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Libre circulation du bétail à Pissila : Quand la taxe Koglwéogo divise
Publié le mardi 29 novembre 2016  |  Sidwaya
marché
© Autre presse par DR
marché de bétail




Source de revenus pour les ménages notamment en milieu rural, l’activité de l’élevage est cependant confrontée à de nombreuses difficultés dont la plus récurrente est le vol d’animaux. Pour éviter les multiples plaintes qui fragilisent le tissu social dans leur zone, les groupes d’auto-défense, les Koglwéogo, ont mis en place la taxe sur l’achat des animaux dans les marchés de bétail et ceux en transhumance dans leur zone de surveillance. Acceptée par les uns, décriée par les autres, cette nouvelle taxe qui constitue la carte verte pour la libre circulation des animaux dans les zones n’est pas sans conséquences sur la recette des communes.

Modeste Zoungrana est chef de Zone d’appui technique (ZAT) à Pissila, localité située à une trentaine de kilomètres de Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord. Depuis son affectation en février 2016, il voit régulièrement ses papiers administratifs contestés par certains membres des Koglwéogo (les groupes d’auto-défense) de la zone. Ce mardi 9 août 2016, aux premières lueurs du jour, le chef ZAT se rend dans le village de Koalma (localité située à 9 km de son poste) pour une prestation. Après avoir vacciné et déparasité les animaux de deux éleveurs, ceux-ci déclarent n’avoir pas d’argent pour payer sa prestation pour avoir un certificat de vaccination. Afin de s’acquitter de leur dette, ils lui suggèrent alors de se rendre au marché de Pissila pour y vendre trois de leurs animaux. Le marché est conclu. En vue de leur permettre d’effectuer le déplacement, M. Zoungrana, leur délivre un certificat de vaccination provisoire avec le signalement des animaux. Sur le chemin, les deux éleveurs sont interpellés par une patrouille des Koglwéogo. Ils leur expliquent le motif de la traversée, tout en présentant le certificat de vaccination signé et daté par le chef ZAT. Mais les patrouilleurs balaient du revers de la main l’acte administratif, prétextant qu’ils ne savent pas lire. Appelé à la rescousse, le chef ZAT de Pissila se déporte sur les lieux pour plaider en leur faveur. Coup de chance pour les éleveurs, les Koglwéogo sont des connaissances de M. Zoungrana. Il parvient donc, sans coup férir, à dénouer la situation.
Cet incident rapporté par le chef ZAT de Pissila est le vécu quotidien des éleveurs de la localité qui se voient continuellement interpellés par des membres des groupes d’auto-défense qui exigent d’eux, une "quittance koglwéogo’’. Ce papier reconnu partout dans la région du Centre-Nord et particulièrement dans les 68 villages de la commune de Pissila, est obtenu moyennant une somme de 100 F CFA/tête pour les petits ruminants et 300 F CFA/ tête pour les gros bétails. Selon le chef Koglwéogo de Pissila, Hamado Ouédraogo, l’instauration de ladite taxe n’est pas fortuite. « Nous avons institué cette taxe au regard de la multiplication des vols dans les villages et au marché de bétail. C’est pour éviter les plaintes et les querelles entre les populations que nous avons décidé de mettre en place ce système qui permet de certifier l’origine de l’animal », explique M. Ouédraogo. Il relate que sur ce ticket, qui constitue la carte d’assurance contre les tracasseries de Koglwéogo, sont mentionnés le nom du vendeur, les caractéristiques extérieures de l’animal et toutes les indications permettant d’identifier l’animal et de disculper, le cas échéant, son propriétaire.

