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Nuisances sonores : A la recherche du calme perdu
Publié le vendredi 9 decembre 2016  |  L`Observateur Paalga




Comme la plupart des autres capitales africaines, Ouagadougou regorge d’espaces, en plein air ou fermés, destinés à la détente des populations. Mais ces endroits où entre amis on lève volontiers le coude sont, dans bien des cas, sources de nuisances multiples qui mettent parfois en conflit ouvert les riverains et leurs promoteurs. En effet, cette situation est durement vécue par de nombreux Ouagalais, voisins malgré eux de ces temples du son et parfois de la luxure encore appelés «maquis», qui agressent à longueur de journée et surtout la nuit venue les tympans avec des bruits des plus assourdissants. Pour avoir une idée de l’ampleur du phénomène, de la réglementation en la matière, recueillir l’avis de quelques «victimes» ainsi que les dispositions prises par les différents acteurs du domaine pour ne pas franchir le Rubicon…, nous nous sommes rendus dans certains quartiers, troquets et services concernés. Une pêche à l’information juste qui n’a pas toujours été bien perçue, mais qui nous a permis d’aborder ce sujet qui, de plus en plus, est préoccupant dans la cité.

Un samedi sur la terre, précisément à Ouaga. De part et d’autre de l’avenue de l’Entente, à Gounghin, des bars de tous les gabarits rivalisent de concurrence, de spécialités et souvent de décibels pour appâter les chalands. Le terre-plein central est même devenu à cette occasion un parking où stationnent toutes sortes de cylindrées au grand dam des usagers de la route, qui doivent parfois négocier le passage.

Par endroits, des chasseuses de mâles en chaleur reluquent goulûment de potentielles proies. Scènes ordinaires et quotidiennes par ici où tous les jours, du lundi au lundi, c’est la bamboula. Ce, pour le malheur de riverains impuissants face à l’industrie de la distraction.

C’est par exemple le cas de ceux qui jouxtent le marché de Makougdougou, au secteur 7 de l’arrondissement 2 de Ouagadougou (Gounghin-Nord), où un débit de boissons dénommé «Club Burkindi» fait de nombreux mécontents. Parmi eux, Ousmane Tontorobo, ingénieur agronome à la retraite. Son domicile fait face au bistrot, et à l’entendre, c’est un véritable calvaire que lui et sa famille vivent quotidiennement. En effet, ils sont victimes de toutes sortes de nuisances. Il y a d’abord le bruit diffusé par les appareils de musique qui, selon lui, font même trembler les murs.

Ensuite, devant sa cour, à partir de 17 heures et ce jusqu’autour de 2 heures du matin, c’est l’enfer : personne, à ce qu’il dit, ne peut leur rendre visite, parce qu’il est pratiquement impossible de se garer du fait de l’occupation abusive de la voie publique. Autre problème, les murs d’enceinte sont devenus des urinoirs à ciel ouvert contre lesquels on se soulage sans gêne. « C’est dommage de le dire, confie M. Tontorobo, mais parfois le matin on trouve des préservatifs usagés dans la rue ». Il se passerait donc des choses pas très catholiques dans les environs pendant la nuit dans et aux alentours du fameux maquis. Et si le tintamarre continue au «Club Burkindi», il sera toujours difficile aux élèves d’étudier, précise-t-il.

Au regard de tous les ennuis vécus dans cet enfer qui était censé être une zone d’habitation, le souhait d’Ousmane Tontorobo et de tous ses voisins est que des solutions idoines soient être trouvées, que les tenanciers du maquis incriminé soient sensibilisés afin que conformément aux droits des uns et des autres le calme revienne au grand bonheur de tous. En attendant, sur conseil de personnes avisées, ils ont déposé une plainte auprès du Procureur du Faso à laquelle, à notre passage, il n’avait malheureusement pas encore été donné de suite.

