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Grève médias publics : «Tant que le syndicat ne me donne pas de carton rouge…» (Rémis Fulgance Dandjinou, ministre de la communication)
Publié le mercredi 12 octobre 2016  |  L`Observateur Paalga
Le
© Autre presse par DR
Le porte parole du Gouvernement, Rémis Fulgance DANDJINOU




Sit-in, débrayage de 24 heures, grève de 72 heures… On le voit, le Syndicat national des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC) hausse graduellement le ton dans sa lutte pour contraindre les autorités burkinabè à accéder aux revendications financières, matérielles et morales de ses membres. Et s’il y a un membre du gouvernement qui est dans la tourmente, c’est bien le ministre de la Communication, Rémis Fulgance Dandjinou.

Dans cet entretien qu’il nous a accordé le vendredi 7 octobre 2016 à son cabinet, il décortique la plate-forme revendicative du SYNATIC ; précise les points qui ont déjà trouvé «solution» ; soutient que les fils du dialogue ne sont pas rompus avec ses partenaires sociaux et annonce que les négociations pourraient aboutir à une satisfaction de la plate-forme du Syndicat dans les proportions soutenables par le budget de l’Etat. Rémis Fulgance Dandjinou a, par ailleurs, souhaité pour qu’à l’occasion de toute grève, un service minimum de l’information soit assuré dans les médias publics.

Lui qui aimait distribuer des cartons du temps où il officiait à BurkinaInfo, lequel Remis Fulgance Dandjinou journaliste aurait-il décerné au ministre de la Communication Remis Fulgance Dandjinou ? On lira avec grand intérêt sa réponse en fin d’interview.





Monsieur le ministre, au nom de quelle appartenance êtes-vous dans le gouvernement ? Car on ne vous savait pas militant du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP).



J’appartiens au cercle de ces Burkinabè qui voulaient que le pays change et qui se sont engagés pour ce changement-là, qui ont estimé à un certain moment que l’appel qui leur avait été fait de traduire par des actes ce qu’ils avaient toujours défendu est un appel qui les gratifiait et les honorait. Donc voilà mon appartenance.



Comme l’histoire peut être ironique parfois, vous voilà aujourd’hui dans le fauteuil de ministre de la Communication, un strapontin dont vous doutiez pourtant de l’utilité sous Blaise Compaoré. On imagine, à présent, que vous avez changé d’avis ?



Je pense toujours la même chose. L’utilité du ministère se pose en matière de coordination d’un certain nombre d’actions et de secteurs. Si nous avions aujourd’hui un Service d’information du gouvernement (SIG) suffisamment fort en hommes, en matériels ; si nous avions des entreprises de presse publiques qui ont une autonomie financière, la capacité d’assurer un traitement de l’information de manière professionnelle à équidistance des différents courants politiques et ouvertes à toutes les opinions, je pense que le ministre de l’Information n’aurait pas véritablement sa raison d’être. On aurait juste le ministre en charge des Relations avec le Parlement et une coordination de la communication gouvernementale qui relèverait du SIG.

Il est vrai que quand je faisais cette assertion, je ne maîtrisais pas certaines attributions du ministère de la Communication. Il s’agit notamment de la prise en compte de tout ce qui est appui et soutien à la presse privée mais qui, je pense, sur le long terme, peut trouver des canaux d’appui plus structurants que forcément à travers le ministère.

Je pense que, comme dans toutes les grandes démocraties, tôt ou tard, le Burkina arrivera à un moment où la question de l’existence du ministère de la Communication se posera, et à ce moment-là, les Burkinabè trancheront.



Vous avez quitté la chaîne de télévision BurkinaInfo. Mais, est-ce qu’il ne vous arrive pas de leur filer des tuyaux de temps à autre?



Non, je ne leur file aucun tuyau, même si cela peut paraître extraordinaire. Je pense que les responsables de BurkinaInfo ont compris l’esprit dans lequel je voulais qu’ils travaillent. La pire des choses qui pourrait arriver à cette jeune télévision, c’est qu’elle se retrouve dans une situation où son image peut être entachée par le vécu ou le parcours de son fondateur.

