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Poursuites contre les membres du dernier gouvernement Tiao : « Je n’ai vu aucun document demandant de tirer sur les gens » (Salif Ouédraogo, ex-ministre de l’Environnement et du Développement durable)
Publié le lundi 20 fevrier 2017  |  L`Observateur Paalga
Salif
© Autre presse par DR
Salif Ouédraogo, ministre de l’Environnement et du Développement durable




34 membres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré devraient se retrouver dans les « semaines à venir » sur le banc des accusés à l’occasion du procès sur la répression sanglante des manifestants lors de l’insurrection populaire d’octobre 2014. C’est ce qu’a annoncé le parquet près la Haute Cour de justice le 15 février dernier. Le même communiqué annonçait que sept d’entre eux seraient jugés par contumace pour n’avoir pas répondu aux convocations.

Salif Ouédraogo, dont le nom a été cité parmi les sept, a « déboîté au quart de tour », pour reprendre Simon Compaoré, dès le lendemain à L’Obs. pour ce démenti : « Je n’ai jamais reçu de convocation ».

Occasion également pour l’ancien titulaire du strapontin de l’Environnement d’évoquer le conseil des ministres qui a adopté le projet de loi sur la modification de l’article 37, auquel il n’a pas participé.

Sur la « réquisition » autorisant des forces de défense et de sécurité à « faire usage de la force pour maintenir l’ordre public », Salif Ouédraogo est catégorique : « Je n’ai pas vu un tel document ».

Depuis l’insurrection populaire et la chute du dernier gouvernement de Blaise Compaoré, que devient Salif Ouédraogo ?

Je mène une vie ordinaire comme tout Burkinabè qui, à un moment donné, a été appelé à des fonctions ministérielles que je ne regrette pas d’ailleurs d’avoir eu à assumer. Je crois qu’honnêtement, j’ai fait ce que j’ai pu pour faire avancer la cause environnementale. Actuellement je mène des activités de consultation. J’ai également une ferme où j’élève des animaux. Je suis chez moi à Dapoya, je n’ai pas bougé. Même en étant ministre, je n’ai pas habité les villas ministérielles parce que je ne voyais pas l’intérêt d’habiter à Ouaga 2000.

Selon un communiqué signé du parquet près la Haute Cour de justice relatif à la tenue du procès des membres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré, sur les 34 ministres qui ont été convoqués, sept n’ont pas répondu dont vous. Comment expliquez-vous cela ?

Je marque mon étonnement, un grand étonnement face à cela. Dès qu’on a quitté le gouvernement, j’ai rejoint ma maison et je vaquais à mes occupations. Je n’ai pas été appelé à la gendarmerie comme certains ministres. Je n’ai pas reçu de convocation. J’ai appris que certains membres du dernier gouvernement du Président Blaise Compaoré avaient été convoqués pour être auditionnés. Comme je n’avais pas été convoqué, j’ai appelé un de mes collègues, Baba Hama, pour en savoir davantage. Il m’a dit de ne pas m’en faire, de rester tranquille parce que quand eux ils sont arrivés, on leur a dit de repartir, car comme on a leurs contacts, on va les appeler prochainement pour les auditionner. Depuis lors, je n’ai pas eu d’informations. Comme nous sommes dans un pays organisé, j’attendais donc le jour où je recevrai une convocation officielle. Tout le monde sait où j’habite et où je travaille. Au niveau de mon ancien ministère, ils ont mon contact téléphonique. S’ils me recherchent, ils peuvent me trouver. Je ne sais pas par quel canal une convocation m’a été adressée. Ni par téléphone, ni par lettre, je n’ai rien reçu. Donc je marque mon étonnement et je suis peiné de voir mon nom apparaître dans la presse parce que j’aurais refusé de répondre aux convocations. Cela crée un trouble au niveau de la famille, au niveau des amis qui m’appellent tout le temps. Je suis républicain, je respecte la justice. Depuis que je ne suis plus ministre, il m’est arrivé de quitter le pays pour aller au Bénin et en Turquie. Donc je suis passé devant la police des frontières ; si j’étais un homme qui fuyait la justice, on m’aurait arrêté. Je suis prêt à répondre de mes actes mais encore faut-il que j’aie été entendu. Je n’ai pas eu l’occasion d’être entendu ou convoqué. C’est pour cela que ce matin, quand j’ai vu le communiqué, je me suis aussitôt rendu à la Haute Cour de justice pour manifester mon inquiétude.

