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Pr Abdoulaye Soma : «Le contenu de l’avant-projet de la Constitution de la Ve République ne convient pas à l’état d’esprit et aux ambitions du peuple burkinabè»
Publié le dimanche 5 fevrier 2017  |  Sidwaya
Le
© Autre presse par DR
Le Pr Abdoulaye Soma, enseignant-chercheur à l’Université Ouaga2 et Président de la Société burkinabè de droit constitutionnel.




La marche vers la Ve République a franchi une étape décisive avec la publication de l’avant-projet de la nouvelle Constitution. A l’occasion d’une interview, le Professeur Abdoulaye Soma, constitutionnaliste et membre de la commission constitutionnelle, se prononce sur le fond de ce document.

Sidwaya (S.): En tant que constitutionnaliste, quelle appréciation faites-vous du contenu de l’avant-projet de Constitution de la Ve République?

Abdoulaye Soma (A. S.): L’avant-projet qui a été publié est un travail auquel j’ai assisté. Je trouve que le résultat est globalement bon. Ce qui veut dire qu’il y a des points positifs et des aspects critiques. Il me semble prématuré de faire une appréciation totale et définitive de cet avant-projet, étant donné que le travail n’est pas encore achevé.

S.: Quels sont alors les éléments qui vous satisfont dans ce document?

A. S.: Dans le fond du document, il y a quelques avancées par rapport à la Constitution de la IVe République. Par exemple, l’équilibre des pouvoirs est l’un des points qui suscitent beaucoup d’espoir. A la différence de la Constitution de la IVe République, je trouve que l’avant-projet de la nouvelle Constitution opte clairement pour l’équilibre des pouvoirs. La maîtrise par le parlement de son agenda en est l’illustration. Avec la Constitution toujours en vigueur, c’est quasiment l’exécutif qui maîtrise l’agenda des questions qui doivent être inscrites à l’ordre du jour du parlement. Pourtant avec la Constitution en projet, la commission a veillé à ce que le parlement puisse maîtriser, lui-même son agenda. Ce qui me semble tout à fait logique. Il n’est pas bon que le gouvernement qui est un pouvoir, puisse dominer et instruire le parlement qui en est un autre.
Il y a aussi des avancées en matière de protection des droits fondamentaux et des libertés. Sous la Constitution de la IVe République, les individus titulaires des droits n’avaient pas accès au Conseil constitutionnel. Mais l’avant-projet stipule que les droits qui sont garantis sont des droits obligatoires. Il a été consigné dans ce document que lorsqu’il y a violation de ces droits, la victime peut saisir le juge constitutionnel. Voici, entre autres, les points qui me satisfont.

S.: On a coutume de dire qu’une œuvre humaine n’est jamais parfaite, qu’avez-vous relevé comme insuffisances dans cet avant-projet de la nouvelle Constitution?

A. S.: Si nous nous en tenons à cet avant-projet, nous allons mettre sur pied une Constitution insuffisante. Je pense que la commission constitutionnelle aurait dû aller plus loin qu’elle ne l’a fait dans cet avant-projet, parce que les aspirations à la démocratie sont profondes au Burkina Faso. De plus, le besoin de justice sociale (égalité entre les Burkinabè) est aussi grand. Avec l’avant-projet de la nouvelle Constitution, on ne s’est pas préoccupé de la profonde implantation de la démocratie dans notre pays.
Il y a beaucoup d’incohérences dans ce document. Même si je suis membre de la commission constitutionnelle, je trouve que l’avant-projet qui a été rendu public n’est pas celui qui reflète mes idées. Il est plutôt le résultat des concertations des membres de la commission constitutionnelle. A mon avis, le contenu de l’avant-projet de Constitution de la Ve République ne convient pas à l’état d’esprit et aux ambitions du peuple burkinabè. Il ne correspond pas à ce qu’il faudrait faire pour que le Burkina Faso soit un pays de développement et de justice.

S.: En tant que constitutionnaliste, que proposez-vous en perspectives pour améliorer, voire parfaire le contenu de cet avant-projet de Constitution de la Ve République?

