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Le cinéaste Tahirou Ouédraogo: «Cannes n’est pas mieux que le Fespaco»
Publié le jeudi 2 mars 2017  |  RFI




Deux ans et demi après la révolution au Burkina Faso beaucoup continuent à rêver de la démocratie, de la justice, de la prospérité… Le réalisateur burkinabè Tahirou Tasséré Ouédraogo, 50 ans, a présenté au plus grand festival de cinéma panafricain un long métrage très décalé par rapport à cela. « Thom » raconte le rêve d’un jeune étudiant burkinabè de devenir pâtissier. Il se trouve qu’il est l’héritier d’un père millionnaire ayant d’autres projets pour lui. Ce qui complique encore plus la chose : père et fils rêvent de la même fille, une danseuse prostituée. Entretien avec le réalisateur sur son film en lice pour l’Étalon d’or de Yennenga, mais aussi sur le cinéma burkinabè, le Festival de Cannes et les Oscars...

RFI : Quand Thom, fils à papa, tombe amoureux de Jones, une prostituée de luxe, est-ce un drame, une comédie ou une histoire basée sur une histoire réelle ?

Tahirou Ouédraogo : C’est d’abord un drame, ensuite, c’est une histoire vraie. Thom est une histoire vécue par un copain. J’ai développé ce thème pour en faire un scénario de fiction.

Le drame se produit, parce que le fils applique les méthodes de son père : il ne faut jamais lâcher, toujours aller jusqu’au bout et, si nécessaire, arracher son bonheur. La question de votre film, est-ce une question de générations ?

Je ne pense pas que ce soit une question de générations. Ce problème existe depuis nos ancêtres, mais cela a été peut-être mal vu et exploité d’une autre façon. Mon film le traite avec un peu d’humour. On ne peut pas laisser les gens s’endormir.

Lors de la première au cinéma Burkina, le public a beaucoup ri…

Le public s’est beaucoup amusé quand le papa dit à son fils : quand tu veux obtenir quelque chose, va jusqu’au bout. Alors le gamin va jusqu’au bout pour obtenir cette fille dont le père est également amoureux. Beaucoup m’ont interrogé sur la fin du film : pourquoi le fils va-t-il embrasser la fille devant son père ? Eh bien, il est allé jusqu’au bout, comme son père lui avait dit.

Nous sommes deux ans et demi après la révolution burkinabè où l’on avait beaucoup discuté sur la démocratie, la justice, l’émancipation… Vous êtes membre de la Guilde africaine des réalisateurs et producteurs et aujourd’hui, vous présentez en tant que réalisateur burkinabè un film d’amour autour d’un fils et son père qui sont tombés amoureux de la même fille, une danseuse prostituée. C’est étonnant.

Oui, c’est étonnant, mais cela existe. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde moderne. On avance, on ne recule pas. On continue à voir ce genre de situations. Ensuite, pour le mettre en image, c’est compliqué. Quand les gens me demandent la suite de ce film, je n’en sais rien… Tout ce que je retiens de cette histoire, c’est que le papa est un con et que son fils rêve d’aller en Europe pour apprendre chez un chef pâtissier.

Votre frère Idrissa Ouédraogo est jusqu’à aujourd’hui le seul réalisateur burkinabè qui était en lice pour la Palme d’or à Cannes où il a décroché en 1990 avec Tilaï le Grand Prix. Si vous obtenez cette année au Fespaco l’Étalon d’or de Yennenga, seriez-vous au même niveau que lui ? L’Étalon d’or équivaut-il à une sélection au Festival de Cannes ?

Le Festival de Cannes est une autre dimension, mais cela ne veut pas dire que Cannes est mieux que le Fespaco. Le Fespaco est panafricain. Il faut que nous les réalisateurs africains arrivions à faire nos preuves en Afrique d’abord. Cannes est plus européen, même s’ils disent « mondial », « mondial », « mondial »... mais Cannes n’est pas notre tasse de thé. Notre tasse de thé, c’est le Fespaco. Alors, si j’arrive à décrocher l’Étalon d’or de Yennenga, je pense que j’aurai réussi à entrer dans la cour des grands. Même si je gagne la Palme d’or, je ne serai pas dans la cour des grands, je serai dans la cour des grands au niveau européen. Mais si j’ai l’Étalon d’or de Yennenga, j’entre dans la cour des grands des Africains.

Vous vous êtes formé au cinéma à Paris. L’édition 2017 du Fespaco est consacrée au thème « Formation et métiers du cinéma et de l’audiovisuel ». Un jeune Burkinabè, qui souhaite aujourd’hui devenir cinéaste, est-il toujours obligé de partir en France ou à l’étranger pour devenir cinéaste ?

Je pense que oui. Il ne faut pas se voiler la face. Nous avons des petites écoles. Nous avons des écoles qui arrivent à donner juste la complémentarité à nos enfants. Franchement, cela ne suffit pas pour être réalisateur. D’abord, on a un problème à régler au Burkina Faso. Nous avons eu 27 longs métrages burkinabè [candidats pour le Fespaco 2017, NDLR], il fallait faire une sélection pour arriver à trois. Tout le monde n’a pas les moyens d’envoyer ses enfants à l’école. Mais, il ne faut pas se voiler la face, c’est un métier difficile, on ne se lève pas du jour au lendemain, pour dire : je fais un film.

À la dernière édition du Fespaco, les films burkinabè étaient la grande surprise du Festival. C’était quatre mois après la révolution et tous les films montrés avaient déjà été produits avant la révolution. Qu’est-ce qu’il a changé pour le cinéma et les cinéastes burkinabè depuis la révolution ?

Ce qui a changé est peut-être la liberté, la liberté de dire ce que tu veux dire, la liberté de penser. Avant, c’était difficile. Avant le départ de ce président [Blaise Compaoré, NDLR] qui avait fait 27 ans de pouvoir, c’était compliqué. Quand tu écrivais ton scénario, tu devais faire attention à ce que tu disais. Cela permet aux jeunes d’aujourd’hui, qui n’ont pas connu Thomas Sankara, de s’épanouir, d’apporter des idées. Je ne fais pas partie de la nouvelle génération. Je suis de la deuxième génération après Idrissa Ouédraogo et Gaston Kaboré, mais je soutiens ces jeunes d’aujourd’hui qui ont les idées libres d’écrire. Mais l’écriture reste. Et c’est là où le bât blesse. Il faut absolument que les jeunes se forment. Ils refusent de se former, d’apprendre, ils veulent aller directement au plat sans passer par l’entrée.
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