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Prostitution des mineurs à Ouagadougou : nuit blanche avec des " crudités "
Publié le mardi 20 decembre 2016  |  Sidwaya




La prostitution a un nouveau visage dans la capitale burkinabè. Des adolescentes de 13 à 17 ans, qualifiées de « crudités », occupent plusieurs artères de Ouagadougou, une fois la nuit tombée. Enza, Alima, Roxane, Balkissa…toutes des racoleuses mineures, se « vendent et s’achètent» à vil prix...

Il est 18h 53mn, le samedi 5 novembre 2016 sur l’avenue du président Thomas Sankara. Le soleil couchant fait place à la lumière de quelques lampadaires. En face du Lycée Philippe-Zinda-Kaboré, vendeurs de fruits, mécaniciens et tabliers animent la rue. A proximité du Musée de la musique, Moussa, boutiquier, expose ses articles. En ce début de soirée, Rosa lui tient compagnie en attendant l’ouverture de la « chasse aux hommes » dans la pénombre. Cigarette en main, la jeune fille, habillée d’un collant noir et d’un haut bleu, s’éclipse à l’arrivée d’un taxi. A bord de la « carcasse», Estelle, une adolescente. Sac d’écolier au dos, elle noue un pagne du 8-Mars accompagné d’un body blanc. Les deux filles, visiblement très jeunes, se connaissent bien. Elles échangent les civilités, se partagent le mégot de tabac et font les derniers « réglages » : coup de peigne par-ci, rouge à lèvres par-là, un coup d’œil dans le miroir. Ça y est ! Le pagne est rangé dans le sac et confié au tablier. La tenue de Estelle laisse ses parties intimes presque visibles. Seulement un lambeau de jeans bleu, d’à peine 15 cm, lui sert de culotte. A 19h20, elles entament leur « défilé de mode », ralliant le Centre d’information des Nations unies (CINU) au Rond-point des Nations unies. Des « psssst » pleuvent au passage des usagers.
Depuis 2014, une fois la nuit tombée, Estelle, 16 ans, a rendez-vous avec l’avenue dédiée au père de la Révolution d’août 1984, selon les dires de Moussa, auprès de qui nous nous faisons une place. Nous engageons une conversation avec le jeune d’une trentaine d’années sur l’« activité » des deux mineures. Timide au début, Moussa se confie peu à peu, surtout, lorsque nos échanges virent en langue nationale, dioula. Il nous demande un peu de patience, car « le bal s’ouvre à 20h ici ». Très bien informé sur ce « commerce », le tablier nous renseigne qu’une dizaine de filles dont l’âge est compris entre 12 et 18 ans font la pluie et le beau temps sur l’avenue Thomas Sankara, chaque nuit, avec un point d’honneur les week-ends. « Elles viennent de Bobo-Dioulasso, de Ouahigouya, de Banfora, de Pô, de Fada N’Gourma, de Dédougou, de Ouagadougou…La plupart de ces petites filles sont des Burkinabè », précise-t-il.

