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Année de la miséricorde : "Ce n’est pas un laxisme de l’église", dixit Abbé Philippe Ouédraogo
Publié le vendredi 23 decembre 2016  |  Sidwaya




Du 8 décembre 2015 au 20 novembre 2016, l’église catholique a célébré le jubilé de la miséricorde. Dans l’archidiocèse de Ouagadougou, des évènements majeurs ont ponctué cet événement. Le directeur de la radio Ave Maria, l’Abbé Philippe Ouédraogo, aborde, dans cette interview, le bilan de cette année sainte. Il revient également sur l’ouverture de l’Eglise au monde.

Sidwaya (S.) Quel est le rôle joué par le Pape François dans ce déploiement de la miséricorde ?

Abbé Philippe Ouédraogo (A.P.O.) : L’année de la miséricorde est l’initiative du Pape François qui voulait faire voir le visage de Dieu miséricordieux et permettre à l’Eglise qui est porteuse de cette miséricorde de resplendir et de rayonner. Il a eu le flair de l’Esprit-saint pour répondre à la soif de miséricorde du monde au regard de l’adhésion que son engagement a suscitée. Le Souverain pontife a donc joué un rôle important. Car, il s’est personnellement engagé dans ses discours dans l’apostolat et le témoignage que l’église doit apporter au monde. Au début du jubilé, le Pape a envoyé, à travers le monde, 1071 prêtres diocésains ou religieux comme missionnaires de la miséricorde afin qu’ils annoncent la beauté de la Miséricorde de Dieu, et qu’ils soient «des confesseurs humbles et sages, capables de pardonner largement, pour ceux qui s’approchent de la Confession».

S.: Quel bilan peut-on faire de l’année de la miséricorde au Burkina Faso ?

A.P.O. : Il s’agit, en fait, d’un bilan partiel de l’année de la miséricorde dans l’archidiocèse de Ouagadougou. Car même si les portes du jubilé sont closes, les œuvres de miséricorde sont appelées à se poursuivre. Beaucoup d’activités ont donc été menées pour faire découvrir le visage miséricordieux de Dieu, par le sacrement de la réconciliation qu’on pouvait recevoir de partout, des célébrations eucharistiques, des célébrations de jubilé, l’autorisation pour les prêtres d’absoudre les péchés réservés ( avortement, etc.). Depuis le mois d’août, le baptême des enfants des personnes en situation irrégulière vis-à-vis de l’Eglise (Ndlr non mariés devant l’autel) est en cours. On a permis également que des personnes qui, pour des raisons professionnelle, de maladie, de vieillesse ou d’invalidité ne pouvaient pas avoir le baptême puissent recevoir ce sacrement. Au titre du bilan, il faut également souligner que le sanctuaire de la miséricorde a été érigé à Tengandgo. De nombreuses autres activités comme la chapelle de la miséricorde qui sera bientôt promue par le cardinal sont aussi à inscrire dans le cadre de la volonté de l’Eglise de montrer le visage miséricordieux de Dieu. Le bilan final sera fait peut être au cours du mois de carême.

S. : Comment toutes ces activités ont-elles été appréciées par les chrétiens ?

A.P.O : Il est difficile de répondre à cette question. Mais au regard de l’engouement autour des activités réalisées, nous supposons qu’elles ont été positivement accueillies. Cela dit, chaque fidèle doit faire un bilan individuel et relever le défi. En effet, en recevant la miséricorde, ils doivent en retour témoigner de ce qu’ils ont reçu et la faire vivre par leur entourage (famille, collègues, amis, etc.). Tout comme on parle de développement durable, les chrétiens doivent assurer la miséricorde durable, pour insister sur le fait que les œuvres de la miséricorde doivent transparaître tout au long de l’année en cours. Les œuvres de la miséricorde corporelles et spirituelles sont au nombre de 14. Ce sont ,faut-il le rappeler, donner à manger à ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, abriter les étrangers, visiter les infirmes, visiter les prisonniers, ensevelir les morts, conseiller ceux qui en ont besoin, instruire les ignorants, exhorter les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses , prier Dieu pour les vivants et les morts. Le défi pour le monde est de découvrir justement ce visage de Dieu.

