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Emmanuel Mitte, spécialiste à propos de l’apatridie
Publié le jeudi 18 mai 2017  |  Sidwaya




L’apatridie touche des milliers de citoyens ouest-africain. Réunis, à Banjul, en Gambie, le 9 mai dernier, les ministres en charge de la question de nationalité ont adopté un plan d’actions régional pour éradiquer le phénomène. Dans cette interview, Emmanuel Mitte, spécialiste des questions d’apatridie au Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), nous explique dans les lignes qui suivent, les enjeux de la rencontre de Banjul, les efforts des Etats dans la lutte contre l’apatridie…


Sidwaya(S) : L’Afrique de l’Ouest est une des régions du monde qui regorge le plus d’apatrides. Qu’en est-il exactement de la situation?

Emmanuelle Mitt (E.M) : Le nombre d’apatrides est très important en Afrique de l’Ouest. On estime à un million, les personnes apatrides. Aussi, il y a au moins 60 millions de personnes qui sont à risque d’apatridie en Afrique de l’Ouest, parce qu’elle ne dispose d’aucune information sur leur identité juridique. Elles ne peuvent pas démontrer qui elles sont, où elles sont nées, qui sont leurs parents. Si vous ne disposez pas de ce sésame, à savoir des informations sur votre état civil, vous ne pouvez pas réclamer la nationalité d’un Etat. Car, vous ne disposez pas de preuves de qui vous êtes.

S. : En 2014, les chefs d’Etat ouest-africains à travers la déclaration d’Abidjan se sont engagés à contribuer à la lutte contre ce phénomène. Depuis lors, est-ce que les lignes ont bougé dans le combat que le HCR et ces Etats mènent?

E. M. : Les sources de l’apatridie sont à trouver dans les actions et inactions de l’Etat. Les lois ne sont pas bonnes ou suffisamment pas bonnes. Or, ce sont les parlements qui votent les lois. L’enregistrement des naissances n’est pas suffisant. Pourtant, c’est l’Etat qui en a la charge. A Abidjan, les Etats ont exprimé la volonté politique de lutter contre l’apatridie. Sans cette volonté politique, vous ne pouvez pas changer les lois, améliorer l’enregistrement des naissances. Donc, la déclaration d’Abidjan est un moment clé dans l’histoire de la lutte contre l’apatridie en Afrique de l’Ouest. Les pays de la CEDEAO ont reconnu qu’il y a un problème, et expriment leur volonté politique de le régler. Il y a eu des avancées parce qu’aujourd’hui, la plupart des Etats ont adhéré aux conventions sur l’apatridie, au moins sept pays sont en train de réformer leur loi sur la nationalité, pour en expurger toute sorte de discrimination (genre, ethnique…)qu’elle pourrait contenir. Aussi, les Etats se sont engagés à améliorer l’enregistrement des naissances. C’est ce qu’on constate quasiment dans tous les pays.

S. : Parlant d’enregistrement des naissances, iCivil que le Burkina Faso expérimente actuellement ne serait pas une solution pour tous les Etats ?

E. M. : Effectivement, une très belle initiative est en cours en ce moment au Burkina Faso. Elle a été présentée aux Etats lors de la conférence ministérielle à Banjul tenue le 9 mai dernier. C’est une réponse africaine à un problème africain. Peut-être que ce trouvail appelé iCivil au Burkina, qui permet d’enregistrer électroniquement les enfants dès leur naissance est l’initiative qu’il faudrait dupliquer dans les autres Etats pour s’assurer que d’ici à 2024, tous les enfants seront enregistrés à la naissance et ou ceux qui ne le seront pas dans les délais légaux puissent obtenir ce fameux sésame qui est l’extrait de naissance. Il y a des progrès qui sont en cours. Mais lorsqu’on a un million de personnes apatrides, pour les évaluer souvent, il faudrait savoir combien de personnes ont obtenu la nationalité, c’est ce qui est difficile. Les Etats ne nous donnent pas encore des chiffres, parce qu’il n’y a pas de mécanismes pour collecter de manière complète, tous les efforts qui sont faits sur le plan national pour lutter contre l’apatridie. L’action de lutte contre l’apatridie est une action transversale. Elle implique plusieurs ministères. Donc, il faut une meilleure coordination. Mon vœu, c’est ce que le rôle des points focaux apatridie qui ont été nommés par les gouvernements soit renforcé pour une meilleure lutte.

S. : Pensez-vous que la rencontre de Banjul permettra de lever toutes les difficultés…
E. M. : Oui. Le plan d’actions régional de lutte contre l’apatridie adopté par les ministres en charge des questions de nationalité répond à un besoin qui est né de la déclaration d’Abidjan. Maintenant, il faut accompagner les Etats pour mettre en œuvre leurs actions. Et, le plan d’actions régional répond à ce besoin.
Dans ce dernier, au moins 60 mesures ont été adoptés par les Etats pour mettre en œuvre les obligations qu’ils ont pris à Abidjan. Je n’ai aucun doute que les pays ont la volonté de mettre en œuvre leurs engagements. Ils ont besoin de soutiens, et d’expertises,mais pas seulement celui de la CEDEAO et du HCR. D’autres acteurs comme la Banque mondiale, ont d’énormes projets pour aider les populations à obtenir une identité juridique.

S. : Le HCR et ses partenaires pourront gagner le pari d’éradiquer l’apatridie dans la partie ouest de l’Afrique d’ici à 2024?

E.M : Les Etats se sont engagés à se réunir tous les ans pour faire le point, partager les bonnes pratiques en matière d’enregistrement des naissances, de réduction des cas d’apatridie. Il faut que les techniciens partagent ces expériences, les ministres dupliquent les bonnes expériences dans leur pays. Ce qui permettra d’avoir plus d’actions qui auront l’effet recherché dans la CEDEAO.
C’est-à-dire, s’assurer que tous les enfants sont enregistrés à la naissance, qu’ils disposent d’une nationalité et que tous les adultes qui sont sans documents d’identité en possèdent. Quand nous atteindront ces trois objectifs phares, la région de la CEDEAO se portera beaucoup mieux en termes de droit à la nationalité. Le pari de 2024 est ambitieux. Mais, les Etats de la CEDEAO se sont dotés d’outils qui font que si celui-ci est ambitieux, il n’est pas non plus irréaliste.

Interview réalisé à Banjul par :
Abdel Aziz NABALOUM
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