Des clients à l’arraché

19h 55mn. Un motocycliste dépose Alima. Grande de taille et filiforme, elle est habillée d’une courte robe de soirée. Petit sac à main, la fille de 16 ans au déhanchement sensuel, traverse la voie et se fait une place sous un lampadaire. A 20h05mn, un taxi, en provenance du rond-point se range à une dizaine de mètres de notre interlocuteur. Enza, coiffée de perruque, est la première à descendre du véhicule. Elle est suivie de Balkissa, tête coiffée à ras, géante. Les deux confient également leurs sacs à Moussa et rejoignent Alima. Une quinzaine de minutes à peine (20h20), Enza monte derrière un motocycliste après un bref marchandage. Ils rentrent dans le quartier Paspanga en quête d’une auberge, selon le tablier. Plusieurs hommes marquent des arrêts et discutent du prix de « vente » avec Alima. Finalement, elle embarque à bord d’une Mercedes 190 et emprunte la même direction que Enza. Estelle, quant à elle, enchaîne les : « pssst », « bb, vient faire… », « on ne b…pas ce soir ? ». Nous lui tenons compagnie un instant. « Je fais à 7 000 F CFA avec la chambre », nous dit-elle. « Ok, mais revois ton prix à la baisse », rétorquons-nous. « 6 000 F CFA. Mais toi, tu as combien ? », lance Estelle. Face à notre lenteur, elle nous quitte à l’arrivée d’un client. Avec lui, le dialogue est houleux : « 7 000 F CFA avec la chambre », laisse entendre Estelle. « Moi, j’ai 3 000 F CFA avec chambre », lui répond le jeune. « Avec 6 000 F CFA, on part », ajoute-t-elle. Le jeune homme tient mordicus sur sa proposition. La fille de 16 ans lui propose la somme de 5 000 F CFA, puis de 4 000 F CFA. Le « marchand » tente de démarrer sa moto. Elle s’y accroche : « Ok, 3 000 F CFA, on peut aller ». Estelle a sa première « prise » de la nuit, à 21h10. Quelques instants plus tard, Enza et Alima sont de retour. Cette dernière n’a pas le temps de se reposer. Aussitôt descendue de la voiture qu’elle grimpe sur une moto. Nous décidons d’accoster Enza. Mais, un client plus rapide fait son apparition. Bref entretien, elle prend la même voie avec ce nouveau motocycliste. Pendant tout ce temps, Balkissa trotte sans qu’aucun passant ne lui pipe mot. L’adolescente, dans un français approximatif indique qu’habituellement, son « prix » est de 5 000 F CFA. Mais, pour ce week-end, elle est apte à « satisfaire un homme à demi-tarif », c’est-à-dire 2 500 F CFA. Elle confie d’ailleurs, ne pas connaître la source de sa « malchance » du jour. A chaque passage d’engins, Balkissa nous tourne le dos, et se plaint par moments de notre présence. « Tu gâtes mon marché. Si tu veux me parler, reviens après ou appelle-moi demain dans la journée », lâche-t-elle en s’éloignant. 21h40. Non loin du feu tricolore du Rond-point des Nations-unies, à l’arrière du « Jardin de l’Amitié Ouaga-Lodun », Vanessa est avec deux « grandes sœurs ». Ici, les chewing-gums dans la bouche des filles claquent tel un bruit d’applaudissements. De teint clair et forme svelte, elle est habillée d’une robe blanche. Elle se met à l’écart pour nous accueillir. « Oui bb, on va faire ? 5 000 F CFA avec chambre, y a tout sauf la pipe. Tu ne vas pas le regretter », dit-elle. Nous lui prions de nous offrir ses services à 2 500 F CFA. « A 3 000 F CFA si tu veux. Mais, on va dans la chambre de 1 000 FCFA », affirme Vanessa. Pour elle, c’est le minimum, pas question de céder. En face du Zinda, le « marché » semble à son paroxysme et il y règne une ambiance des jours de fête. Clients et filles s’entremêlent. Les arrêts des premiers et les allers-retours des secondes se multiplient.