Une concurrence déloyale

Dans la région de l’Est, si les raisons sont sensiblement identiques, le mode de l’instauration de la taxe et les montants diffèrent. « Nous sommes à cheval entre le Togo et le Bénin et les zones de pâturage sont très nombreuses. Nous exigeons 1000 F CFA contre une carte Koglwéogo. Ainsi, il (Ndlr : l’éleveur) peut aller s’installer dans la zone de destination sans être inquiété ni pendant la traversée, ni pendant son séjour», assure le chef Koglwéogo de Fada, Moussa Thiombiano alias Django. Bien que leurs actions contre l’insécurité soient unanimement reconnues et saluées par les éleveurs, les taxes ne rencontrent pas l’assentiment de tous. Perçu comme une concurrence déloyale et illégale, ce recouvrement de la taxe par les Koglwéogo porte au final un coût sur la recette des communes de la zone. « Lorsque les gens achètent les animaux, en complicité avec les vendeurs, ils prennent des tickets Koglwéogo et disparaissent dans la nature », raconte le percepteur de la mairie au marché de bétail de Pissila, Bernard Sawadogo, ajoutant que ceux-ci se sont "imposés’’ dans le marché. «Nous leur avons demandé de mener leur activité hors du marché. Car, ils empiètent sur la nôtre et cela joue sur les recettes de la commune », affirme M. Sawadogo. Or, selon certaines indiscrétions, les éléments du groupe d’auto-défense perçoivent, depuis trois mois, cette taxe les jours de marché (le marché de bétail a lieu tous les trois jours, ndlr) avec la bénédiction du comité local de gestion du marché. Malheureusement, la pluie qui s’est abattue dans la commune, le jour de notre passage, n’a pas permis au chargé de la vente de quittances Koglwéogo de faire le déplacement. Mais le président du groupe, Hamado Ouédraogo, affirme que jusque-là, aucune difficulté liée à l’encaissement de cette taxe n’a été relevée. Les tickets sont acceptés par tous et entre deux marchés, l’homme confie qu’il arrive à épuiser un carnet qui fait au total 3 900 F CFA. Obligés de suspendre la taxe sur les gros ruminants pour cause de fluctuation du marché, ce mois d’août est une période «morte» pour les Koglwéogo, 20 à 30 têtes sont enregistrées par jour de marché. Mais, le conflit d’intérêt qui oppose la commune de Pissila aux Koglwéogo échapperait au comité de gestion, puisque son président, Adama Nabaloum dit n’avoir aucun regard sur leurs faits et gestes. « Depuis leur installation, nous ignorons comment ils fonctionnent. Ils ne nous rendent pas compte de leurs activités», laisse-t-il entendre. Et pourtant, approché dès les premiers instants de leur mise en place, le comité n’aurait pas trouvé d’inconvénient à l’installation des Koglwéogo. La lutte contre le vol de bétail semble avoir pesé en faveur des «nouveaux venus». « Avec la mise en place du système, on n’entend plus parler de vol », se réjouit M. Nabaloum notant au passage que cette taxe n’a pas d’influence sur le prix des animaux.

1000 F CFA pour le carburant

A quoi sert l’argent collecté ? Cette question semble embarrasser le président des Koglwéogo, Hamado Ouédraogo, qui se veut néanmoins clair : «Nous n’utilisons pas cet argent ni pour payer du carburant, ni pour d’autres usages du groupe. Les 100 F CFA sont bien repartis. 25 F CFA pour le collecteur, 25 F CFA pour l’achat des tickets et les 50 F CFA représentent notre contribution au développement du marché ». Pour ce faire, un compte, à l’en croire, est ouvert et environ 150 000 F CFA y sont reversés et cela malgré la confusion que cela a suscitée dès le départ. « L’argent prélevé au marché se trouve dans un compte différent de celui perçu à la suite d’interpellations de délinquants. Mais, nous avons estimé, à un moment donné, qu’une partie de l’argent devrait être mise à la disposition du comité de gestion du marché», explique M. Ouédraogo. A Fada N’Gourma, la taxe perçue sert à mener les enquêtes, selon le responsable Koglwéogo, Moussa Thiombiano. « Ce sont les éleveurs qui viennent à nous. Pour avoir la certitude sur l’origine des animaux, nous envoyons un émissaire dans le village pour confirmer ou infirmer que les animaux viennent de là. Les 1 000 F CFA exigés servent simplement à nous ravitailler en carburant », justifie M. Thiombiano. Une taxe que l’union des producteurs de la filière bétail-viande et l’association des exportateurs de bétail de Fada N’gourma se disent prêtes à honorer si la décision est prise de commun accord avec leurs structures respectives. «Nous ne voyons pas d’inconvénient à payer une taxe qui permet de garantir la sécurité de nos animaux, pourvu qu’elle ne nous soit pas imposée», dixit le président de l’association des exportateurs, Adama Kina. Son collègue de l’Union des producteurs, Jacques Moyenga, se veut, lui, néanmoins prudent. Il craint plutôt les dérives que peuvent entrainer l’instauration d’une taxe par les Koglwéogo. « Au début, le montant peut ne pas être important. Mais comme l’appétit vient en mangeant, un jour, ils peuvent décider de l’augmenter ou de vouloir l’imposer à tous les éleveurs. Or la loi ne les autorise pas à le faire », rappelle-t-il.

Donald Wendpouiré NIKIEMA
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