Egalement voisin et victime de la situation créée au quotidien par le « Club Burkindi », Zacharia Simporé, ingénieur commercial et marketing de son état, donne aussi de la voix. « Tout le voisinage, confirme-t-il, est troublé par les nuisances sonores ». Encadrés par le Sport Bar, un autre maquis dans les environs, et le « Club Burkindi » qui font tonner très fort les décibels ; les habitants de la zone vivent de vrais problèmes. Impossible par exemple de suivre la télévision dans son salon si on ne monte pas le volume au maximum. Et M. Simporé de confirmer tous les déboires soulevés tantôt par son voisin Tontorobo.

Pour lui, on ne peut empêcher personne de gagner son pain quotidien. Mais du moment qu’il s’agit de cours à usage d’habitation, le moins que l’on puisse faire est de les exploiter judicieusement. Son constat est que les maquis poussent comme des champignons après la pluie. Il confie même avoir déjà été agressé par des clients ivres, alors qu’il tentait vainement de regagner son domicile dont la devanture est transformée chaque soir en parking. Son cri du cœur est que ceux qui sont censés réglementer les espaces de loisirs les rétablissent dans leurs droits. M. Simporé suggère que, s’il le faut, les textes soient revus et des dispositions prises.

Autrement, à la longue, les habitants qui ne savent plus où donner de la tête seront obligés de prendre leurs responsabilités vis-à-vis d’individus qui vont jusqu’à nuire à l’avenir de leur progéniture.

Habitante de Nonsin, un quartier situé à la sortie nord de la ville, Bintou Tapsoba née Coulibaly n’est pas moins remontée contre le tapage nocturne qu’ils ont trop supporté, elle et tous les membres de sa famille. Le domicile conjugal jouxtant un night-club baptisé «Kosyam» qui diffuse sur une longue période de la nuit la musique à fond, elle a fini par manifester son écœurement à l’animateur qui en ferait parfois un peu trop. Il serait pratiquement impossible de fermer l’œil et l’éducation des enfants en prend un sérieux coup. Ces plaintes, confie-t-elle, sont quasi permanentes chaque nuit mais il n’y a jusque-là pas de changement notable. Elle a approché dans ce sens le propriétaire des lieux sans succès. Impuissante et résignée, elle en appelle à l’intervention des autorités municipales pour les aider à retrouver leur quiétude perdue.


80% des bars-dancings n’ont pas d’autorisation d’exercer


Pour l’inspecteur de police Jean Marie Ouédraogo, directeur de la Police municipale, il y a un arrêté sur la lutte contre les bruits. Le texte est assez clair pour ce qui est des nuisances sonores. Il prend des dispositions pour interdire le vacarme dans la fourchette de 12 heures à 14 heures, et de 20 heures jusqu’au petit matin. Pour ce qui concerne les débits de boissons, les textes disent clairement qu’à partir de 23 heures, les bruits ne doivent pas être audibles depuis l’extérieur. Il appartient donc aux propriétaires des bistrots d’aménager leur espace de telle sorte qu’au-delà de l’heure indiquée on n’entende plus les décibels de l’extérieur.

Naturellement, toutes ces orientations ne sont pas respectées par les acteurs concernés. Ainsi, lorsqu’il y a une plainte relative aux nuisances sonores, la direction de la Police municipale dépêche une équipe sur le terrain pour procéder à une sensibilisation sur la base des textes en la matière.

Des contrevenants, on en rencontre, foi du directeur de la Police municipale. Nombre d’entre eux ont déjà été interpellés par ses services. Au cours de l’année 2015, un total de 65 maquis et autres espaces de loisirs ont ainsi été épinglés. Ce chiffre connaît une hausse sensible cette année avec déjà une bonne centaine d’interpellations. L’année dernière, a dit l’inspecteur Ouédraogo, sept débits de boissons ont purement et simplement été fermés pour fait de bruit et de tapage nocturne.