Incursion dans les chambres de passe

Après son 4e « client », nous abordons Enza. Son tarif est identique à celui de Vanessa. Lorsque nous lui dévoilons l’objet de notre présence après d’intenses échanges, elle nous propose une incursion dans une chambre de passe, à condition que nous déboursions les frais de l’auberge et lui donnions « quelque chose » pour compenser le temps perdu. Affaire conclue. Il est 23h15. Direction l’auberge « Le rônier ». Le parqueur est au four et au moulin. Torche en main, le jeune d’une vingtaine d’années marque les engins, remet les tickets de parking aux « visiteurs », range certains et en fait sortir d’autres et encaisse ses sous. Près d’une trentaine d’engins, motos et voitures de toutes les marques jonchent son parking. A l’intérieur, Enza informe le gérant qu’elle a besoin d’une chambre de 2 000 F CFA. Impossible d’identifier qui que ce soit, dans la vaste salle d’attente, à peine éclairée. Plus d’une dizaine de « couples » sont assis, bras-dessus, bras-dessous. Tour à tour, le gérant invite les filles à occuper les chambres. Une quinzaine de minutes après, c’est notre tour. Enza récupère la clé et un préservatif. Elle se dirige à la chambre n°4. Cette dernière est ventilée, et à l’angle, est accrochée une télévision câblée sur la chaîne nationale. Un lit d’une place et demie sert de couchage. Le drap porte toujours les stigmates du « couple » précédent : froissé, fourre dégarnie et les coussins en désordre. Dans la douche interne, un seau rempli d’eau pour le bain des amants les y attend. Enza indique que l’auberge a recruté des jeunes chargés de la propreté des lieux, et d’autres pour la sécurité des filles de joie. « Dès qu’on rentre, il n’y a pas de temps à perdre. Je prends mon argent d’abord et on se déshabille. Je l’aide à porter le préservatif et on fait l’amour. S’il finit, je jette le préservatif dans le WC. Je me réhabille et me maquille un peu, et on s’en va », détaille l’adolescente de 15 ans.

Le goût de la « crudité »

Elle dit avoir eu affaire à plusieurs types d’hommes, aux « envies bizarres ». La fillette se souvient qu’une fois, un homme « assez âgé » lui a montré une scène pornographique et demandé de la réaliser contre 25 000 F CFA. « J’ai accepté, parce que ce n’était pas compliqué et il n’a même pas duré », témoigne-t-elle. Un autre lui a proposé le coït anal pour le même montant, selon les confidences de Enza. Cette fois, elle confie avoir refusé, car ne sachant pas ce que cela implique. Karim, quant à lui, n’a pas d’« envies bizarres », mais a plutôt un goût pour la « crudité ». « Elles ne sont pas trop chères. Tu n’as pas besoin de trop parler. Elles sont jeunes, souples et douces, et te font tout ce que tu veux, dans toutes les positions », affirme le client de Alima, la quarantaine révolue. En plus de la « fraicheur », Wend-Yam alias « Le Gros », 32 ans, ventru et de taille moyenne, trouve que les mineures sont moins exigeantes que les grandes filles. Assis au kiosque, à un jet de pierre de l’auberge, une tasse de café et une cigarette en main, « Le Gros » est un habitué des lieux. « Je viens le samedi ou le dimanche vers 22 h, pour prendre la dose d’abord. J’attends vers 1 heure avant de rentrer avec une », soutient-il. Boukari, revendeur au grand marché de la capitale, est à sa première expérience avec une adolescente. Et c’est sans regret. « Je ne vais plus me fatiguer avec les vieilles », ironise-t-il. Il nous demande de ne pas se fier à l’âge, encore moins à la forme des fillettes. « Elles maîtrisent le sexe », confesse Boukari, 27 ans.

La passe à 1 000 F CFA

Il est 00h, aux alentours de « Ali Baba », un haut lieu de prostitution à Ouagadougou, à proximité du maquis Matata, sis à Dapoya. Une dizaine de filles se tapotent en face du maquis, cigarette en main, chewing-gum dans la bouche. Dans la horde des travailleuses de sexe, à majorité anglophone, Fati se distingue par sa jeunesse. La fille de 14 ans dit être en compagnie de sa grande sœur. Elle ne semble pas maîtriser les prix. De 3 000 F CFA, Fati propose 1 000 F CFA. Tantôt, elle avance 1 500 F CFA. Puis, elle se résigne et fait appel à son « experte » de grande sœur. Pas de chance pour elle, celle-ci est occupée. Fati cède à 1 000 F CFA, et nous invite dans une des « cabanes » de la « chambre noire ». Ici, la propreté est le cadet des soucis : des préservatifs utilisés sont jetés dans un sceau, des lotus usés traînent par-ci, par-là, un morceau de pagne sert de drap, le tout dans une bicoque aux murs fissurés où araignées et autres incestes se disputent le toit. Fati ne répondra à aucune de nos questions. « Si tu ne vas pas faire, donne-moi mon argent, on va sortir. Je n’ai pas ce temps », s’emporte-t-elle. Impossible de la convaincre. Elle quitte précipitamment la pièce, se dirige vers un couloir et échange avec des jeunes. Ces derniers nous somment d’abandonner les lieux, au plus vite.