Je n’ai pas besoin de leur filer des tuyaux. Nous avons travaillé ensemble pendant une année, ils connaissent plus ou moins les principes qui me sont chers. Je peux leur faciliter certaines choses, mais je pense qu’ils ont compris que ça ne les arrange pas, et ils viennent très peu vers moi pour des requêtes, pour m’avoir comme invité sur leur plateau, car ce serait comme si j’utilisais une télévision à mon service. Venir vers moi, c’est aller contre les principes que j’ai toujours défendus. Pour moi, il faut toujours respecter les principes d’équilibre et d’équité dans le traitement de l’information.



Venons-en à présent à l’actualité au ministère de la Communication. Depuis un certain temps vous faites face à une grave crise au sein de votre département. A votre avis, toutes les revendications du syndicat sont-elles fondées ?



Il faut situer le contexte dans lequel cette crise intervient. Vous avez des conditions de travail pour lesquelles les travailleurs veulent une amélioration, vous avez des situations de gestion des carrières qui datent de 2004, pour certains, ou 2006 pour d’autres, et puis vous avez les travailleurs qui ont le sentiment que les autorités administratives veulent régenter le contenu de l’information.

A tous ces niveaux, je pense que les revendications sont justifiées. Je pourrais revenir sur les principaux points de revendication pour vous permettre de mieux comprendre…



…Justement abordons-les, Monsieur le Ministre. Le premier point qui nous vient à l’esprit, c’est l’indemnité vestimentaire. Quelle appréciation faites-vous de cette revendication ?



Je vais peut-être faire un peu de didactique parce que je veux vraiment que les Burkinabè comprennent ce qui se passe. Lorsque nous sommes arrivé au ministère, nous avons reçu une plate-forme minimale sur laquelle nous avons entrepris de travailler. Nous avons rencontré le SYNATIC et même envisagé des concertations régulières pour faire avancer les choses. Nous avons promis d’engager une réflexion sur un certain nombre de dossiers, de façon consensuelle, pour que courant septembre on aboutisse à un début de solutionnement.

Il y a des questions de gestion de carrières. Il s’agit notamment de certains agents qui travaillaient jusqu’à ce jour sous le statut de pigistes ; d’autres qui avaient été bloqués dans des catégories B1, A2 et A3 ; il s’agit également d’agents qui sont allés à la retraite sans avoir suffisamment cotisé pour bénéficier de la retraite proportionnelle. Sur ces questions, nous avons entrepris un processus qui fait qu’aujourd’hui nous pouvons dire, de façon certaine, que la question des pigistes a été réglée…



…Monsieur le Ministre, pour être « didactique » selon votre expression, nous allons aborder les revendications point par point si ça ne vous dérange pas…



…Non, ça ne me dérange pas.



Alors, revenons à la revendication portant sur l’indemnité vestimentaire…



C’est une indemnité qui, à l’origine, est perçue par des personnes qui, de par leur profession, ont besoin de valoriser leur image, d’être présentables. Cette indemnité est payée mensuellement aux journalistes à raison de 9 000, 10 000 et 11 000 FCFA selon le type de média auquel ils appartiennent. La revendication que nous avons reçue au départ, c’est qu’il fallait étendre cette indemnité aux travailleurs qui sont au niveau des DCPM (Direction de la communication et de la presse ministérielle) et du SIG. Nous avons estimé que c’était faisable, car ils sont aussi en contact avec le public dans l’exercice de leur fonction.

Au fil du temps, le syndicat a exigé que cette indemnité soit élargie à tous les journalistes, quel que soit leur lieu d’affectation.

Aujourd’hui ce que nous disons, c’est que sur cette question, il y a des possibilités de discuter et d’obtenir quelque chose. Le lundi 27 septembre 2016, le gouvernement a engagé des concertations avec le SYNATIC. A cette occasion, le gouvernement a offert de verser l’indemnité à tous les journalistes et assimilés à un taux de 11 000 F CFA. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que le gouvernement reste dans la dynamique de la négociation et du dialogue constructif.



Est-ce que vous pensez qu’avec 11 000 francs, un présentateur télé peut être assez… présentable ?



