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Justice militaire : 24 heures de sursis pour 29 accusés
Publié le mercredi 21 decembre 2016  |  L`Observateur Paalga
L`entrée
© Autre presse par DR
L`entrée du tribunal militaire de Ouagadougou




Pour commencer à vider la kyrielle de dossiers qui pendent devant elle, la justice militaire a enrôlé hier, mardi 20 décembre 2016, le dossier dit Madi Ouédraogo et 28 autres inculpés pour «association de malfaiteurs, détention illégale d’armes et de munitions de guerre». Pour faire simple, il s’agit du dossier portant sur le projet d’attaque de la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) dans le but de libérer les généraux Gilbert Diendéré et Djibril Bassolé ainsi que les autres éléments en détention de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Les accusés risquent la peine de mort. Les avocats ont réclamé en vain le renvoi du dossier d’une à deux semaines pour pouvoir mieux préparer la défense de leurs clients. Le tribunal ne leur a accordé qu’une suspension de l’audience jusqu’à ce jour à 12 heures.



Retour sur cette première journée d’audience.



7h50. Nous franchissons l’entrée de la salle d’audiences. Des marches jusqu’à l’intérieur, on pouvait lire sur les murs et les portes que les prises de vue et de son sont strictement interdites une fois que l’audience commence sous peine d’une amende allant de 50 000 F à 9 millions. Une fois dans la salle, les uns arrivent après les autres. Une musique retentit en fond sonore. On se croirait dans une salle de fête. La pièce se remplit progressivement. Les gardes d’armes de bleu et blanc vêtus sont installés. Quelques avocats de la défense sont en place.

8h24, un militaire prend le micro et demande à ce que la musique soit variée ou à défaut, interrompue. Il rappelle ensuite des consignes à la presse : « Dès que l’audience commence, plus d’images. Sinon on retire purement et simplement vos appareils ». Une cohorte d’avocats fait son entrée. Cinq minutes plus tard, les journalistes sont interpellés pour une interview au rez-de-chaussée. Mais une fois dehors, ils comprendront que c’était une couleuvre qu’on leur a fait avaler : «On nous dit qu’il y a une interview pendant que le tribunal s’installe ? », lance un journaliste. Et un autre de dire : « Qui a même dit de sortir ? C’était sûrement pour éviter qu’on voit le tribunal s’installer de peur qu’on ne prenne des images». Place maintenant à la bousculade pour remonter en salle.

8h30. Le président du tribunal procède à l’appel des accusés et de leurs conseils. Après quoi, il procède à un tirage au sort des juges appelés à siéger conformément aux textes. Ainsi, le Lieutenant-colonel Eric Sako Kaboré, le lieutenant Didier Bazongo, et l’adjudant Seydou Bandé ont été retenus consensuellement par le conseil des avocats et le commissaire du gouvernement. Ils prêtent serment de garder le secret de la délibération, tout en ayant à l’esprit que la loi est dure mais c’est la loi.

9h20. Les trois « nouveaux juges » prennent place auprès du président du tribunal, Seydou Ouédraogo et le conseiller. Par contre, seul le colonel Sana Kaboré est retenu comme suppléant puisque les avocats avaient épuisé leur pouvoir de récusation.

A 9h20, l’audience est suspendue après constitution pour reprendre une trentaine de minutes plus tard.



Des avocats acteurs et non spectateurs



A la reprise à 9h55, alors que Seydou Ouédraogo, le président du tribunal voulait entrer dans le vif du sujet, les avocats de la défense ont soulevé un préalable. Ils ont souligné avoir été pour la plupart des avocats commis d’office par le bâtonnier. «La défense entend jouer son rôle, mais elle ne peut bien le faire». Ils avancent n’avoir été commis que le 15 décembre dans l’après-midi pour des assises qui se tiennent le 20 décembre. «La totalité des avocats n’a pu rencontrer les clients à la MACA. On n’a eu que 72 heures ouvrables pour préparer un dossier d’assises où les inculpés risquent la peine de mort».

Pour les avocats, il y a donc problème et il serait difficile dans ces conditions d’assurer «une bonne défense» des accusés. C’est pourquoi, à l’unisson, les conseils ont réclamé le renvoi du dossier afin qu’ils puissent bien l’étudier pour une bonne défense de leurs clients.

Pour obtenir gain de cause, les avocats ont servi le second argument en soutenant que s’il n’y avait pas de renvoi, le tribunal violerait les droits des inculpés à avoir une défense de qualité.

«Dans le dossier qu’on nous a communiqué, on n’a reçu que l’arrêt de renvoi et le PV concernant seulement nos clients respectifs. On n’a pas reçu tout le dossier. Moi je suis avocat de X, il faut que je sache ce que les autres disent de lui sinon je ne pourrai pas le défendre». Les avocats ont affirmé vouloir être «des acteurs et non des spectateurs du procès». Pour eux, «si on continue cette audience, c’est comme si les avocats étaient là pour régulariser la condamnation des accusés».