A. S.: Dans notre contexte post-insurrectionnel, le besoin de démocratie et de justice sociale (égalité entre les Burkinabè) doit être l’une des priorités de la nouvelle Constitution. Etant membre de la commission constitutionnelle, je vais continuer à faire des propositions dans le cadre d’expression qui nous est donné. Si à l’issue de l’adoption de la version finale, des préoccupations censées améliorer le sort de la démocratie et de la vie sociale au Burkina Faso n’ont pas été prises en compte, je vais me réserver le droit de faire une appréciation publique. Mais comme il s’agit pour l’heure d’un avant-projet, il existe encore des possibilités de faire des propositions pour améliorer son contenu.

S.: Quelle est votre analyse de la place accordée à l’indépendance de l’appareil judiciaire dans ce document ?

A. S.: L’indépendance de la justice a été réaffirmée. De toute façon, elle est un principe général du droit. Elle est commune à plusieurs ordres constitutionnels étatiques. Mais il est évident que l’indépendance du juge doit être surtout recherchée dans la pratique institutionnelle qui concerne, d’une part, le comportement des juridictions et des juges eux-mêmes et, d’autre part, le comportement des autorités, notamment celles du pouvoir exécutif. Ces comportements ne peuvent pas être totalement encadrés dans une Constitution.
Bref, le principe de l’indépendance de la justice a été réaffirmée en prenant quelques précautions afin que la justice puisse s’émanciper vis-à-vis du pouvoir exécutif. Mais ce sont des choses à surveiller dans la pratique.

S : Pensez-vous qu’il est nécessaire d’effectuer des voyages pour partager et expliquer le fond du document à la diaspora burkinabè comme le prévoit la commission constitutionnelle ?

A S: Personne n’aurait blâmé la commission constitutionnelle de ne l’avoir pas fait. Même si elle venait à ne pas entreprendre ces tournées, cela ne porterait nullement atteinte à la légitimité du processus constituant. Mais si nous avons pris la décision de le faire, c’est parce que la démarche est consécutive à un décret adopté par le chef de l’Etat qui prévoit des assises au niveau des différentes régions du Burkina Faso et à l’extérieur pour partager et expliquer le projet à tous les Burkinabè. De cette occasion, la commission constitutionnelle doit tirer le plus grand profit en faisant le travail avec tout le sérieux possible puisque l’objectif est de peaufiner et d’améliorer le texte en tenant compte de l’esprit du corps social burkinabè.

S.: Si cet avant-projet venait à être définitivement validé, peut-on rêver d’un Burkina plus stable et plus équilibré où tous les citoyens ont les mêmes chances devant la loi?

A. S.: Non, je ne l’imagine même pas. Car, comme je l’ai déjà signifié, le contenu de l’avant-projet ne reflète pas les aspirations profondes du peuple burkinabè.

S.: Peut-on parler d’une véritable rupture entre l’avant-projet de la nouvelle Constitution et la Constitution du 2 juin 1991 ?

A. S.: Il y a plutôt une continuité entre les contenus de l’ancienne Constitution et de l’avant-projet de la nouvelle même si l’on s’accorde qu’il y a une amélioration au niveau des textes de la Constitution en vue.

S.: Quelle sera la prochaine étape de cette marche vers la Ve République?

A. S.: Lorsque nous aurons tenu les assises au niveau des différentes régions et au niveau des différents pays, nous allons retourner en commission pour essayer de faire la synthèse des différentes propositions qui seront probablement faites par les citoyens burkinabè afin d’entériner et de prendre en compte les recommandations les plus concordantes.

S.: Tous les Burkinabè rêvent d’une Constitution irréprochable, avez-vous un message particulier pour que ce rêve devienne une réalité?

A. S.: Je voudrais lancer un appel à tous les acteurs impliqués dans le processus constituant à avoir l’esprit ouvert sur l’intérêt supérieur de la Nation. Il ne faut pas mettre en place une Constitution en pensant aux intérêts personnels.
Tout le pays gagnerait à ce que nous fassions le maximum pour objectiver le processus constituant en ayant à l’esprit les dispositions conformes à l’intérêt général du peuple burkinabè. Je pense que dans ce sens, on a encore le temps de rattraper les choses et de faire une œuvre vraiment historique pour la stabilité et le développement du Burkina Faso. Voici mon appel auquel on peut encore répondre étant donné qu’il est toujours temps de mieux faire.

Interview réalisé par Joanny SOW
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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