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Intégration des enseignants des écoles satellites : qui a "usurpé" la place de Jean Marie Thiombiano ?
Publié le mardi 20 septembre 2016  |  Sidwaya




En service à l’inspection de Matiacoli dans la région de l’Est, Jean Marie Thiombiano est instituteur adjoint certifié. Recruté par le projet Ecoles satellites et des Centres d’éducation de base non formelle (ES/CEBNF), il y sert depuis 2003. En 2009, le gouvernement décide d’intégrer des enseignants de ces écoles dans la Fonction publique. Contre tout attente, M. Thiombiano ne sera pas des heureux élus. Pourquoi ? L’infortuné l’ignore toujours. Mais, il pointe un doigt accusateur sur l’ancien directeur provincial de l’éducation nationale du Gourma, Maurice Yaméogo, lui reprochant d’avoir ‘’vendu’’ sa place…

«Je viens juste, son excellence monsieur le Président du Faso, solliciter l’aménagement de ma situation. C’est-à-dire mon intégration dans la Fonction publique afin d’éviter un dégât humain qui pourra entraîner un deuil national. Je ne veux plus vivre». C’est un extrait de l’ultime lettre de détresse datée du 14 avril 2016 et signée de Jean-Marie Thiombiano, instituteur adjoint certifié dans le projet Ecoles satellites et des Centres d’éducation de base non formelle (ES/CEBNF), adressée au chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré. Cette lettre a bien eu un accusé de réception de la part du directeur de cabinet de la Présidence du Faso, Seydou Zagré, le 26 avril dernier. Pourquoi, une question d’intégration doit être «gérée» au plus haut sommet de l’Etat ?
En effet, Jean-Marie Thiombiano a été recruté en 2003, comme instituteur adjoint certifié à Kpentchangou (à 45 Km de Fada N’Gourma) dans la région de l’Est par le projet ES/CEBNF pour un salaire de moins de 30 000 F CFA. Cette somme semblait dérisoire pour l’enseignant, aujourd’hui âgé de 52 ans et père de sept enfants. Néanmoins, il continue de transmettre son savoir à la jeune génération dans cette partie du Burkina Faso. En quête d’un mieux-être, M. Thiombiano et trois autres camarades ne lâchent pas prise. Ils décident d’entamer des négociations pour leur intégration dans la Fonction publique. Nous sommes en 2006. C’est le début d’un long et difficile combat pour jouir des fruits de ses connaissances. En 2009, le ministère en charge de l’éducation de base décide d’intégrer l’ensemble des enseignants, titulaires du Certificat élémentaire d’aptitude pédagogique (CEAP). «Mon DPEBA (Directeur provincial de l’éducation de base et de l’alphabétisation, ndlr), en son temps, Maurice Yaméogo, a vendu ma place à sa copine, Mokiéti Tankoano qui enseigne à Gayéri, chef-lieu de la province de la Komondjari», lance tristement l’instituteur, Jean-Marie Thiombiano. De teint noir, les yeux couleur sang, son handicap au pied droit l’empêche de marcher correctement. Du haut de ses 1m75, lorsque nous le rencontrons dans la matinée du 27 juillet 2016, il est au bord des larmes. Pour lui, Maurice Yaméogo, qui l’aurait affirmé qu’il bénéficie de relations influentes dans le milieu politique, est le principal responsable de ses malheurs.
Mais, M. Thiombiano garde toujours en mémoire, que Mme Tankoano était démissionnaire du projet ES/CEBNF au moment où l’appel à candidature avait été lancé. Normalement, dit-il, elle ne devrait pas pouvoir déposer un quelconque dossier. Or, selon ses dires, celle-ci a pu constituer un dossier qui aurait été signé par son inspecteur d’alors, Lamoudi Yonli et non du DPENA de la Komondjari. L’instituteur est formel : «C’est Maurice Yaméogo qui a dit à Yonli de signer le document». Pour lui, la mise en cause n’avait pas son nom sur la liste de 2009, puisque ne faisant plus partie des effectifs du projet ES/CEBNF. De plus, M. Yaméogo aurait, à l’en croire, refusé en son temps d’afficher la liste des personnes concernées par l’intégration.