Cette affaire a débuté le 23 décembre 2016 avec l’arrestation du caporal Madi Ouédraogo.

En réponse, le commissaire du gouvernement, Alioun Zanré a affirmé avoir suivi avec intérêt les inquiétudes de la défense. Mais il a tenu à préciser que le parquet a respecté la loi. «On a transmis aux avocats le fond du dossier, à savoir, l’arrêt de renvoi, les PV d’enquête préliminaire, les auditions devant le juge d’instruction. Au regard du volume des dossiers, on ne peut pas photocopier le dossier complet pour chaque avocat. C’est aux avocats de venir au parquet prendre connaissance du fond du dossier». En disant cela, Alioun Zanré s’est appuyé sur l’article 28 du code de justice militaire qui précise même qu’on peut commettre d’office à l’audience.



«Un renvoi de deux semaines est manifestement trop long»



Le commissaire du gouvernement a déclaré comprendre que les avocats veuillent plus de temps pour préparer la défense de leurs clients. Cependant, il les a suppliés d’accepter que l’on lise l’arrêt de renvoi et que l’audience en elle-même se tienne le lendemain, 21 décembre 2016.

Refus catégorique des avocats qui ont déclaré que «on ne demande pas une suspension mais un renvoi afin de pouvoir assumer la défense correctement, car rendre justice, ce n’est pas la rendre dans la rapidité. Si on maintient cette audience, il n’y aura pas une justice équitable. En effet, le commissaire du gouvernement a eu un an pour préparer le dossier alors que nous nous n’avons eu que trois jours, pourtant il est notre principal contradicteur dans le dossier».

Paraphrasant ce que le ministre Simon Compaoré a dit suite à l’attaque du poste militaire de Nassoumbou, les avocats ont déclaré que «si eux ont des 12/7 et nous des kalachs, ça ne va pas marcher». Autrement dit, le parquet a une longueur d’avance sur les avocats.

Mais le commissaire du gouvernement est resté droit dans ses bottes en soutenant avoir respecté les prescriptions de la loi en faisant toutes les diligences. «Il ne revient pas au parquet de donner tout le fond du dossier aux avocats». Concernant la requête des avocats, Alioun Zanré a estimé que «un renvoi de deux semaines est manifestement trop long».

En guise de réponse, les conseils des accusés ont expliqué qu’on peut effectivement faire une commission d’office à l’audience si l’avocat estime qu’il peut défendre le dossier. «Mais ici, on a dit qu’on ne peut pas. En plus, prendre possession d’un dossier c’est différent de prendre connaissance du dossier. Nous voulons un renvoi du dossier».

Après une trentaine de minutes de suspension, le tribunal est revenu rendre sa décision sur la requête des avocats. Le président Seydou Ouédraogo, son conseiller et ses juges assesseurs ont déclaré n’avoir constaté aucune violation de la loi. Pour le tribunal, le parquet a respecté les délais prescrits, d’au moins 3 jours et les pièces à communiquer l’ont été. Le commissaire du gouvernement, selon le tribunal, n’est pas obligé de donner l’entier dossier aux avocats. En conséquence, le tribunal a déclaré que la présente audience est «régulière». Mais vu que le parquet ne s’oppose pas à un renvoi, le tribunal a décidé de suspendre l’audience jusqu’à ce mercredi à 12 heures. Mais avant, le greffier a procédé à la lecture de l’arrêt de renvoi.

Ce midi donc, le procès devrait reprendre. Les avocats seront-ils de la partie ou vont-ils boycotter cette audience ? Réponse à la mi-journée.





San Evariste Barro

Ebou Mireille Bayala



Encadré 1



De l’arrêt de renvoi



Cheick Alassane Ouédraogo dit Ladji, né le 1er janvier 1970, maître coranique, célibataire, sept enfants, poursuivi pour détention illégale d’armes à feux et de munitions de guerre mais aussi d’association de malfaiteurs : voici l’inculpé dont le nom est ressorti plusieurs fois dans cette affaire de tentative de libération des détenus de la MACA dont il apparaît comme un pivot. C’est celui-là même qui est allé visiter le général Gilbert Diendéré en lui demandant l’argent pour qu’il fasse des sacrifices en faveur de sa libération. Mais le général n’a pas répondu favorablement à sa requête. C’est également dans son domicile que devait être conduit les généraux une fois libérés.

A son interpellation, il a dit avoir voulu soutenir les militaires dans cette tentative en leur faisant croire que ses exhortations provenaient du général Diendéré et de son frère Hyppolite.

Ladji a reconnu, de plus, avoir reçu du caporal Madi Ouédraogo des armes qu’il a remises à son beau-frère. Cela a été corroboré par ce dernier qui a nié cependant avoir pris connaissance du contenu du sac qu’il a enfui dans un trou conformément aux instructions de Ladji.

