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Malick Sarr : «Les nouvelles adhésions soulignent la force d’attraction de la francophonie»
Publié le mercredi 30 novembre 2016  |  FasoZine
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© FasoZine par DR
Le Burkinabè Malick Sarr




Le représentant permanent de l’Organisation internationale de la francophonie dans l’Océan Indien évoque avec notre reporter, dans cet entretien plein d’enseignements, les contours de ses missions, mais aussi les questions principales qui ont meublé les discussions du 16e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage, qui vient de se tenir à Antananarivo, capitale de Madagascar. Egal à lui-même, le Burkinabè Malick Sarr montre une fois de plus qu’il a toujours la francophonie chevillée au corps.


Qu’est-ce qui justifie le thème « Croissance partagée et développement responsable : les conditions de la stabilité du monde et de l’espace francophone » autour duquel s’est tenue la 16e Conférence des chefs d’Etat de la francophonie qui vient de s’achever à Madagascar ?

Dès que la Grande Ile a été désignée pour abriter cette 16e conférence, les chefs d’Etat ont voulu la placer résolument sous ce thème pour montrer leur engagement dans une croissance inclusive, dans une croissance au profit de tous. Plus spécialement, Michaëlle Jean a été élue lors du précédent sommet, en 2014 à Dakar, pour impulser la francophonie économique.

Aussi compte-t-elle mettre en place cette francophonie économique à travers l’axe de l’entreprenariat au niveau des jeunes et des femmes. Elle y travaille depuis deux ans et nous avons entrepris un certain nombre d’actions dans les pays membres. En ce qui me concerne en particulier, nous avons mis en place à Madagascar, au sein de mon bureau régional, qui a été créé il y a neuf mois, le premier incubateur de l’Océan Indien.

Justement, sur quels leviers repose la stratégie de la secrétaire générale de l’OIF pour booster la francophonie économique ?

Le principal levier, c’est les femmes et les jeunes. La Francophonie n’est pas un bailleur de fonds, mais dispose d’une expertise et de réseaux. Il nous faut mettre ensemble cette expertise, cette richesse. Au sein de la Francophonie, il y a des pays du Nord, des pays Sud, mais aussi, pour évoquer la question des migrations qui est très actuelle, des pays de départ, des pays d’arrivée, de transit, etc. Il s’agit aujourd’hui, dans cet espace de tous les possibles, de mutualiser nos efforts, nos intelligences pour arriver à une transformation significative de nos sociétés.

Deux ans après son élection, quel bilan peut-on faire de l’action de Michaëlle Jean à la tête de la Francophonie ?

Dès qu’elle a pris fonction, la feuille de route qu’elle a reçue des chefs d’Etat — du reste en droite ligne avec l’orientation de la campagne qu’elle a menée pour son élection — signifiait clairement la mise en place d’une stratégie économique. En effet, les chefs d’Etat avaient adopté une stratégie numérique au sommet de Montreux (Suisse) en 2010. Mme Jean est ainsi chargée de lier le couple numérique-économie pour mener des actions significatives dans tous les Etats membres.

Et sur le terrain aujourd’hui, que ce soit au Bénin, au Burkina Faso, au Mali, à Madagascar, au Togo ou en Tunisie, ces actions sont entreprises sur la base de ce couple pour transformer un tant soit peu la situation des jeunes et des femmes.

La mise en place d’une représentation dans l’Océan Indien, que vous dirigez, participe-t-elle de cette stratégie ?

La mise en place de cette représentation obéit à une logique au niveau de notre organisation qui veut que nous nous approchions davantage de nos régions pour nous approprier leurs problématiques et donc pour mieux les servir. La région de l’Océan Indien devait abriter ce bureau depuis une dizaine d’années. Mais comme vous le savez, Madagascar a connu une longue parenthèse de dix années sur la scène internationale et nous n’avons donc pas pu le faire plus tôt. A présent que le pays a accueilli le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement et est revenu dans le concert des nations, notamment suite à la tenue d’élections démocratiques et transparentes, il était de notre devoir de matérialiser enfin la mise en place de ce bureau dont j’ai la charge.

Que peut-on donc dire des actions menées en neuf mois au niveau de cette représentation en direction des pays de l’Océan Indien ?

Le bureau couvre Madagascar, les Seychelles, l’Ile Maurice, la Réunion, les Comores, Djibouti et le Mozambique qui, lui, est un pays observateur. Sur la base de cette géographie et de cette juridiction, je suis chargé de mettre en place les programmes de l’OIF. En effet, les pays de cette région n’en ont pas véritablement bénéficié depuis qu’ils sont membres de l’OIF.