Du proxénétisme…

L’horloge marque 1 heure du matin, au maquis « La Garde », communément appelé « Pharmacie de garde », sur l’avenue de la Liberté, à Paspanga. Là, Alima, Balkissa, Estelle…ont rejoint un autre groupe de « petites » travailleuses de sexe. Parmi elle, figure Roxane. Tête coiffée et vêtue de tout de blanc. Elle est arrivée au « service » à 22h30, le temps de laisser les parents dans les bras de Morphée. Même tarif : 5 000 F CFA, mais peut y aller à 3 000 F CFA. Enza se tient à l’écart avec Abdoul, son « petit ami », la trentaine bien sonnée. Elle confie que c’est le jeune homme qui lui a montré le chemin du trottoir en 2014. La plupart du temps, Abdoul la dépose devant le Lycée Philippe-Zinda-Kaboré et la rejoint à la « Pharmacie de garde » vers 1heure du matin. A écouter Enza, elle lui rend compte du « marché » et lui remet l’argent. La moisson a été « assez bonne » cette nuit, elle s’en sort avec 24 000 F CFA, après avoir « servi » quatre hommes. Abdoul ne trouve pas d’inconvénients à l’activité de sa copine. « Si cela peut lui permettre d’avoir un peu d’argent, où est le problème ? », lance-t-il. Les « amoureux » se font une place à l’intérieur du maquis. Aux environs de 3 h du matin, les racoleuses embarquent une à une, à bords de taxis. D’autres par contre : Enza et Alima sont conduites par des motocyclistes.
« Je n’ai pas le choix »
Pourquoi exercez-vous ce « métier » à cet âge? Cette question alourdit l’atmosphère des échanges avec les fillettes. Très réservée, chacune des mineures a un motif. Vanessa a fréquenté à Pô. En mai 2016, elle est admise en classe de 3e. Connaissant les réalités financières de ses parents, l’adolescente de 16 ans cherche à décrocher un emploi pendant les vacances, avec pour objectif de s’acquitter de sa scolarité en octobre. Une amie de la famille lui propose un poste de serveuse dans un grand restaurant à Ouagadougou, selon ses propos. « C’est elle qui m’a dit de venir ici, en attendant qu’on ouvre le restaurant. Chaque jour, elle me demande de lui envoyer 5 000 F CFA pour qu’elle garde pour moi », explique Vanessa, les yeux noyés de larmes. Et d’ajouter : « Si je n’amène rien, elle me bat et je dors dehors. Je n’ai pas le choix seulement. Quand je viens, dès que j’ai l’argent qu’elle exige, je rentre pour dormir ». Déscolarisée en 2013 pour des raisons de famille, Roxane, 13 ans, fréquente les trottoirs depuis près de quatre semaines, notamment les week-ends, et ce, sur les conseils avisés de Alima, 16 ans. « Je le fais pour mes petits besoins. Sinon, papa et maman me donnent l’argent. Mais, ce n’est pas suffisant. J’ai un petit ami étudiant. Il n’a pas assez de moyens. Souvent, je lui viens en aide », soutient Roxane. Elle révèle se limiter à 3 ou 4 hommes la nuitée, avec un minimum de 10 000 F CFA. Ce soir, la fillette a empoché 12 000 F CFA en l’espace de 3 heures (22h30-1h30), avec 3 « conjoints » différents. Quant à Enza, elle dit être arrivée à Ouagadougou après le décès de ses parents en 2013. La native de Koupèla est accueillie chez une tante, aux 1 200 logements. Une année plus tard, le mariage de la dame bat de l’aile. Enza rejoint sa grande mère, à Somgandé. Après son succès au CEP, elle est inscrite en classe de 6e, au Collège privé Saint Dominique. Mais, les choses tournent court. Depuis 2014, elle travaille « officiellement » dans un restaurant dans la journée. La nuit tombée, elle rôde sur l’avenue Thomas Sankara. L’adolescente s’est aujourd’hui transformée en une travailleuse professionnelle de sexe.
Ariane qui propose aussi ses services à proximité du château d’eau de Karpala, quartier situé au Sud de Ouagadougou, a vécu une autre réalité. Sur les motifs de sa présence en ces lieux, elle est réticente : « Rien ne s’est passé. (…) Je ne peux rien dire… c’est trop compliqué », insinue-t-elle. La voix entrecoupée de sanglots, elle confie : « Je vivais chez un oncle. On dormait dans la même chambre avec mon cousin. On a couché ensemble. Je suis tombé enceinte de lui. Quand, j’ai dit que c’était mon cousin, personne ne m’a cru. On m’a mise dehors. Je suis allée rester avec mes copines qui m’ont aidé à avorter. C’est avec elles que je viens ici ». Pourquoi n’es-tu pas retournée chez tes parents biologiques ? Ariane répond qu’elle a perdu son papa et sa maman ; elle « se débrouille » pour joindre les deux bouts. Vêtue d’un haut rouge et d’une mini-jupe noire, l’adolescente de 14 ans ne se vend pas cher. Même à 1 000 F CFA, Ariane est disposée à satisfaire son client, à condition qu’il s’acquitte des frais de la chambre. « A 3000 F CFA, je te fais tout ce que tu veux. Mais, c’est avec préservatif », prévient-telle. A 5 000 F CFA, elle se rend à domicile et peut y passer la journée, c’est selon les désirs du sieur.