Concernant les réunions préparatoires de l’attaque, il y en a eu deux. Une, le 16 décembre 2015 qui a impliqué une vingtaine de militaires et l’autre le 19 décembre de la même année qui a concerné une trentaine de soldats. Si certains ont nié les faits, d’autres ont confirmé leur présence à ces rencontres mais ont soutenu ignorer l’ordre du jour. Mais une fois informés du projet, ils n’ont pourtant pas daigné piper mot à leurs supérieurs hiérarchiques car ayant été mis en garde par le caporal Madi Ouédraogo. Ces militaires ont été absents de leurs postes sans autorisation en allant participer à ces rencontres.

La troisième réunion qui avait été prévue pour le 23 décembre n’a pas eu lieu puisque c’est ce jour-là même que le caporal Madi Ouédraogo a été arrêté. Cette arrestation a ainsi mis fin à l’exécution du projet d’attaque qui était prévu pour le 31 décembre 2015.

Les cibles : attaquer la soute à munition de Yimdi, la MACA, le camp Naba Koom, les camps de gendarmerie et des domiciles de certains chefs militaires et des actes de sabotage de matériels militaires. Ils ont justifié leur acte par la nécessité de reconstituer le RSP. A cette revendication s’ajoutent la réintégration des militaires radiés en 2011 et le reversement des primes de missions onusiennes des soldats burkinabè. Pour cette dernière exigence, les comploteurs avaient prévu de demander des comptes à Gilbert Diendéré et des exécutions.

Des 29 accusés retenus pour le jugement, tous ont été inculpés pour associations de malfaiteurs et 12 autres d’entre eux l’ont en plus été pour détention illégale d’armes à feu et de munitions de guerre.



Aboubacar Dermé





Encadré 2



« Il faut libérer Diendéré »



Hier matin, alors que se jouait le destin de 29 trublions de l’ex-RSP à la Justice militaire, la vie suivait son cours normal à quelques encablures de là. La rue passant entre l’état-major et le tribunal est tout de même bloquée. Les usagers de la très fréquentée avenue de la Nation, voyant ce dispositif, ne peuvent s’empêcher de jeter des regards furtifs et interrogateurs. Beaucoup ne semblaient pas savoir ce qui se passait. Iness Sabo, venue voir un parent à la Justice militaire, semble être la moins informée du coin : «Je ne savais même pas qu’il y avait des ex-soldats qui ont été arrêtés et doivent être jugés», nous confesse-t-elle. Même ignorance de la part d’Amado Compaoré, un riverain : «J’aime les infos, mais je suis surpris que le procès se tienne aujourd’hui». Informé désormais, il assure qu’il reviendra suivre l’audience, car c’est une affaire nationale. Contrairement à nos deux premiers interlocuteurs, certains sont un peu au fait de l’évènement. C’est le cas de Roger Kaboré qui s’affaire à dépoussiérer les chaussures qu’il expose devant un feu tricolore. «Je ne sais pas au juste ce qui se passe, mais les gens disent que c’est le procès des ex-RSP», affirme-t-il. Si lui n’a pas vraiment d’opinion sur cette affaire, Salif Guéné, un commerçant de Rood-Woko (Ndlr : Grand marché), à proximité du tribunal, estime qu’on devrait relaxer les accusés. « Quand Diendéré était là, son seul nom faisait peur aux terroristes. Depuis qu’on l’a enfermé, les attaques se multiplient. Il faut libérer ces ex-RSP », poursuit-il.



Un public absent



Difficile de ne pas remarquer la forte présence sécuritaire : la cour est bondée d’hommes armés. Dans les couloirs du tribunal, sur chaque étage et même devant les toilettes, des sentinelles montent la garde. A cela s’ajoutent les fouilles corporelles et des sacs ainsi que le passage obligé sous les portiques de sécurité.

En prévision d’une forte mobilisation de la population en ce premier jour de procès, des dispositions avaient été prises pour que d’éventuels curieux puissent suivre l’audience de l’extérieur. Une précaution vaine, car la salle d’audience a pu accueillir le public, des journalistes pour la plupart. Les chaises sont donc restées inoccupées tout au long de la matinée. Et les baffles, qui diffusaient avant le début du procès un même morceau de la fanfare de la gendarmerie qui ressemble fortement à un chant d’Eglise, tonnaient dans le vide. La messe serait-elle donc déjà dite pour les accusés ? En tout cas, leurs avocats entendent bien jouer aux trouble-fêtes. Mais la ponctualité n’est pas la chose la mieux partagée en leur sein. Plus de deux heures après le début de l’audience à 8h 30, certains d’entre eux continuaient de converger vers la salle, le pas pressé, la robe entre les mains. Signe de l’impréparation de ces commis d’office pour la plupart, certains ne semblaient pas connaître tous les détails de leur dossier, à l’image de Me Maria Kanyili qui, lorsque nous l’avons abordée, a eu besoin de jeter un coup d’œil sur ses documents avant de donner avec précision le nom de son client. Voilà tout le sens du renvoi que les avocats demanderont plus tard.



Hugues Richard Sama

Zalissa Soré
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