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Pomme de terre dans la région du Nord : La conservation, un casse-tête pour les acteurs
Publié le jeudi 13 avril 2017  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Le Burkina est l`un des grands pays producteurs de la pomme de terre




La pomme de terre est beaucoup cultivée au Burkina Faso dans la région du Nord. Le tubercule jaune demeure l’un des produits le plus commercialisé de la région et prisé d’une manière générale par les populations burkinabè. Cependant, les acteurs déplorent les difficultés liées à sa conservation, sa commercialisation et même à la cherté des intrants pour sa production.

Samedi 25 mars 2017 à Titao, chef-lieu de la province du Loroum dans la région du Nord. Un jour particulier pour les populations et les acteurs de la filière pomme de terre qui ont célébré la 15e édition de la fête du tubercule jaune. Un cadre promotionnel qui témoigne de l’intérêt accordé à cette légumineuse dont la production a le vent en poupe dans la région du Nord. A en croire les producteurs du Loroum, pour cette campagne, les prévisions sont de l’ordre de 3525 tonnes de pomme de terre sur environ 120 ha, soit un chiffre d’affaires attendu de près d’un milliard de FCFA. Même son de cloche chez les producteurs du Yatenga. Selon le président de l’Association professionnelle des maraîchers du Yatenga (ASPMY), Salam Ouédraogo, la campagne de la pomme de terre s’annonce bien à leur niveau. « Cette année ça va, on rend grâce à Dieu. A notre niveau, nous avons importé 100 à 120 tonnes (t) de semences de pomme de terre. En ce qui concerne la production, nous avons atteint plus de la moyenne, malgré le manque de froid cette année », se réjouit Salam Ouédraogo. Pour lui, cela est dû au fait que les semences soient venues à temps, en qualité et en quantité suffisante. Car dit-il, la fraîcheur joue beaucoup sur le rendement de la pomme de terre. « Avec le changement climatique, au lieu de nous apitoyer sur notre sort, nous essayons de nous adapter », confie le président de l’ASPMY.Cependant, cet engouement autour de cette spéculation cache des disparités. A entendre le technicien chargé d’appuyer les producteurs au niveau de l’approvisionnement en semences de pomme de terre, en technique de production et de commercialisation, de la Fédération nationale des groupements NAAM (FNGN), Antoine Forgo, la production de la pomme de terre n’est bénéfique que pour le producteur professionnel. « Car ce dernier va d’abord faire une prévision de campagne, élaborer un compte d’exploitation et un compte de résultat. Sur un hectare de pomme de terre, les dépenses tournent autour de 1 600 000 F CFA, et la production peut atteindre 15 à 20 tonnes. Même s’il vend la tonne à 200 000 FCFA, il trouvera que c’est rentable»,estime-t-il. Toutefois, M. Forgo a fait savoir que la production du tubercule jaune requiert une disponibilité en terre, en engrais, en compost et en eau. « Ce qui fait que les petits producteurs ou producteurs indépendants, ceux produisant sur des petites superficies, n’arrivent pas à rentabiliser et amoindrir les coûts de production de façon significative »,explique M. Forgo. Il souligne d’ailleurs que ceux-là, sont les plus nombreux et font face à plusieurs charges. « Cela fait 9 ans que je suis dans ce métier. A vrai dire, cette année, c’est encore pire », avoue Djibrill Ouédraogo, producteur de pomme de terre. En effet, même si les producteurs indépendants reconnaissent que la pomme de terre est génératrice de revenus, ils regrettent que ces dernières années,
l’activité ne soit plus rentable. Selon Djibrill Ouédraogo, les difficultés auxquelles ils sont confrontés sont, entre autres, l’importation de la pomme de terre, la fixation arbitraire du prix de la pomme terre par les acheteurs (125 F le kg), la cherté des intrants. Salif Sawadogo atteste que la tonne de pomme de terre est achetée à 222 500 F CFA. Cependant, il affirme qu’après déduction des charges y compris la main d’œuvre qui lui coûte 17 500 par personne, il ne lui reste pratiquement rien. En ce qui concerne la fixation arbitraire du prix par les gros acheteurs, les producteurs disent être contraints de subir. « Ils nous achètent la pomme de terre à crédit et partent la vendre à Ouagadougou ou hors du Burkina, avant de nous rétrocéder notre argent, deux semaines ou 20 jours après », déplore Salif Sawadogo. Toutefois, les producteurs de pomme de terre sont unanimes du fait que leurs difficultés majeures portent sur la cherté des intrants, la problématique de la conservation, la commercialisation et le manque de points d’eau. D’une seule voix, ils lancent un cri du cœur pour la réhabilitation des barrages de la région et la construction d’autres barrages et forages, ainsi que de chambres froides de type solaire pour la conservation, compte tenu du coût très élevé du courant pour les paysans.

