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La RN3, une route qui bouleverse la vie des femmes
Publié le jeudi 15 juin 2017  |  Sidwaya
La
© Autre presse par DR
La maquette de l`aéroport de Donsin




Les travaux d’aménagement des voies d’accès au futur aéroport de Donsin, notamment la réhabilitation de la Route nationale n°3 (RN3), sont prévus pour être achevés au premier trimestre de l’année 2018. En attendant, leur impact s’abat lourdement sur l’activité économique de certaines femmes riveraines.

Initiés depuis 2013, les travaux de réhabilitation du tronçon Ouagadougou-Loumbila de la Route nationale n°3 (RN3) sont éprouvants pour les riverains et les usagers. Alors que l’entreprise attributaire du marché (MSF) vient d’obtenir une prorogation des délais, portant désormais la date probable de fin des travaux au premier trimestre de l’année 2018, des espoirs et inquiétudes sont entretenus insidieusement tout le long de cette route. A Loumbila, au bord du barrage, sous les caïlcédrats à la lisière de la voie, des dizaines de femmes attendent impatiemment la fin de ces travaux. Sous l’ombre de ces majestueux arbres, cela fait au minimum dix ans qu’elles vendent des légumes frais aux usagers de cette route. Le 11 mai 2017, quelques 5 jours avant la fête de Pâques, le marché est morose comme tous les jours depuis que les travaux de réhabilitation de la voie sont au niveau du lieu de commerce de ces dames. Lucie Ilboudo, 36 ans, mère de cinq enfants fait la lessive près de son étal de tomates et d’oignons, pendant que la pelleteuse de l’entreprise MSF creuse un caniveau à quelques mètres. Mme Ilboudo a commencé à vendre des légumes en ce lieu aux lendemains de son échec à l’examen du BEPC en 2000. Dix-sept ans après, son activité qui lui permet de soutenir sa famille à bout de bras traverse pour la première fois une période d’incertitudes. «Depuis que les travaux de la route ont débuté, les clients se font de plus en plus rare», murmure-t-elle. «Nous savons que la construction de cette route est très importante, mais ça fait que nous on ne vend plus», ajoute-t-elle tout en éloignant son dernier né qui cherche à plonger les mains dans l’eau sale des habits. Les vendeuses, sous les caïlcédrats ont été prévenues depuis janvier 2014 des travaux de réfection de la RN3. Elles ont été conviées en même temps que les populations à des réunions à la mairie de Loumbila au cours desquelles l’envergure de ce projet, financé à hauteur de 42,5 milliards de francs CFA, par la Banque mondiale et entrant dans le cadre de la construction de l’aéroport de Donsin, leur a été présentée : réhabilitation du tronçon Ouagadougou-Loumbila (17,5 km) ; construction d’une nouvelle voie bitumée reliant Loumbila à Nioniogo (24,3 km), réhabilitation de pistes rurales aux alentours de la zone de Donsin sur environ 40 km. Caroline Bonkoungou, celle que les vendeuses ont choisie comme porte-parole pour leur cause est d’avis que les travaux vont améliorer le trafic routier et accélérer le développement dans leur commune.


Moult espoirs au bord de la route du développement


«La voie va être élargie, elle sera beaucoup utilisée et nous en serons tous bénéficiaires», reconnaît-elle. Mais en attendant de voir se concrétiser cette perspective de développement communal, leur activité est en berne. «Notre souci actuellement, c’est de maintenir notre crédibilité vis-à-vis de nos créanciers, nos fournisseurs», confie la porte-parole. Les vendeuses prennent des légumes à crédit auprès des maraîchers de Loumbila et des villages des environs comme Ziga, Zitenga et Korsimoro. Dans cette situation de mévente, elles sont dans l’impossibilité de régler leurs créances et risquent donc de perdre la confiance des producteurs. Elles ont espéré être prises en compte dans les dédommagements octroyés aux personnes déguerpies dans le cadre des travaux. Mais les règles d’indemnisation pour expropriation ne leur est pas applicable selon la Maîtrise d’ouvrage déléguée de l’aéroport de Donsin (MOAD). Momo Pinsarê, assistant de la personne chargée des questions sociales et environnementales de la MOAD estime que les barèmes de compensation attribués aux personnes affectées par le projet ne s’appliquent pas aux activités mobiles. C’est-à-dire, celles qui ne sont pas menées dans des installations fixes telles que des hangars, magasins.... Mais conscient de l’importance de ce commerce pour la vie de ces femmes et de leurs familles, le projet prévoit une mesure spéciale pour elles. «Nous allons conserver les caïlcédrats et aménager un terre-plein avec une voie de contournement pour permettre aux clients de bifurquer et rejoindre les vendeuses plutôt que de s’arrêter au bord de la voie comme c’est le cas jusqu’à présent», promet Jacques Konkobo, chargé de communication de l’entreprise MSF. Cela ravit les vendeuses. Encore faut-il que leur clientèle leur reste fidèle. Alors, plutôt que de faire une pause et d’attendre sagement la fin des travaux, Caroline Bonkoungou et quelques camarades continuent de marquer leur présence sous les gros arbres au bord de la voie. «Au moins, même si les travaux font que les usagers ne peuvent pas s’arrêter, au moins ils nous voient et on reste dans leur mémoire», analyse Sylvie Ouédraogo, approuvée par les huit autres vendeuses qui ont sorti leurs étals ce jour. Aucune n’envisage la fin de cette activité. «J’ai acheté ma moto, je soutiens mon mari dans les charges du ménage et paie parfois la scolarité de mes enfants…», explique Lucie Ilboudo. Rassemblées autour de la lessiveuse, les femmes affichent un visage grave. Et lorsque chacune s’exprime, ce sont des espoirs qu’elle sème au bord de la route du développement.


Fabé Mamadou OUATTARA
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