243 mineures prostituées en 2014, à Ouagadougou

Le département de la Solidarité nationale, de la Femme et de la Famille a connaissance du phénomène dans plusieurs artères de la capitale burkinabè, sauf que pour le moment, il n’existe pas de chiffres exhaustifs de prostituées mineures, en l’absence d’étude nationale. La directrice provinciale chargée de la famille du Kadiogo, Maïmouna Zoma, souligne le « caractère clandestin et tabou » du racolage des mineures. « Cela ne facilite pas l’accès à l’information et la prise en charge des filles », ajoute-t-elle. Mme Zoma livre le rapport d’une « étude sur la prostitution des mineures et ses liens avec la migration et la traite à Ouagadougou », en 2014, du réseau ECPAT (End child prostitution, child pornography and trafficking of children for sexual purposes). L’ECPAT a recensé 243 filles mineures en situation de prostitution à Ouagadougou, au cours de cette année. « Il y a beaucoup de problèmes dans les familles. S’ils ne sont pas bien gérés, les enfants se sentent exclus. Facilement, ils se retrouvent dans la prostitution », explique la directrice provinciale de la famille du Kadiogo. Elle y rajoute, entre autres, les mariages précoces, les grossesses non désirées, la déscolarisation, la recherche d’autres alternatives de survie. A l’entendre, de nombreuses filles en situation de mobilité sont tentées de se prostituer, lorsqu’elles sont confrontées à des difficultés financières notamment. « Pour les étrangères, les situations connues montrent que ce sont des réseaux de proxénètes qui organisent la migration des mineures vers le Burkina. Celles-ci finissent par se prostituer », soutient Maïmouna Zoma. D’ailleurs, selon l’ECPAT, « Ouagadougou alimente le marché local voire international de la prostitution (…) avec des acteurs multiformes tels que les filles mineures ».
Lorsque des prostituées mineures se présentent aux services de la Solidarité nationale, de la Femme et de la famille, les agents transmettent le dossier à la Police nationale, qui le soumet à la justice pour traitement, explique-t-elle. « Une réquisition de la police permet à l’Action sociale de saisir un agent de santé en vue de statuer sur l’état de santé de la jeune fille, et si il y a eu violence, l’auteur (ou les auteurs) présumé est interpellé », précise Mme Zoma. Par la suite, des démarches sont entreprises pour la réinsertion sociale de la mineure. Le cas échéant, elle est placée dans un centre d’accueil, avec un accompagnement conformément à son projet de vie. Pour mener à bien ces actions, la direction provinciale du Kadiogo en charge de la famille collabore avec plusieurs structures dont l’Association liaison universelle pour le bien-être des enfants et des jeunes (ALUBJ). L’ALUBJ a initié des activités de sensibilisation à l’endroit des travailleuses de sexe, avec un accent sur les serveuses de maquis et bars de l’arrondissement n°3 de Ouagadougou. A cet effet, elle s’est entretenue avec 89 prostituées dont 26 ont moins de 19 ans.