Et quelle réponse vous a été donnée ?

On n’a pas pu me répondre. On a dit que la juge d’instruction qui s’occupe du dossier n’était pas là et qu’on m’appellerait après. Ils m’ont dit que les entretiens se faisaient au niveau de la gendarmerie de Paspanga. J’ai demandé qu’on me donne un nom pour que j’aille vers cette personne en savoir davantage. Je suis allé rencontrer un colonel Sanou et un capitaine qui, eux aussi, étaient un peu étonnés quand j’ai dit que je n’avais pas reçu de convocation et que je n’ai pas été appelé. Ils m’ont dit de revenir le lendemain matin (Ndlr : le vendredi 17 février 2017) à 10h. Je vais y retourner voir, peut-être qu’ils vont m’auditionner, me poser des questions et écouter ma version des évènements (Voir encadré).

Dans votre cas, vous dites que vous n’avez pas reçu de convocation, qu’en est-il des six autres ?

Mais les six autres ne sont pas au Burkina Faso. Le Président n’est pas là, Assimi n’est pas là, Koumba Boly n’est pas là, elle doit être en Angleterre. Ils sont tous hors du pays. Je suis le seul présent sur le territoire national qui n’ait pas été auditionné. Donc je me pose cette question : comment ça se fait que les autres aient reçu leur convocation et pas moi ?

Les anciens ministres sont poursuivis particulièrement pour le conseil des ministres du 21 octobre 2014 qui a adopté le projet de loi sur la modification de l’article 37. Qu’est-ce qui a été dit exactement lors de ce fameux conseil des ministres ?

Je n’y étais pas puisque j’étais en mission en Corée du Sud. Mais de ce qui m’est revenu à mon retour, disons qu’à un moment donné, on a parlé de la possibilité d’appeler au référendum. On a fait un tour de table ; certains ont parlé, d’autres n’ont pas pipé mot.

Mais vous avez participé au dernier conseil des ministres de Blaise Compaoré le 29 octobre 2014. Avez-vous parlé ce jour-là ?

Moi personnellement, je sais ce que j’ai dit, mais je garde ça pour la Haute Cour de justice. Je suis dans l’opposition depuis 20 ans. Tout le monde connaît ma position sur l’article 37 et je l’ai toujours dite en public. La condition que j’ai fixée à mon président (Ndlr : Hermann Yaméogo) avant de partir au gouvernement, c’était de faciliter une transition apaisée.

L’UNDD a tenu une réunion une semaine avant les évènements pour qu’on confirme encore la position du parti au sujet de l’article 37. Nous avons dit que nous sommes démocrates. On ne peut pas obliger une majorité à ne pas aller à l’Assemblée nationale parce que ce n’est pas anticonstitutionnel. Mais aller là-bas, ça ne veut pas dire que ça sera oui ou non. C’est le peuple qui décide. Nous avons dit : si on part au référendum, on vote contre ou on s’abstient. Voilà ma position. Je suis un républicain. Ce qui n’est pas interdit, on ne peut pas l’empêcher. Mais, entre les notions d’éthique et de morale, c’est autre chose, c’est individuel, ce n’est pas collectif. Tu peux être dans un parti ou un gouvernement, avoir ta position et on passe outre cela.

Est-ce que ce jour, il a été expressément dit et recommandé de faire appel aux forces de sécurité et même aux forces de 3e degré (les militaires) pour empêcher par tous les moyens que les manifestants assiègent l’Assemblée nationale ?