Je rappelle simplement que l’indemnité, je l’ai trouvée en l’état, mais je suis d’accord que tout est perfectible. Dans certains pays, il y a des approches différentes qui font que les médias se chargent d’habiller le présentateur et le journaliste qui produisent ses émissions. Le Burkina Faso, comme d’autres pays africains, a fait le choix de payer des indemnités vestimentaires. Il est évident aujourd’hui qu’on peut faire mieux, mais il faut tenir compte de la capacité de l’Etat à supporter cela. C’est pour ça que la discussion est ouverte. Il y a différentes possibilités qui peuvent s’offrir à nous. A nous de trouver de façon intelligente, en préservant les équilibres de l’administration financière de notre pays, le juste milieu qui puisse satisfaire à la fois les revendications du monde de la presse et les exigences de gouvernance que nous impose ce Burkina nouveau que nous voulons construire.



Qu’en est-il des autres indemnités ?



Il y a deux primes qui ont été demandées et qui ne sont pas payées aujourd’hui : c’est la prime de panier et la prime de risque.



Ces primes ont-elles été supprimées ou elles n’ont jamais existé ?



C’est de nouvelles primes que le SYNATIC demande à l’Etat dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie des travailleurs.



Et la question des agents qui n’ont pas atteint le seuil de cotisation de la retraite proportionnelle. Quelles sont les solutions que vous proposez ?



Sur cette question, nous avons entrepris des actions en vue du solutionnement. Nous avons soumis ces préoccupations aux Conseils d’administration des médias publics que sont Sidwaya et la RTB. Ces instances ont tenu des sessions extraordinaires pour autoriser aussi bien le recrutement des pigistes que le règlement des cotisations complémentaires pour la retraite proportionnelle. Les montants nécessaires pour permettre à ces agents de bénéficier d’une retraite ont été définis et autorisation a été donnée pour régler ces montants. Nous sommes en discussion avec la CARFO et la CNSS pour voir comment échelonner ce paiement pour permettre à ces travailleurs qui, pour différentes raisons, n’ont pas suffisamment cotisé de bénéficier de la retraite proportionnelle. Nous avons pris l’engagement auprès du syndicat qu’au 31 décembre 2016 cette question serait réglée.



Il y a aussi le point du passage du statut d’EPE à celui de société d’Etat...



La loi qui a été adoptée par le CNT en 2015 prévoit que les entreprises de presse publique soient érigées en sociétés d’Etat ou puissent avoir d’autres formes. Aujourd’hui, vous avez, par exemple, la radio et la télé de l’Assemblée nationale qui ont besoin d’avoir un statut précis, donc la loi prévoit d’autres formes. Ce que nous disons d’abord est que lorsque nous sommes arrivé, ces problématiques-là, nous les avons appréhendées. Nous avons demandé aux différents responsables de prendre des dispositions. Mais il ressort qu’il y avait des handicaps notamment le fait que la procédure demande un certain nombre d’états telle une budgétisation des études de ce passage. Donc nous avons demandé de façon raisonnable qu’on nous donne un délai de 6 mois pour finir ces études, faire un audit et dire si nous le faisons tout de suite ou si nous le faisons de façon graduelle.

Lorsqu’on parle de société d’Etat, beaucoup voient uniquement la question des avantages qui seront accordés, les salaires, etc. Mais le problème de la société d’Etat, c’est qu’il y a aussi une réalité de gestion qui va être mise en œuvre. Il y a la question de la restructuration de ces organes. Pour imager, je prends l’exemple de Sidwaya qui, en interne, a fait une première étude sur sa masse salariale qui augmenterait de 1,6 milliard de F CFA alors que Sidwaya ne génère que 800 millions de francs de ressources propres. Ça pose un problème : est-ce qu’on va être société d’Etat, augmenter les salaires pour que l’Etat continue d’injecter de l’argent dedans ? Pour la télévision nationale, nous sommes à peu près à plus de 800 agents dont certains ont une qualification relativement minimale. Qu’est-ce qu’on fait de ces agents ? Est-ce qu’on les redéploie ou est-ce qu’on doit s’en séparer ? Donc une fois l’étude terminée et la réalité prise en compte, il y a forcément besoin d’accompagner ces médias sur le plan de la restructuration qui ne va pas prendre 6 mois, mais peut-être 2 ou 3 ans. Et là, l’Etat devra accompagner Sidwaya, la RTB pour que cette mutation se fasse. Ce que nous avons demandé, ça paraît difficile, mais il faut que nous acceptions que la société d’Etat, si nous voulons la mettre en place, ait des implications qui vont au-delà de la simple question de la rémunération. Il est important donc que tous les acteurs en prennent conscience.



