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Première guerre mondiale : l’histoire méconnue du Sequana et de ses tirailleurs…voltaïques
Publié le samedi 3 juin 2017  |  Ambassade
Première
© Ambassade par D.R
Première guerre mondiale : l’histoire méconnue du Sequana et de ses tirailleurs … voltaïques
Le dimanche 28 mai 2017 a eu lieu la commémoration du centenaire du naufrage du navire, le Sequana à l’Ile d’Yeu, une commune française située dans le département de Vendée en Pays de la Loire




Le dimanche 28 mai 2017, l’ambassadeur du Burkina Faso en France, Alain Francis Gustave Ilboudo, a conduit une forte délégation comprenant le délégué national aux anciens combattants et anciens militaires du Burkina Faso, le colonel-major Aly Paré, et l’attaché de défense, le colonel-major Silas Keita, à une cérémonie commémorative du centenaire du naufrage d’un navire, le Sequana. C’était à l’Ile d’Yeu, une commune française située dans le département de Vendée en Pays de la Loire.

Le drame du Sequana, dont le centenaire a été commémoré par la commune, est un pan méconnu de l’histoire des tirailleurs sénégalais, dont principalement des Voltaïques.
Le Sequana est un paquebot mixte de 138 mètres de long. Réquisitionné dès le début de la guerre 14-18 pour le transport de troupes, le navire va appareiller le 27 avril 1917 du Port de Buenos-Aires. Après une escale à Montevideo et Rio de Janeiro, il accoste à Dakar le 18 mai qu’il quitte 10 jours plus tard, à destination de Bordeaux.
A son bord, 665 personnes, dont 166 passagers civils et 400 tirailleurs sénégalais appartenant au 90è bataillon d’infanterie coloniale en partance pour le front. Le navire compte aussi 99 marins et membres d’équipage. Dans les cales du navire mixte, 2 000 tonnes de blé, de café, de haricot, de balles de peaux, de laine et de tabac destinées à ravitailler les troupes au front.
En cette période de la première guerre mondiale, l’Allemagne a lancé une offensive sous-marine à outrance. Le sous-marin UC-72 va torpiller et envoyer sous fond plusieurs navires. Le Sequana a été une de ses victimes. En effet, le 8 juin 1917, le navire croise au large de l’Ile d’Yeu. La visibilité est médiocre et malgré toutes les précautions, il est repéré par l’UC-72 en chasse dans le secteur. Peu avant 3h du matin, une torpille frappe le Sequana à tribord et l’eau s’engouffre rapidement. La situation dramatique est expliquée aux soldats par les sous-officiers africains. Il y a le problème de la langue, la plupart des jeunes recrues sont originaires du Sahel, ne savent donc pas nager. Ils viennent pour la plupart de l’actuel Burkina Faso, parlent le mooré, que ne parlent pas les gradés sénégalais.
A 3h30, les cales noyées, le Sequana s’enfonce à l’avant. Il repose aujourd’hui à 47 mètres de profondeur. Le bilan est effroyable : sur les 665 personnes qui étaient à bord, 458 ont été sauvées parmi lesquelles 202 tirailleurs noirs, dont tous les gradés, un adjudant, un sergent et deux caporaux ; 207 autres personnes dont 198 tirailleurs, 3 passagers et 6 hommes de l’équipage ont disparu.