Je n’ai pas vu ce document. Au conseil des ministres, ce sont des dossiers qui sont examinés. Chaque ministère envoie ses dossiers à étudier. Ce cas-là relève d’un ministère ou d’une autorité. Chaque ministre avec ses techniciens s’assoit pour débattre et donner la position du ministère par rapport à tel ou tel aspect. Et quand le ministre arrive en conseil des ministres, il débat et défend la position de son ministère. Moi personnellement, je n’ai pas vu un papier demandant de statuer ou de réfléchir sur la possibilité de mobiliser les forces de l’ordre et le cas échéant de tirer sur les gens. Même si je ne suis pas toujours ministre, les documents restent au niveau du ministère. Quand on revient du conseil, on dépose une copie du document, tout est classé là-bas, ça peut se vérifier.

Si vous n’avez pas vu ce document, vous n’en n’avez pas non plus entendu parler?

Certains ont soulevé leurs préoccupations : faisons tout pour qu’il n’y ait pas du grabuge, qu’il n’y ait pas de blessés, pas de sang versé, c’est sûr que si les députés se lèvent pour aller voter, il y aura des manifestations et peut-être même de la casse. Des ministres ont soulevé ces préoccupations. On leur a assuré que toutes les dispositions seraient prises pour qu’il n’y ait pas de casses. Ça je l’ai entendu. Mais je n’ai pas entendu dire qu’il faut tirer sur les gens. Mais nous sommes en Afrique, vous savez comment nos pouvoirs sont organisés. On dit des choses, on fait des choses, et après les gens disent ou font autres choses. Moi j’assume ce que j’ai dit, ce que j’ai vu et les choses sur lesquelles on m’a demandé de me prononcer. Comme je l’ai dit, certains ont parlé, d’autres n’ont pas parlé. Dans ce lot, il y en a qui étaient contre, mais ils se sont tus pour plusieurs raisons, notamment par peur. Il y en a aussi qui ont dit qu’il fallait faire attention. Il y en a encore qui on dit, avec l’ADF/RDA que tout est réglé et qu’il n’y a pas de problème. Donc vous voyez, ce n’était pas homogène.

Nous, on s’est battu contre l’article 37 pendant 20 ans, on a deux militants qui sont morts à cause de cela, je ne peux pas trahir ces gens. Une fois j’ai dit à Hermann : « On parle, on ne nous écoute pas, mais qu’est-ce qu’on fait dans le gouvernement ? »

Est-ce qu’à un certain moment vous avez pensé à démissionner ?

Moi je savais que si cette logique continuait, cela allait déboucher sur le chaos. Je pressentais ce qui allait se passer. C’est pourquoi dans ma gestion j’ai tenté d’être prudent dans mon département et j’ai travaillé en professionnel pour laisser des traces. Parce que je savais que comme j’étais dans l’opposition, on allait me surveiller. J’avais mon nom, ma famille et mon parti à défendre. Donc j’étais venu pour travailler. Et pour ça, je ne regrette pas d’avoir participé à ce gouvernement parce que je sais que ce que j’ai fait là-bas n’est pas négligeable. Je suis fier de ma participation. Mais, comme je dis, il y a des choses qui ne dépendent pas de moi, en tant qu’individu et en tant que ministre. Je ne pesais pas lourd. J’étais un ministre de l’opposition, et il y a ministre et ministre.

Après l’insurrection populaire, quel est aujourd’hui votre rapport à la politique ?