Pourquoi l’Etat n’aurait-il pas les moyens pour les journalistes alors qu’il a pratiquement tout concédé aux magistrats ? Est-ce parce que les journalistes seraient moins utiles que les juges ?



Chacun de nous dans la société, à la place où il se trouve, a une utilité. Nous sommes un corps constitué, et si nous enlevons une articulation de ce corps, la machine arrête de fonctionner. Donc chaque métier a sa noblesse, chaque métier a son sens dans notre société.

Pour revenir à la question des magistrats, moi je voudrais juste dire qu’elle a fait l’objet d’un consensus national. Peut-être qu’on l’oublie, en 2015, il y a eu cette grande rencontre où tous les acteurs ont acté ce Pacte pour le renouveau de notre justice, et l’ont signé. Les éléments de salaire qui ont été annoncés ont été très importants. Mais à l’époque, les Burkinabè ont estimé que c’était important que notre justice soit dans une situation qui lui permette de garantir le socle sur lequel nous allons construire notre vivre en commun. Je ne fais pas de comparaison, je dis simplement que chaque situation naît dans un contexte et il ne faut pas la sortir de son contexte pour l’expliquer. Je pense que si on ne contextualise pas une situation, on perd un élément important de la compréhension de ce qui se passe autour. Voilà ce que j’aimerais dire aux journalistes. Ils sont bel et bien importants. Sans les journalistes, je pense que beaucoup de ce qui s’est passé, la maturation de l’opinion publique dans notre pays durant ces 15 dernières années et même un peu plus, depuis la mort de Norbert Zongo, ne serait pas à ce niveau. Sans les journalistes, on n’aurait pas eu de montée de cette opinion qui a abouti à ce que des femmes, des jeunes, des anciens sortent et décident tous qu’il fallait opérer un changement dans ce pays. La presse, qu’elle soit publique ou privée, a joué un rôle important. Je ne nie pas l’importance des journalistes ; je dis tout simplement que chacun de nous a sa place et chacun fait son travail. Il n’y a aucun mérite que celui de faire son travail. C’est la nature humaine même qui est comme ça. Maintenant, je continue de penser que les revendications du monde de la presse publique sont des revendications qui sont importantes mais nous ne devrons pas perdre de vue que nous devons les régler dans le sens d’une discussion, d’un respect des textes de lois et dans le sens également d’une projection en se disant « nous sommes aujourd’hui à ce niveau, nous devons aller demain à un autre niveau. Allons-y étape par étape en garantissant en même temps la pérennité de ce Burkina que nous voulons construire. »



Puisqu’il faut y aller par étapes, Monsieur le Ministre, aujourd’hui qu’est-ce que vous êtes prêt à concéder aux syndicats ?



Je ne viens pas en discussion en disant je suis prêt à concéder ceci ou cela. Nous allons en discussions avec le ministère des Finances, le ministère de la Fonction publique en se disant :« Ecoutons, faisons des arbitrages, voyons ce qui peut être fait. » Si dans l’argumentaire, à un moment donné les journalistes arrivent à convaincre les trois ministères que cette question est essentielle, à ce moment-là nous, nous retournerons vers les autres membres du gouvernement et leur dirons que sur cette question, il est important de voir ce que nous pouvons concéder et ce que nous pouvons faire évoluer. Je voudrais rappeler que nous avons quand même énormément évolué. Il y a un certain nombre de revendications qui ont été posées et nous leur avons apporté des réponses dans un temps et dans un délai. Je pense que c’est important, si vous me le permettez, que je rappelle ces éléments afin que l’on comprenne que ces questions d’indemnités sont importantes, mais ne doivent pas cacher tout un ensemble d’autres choses qui ont été faites qui sont extrêmement structurantes pour la profession dans laquelle nous sommes.



