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L’excision : une vieille de 89 ans condamnée à 12 mois de prison
Publié le jeudi 6 avril 2017  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Une prison




Le Secrétariat permanent du Conseil national de lutte contre la pratique de l’excision (SP/CNLPE), en collaboration avec le Tribunal de grande instance de Léo, a organisé une audience foraine, le mardi 4 avril 2017, à Tô dans la province de la Sissili.

Agée de 89 ans, Kadidia Sankara, exciseuse «professionnelle», a écopé d’une peine d’emprisonnement de 12 mois et une amende de 500 000 F CFA assortis de sursis. Le verdict a été prononcé, le mardi 4 avril 2017, par le Tribunal de grande instance (TGI) de Léo, au cours d’une audience foraine à Tô, localité située à 40 km de Léo (sur l’axe Léo-Sabou). Les faits remontent au 21 février 2017, dans le village de Tiéssourou, dans le département de Tô. Ce jour-là, la vieille Kadidia, aidée de quelques personnes, excise sa petite-fille, Safiatou Guiro, âgée de 6 ans. A la survenue des complications et des conséquences (hôpital) la police du district de Tô est saisie, l’octogénaire est dénoncée par le père de la gamine, en l’occurrence son propre fils Yacouba Guiro. Commence alors la descente aux enfers de la «mamie» Kadidia (garde à vue, inculpation formelle, etc.). Lors du procès, la prévenue affirme avoir abandonné l’excision, il y a plusieurs années. Pourquoi avez-vous excisé votre petite-fille alors que vous saviez que cette pratique était interdite, interroge le président du TGI de Léo, Bepoadi Sinini. «C’est mon fils Yacouba qui m’a incitée à le faire. Il m’a volontairement induite en erreur», marmonne Mme Sankara à la barre. Tout au long du jugement, cette rengaine sera servie à l’assistance et à la cour. De plus, l’accusée dit avoir quelques problèmes d’audition. L’interrogatoire en prendra un sérieux coup avec en toile de fond une traduction approximative de l’interprète de service. Cette confusion, au grand dam de M. Sinini, du ministère public et de l’assistance, s’étalera sur plusieurs minutes. Qu’avez-vous posé comme acte sur la victime ? «Je l’ai nattée», se défend-elle. La cour n’en croit pas ses oreilles. Le public, malgré la solennité du jugement, ne peut s’empêcher de rire. De mémoire de Burkinabè, la justice ou l’Etat n’a jamais traduit une coiffeuse devant les tribunaux, du moins sur la base de son métier, estime le président du TGI de Léo. «Qu’avez concrètement fait à Safiatou», demande-t-il, l’air quelque peu agacé. Je l’ai excisée, finit par lâcher dame Sankara.

Une forme de sensibilisation

Vous avez, au cours des enquêtes préliminaires, confié avoir agi de la sorte pour «aider» Safiatou ? Qu’entendez-vous par ce terme ? «Je n’ai jamais dit que je l’ai aidée. J’ai simplement accéder à une demande de mon fils Yacouba, qui n’a pas hésité après à me dénoncer», maugrée la vieille Kadidia, l’air exaspéré par cette litanie de questions.
Elle n’est pas au bout de ses peines. Le procureur du Faso près le TGI de Léo, Charles Coulidiati et les membres de la Cour repartent à nouveau à l’assaut. Interrogée sur le bien-fondé supposé de l’excision, l’accusée se mélange les pinces (tantôt la non-excision est mauvaise, tantôt l’excision ne répond à aucune exigence coutumière). Pourquoi l’enfant a-t-elle été excisée en cachette au domicile de son père ? «Une séance d’excision se déroule toujours ainsi. Toute petite, j’ai moi-même été excisée en cachette», se défend-elle. Nouveaux éclats de rire, suivis de murmures étouffés dans la salle. Le président Bepoadi Sinini tape du poing sur la table pour un retour au calme. Pour le parquet, Kadidia Sankara était bel et bien consciente de l’illégalité de son acte. «Elle ne conteste pas, par ailleurs, avoir excisé la victime. Elle l’a reconnu tout au long du procès. Sa responsabilité pénale est donc formellement établie», martèle Me Charles Coulidiati, représentant le ministère public. «Nous aurions pu recourir à l’article 5 de la loi sur les violences faites aux femmes. Mais les articles 380 et 381 de notre Code pénal nous ont paru plus appropriés et plus précis. Les peines qui y sont prévues sont dissuasives à l’égard des fautifs et des potentiels contrevenants», souligne-t-il. Toutefois, poursuit-il, l’âge avancé et l’état de santé de la prévenue ne peuvent être ignorés. En outre, Kadidia Sankara, âgée de 89 ans, aurait eu toutes les peines du monde à maîtriser toute seule une fillette de 6 ans. L’enquête va donc se poursuivre. Toute personne mêlée sera jugée conformément à la loi, foi de Me Coulidiati. A ses dires, Yacouba Guiro et sa famille se seraient évanouis, comme par enchantement dans la nature. A l’issue du procès qui a duré plus de deux heures et demie, la secrétaire permanente du CNLPE, Rachel Badolo a confié que l’audience foraine est une forme de sensibilisation. «Nous avons donc sollicité et obtenu que le TGI de Léo se déporte à Tô pour juger les auteurs et les complices d’excision. La population de cette localité, en particulier et celle du Burkina Faso, en général sauront désormais que la répression des Mutilations générales féminines (MGF) est une réalité», a-t-elle indiqué. Pour mémoire, l’audience foraine entre dans le cadre de la mise en œuvre du programme conjoint UNFPA/UNICEF pour l’accélération de l’abandon des MGF.

Aubin W. NANA
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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