J’en suis un peu en retrait parce que je suis déçu. Déçu parce que partout il y a des bons et des mauvais. Dans de rares partis politiques, il y a la démocratie, dans de rares partis politiques, la notion d’alternance est suivie pleinement par les dirigeants. Moi je suis déçu de ces clivages et je pense que le Burkina Faso est arrivé à une étape où il faut que nous dépassions ces clivages politiques et que nous recherchions des personnes de bonne foi prêtes à se battre pour ce pays-là. Quand je suis parti à l’Assemblée nationale et que tous les députés ont applaudi mon projet de loi sur les sachets plastiques, je l’ai dit, moi j’ai dépassé les clivages politiques. Je n’ai pas politisé mon ministère. Il y avait deux grands postes qui étaient libérés : secrétaire général et directeur général des eaux et forêts. J’ai rassemblé tous mes cadres, je leur ai dit : «Choisissez-moi deux personnes compétentes, je ne cherche pas à savoir qui elles sont, quel est leur parti ». Les gens ont mis un mois avant de trouver le secrétaire général. Quand je l’ai reçu, je lui ai dit : «Je ne te connais pas, mais je te demande deux choses : professionnalisme et honnêteté ». Pour ce qui est du directeur général des eaux et forêts, ils ont mis quatre mois avant de trouver quelqu’un. Quand je l’ai reçu, je lui ai dit : «Si vous êtes professionnel et compétent, alors le poste est à vous ». La seule personne que j’ai amenée politiquement, c’est mon directeur de cabinet parce que celui qui était là a été élu maire à Yagma et il a voulu partir. Le nouveau est un ami, on a fait le lycée ensemble, il est très intelligent et je l’ai amené.

Quand vous dites que vous êtes en retrait de la politique, cela concerne aussi votre parti ?

Ça veut tout dire, même du parti, je suis en retrait. Je vous ai dit qu’il y a beaucoup de choses qui se passent dans les partis et avec lesquelles je ne suis pas d’accord ; souvent tu parles et on ne t’écoute pas. Je suis en train de réfléchir parce que cette manière de faire la politique ne me convient pas, c’est de l’hypocrisie.

Mais pendant longtemps, vous êtes resté à l’UNDD ?

Oui. Mais vous savez, je suis resté et beaucoup m’ont dit de quitter le parti. Je suis un démocrate, je pense que ce n’est pas quand c’est difficile qu’il faut partir, il faut se battre, il faut défendre ses idées. Si on le quitte, on crée un autre parti ou on va ailleurs, c’est partout pareil. La démocratie est peu vivante dans nos partis politiques. Parmi les leaders des partis, peu sont des démocrates, peu jouent à l’alternance, ce sont des clans, c’est l’argent, c’est la puissance. Moi je pense que la politique, c’est autre chose.

Vous pourriez dire la même chose concernant l’UNDD ?

Je vous l’ai dit, c’est partout pareil. Il y a des fois où je suis d’accord avec Hermann et parfois non. Je le lui dis en face. Je suis un homme libre, on ne m’influence pas avec l’argent, je n’ai jamais pris de l’argent avec qui que ce soit. Mes campagnes politiques, je les bats sur mes ressources propres et quand il y a un problème politique, je donne ma position. Mais ce n’est pas parce que je ne suis pas d’accord avec tout que je dois partir. Je pense qu’il faut rester, se battre, parler et espérer que ça va changer un jour. Aller créer un parti, moi je n’ai pas l’argent pour ça.

Votre président Hermann Yaméogo a connu la rigueur de la prison dans l’affaire du coup d’Etat manqué du général Diendéré, il vient d’être libéré. Quels ont été vos rapports avec lui pendant et après sa détention ?

C’est d’abord humain. Quand il a été incarcéré, je suis parti lui rendre visite ; c’était un droit et un devoir et c’est humain. Quand vous avez cheminé et que vous cheminez ensemble, quand quelqu’un est dans les problèmes, ce n’est pas le moment de le lâcher. Il faut aller lui manifester sa solidarité. Je suis parti à la MACA, j’ai échangé avec lui pour le supporter moralement. Quand il est sorti et qu’il est rentré à la maison, je suis parti le voir également. Donc sur le plan humain, il n’y a pas de problème. C’est un aîné que je respecte, mais sur le plan politique je suis déçu sur toute la ligne. Et quand je regarde le paysage politique, je me dis que si chacun ne met pas de l’eau dans son vin, on risque de conduire le pays vers le désastre. Je suis d’accord pour la justice et la vérité. Je suis de ceux qui pensent que tous ceux qui ont gouverné avec Blaise Compaoré depuis 1987 doivent en répondre devant la justice pour qu’on évalue ce que chacun a fait, tous, en bien ou en mal. Moi j’y suis prêt.


Entretien réalisé par

Arnaud Ouédraogo

Hugues Richard Sama
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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