L’appui de l’Etat souhaité

« Cela va permettre de réduire les coûts de production et de rendre la pomme de terre accessible à toute la population », explique le président d’ASPMY. Salam Ouédraogo indique qu’en plus des points d’eau, il faut promouvoir de nouvelles techniques de productions telles que l’irrigation ‘’goutte à goutte’’, l’utilisation des puits avec des pompes solaires etc., pour que la pomme de terre soit disponible sur le marché de façon pérenne.
Antoine Forgo souhaiterait que l’engrais puisse être subventionné par l’Etat.
Car explique-t-il, la pomme de terre a besoin d’un engrais spécifique. « Le meilleur engrais est le 12 22 22 qui coûte 22 500 F CFA le sac de 50 kg. Cela est coûteux et n’est pas à la portée des petits producteurs »,argumente-t-il. M.Forgo déplore le fait que la pomme de terre du Burkina Faso après sa récolte dans le mois de janvier, février et mars est concurrencée par celle d’autres pays sur le marché national. « Nous ne demandons pas d’interdire l’importation de la pomme de terre. Nous voulons qu’au moment de nos récoltes, qu’on puisse suspendre la vente de la pomme de terre importée et reprendre, après la vente de nos tubercules », sollicite également Djibrill Ouédraogo. En ce qui concerne la conservation de la pomme de terre le président d’ASPMY précise : « C’est comme toute récolte ; ici la particularité est que la conservation est difficile et requiert assez de moyen », note-t-il.
Mais, mentionne-t-il, des solutions sont proposées par les professionnels de la filière. Selon Salam Ouédraogo, l’ASPMY est en train d’innover en construisant des maisons souterraines et des maisons en banco. « Ces techniques de conservation traditionnelle nous permettent de conserver la pomme de terre pendant au moins trois mois », affirme-t-il. Antoine Forgo confie que la pomme de terre possède en elle-même 80% d’humidité, d’où la difficulté pour sa conservation. Par contre, compte tenu de l’expérience de la FNGN,M. Forgo conseille aux producteurs de ne pas miser sur la conservation. « Au départ, le groupement avait essayé la création de cave de conservation en l’occurrence des caves souterraines. Mais nous nous sommes rendu compte que la conservation ne dure que 40 jours. Pour ce qui est des chambres froides, la conservation peut atteindre deux à trois mois, mais elle est coûteuse », indique-t-il. Toutefois, il suggère l’utilisation du bio au détriment de l’engrais minéral aux producteurs. D’après lui, la conservation de la production issue du bio dure plus. Mais l’inconvénient est que la production bio donne de petits tubercules qui ne sont pas bien commercialisés, a-t-il fait savoir. Antoine Forgo propose une autre alternative qui est le planning de la production. « C’est-à-dire, échelonner les productions et les récoltes sur 2 ou 3 temps, de sorte à minimiser la conservation », suggère-t-il. Pour lui, à travers cette technique, le producteur peut utiliser de l’engrais chimique pour la première phase de production et le bio lors des autres phases. De même, Salam Ouédraogo offre comme solution, l’exportation de la pomme de terre. Mais, il précise que la condition est que les producteurs produisent en quantité et en qualité pour faire face à la concurrence. « Nous avons fait des études du marché qui prouvent que nous pouvons produire 10 fois plus et commercialiser sans problème », certifie-t-il.

Le calvaire des vendeuses

Si les producteurs arrivent un tant soit peu à s’en sortir, pour les vendeuses de pomme de terre, c’est la croix et la bannière. Safiéta Lèga, Salimata Sawadogo, Adjara Sawadogo, assises devant leurs marchandises, déplorent leur situation. Selon elles, le travail est pénible et non lucratif. « A vrai dire, la vente de la pomme de terre n’est pas rentable. C’est pour ne pas chômer que nous sommes toujours là. A cette allure nous risquons d’arrêter », confessent-elles. D’après Safiéta Lèga, son bénéfice journalier tourne autour de 500 FCFA et quelquefois elle entre à la maison bredouille. « Nous achetons le kg à 125 et 250 F CFA en fonction de la qualité de la pomme de terre auprès des producteurs. Nous revendons le kg de 250 F à 250 F et celui de 125 à 150 F ou à 200 F. Souvent nous faisons le mélange afin de rentabiliser », explique Salimata Sawadogo. La difficulté majeure, d’après Adjara Sawadogo est que les acheteurs le plus souvent, font le tri des grosses pommes de terre lors des achats. « Nos produits ne sortent pas comme on le souhaiterait. Mais, je crois également que la situation économique du pays peut être aussi à l’ origine de notre mévente », répond Salimata Konfé. A cet effet, Antoine Forgo interpelle les producteurs indépendants et les vendeuses de pomme de terre à travailler en association. « Si les gens sont organisées et travaillent en association, elles pourront s’en sortir et résoudre leurs problèmes facilement et même réduire certains coûts»,conseille -t-il .

Ibrahim ZAMPALIGRE
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