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Editorial : Elégance judiciaire
Publié le lundi 27 mars 2017  |  Sidwaya




Elégance judiciaire

Une dizaine de personnes détenues pour leur rôle dans le coup d'Etat présumé de décembre 2015 au Niger, ont été libérées, vendredi 24 mars dernier. Voilà qui est un soulagement pour nombre de familles qui attendaient plus d’un an, la suite de cette affaire dite de putsch déjoué par les hommes du président Mahamadou Issoufou. « Les civils dans leur totalité » ont été remis en liberté, dont des proches de l’opposant nigérien Hama Amadou (exilé en France): Oumarou Dogari, l’ex-maire de Niamey et Issoufou Issaka, ex-ministre de l’Hydraulique. La raison, a expliqué leur avocat, Me Ali Kadri, « il n’y avait pas de charges suffisantes » qui « puissent permettre (…) de continuer à les garder en prison ». Ils ont, par conséquent, bénéficié d’un non-lieu partiel, après 13 mois de détention pour rien.

Néanmoins, cette libération est un acte qui pourrait apaiser le climat politique qui prévaut au Niger et rapprocher davantage le pouvoir et l’opposition. Quand on sait que les sieurs Dogari et Issaka ont été élus députés en mars 2016 au titre du Mouvement démocratique nigérien de Hama Amadou pendant qu’ils croupissaient en prison, il y a lieu de reconnaître que leur libération satisfait des milliers de Nigériens. Même si c’est la justice qui a agi en toute responsabilité, ceux qui tirent aussi les dividendes de cet entrebâillement des geôles nigériennes sont ceux qui gèrent le pouvoir. Cependant, on ne pourrait applaudir des deux mains ce geste, car d’autres Nigériens attendent d’être situés sur leur sort. En effet, douze militaires et trois douaniers avaient été arrêtés et envoyés en prison dans le cadre de ce coup d’Etat déjoué. Le général Souleymane Salou, ancien chef d’état-major, le colonel Idi Abdou Dan Haoua, commandant de la base aérienne de Niamey, le commandant Naré Maidoka, chef du 1er Bataillon d’Artillerie de Tillabéri, Issoufou Oumarou, le commandant d’une force spéciale de lutte antiterroriste logée à la présidence, et le capitaine Amadou Chékaraou, un autre responsable d’une unité d’élite antiterroriste, faisaient partie des écroués de 2015. Que sont-ils alors devenus ? La justice nigérienne dispose-t-elle plus de preuves suffisantes pour les maintenir encore en prison ? Ceux qui disaient : « Nous avons suffisamment de preuves », notamment des « échanges de SMS et de correspondances entre eux » préfèrent-ils ces militaires en prison qu’en caserne malgré le contexte sécuritaire préoccupant ? L’opposition qui avait émis « les plus grandes réserves », et avait réclamé « du président Issoufou des preuves » du supposé coup d’Etat déjoué attend toujours que la lumière soit faite sur cette affaire. Si le coup d’Etat était simplement une trouvaille à la veille de l’élection présidentielle de 2015, il n’y a pas de honte à soulager des familles, maintenant que le scrutin est passé et la victoire remportée.

En attendant peut-être une grâce présidentielle pour ceux qui attendent leur sort au gnouf, il y a lieu de saluer cette élégance judiciaire. Quand les preuves sont insuffisantes pour maintenir un individu en prison, il ne reste que la relaxe, la détention étant une exception. Plus il y a des prisonniers politiques dans un pays, moins il peut se vanter à l’international. C’est pourquoi, il est important d’en compter peu. En tous les cas, quel soit le temps que cela prendra, ceux qui dorment en prison peuvent se consoler du message de l’écrivain et scénariste américain, Richard Burton Matheson : « Bientôt tu cesseras d'être un Robinson Crusoé, prisonnier d'un îlot de nuit cerné par un océan de mort » .

Par Rabankhi Abou-Bâkr Zida
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