Eh bien, quels sont ces éléments?



En plus de l’intégration de pigistes, de la question des cotisations de retraite, la RTB a élaboré un plan de carrière qui va permettre aux agents de cette structure d’évoluer convenablement dans leur carrière. Des échéances ont été proposées pour les premiers concours courant mars 2017. Pour Sidwaya, nous avons pris un peu de retard dans l’élaboration du plan de carrière et nous avons demandé qu’au plus tard en mars 2017, les textes d’orientation soient disponibles pour que les premiers concours se fassent également à Sidwaya dans les plus brefs délais.

Il était demandé également la relecture du décret portant création, organisation et fonctionnement du Service d’information du gouvernement (SIG). Ce décret, nous l’avons introduit en conseil des ministres le 28 septembre 2016 pour adoption. Le gouvernement nous a instruit de le reformuler. Nous l’avons retravaillé et nous allons le réintroduire.

Il y a aussi la question des frais de production à laquelle nous avons trouvé une solution. Nous avons, selon les orientations du ministère de l’Economie, des Finances et du Développement, demandé aux Conseils d’administration de voir dans quelle mesure nous pouvons aller vers un arrêté conjoint qui va permettre de payer ces frais. Les conseils d’administration se sont tenus, ils ont donné leur accord sur ces questions. Il reste maintenant que le texte définitif soit mis en œuvre par les deux ministères. Sur ces éléments, nous avons énormément progressé.



Est-ce que la question du blocage des agents dans leur carrière a été réglée ?



Pas encore. La question des gens bloqués en catégorie B1, A1 et A3 n’a pas encore trouvé solution. L’un des tout derniers conseils des ministres de la Transition s’était saisi du dossier, mais n’a pas pu trancher et a demandé donc aux ministres concernés de régler la question dans la mise en œuvre de la loi 081. Avec le ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale, nous sommes en train de voir ce qui peut être fait. Donc il faut que nous essayons de trouver des éléments de réponse en sachant bien sûr que la Fonction publique est unique, que les règles sont les mêmes dans tous les départements ministériels, que si l’on change les règles dans un département sectoriel, il va de soi qu’on les change dans tous les autres départements. Donc c’est un peu cette difficulté que nous avons.



Qu’en est-il de la prime RFI (Radio France international) ?



Il faut savoir que la RTB assure un certain nombre de facilités techniques et héberge les émetteurs de RFI. En retour, de façon annuelle, RFI paie à la RTB un montant. C’est sur ce montant que des primes sont versées aux techniciens qui travaillent sur ces émetteurs. Il y a un problème concernant l’année 2012, sinon en ce qui concerne 2013, 2014 et 2015, les primes ont été payées. La directrice générale de la RTB s’est engagée à payer les primes de 2016 d’ici la fin de l’année.



C’est quoi le problème concernant les primes de 2012 ?



Au titre de l’année 2012, la directrice générale de la RTB dit n’avoir pas retrouvé dans sa comptabilité de trace du paiement effectué par RFI. Pourtant, RFI certifie avoir payé. Donc en matière de gestion financière et administrative, la directrice générale de la RTB ne peut pas payer de primes non disponibles. Voilà le problème de 2012.



Et que dire du point sur les frais de pylônes ?



C’est une prime versée aux techniciens qui montent sur les pylônes pour effectuer des travaux sur les émetteurs, et au titre de ces travaux il faut leur payer des frais. Comme la dépense n’est pas prévue, le paiement pose un certain nombre de problèmes. Mais avec le ministère de l’Economie et des Finances, dans le cadre de l’arrêté conjoint que nous allons prendre sur les frais de production, la question des frais de pylônes a été intégrée pour gérer définitivement cette question.



Il y a également la question des verres correcteurs ?



L’une des revendications, c’est que les verres correcteurs soient remboursés. Ce problème s’était déjà posé. Sur cette question, le ministère la Fonction publique et celui des Finances avaient indiqué que cette question serait prise en charge dans le cadre de l’assurance universelle qui va être mise en place.