Des noms ? Nous ne les aurons pas avec notre interlocuteur. Seuls les maires des circonscriptions administratives qui les abritent peuvent le faire, parce que ce sont eux qui délivrent les autorisations d’ouverture. Un constat ahurissant cependant ! A Ouagadougou, révèle l’inspecteur Jean Marie Ouédraogo, environ 80% de propriétaires de débits de boissons ne détiennent pas de permission d’exercer. Cela signifie donc qu’ils ignorent royalement les textes qui régissent leurs activités. Pas étonnant donc que la majorité des maquis à travers la capitale ne respecte pas les textes sur les nuisances sonores.

Et le moins que l’on puisse dire est que les plaintes sont très récurrentes. Le poste de commandement opérationnel de la Police municipale, qui fonctionne 24 heures sur 24, en reçoit régulièrement. Lorsqu’on fait le point, explique l’inspecteur, on se rend compte que la plupart des plaintes concernent les troquets qui font vraiment dans le tintamarre. Chaque fois que la Police municipale est interpellée, ses éléments, indique-t-il, peuvent travailler au-delà d’une heure du matin.

Lorsque le constat est fait, une convocation est délivrée au propriétaire de l’espace de loisirs dénoncé pour une sensibilisation. Quand il y a refus de la part de ce dernier de se plier à la réglementation en vigueur, le matériel qui est la source du vacarme constaté est saisi. Il n’est restitué qu’après le payement d’une contravention. S’il s’agit d’un multirécidiviste, une correspondance est alors adressée à l’autorité de l’arrondissement dont il relève pour procéder sans délai à la fermeture du maquis.

Il est normal pour chaque citoyen d’évoluer dans le secteur d’activités qui lui convient, mais pas au détriment de la quiétude ni du bien-être des autres membres de la société. Ne dit-on pas que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ? Et le directeur de la Police municipale de lancer un appel à tous les propriétaires de maquis qui ne sont pas en règle à se conformer aux textes en régularisant leur situation. Des mises en demeure assorties d’un délai sont adressées à des propriétaires pour leur permettre d’être à jour vis-à-vis de la loi. Ce qui est sûr, confidence de Jean Marie Ouédraogo, des mesures sont en train d’être prises par l’autorité compétente pour la fermeture pure et simple de tous les débits de boissons qui n’ont pas d’autorisation d’exercer. A bons entendeurs, salut !



Amortir les décibels



Mais que disent les auteurs de nuisances sonores dans tous ça? Nos tentatives pour avoir leur son de cloche, si on ose dire, n’ont pas été fructueuses. Nombre d’entre eux nous ont fait tourner en rond avant de décliner l’offre d’interview après plusieurs rendez-vous manqués. Cependant, un promoteur, en l’occurrence le gérant du bar-dancing avec Night-club, «La Citadelle», autrefois appelé «Le Faso», pour ne pas le nommer, Issouf Billa, a bien voulu nous entretenir de la gestion du son dans son univers.

A l’en croire, la réglementation en vigueur, qui ne lui est pas du tout inconnue, est respectée par son animateur-maison qui s’y plie résolument, ce d’autant plus que son espace jouxte une mosquée et une clinique privée qui héberge parfois des malades qui ne demandent qu’à se reposer. Le maquis, assure-t-il, dispose d’équipements appropriés et l’espace est conçu de manière à amortir les décibels pour éviter de déranger le voisinage. Et s’il arrive que le DJ (Disc Jockey) dépasse les bornes, il est vite rappelé à l’ordre, nous dit-on. A la Citadelle en tout cas, dit-il la main sur le cœur, les jours ordinaires, la musique est baissée au maximum à partir de 23 heures 30.