Devoir de mémoire

L’on doit à la ténacité du maire de l’Ile d’Yeu, Patrice Bernard, le rappel à la mémoire collective de ce drame longtemps méconnu, même par les habitants de l’Ile; mais surtout à l’historien Jean-François Henry qui raconte le Sequana dans ses travaux de recherches consignés dans un ouvrage intitulé « L’Ile d’Yeu dans la grande Guerre », paru en 2014 (Editions du CVRH). « C’est rendre justice que rappeler le sacrifice de ces gens. On ne peut pas laisser ce silence sur le plus meurtrier des torpillages de la première guerre mondiale autour de l’Ile », se confie-t-il au magazine « La Gazette », un journal local (NDLR : numéro 234 du 28 avril 2017). En effet, alors que le sort d’un vapeur norvégien, l’Ymer, coulé lui aussi en janvier 1917 par une torpille allemande avec beaucoup moins de victimes, est commémoré sous l’angle de la bravoure et de l’exemplarité des sauveteurs islais (NDLR : habitants de l’Ile d’Yeu), le Sequana, lui, s’est enfoncé au fil des ans dans les méandres de l’oubli.
Plusieurs facteurs, selon l’historien se confiant toujours au journal, expliquent cette situation. Le drame du Sequana n’a pas causé de pertes parmi les Islais et ceux-ci n’ont pas vu les morts. En effet, tous les corps, à l’exception de deux, ont été à la dérive et se sont retrouvés dans d’autres localités, où ils ont été enterrés. Quant aux rescapés qui ont été récupérés, ils ont été immédiatement convoyés dès le lendemain sur Saint-Nazaire. Autre raison possible évoquée par « La Gazette » : « il n’est pas exclu que la censure sur un acte comptabilisé parmi les victoires de l’ennemi ait fait son effet ».
Pour la commémoration du centenaire, une stèle en bronze en mémoire des naufragés du Sequana a été dévoilée le 28 mai 2017 à la plage dite « des Vieilles », tandis qu’une exposition photographique a été dressée sur les quais du port. Leur rendant hommage, Jean-François Henry relèvera que « ces soldats venus du bout du monde après avoir sombré dans les profondeurs de nos rivages furent victimes d’un nouveau naufrage, celui de nos mémoires.
Les courants marins ont dispersé les corps des malheureux tirailleurs, comme pour effacer l’horreur du combat. Ils reposent aujourd’hui loin de nos côtes, dans les cimetières des îles de Ré, Aix, Oléron, La Rochelle. Un seul corps a été retrouvé quelques jours plus tard, sur la côte de l’île. Le malheureux portait encore à son bras sa plaque d’identité sur laquelle on pouvait lire : Da Yaboué. »

Da, Kaboré et autres, des Voltaïques

Le corps du tirailleur Da Yaboué, échoué sur les côtes de l’Ile d’Yeu, renseigne sur l’origine voltaïque de la plupart des infortunés, venus se battre pour un pays qu’ils ne connaissaient pas, et qui n’était pas de surcroît le leur. Beaucoup d’entre eux avaient été recrutés dans le Cercle de Ouagadougou. Dans les carrés des autres villes, où les corps d’autres victimes ont été inhumés, on recense des noms comme Rawende Kaboré, Doaga Karambera, Bila Guigma, Bila Zango, Koulobé Niambéougo, Yemdaogo Kerembega, Tendaogo Ouidraogo, Tennoaga Zoungrana…
« Il faut éviter le naufrage des mémoires », dira le maire de l’Ile d’Yeu. Et pour cela, un coup de pouce a mis les autorités de l’ambassade sur les traces de ce devoir de mémoire. Car si les travaux de l’historien Jean-François Henry ont relevé le sacrifice des tirailleurs sénégalais et que la mairie a tenu à dresser un monument commémoratif à leur mémoire, il n’était pas évident que le Burkina Faso fût associé d’autant que le centenaire n’avait pas un caractère national, mais plutôt local. C’est sur alerte de Xavier Dubois, islais franco-burkinabè, fort de ses connaissances sur les patronymes des habitants du pays des Hommes intègres, que les autorités de l’Ile ont orienté leurs recherches vers le Burkina Faso et décidé d’inviter les plus hautes autorités nationales à cette commémoration. Jean-Luc Drapeau, ancien parlementaire français et grand ami du Burkina, a, lui, offert ses services pour faciliter le contact entre la représentation diplomatique burkinabè en France et les élus de l’Ile d’Yeu.
A la tribune du dévoilement de la stèle commémorative, Alain Francis Gustave Ilboudo a demandé une minute de silence à la mémoire de ces tirailleurs morts pour la France. Il avait à ses côtés l’ambassadeur de Norvège, Rolf Einar Fiffe (NDLR : son pays a perdu, aux larges des côtes d’Iles d’Yeu, l’Ymer, le 28 janvier 1917, torpillé lui-aussi par un sous-marin allemand). Pour Alain Ilboudo, « ce pan de l’histoire gagnerait à mieux être documenté, diffusé et enseigné. Dans cette optique, ce travail de recherche devrait se poursuivre au sein d’équipes pluridisciplinaires intégrant des chercheurs et des spécialistes en sciences humaines et sociales des pays africains concernés »
C’est au sculpteur Arnaud Kasper qu’il a été demandé de consigner pour la postérité la mémoire des naufragés du Sequana. Il a imaginé une sculpture d’épave, surmontée d’une tête d’Africain, le regard grave. « Une partie du Burkina se trouve désormais sur les côtes françaises », soupire l’ambassadeur Ilboudo à la fin de la cérémonie. L’esprit des tirailleurs voltaïques souffle sur l’Ile d’Yeu et on pourrait dire à la suite du poète, qu’avec cette stèle, plus que jamais, « Les Morts du Sequana ne sont pas morts ».

R. A. BAMBARA
Ambassade du Burkina à Paris
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