On a eu d’abord un sit-in, puis une grève de 24 h, ensuite une grève de 72h. Entre vous et les syndicats, on a l’impression que c’est l’escalade…



Non, je ne pense pas qu’il y ait de l’escalade. Je pense que les syndicats sont dans leurs revendications. Dans une négociation, je pense qu’à un moment donné, chacun utilise les moyens qu’il a pour faire pression sur l’autre ; ça fait partie de la lutte syndicale d’aller dans ce sens. Ce que moi je voudrais dire est que nous devons, quand même, quel que soit le modèle ou la modalité de la lutte, respecter la loi et l’outil de travail. Je pense qu’il est important pour tous les acteurs que cela soit perçu comme tel, c’est un élément important. Je dis cela parce que j’ai bien peur que certains actes portent des préjudices relativement graves à l’outil de travail. Lors de la première grève, il y a eu des agents qui sont allés couper l’émetteur. Au cours de la deuxième grève, on a vu des agents qui sont entrés dans le serveur de la télévision pour le déprogrammer. Mais récemment, on a eu une situation où on a caché ou déplacé certains instruments de travail pour que la programmation ne puisse pas se faire à la télé. On a eu une situation où on a mis une pression physique sur certains agents d’appui pour qu’ils ne soient pas présents. C’est ce qui m’inquiète parce que j’ai bien peur qu’au final, ce soit l’outil de travail qui paye le prix alors que nous nous battons pour que les conditions de travail s’améliorent, pour que cet outil de travail soit plus productif pour les Burkinabè.



La cérémonie de rentrée judiciaire, les médias publics ne l’ont pas couverte alors que le président du Faso y était. C’est la première fois qu’on arrive à boycotter le chef de l’Etat…



Je ne pense pas que les journalistes ont boycotté le chef de l’Etat. Les journalistes ont fait leur grève et il s’est trouvé que cette grève se déroulait pendant qu’il y avait cette cérémonie. En tant que structure de gestion de la communication gouvernementale, nous avons payé le prix de cette grève, mais je pense que les journalistes ne l’ont pas fait à dessein pour boycotter le chef de l’Etat. Par contre, ce qui est important à dire, c’est que dans toutes les Républiques qui se veulent démocratiques, respectueuses du droit, on assure un service minimum dans la tenue de l’antenne. A ce niveau-là, je pense qu’il nous faut, avec les syndicats, quelle que soit la situation dans laquelle nous allons être, trouver le moyen de nous asseoir et de dire qu’il y a un minimum de service que nous devons assurer. A Ouagadougou, ça ne pose pas de problème parce que nous avons une multitude de chaînes de télé qui ont couvert les évènements, mais à l’intérieur du Burkina, ça pose problème. Nous devons savoir que nous travaillons autant pour les citadins que pour les habitants des campagnes. Nous devons savoir aussi que l’outil de travail ne peut être confisqué à des desseins purement personnels. Je dis ça en parallèle, mais c’est comme si les médecins qui allaient en grève fermaient l’hôpital Yalgado et partaient avec les clés. Je pense aussi qu’il faut que les syndicats arrivent à recadrer certains travailleurs pour qu’il n’y ait pas de débordements. Je pense qu’assurer la tenue de l’antenne est un minimum sur lequel on peut s’entendre. Nous aimons bien prendre l’exemple des autres. Il y a une chaîne internationale que les Ouagalais écoutent quotidiennement, c’est RFI. Il fut une année où il y avait des mouvements de grève une semaine sur deux, mais il y avait un minimum d’information à destination de son public. Je ne comprends pas pourquoi nous, nous arrivons à une situation où il faut couper l’information. J’espère que dans le dialogue avec les syndicats, quelle que soit la prochaine forme de lutte, on pourra trouver un minimum consensuel qui garantisse aux Burkinabè un accès à l’information qui est un droit constitutionnalisé et sur lequel il est inadmissible que pour des questions de luttes syndicales, on prive les Burkinabè de ce droit.



Alors vous avez pu trouver un terrain d’entente pour que la prochaine fois il y ait ce service minimum ?