Les week-ends et les jours fériés l’animation peut aller jusqu’à 1 heure 30 pour respecterles textes. Malgré tout cela, regrette-t-il, se trouve des voisins avant ces heures pour exiger moins de bruit. Sans discuter, le DJ cède volontiers à leur désidérata, question d’entretenir le bon voisinage nécessaire à la vie en société. La Citadelle est-elle en règle vis-à-vis de la mairie de l’arrondissement n°2 dont elle relève ? Affirmatif ! Tous les papiers du maquis seraient à jour et un grand soin est accordé à la satisfaction des exigences en la matière. La conscience professionnelle, selon Issouf Billa, est la chose la mieux partagée dans son temple de loisirs qui autrefois a connu une grande renommée.

Malheureusement c’est ce qui manque ailleurs et où qu’on soit situé à Ouagadougou, on devrait pouvoir prendre en compte la vie des autres, faire en sorte que la cohabitation avec autrui soit des plus pacifiques et harmonieuses. Osons donc croire que l’autorité remettra en fin de compte les choses dans l’ordre d’ici là, afin que cette cohabitation pacifique tant recherchée soit une réalité dans les différents quartiers de la capitale. Surtout qu’avec les longs week-ends du 11-Décembre, de Noël et de la St-Sylvestre qui se profilent, la situation, comme qui dirait, risque d’être « plus pire » pour nombre de riverains qui vont encore vivre la croix et la bannière.



D. Evariste Ouédraogo





Encadré 1

Les nuisances sonores en bref



De l’avis des spécialistes, la pollution sonore regroupe généralement des nuisances et des pollutions induites par le son devenu dans certaines circonstances altéragènes. Elles peuvent être provoquées par diverses sources et les conséquences peuvent aller d’une gêne passagère à des répercussions graves sur la santé et la qualité de vie de l’homme, mais également à une altération du fonctionnement des écosystèmes, pouvant tuer des animaux ou empêcher leur reproduction normale. Ainsi, une large gamme de longueurs d’ondes peut être source de stress ou de pathologies, suivant l’intensité, la durée d’exposition, et la sensibilité de la personne ou de l’animal.



Encadré 2

Une plainte sur le bureau du Procureur



Sur conseil de personnes avisées, les voisins du « Club Burkindi » ont adressé une plainte au Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouagadougou. Cette missive dont teneur suit n’avait malheureusement pas encore eu de suite favorable à notre passage.



Ouagadougou le 7 juillet 2016





A madame le Procureur du Faso

près le Tribunal de grande instance de Ouagadougou



Objet : Plainte pour tapage nocturne, nuisance sonore, insalubrité, absence d’hygiène et atteinte à la morale publique



Madame le Procureur du Faso,



Nous, habitants du secteur n°7, arrondissement n°2 de Ouagadougou, portons à votre connaissance les sévices que nous subissons par un bar-dancing dénommé «Sport bar national» situé sur l’avenue du Conseil de l’entente à Gounghin et à l’ouverture d’un débit de boissons dénommé «Club Burkindi», à l’intersection de la voie allant du marché de Gounghin au yaar de Mankougdougou et de la rue Révérend pasteur Sana Compaoré.

Nous tenons à signaler que parmi les sévices que nous subissons, nos enfants n’arrivent pas à se concentrer sur leurs études, nous sommes incapables de suivre nos émissions à la télévision, nous assistons à des problèmes de parkings anarchiques devant nos concessions, des urines sur nos murs et devant nos portes, des préservatifs ramassés au petit matin par les enfants en bas âge aux alentours, etc.

Au vu et au su de tout ce que nous subissons, nous sollicitons auprès de votre haute bienveillance, la prise de mesures appropriées de nature à mettre nos familles à l’abri.

Dans l’attente et l’espoir d’une suite favorable, veuillez agréer, madame le Procureur du Faso, l’expression de notre profond respect.



Ont signé pour les familles :



- TONTOROGO Ousmane

- SIMPORE Zakaria

- SAWADOGO Aimé

- BOUDA Augustin

- OUEDRAOGO Firmin

- OUIYA Ernest

- SAWADOGO Abdoul

- SISSOKO Modou

- ZOUNGRANA Wenceslas

- SAM Séraphin
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