Abandonner les trottoirs…

Des filles interrogées, aucune ne consulte le médecin pour un examen de santé. Comme méthodes contraceptives, elles privilégient le préservatif, la pilule et les implants. Pour Roxane, 13 ans, il n’y a aucun danger surtout qu’elle se protège et ne « sert » que 3 à 4 hommes par nuit. Chez Enza aussi, pas de feu dans la demeure, car elle compte abandonner le trottoir. Vanessa, Roxane, Ariane …ont formulé les mêmes vœux. Vanessa veut un jour, rejoindre Pô afin de décrocher son BEPC pour devenir une sage-femme. Roxane attend que son « prince charmant » d’étudiant achève ses études et l’épouse. Si Enza et ses « collègues » parviennent à réaliser leurs « souhaits », ce sont leurs « grandes sœurs » qui seront les plus heureuses. Car, les adolescentes leur ravissent la vedette. La « réussite » de ces « crudités » n’est pas du goût de toutes les travailleuses de sexe. Mariam « l’amour sauvage », 30 ans, ne cache pas sa colère. « Nous n’avons plus de clients. Lorsqu’ils arrivent, ils se dirigent vers les mineures. Pour une qui n’a jamais palper 5000 F CFA, pour une telle rémunération, elle se livre sans même porter de préservatif », fulmine-t-elle.

Djakaridia SIRIBIE

Haro sur les proxénètes.
Les « minettes » ne sont pas les seules bénéficiaires des fruits des trottoirs. C’est le constat, au regard de l’organisation du milieu. Le tablier, chargé de garder les sacs des prostituées, perçoit 1 000 F CFA par sacoche à la fin de chaque soirée. Les filles ont également une « sécurité rapprochée ». Au cours de nos entretiens, leurs « gardes du corps » ont plusieurs fois fait irruption pour mieux comprendre la situation. Ils ont été rassurés par nos interlocutrices. L’une d’elle nous a confié débourser 1 000 F CFA par jour pour sa sécurité. Les mineures ont aussi des « propriétaires », à qui elles rendent compte et leur versent le gain journalier. En réalité, il s’agit de proxénètes qui encouragent les filles à se prostituer et tirent profit de leur activité.

Une législation « difficile à appliquer »
Au Burkina Faso, il existe la loi n°0011-2014 du 17 avril 2014 portant répression de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants, en plus de la section 9 (article 422 à 430) du Code pénal. En son article 7, elle considère la prostitution des enfants comme « le fait d’offrir, d’accepter, de procurer ou de se procurer un enfant à des fins de prostitution ». Le (ou les) coupable est puni d’un emprisonnement de 5 à 10 ans et d’une amende de 1 500 000 à 3 000 000 de F CFA ou de l’une de ces deux peines seulement, selon l’article 8. L’article 11 précise que le complice « encourt la même peine que l’auteur principal ». En cas de récidive, la sanction est de 10 à 20 ans d’emprisonnement et d’une amende de 3 000 000 à 6 000 000 de F CFA ou de l’une de ces deux peines seulement.
Selon une source policière, il est « difficile d’appliquer » ces dispositions légales, dans la mesure où la constitution d’un dossier de prostitution d’enfant demande des preuves « solides ». Pourtant, les filles collaborent « difficilement » avec les flics. La source indique également, qu’elles sont sous l’emprise de réseaux et elles dénoncent « très rarement » ces fautifs.
D. S.
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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