S. : Cette année de la miséricorde peut-elle être perçue comme une volonté de l’Eglise de se conformer à l’évolution du monde ?

A.P.O. : Il faut clarifier tout de suite qu’en décrétant l’année de la miséricorde le pape n’a pas voulu poser un geste de laxisme. Il était donc question de promouvoir la vie communautaire et céleste parce que qui peut prétendre être juste devant Dieu? L’année de la miséricorde vise à mettre Dieu au centre de l’humanité et inviter les hommes à vivre cette vie divine. Lorsque le Christ dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », il sait combien cela est difficile pour les hommes. A travers cette année, l’église dit : «Si j’existe c’est sous la force de la miséricorde et je dois être lumière pour les fils et filles qui sont les miens». D’ailleurs vous verrez que ce n’est pas du laxisme qu’on a vécu. Bien au contraire, le jubilé était une invite à l’effort et les chrétiens l’ont bien compris. Quand on permet des situations qui n’étaient pas pastoralement acceptables, il y a un certain relâchement. Mais ce relâchement est une mission confiée aux gens défavorisés. En fait en baptisant les enfants des gens non en règle vis-à-vis de l’Eglise, on les interpelle à changer. De toute façon quand quelqu’un te fait du bien, il t’interpelle à être reconnaissant et gare à vous si vous n’êtes pas reconnaissant. Chacun sait dans son idéal qu’il doit toujours faire un effort et l’église va toujours inviter à l’effort. L’Eglise, en tant qu’institution, est organisée. Une organisation qui doit perdurer a des règles, une doctrine, une hiérarchie qui n’entache en rien cette volonté d’être au monde. Le principe de toute religion est de tirer les gens vers le haut, et l’église catholique dans sa façon de faire s’inscrit dans cette logique. C’est cette perception qu’il faut plutôt avoir et ne pas penser qu’il y a un moment où l’Eglise dira vous pouvez faire ce que vous voulez et à un autre, vous ne pouvez pas. L’homme est libre et l’église promeut la liberté de chacun dans le bien. Tant que vous ne faites pas le bien vous n’êtes pas libre. L’année de la miséricorde n’est pas à regarder comme si l’Eglise était rigide et est rentrée dans un laxisme. Mais plutôt il faut la voir comme l’église qui interpelle en disant voilà un Dieu qui t’aime quelle est ta réponse ? Si tu dois quitter une situation que tu n’aimes pas d’ailleurs, voilà ta contribution. C’est plutôt ce regard qu’il faut avoir sur l’Eglise et considérer l’année de la miséricorde comme une année d’interpellation à la conversion.

S. : L’année de la miséricorde ne doit certes pas être considérée comme du laxisme mais peut-on s’attendre à d’autres actions d’ouverture de l’Eglise ?

A.P.O. : Depuis le concile du Vatican II, l’Eglise dit qu’elle va vers le monde. L’Eglise a la perception que le monde est le peuple de Dieu. L’ouverture de l’Eglise, depuis le Vatican II, a été clairement définie. L’Eglise, se manifeste dans les humains. Chaque chrétien doit être conscient qu’il fait partie du corps du Christ par le baptême qu’il a reçu. Il faut donc éviter d’avoir un regard unilatéral. Il faut donc plutôt se poser la question comment rendrais-je au Seigneur le bien qu’il m’a fait ?

S. : Quel est votre message à l’occasion de la fête de Noël ?

A.P.O. : Comme je l’ai dit dans mon éditorial du numéro de décembre de Duc In Altum, le mensuel d’information de l’église catholique, j’invite tout le monde à vivre Noël dans la joie et la miséricorde, puisque nous sommes à la frontière de ce jubilé de la miséricorde. Noël c’est la joie provenant du divin. Cela veut dire que nous devons créer un environnement de dialogue, de compréhension, de consolation, de respect mutuel, gage indispensable au maintien de la flamme de l’amour. Dans notre travail, c’est cultiver responsabilité, justice et honnêteté pour créer les conditions de paix de dialogue avec ceux qui me ressemblent et ceux qui ne me ressemblent pas, supporter les uns et les autres.

Interview réalisée par Nadège YE
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