avoir été généreux en prêtant son terrain, l’enseignant-chercheur a manifesté de la reconnaissance à son égard, en lui faisant en retour des cadeaux en numéraires à plusieurs reprises. N’avez-vous pas signé de document attestant que vous avez vendu le terrain ? «Je reconnais avoir signé trois documents attestant chacun que j’ai reçu la somme de 500 000 F CFA des mains du frère de Rakièta Compaoré. Un soir, elle est venue en compagnie de Alphonse Ilboudo me donner la somme de 300 000 F CFA. Après cela, c’est sa tante qui m’a remis la somme de 700 000 F CFA. Ce jour-là, j’étais avec son mari Alphonse Ilboudo. Pour moi, il s’agissait de dons», défend-il. En tout et pour tout, à en croire Ousmane Ilboudo, il aurait reçu la somme de 2 500 000 F CFA. Une version que l’enseignante de l’université Ouaga 1 rejette en bloc. Pour elle, Ousmane Ilboudo a bel et bien vendu le terrain de 10 hectares à 5 millions de F CFA. «C’est un harcèlement qu’il a fait parce qu’il avait besoin d’argent. Je lui ai dit que je n’avais pas de la liquidité, mais que j’étais disposée à payer par tranche. En ce moment, je n’avais pas encore soutenu ma thèse», relate-t-elle.

Les témoins

Ainsi, elle dit avoir versé successivement au propriétaire terrien les sommes de : 600 000 F CFA, 800 000 F CFA, 1 200 000 F CFA , 1 200 000 F CFA et 600 000 F CFA. «Quand j’achetais le terrain, il était le seul représentant et il m’a rassurée que ses frères et sœurs étaient d’accord», ajoute-t-elle.
Parmi les témoins de l’enseignante, un seul, en l’occurrence le conseiller municipal du village en son temps, Maxime Zangré, n’a pas confirmé qu’il y a eu vente de terrain. «Ousmane Ilboudo m’a contacté qu’il veut mettre son terrain à la disposition de l’enseignante. Il a souhaité que je sois témoin pour établir le procès-verbal de l’arbre à palabre vu que je suis le conseiller municipal du village. J’ai demandé à la dame si la mairie l’autorisera à établir les documents étant donné que le terrain a une superficie de 10 hectares ? Elle a répondu par l’affirmative. Donc le procès-verbal a été signé. C’est après que j’ai appris qu’il y a un malentendu entre les deux concernant le terrain», fait-il savoir. A l’opposé, plusieurs autres témoins plaident en faveur de Rakièta Compaoré. «Je confirme que l’enseignante a versé la somme de cinq millions de F CFA à Ousmane. J’ai même signé les documents pour témoigner lors de la remise de l’argent», corrobore Alphonse Ilboudo. Pour avoir été témoin dans la vente du terrain, Paul Ilboudo, un habitant du village, confie que le propriétaire terrien lui a même remis la somme de 5 000 F CFA. Et le patriarche du village, Migomsida Ilboudo, d’affirmer que c’est Ousmane Ilboudo lui-même qui est venu chercher sa pièce d’identité pour établir le procès-verbal de l’arbre à palabre. «Il m’a remercié en me remettant la somme de 5 000 F CFA», ajoute-t-il. Malgré ces témoignages, Ousmane Ilboudo reste sur sa position. Il va plus loin en évoquant l’achat de conscience. «Rakièta Compaoré les a tous corrompus avec de l’argent. Quand elle m’a convoqué au commissariat concernant l’affaire, elle s’est arrangée de sorte qu’on n’appelle pas Alphonse Ilboudo qui a suivi tout le processus. Si je savais qu’elle allait passer par cette supercherie pour avoir mon terrain, je ne me serais pas engagé», se morfond-il.
Lorsque nous avons demandé les copies des documents attestant la vente du terrain, Rakièta Compaoré s’est opposée à cette requête bien qu’elle nous l’ait promis lors de l’entretien. Malgré notre insistance, l’enseignant-chercheur est restée droit dans ses bottes. D’abord, elle promet de nous revenir après avoir consulté son avocat. Ensuite, elle nous oriente vers ce dernier qui ne répond ni aux appels, ni aux messages. Enfin, elle refuse que sa photo paraisse dans le journal. Pourquoi l’enseignant-chercheur refuse de nous présenter les copies des documents de vente? Mystère et boule de gomme !
Une autre énigme de cet imbroglio est que ni le frère cadet du propriétaire terrien, Bruno Ilboudo, ni leur mère, Kombassé Rouamba, n’étaient au courant de ce qui se tramait entre Ousmane Ilboudo et l’enseignant-chercheur concernant le terrain qui est, en réalité, un héritage familial. Si Bruno Ilboudo a été informé du prêt du terrain à Rakièta Compaoré pour exploitation, il ne savait goutte d’une quelconque vente de terrain. Et il en est de même pour la mère. Le frère cadet, rentré définitivement du Sourou où, il travaillait dans les plaines en 2015, l’apprendra lorsqu’il a été convoqué par les services des eaux et forêts parce qu’il a abattu un karité de la parcelle sur instruction de sa mère. «Un agent est venu me présenter un document stipulant qu’une femme a acheté le terrain et qu’elle voudrait qu’on replante des arbres pour remplacer celui abattu. Comme amende, je dois reboiser avec 300 arbres. Quand j’ai appelé la femme, elle m’a répondu qu’elle n’avait pas affaire à moi concernant le terrain», explique le frère cadet. A en croire Bruno Ilboudo, son frère aîné et lui ont séjourné à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) en juillet 2016, à la suite d’une plainte que l’enseignant-chercheur a déposée au commissariat pour menace de mort. Quant à la mère, une octogénaire, elle dit être tombée des nues lorsqu’un soir, Rakièta Compaoré est venue l’informer qu’elle est la propriétaire du terrain de son défunt mari. Une parcelle sur laquelle elle a cultivé durant une quarantaine d’années après le décès de celui-ci. L’affaire portée devant les juridictions attend toujours de connaître le véritable propriétaire du terrain. Mais en attendant, ce sont des membres de la grande famille Ilboudo qui se regardent en chiens de faïence dans le village de Roumtenga.

Paténéma Oumar OUEDRAOGO
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