Nous allons nous remettre à discuter avec les syndicats. Nous allons discuter du fait que nous avons une obligation de service minimum parce que certains services sont considérés comme des droits pour les populations et nous sommes dans cette logique. Si on est considéré comme le quatrième pouvoir, nous devons accepter aussi les obligations qui vont avec ce pouvoir qui est de continuer à donner le minimum d’information. Est-ce que vous imaginez que s’il y avait eu un accident ou une catastrophe naturelle pendant cette grève, les Burkinabè ne l’auraient pas su ? On n’aurait pas pu leur donner l’information uniquement parce que nous avons décidé, nous, que la télé et la radio ne devraient pas émettre et Sidwaya ne devrait pas paraître, parce que nous sommes en grève. Donc pour moi, c’est un enjeu important dont nous allons parler avec les syndicats. Et il faut que nous trouvions un minimum d’entente. Nous n’avons jamais voulu faire de telle sorte que les Burkinabè se disent qu’il n’y a pas de grève, on ne peut pas cacher le soleil avec la main, mais nous voulons simplement que les Burkinabè sachent qu’il y a grève, mais que ces travailleurs qui grèvent assurent un service minimum d’information.



Au-delà des revendications matérielles et financières, on vous reproche certaines déclarations, Monsieur le Ministre. Reconnaissez qu’elles ne sont pas politiquement correctes…



Si vous me répétiez ces déclarations, je vous répondrais…



…Comme, par exemple, le fait que celui qui n’est pas d’accord démissionne et crée son journal. C’est peut-être une vérité, mais est-ce politiquement correct de la dire ?



Vous savez, j’ai bâti une partie de ma vie journalistique en disant ma part de vérité. Si la vérité, c’est ce qu’on veut entendre, ça peut poser problème. Deuxièmement, je pense que sorti du contexte comme ça, ça peut choquer. Je disais à l’époque qu’il nous fallait faire de telle sorte que la mutation des statuts permette justement d’arriver à faire concilier la loi 081 et notre charte de l’AJB qui est notre code de conduite et de déontologie. Mais en attendant, j’avais dit que celui qui ne se sentait pas pouvait partir. Je rappelle que j’ai été fonctionnaire pendant douze ans et que j’ai démissionné de la Fonction publique. Je l’ai dit avec des mots qui peuvent heurter et qui ont d’ailleurs heurté certains, mais pour moi, ça paraît évident.



Au sujet des reproches faits à vous, on parle encore de la fameuse immixtion, des reportages qu’on refuse de faire diffuser. Sur ce point, quel est votre mémoire en défense ?



Comme je dis chaque fois qu’on me pose cette question, je serais fort aise si on m’amenait la preuve de cette immixtion. Je voudrais rappeler que le Président du Faso, lors de la Semaine nationale de la culture, a dit à la presse : « Critiquez-nous ». Il m’a dit dans la lettre de mission qui m’a été transmise par le Premier ministre que « la télévision nationale, les médias de service public sont au service de tous les Burkinabè, de toutes les opinions ». Donc je serai en déphasage avec ma lettre de mission si je me mettais à faire de l’immixtion et à faire de la censure au niveau des médias. Je voulais juste préciser qu’il y a nécessité que nous ayons un traitement plus professionnel autant au niveau des médias publics qu’au niveau de la presse privée. Aujourd’hui, je me rends compte qu’il y a un certain nombre de manquements, et ça je ne l’exprime pas à l’endroit des médias, je n’en parle quasiment jamais. Quand j’ai quelque chose à demander, et je le fais très rarement, je m’adresse à la direction ou au conseil d’administration.



Alors que vous reproche-t-on concrètement dans le domaine du traitement de l’information ?