Le bureau intervient donc pour élargir, consolider et asseoir la coopération entre ces pays et la francophonie, notamment dans des secteurs comme l’éducation, la culture — les industries culturelles en particulier —, le développement de l’entreprenariat chez les jeunes et les femmes. Ma feuille de route prend également en compte le secteur du numérique où nous devons contribuer à réduire la fracture numérique, ainsi que le développement local…

Au cours de ce 16e sommet, on a enregistré beaucoup de signaux forts pour la promotion d’une francophonie des peuples. Comment le bureau que vous dirigez entend-il y contribuer ?

La francophonie des peuples veut dire très concrètement prendre en compte les intérêts des populations. Très vite, Mme Jean a beaucoup innové dans nos procédures, dans la manière de conduire nos débats, dans la participation des différentes couches. C’est ainsi notre mécanisme qui s’appelle la société civile francophone s’est réuni avant les chefs d’Etat pour interpeler ces derniers sur ses préoccupations.

Mais la véritable innovation de ce sommet réside dans la participation des jeunes. Pour la première fois dans l’histoire de notre organisation, des jeunes se sont réunis sur les cinq continents, ont mutualisé leurs intelligences, ont surtout recensé leurs problématiques qui sont en réalité communes. Il y a ainsi des constantes fortes — comme le chômage, l’employabilité… — qui reviennent dans toutes les concertations qui se sont menées en Afrique du Nord, en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale, en Asie, dans la Caraïbe, ici dans l’Océan Indien où, en ce qui me concerne, nous avons réuni 200 jeunes aux Seychelles au mois de septembre.

Tous ces jeunes se sont retrouvés à Paris en octobre dernier pour tracer la feuille de route qu’ils ont livrée aux chefs d’Etat à l’ouverture de sommet. Une phrase m’a personnellement interpellé dans leur déclaration : « Vous nous avez fait confiance, nous vous faisons confiance pour mettre en œuvre cette feuille de route. » C’est très fort !

Quatre nouveaux pays, pourtant éloignés de l’aire linguistique de la francophonie, ont été admis au sein de l’organisation au cours de ce 16e sommet…

Une adhésion souligne en elle-même l’attractivité de notre organisation. Le fait que certains pays demandent à adhérer à l’organisation est assez significatif de la force d’attraction de la francophonie. C’est aussi assez significatif du magistère d’influence de cette organisation, qui a assis une diplomatie au plan international au même titre que les Nations unies, l’Union africaine… Dès lors, il n’est pas étonnant que des pays qu’on ne peut a priori pas qualifier de francophones, en tout cas sous le prisme ancien, frappent à la porte pour entrer.

C’est ainsi que nous avons intégré à ce sommet la Nouvelle-Calédonie, la Corée, l’Ontario et l’Argentine. Ces adhésions nous enrichissent. Elles portent à 84 le nombre d’Etats et gouvernements membres et observateurs, et soulignent l’intérêt de ces Etats à nous rejoindre pour partager nos valeurs. Certes notre ADN c’est la langue française, mais au cours de toute l’histoire de la francophonie, il y a eu sédimentation de nouvelles valeurs…

Cela veut-il dire que le français pourra s’expérimenter là où on ne le parle pas ?

Le fait que des pays a priori non francophones viennent taper à la porte est aussi une promesse : « Nous aimons le français, nous aimons les valeurs que véhicule la francophonie et c’est pour cela que nous venons adhérer à votre communauté. »

Fort de votre expérience, quels devraient être selon vous les principaux chantiers à mener d’ici le prochain sommet de la francophonie ?

Aujourd’hui, le problème numéro un, c’est le terrorisme. Malheureusement, aucune action durable ne peut être menée tant que la paix n’est pas assurée. Vous avez beau élaborer vos programmes de coopération, si la paix n’est pas assurée, vous ne pourrez rien faire. Le problème numéro un aujourd’hui dans tous les cénacles internationaux, c’est la sécurité. Les chefs d’Etat y travaillent et je peux vous dire que c’est aussi le plat de résistance de ce sommet. Vous ne pouvez envisager aucun rassemblement humain sans le faire sous le prisme de la sécurité.

La question numéro un aujourd’hui, c’est comment nous faisons, comment nous mutualisons nos ressources et nos forces pour ramener la paix d’abord, et ensuite nous projeter sur la transformation de la société.

Vous êtes Burkinabè et vous vivez aujourd’hui dans l’Océan Indien, mais vous êtes surtout, Malick Sarr, un francophone dans l’âme et un grand militant de la francophonie…

Je dois dire que le Burkina est intimement lié à l’histoire de la francophonie. Vous savez, j’ai créé en 1993 l’une des premières Commissions nationales de la francophonie, qui a inspiré une douzaine de pays, qui sont venus chez nous prendre exemple, prendre nos textes, et je suis fier que cette Commission nationale continue d’exister. Elle est représentée ici aujourd’hui et c’est elle qui contribue à l’offre du Burkina en francophonie et à l’offre de la francophonie au Burkina. Oui, j’en suis assez fier !

Propos recueillis à Antananarivo par Serge Mathias Tomondji
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