Je pense que ce qui m’est reproché, c’est le fait que lorsque nous avons fait le lancement de la gratuité des soins, il y a un reportage qui a été réalisé à Saaba le lendemain même de l’entrée en vigueur de la mesure et qui présentait cette initiative comme un échec ; pas un échec en tant que tel, mais que les choses ne se mettaient pas réellement en œuvre. Ce jour-là, on peut le vérifier, c’est la seule fois où je me suis adressé sur un sujet de reportage au rédacteur en chef. Je lui ai demandé s’il ne pouvait pas retirer cet élément afin qu’il soit repris pour un traitement plus équilibré. Je pense que ça peut-être été mal pris. Mais je pense aussi que nous sommes des professionnels de l’information. Nous avons également une action qui doit être basée sur notre éthique et notre déontologie. A part cet incident, je ne vois pas comment je fais de l’immixtion. Après, qu’on dise que dans une réunion, j’ai dit ceci ou cela, j’ai la faiblesse de penser que nous sommes des personnes d’un certain niveau de responsabilité. J’assume tous les propos que j’ai tenus. J’avais demandé que nous donnions la parole à tout le monde, il faut que nous, en tant que gouvernement, nous puissions parler aussi. Je ne sais pas si, à l’époque, ça été perçu comme une immixtion, mais je pensais que je rappelais un principe qui est très simple dans les médias notamment les médias publics, c’est le respect d’un certain nombre de répartition du temps d’antenne entre le gouvernement, entre la majorité parlementaire, entre l’opposition, entre la société civile afin que les différents acteurs puissent participer à l’animation de la vie nationale. Je ne pense pas que c’était vraiment de l’immixtion.



De méchantes langues disent qu’après avoir coulé Canal 3 vous voulez en faire de même des médias publics. Quel effet ça vous fait d’entendre cela ?



Chacun de nous a son vécu. J’ai commencé dans la presse en tant que pigiste à Canal Arc-en-ciel et avant d’être ministre de la Communication, j’ai créé ma propre télévision. Donc j’ai mon parcours, j’ai une connaissance de l’espace audiovisuel. Je ne voudrais pas pour autant dire que je suis le meilleur dans le meilleur des mondes. Pour le reste, chacun dit ce qu’il a envie de dire. Vous savez, pour votre gouverne, je dirai tout simplement que ceux qui disent que j’ai coulé Canal 3 doivent savoir que les propriétaires de Canal 3 m’ont réaffirmé leur total soutien dans cette crise qui a secoué cette télévision privée. Ils ont mis sur la table la fermeture de la télé si je ne revenais pas. Ils m’ont proposé de me céder Canal 3 à hauteur de 60% du capital. J’ai refusé parce que je leur ai dit que j’étais en train de monter ma propre télé. Je les remercie pour cette marque d’estime qui est une reconnaissance du travail fait à Canal 3 pendant plus de 10 ans. Si les propriétaires d’une entreprise vous approchent pour vous dire de reprendre la télé, c’est peut-être aussi parce qu’ils pensent que là où la télé est arrivée, c’est un peu peut-être grâce à vous. Et ça peut se vérifier.



Ça nous plaisait beaucoup de voir le journaliste Rémis Dandjinou distribuer des cartons dans une de ses émissions sur Burkina Info. Aujourd’hui, quel type de carton auriez-vous donné au ministre de la Communication et aux syndicats si vous étiez toujours animateur de votre émission d’alors ?



J’allais donner un carton vert au ministre de la Communication parce qu’il fait montre de disponibilité, et lui avec les membres du ministère et le cabinet il essaie de trouver des réponses aux préoccupations des travailleurs.



Et quel carton au syndicat ?



Ça m’embête un peu parce que si je donne un carton vert aux syndicats, ça ne serait pas juste. Si je leur donne un carton jaune, ce serait allé trop loin. Donc je leur donne cependant un carton vert parce que nous sommes en discussion. C’est comme dans un match, l’arbitre hésite et puis après il ne sort pas le carton pour la simple raison que moi, je ne remets pas en cause la lutte ; ce que je remets en cause, ce sont les pressions morales et physiques qui sont faites sur les agents, le refus de permettre le service minimum dans la collecte, le traitement et la diffusion de l’information ; c’est l’atteinte au matériel de travail qui est en train d’être faite, et ça je pense que c’est dangereux. Après, le Syndicat peut me donner un carton ; tant qu’il ne me donne pas de carton rouge, je peux continuer à négocier. Cela dit, je pense que nous sommes dans une situation où on peut continuer à discuter ensemble.



Entretien réalisé par

San Evariste Barro

Hugues Richard Sama (stagiaire)
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