La seconde chance

Qu’à cela ne tienne, il poursuit en solitaire, son combat pour son intégration dans la fonction publique. Contre tout attente, une seconde chance frappe à la porte de l’«endurant» instituteur ! Le 18 février 2014, un communiqué signé de l’ancien secrétaire général du MENA, Winson Emmanuel Goabaga, invite un groupe de 19 enseignants des écoles satellites à monter leurs dossiers pour étude, en vue de les intégrer dans la Fonction publique. Sur la liste des 19 personnes, figure bien à la 6e position, le nom : Jean-Marie Thiombiano. L’homme n’en croit pas ses yeux ! La patience est un chemin d’or, se dit intérieurement l’homme après moult déboires. Il s’empresse de réunir toutes les pièces requises et dépose son dossier. Son rêve n’est que de courte durée. Qu’est-ce qui n’a pas marché encore ? Jean-Marie dit ne rien comprendre! Cette fois-ci, le doigt accusateur est pointé sur le directeur des ressources humaines du MENA, Sibiri Evariste Sawadogo qu’il soupçonne d’être de surcroît «de mèche avec Maurice Yaméogo».
Des accusations balayées du revers de la main par les principaux mis en cause. De son côté, Maurice Yaméogo, en service actuellement à l’inspection technique des services du MENA se dit surpris d’être l’objet d’accusations aussi graves. «Je ne comprends pas pourquoi, il m’accuse. La dame en question, Mokiéti Tankoano relève d’une province que je ne dirigeais même pas, en l’occurrence la Komondjari. Je ne sais pas comment je peux signer le dossier de cette dame ou dire à quiconque de le signer alors que son inspecteur et son DPENA sont là. Vraiment, je ne suis pas content de ce que Jean-Marie fait. Il m’a trainé devant la gendarmerie, on s’est expliqué. L’inspection générale des services est venue mener ses investigations. Je ne suis pas mêlé à son dossier», jure la main sur le cœur, M. Yaméogo. Mieux, il affirme avoir été disposé en son temps à résoudre le problème de Jean-Marie Thiombiano. Même s’il se souvient que Thiombiano lui envoyait des messages de menace de mort à chaque fois. Il soutient, par ailleurs, ne même pas connaître la nommée Mokiéti Tankoano, sa présumée ‘’protégée’’. Une thèse que tiendra également Mme Tankoano. «Je ne sais pas pourquoi ce monsieur m’en veut. Il me reproche d’avoir pris sa place. Nous ne nous connaissons même pas. Le Maurice Yaméogo en question, on ne s’est jamais vu. Moi, je suis à Gayéri, lui il est à Fada N’Gourma», précise-t-elle. Dame Tankoano dit en avoir ras-le-bol de cette affaire de détournement de place qui perdure depuis 2009. Elle soutient mordicus n’avoir jamais démissionné du projet ES/CEBNF. «Je l’ai seulement quitté en 2007 pour aller dans une école catholique. Je n’ai pas passé beaucoup de temps là-bas. Lorsque, j’ai eu la nouvelle de l’intégration, j’ai monté mon dossier comme tous mes collègues dans la même situation que moi», explique-t-elle.

L’âge, le véritable problème

Elle confie avoir été recrutée dans le projet en 1999 et pense avoir donné le meilleur d’elle-même en dépit de son salaire de misère. «Même si on devrait nous recruter sur la base de l’ancienneté, je devance de loin Jean-Marie», s’insurge-t-elle. Elle brandit son Certificat élémentaire d’aptitude pédagogique (CEAP) pour signifier qu’elle a le niveau requis pour enseigner. Le plus intrigant dans cette affaire réside dans le fait que l’intégration de Mokiéti Tankoano n’aurait pas suivi les règles en la matière, lors des investigations de l’inspection générale des services, à en croire certaines indiscrétions.
«L’inspecteur de Mme Tankoano a reconnu, en son temps, avoir signé le dossier. Il a reconnu son erreur puisque le dossier devrait être signé du DPENA de la Komondjari. Moi je n’ai rien à voir dedans», se défend Maurice Yaméogo. Le DRH du MENA, Sibiri Evariste Sawadogo, de son côté, dit avoir fait de son mieux pour résoudre le problème de Jean-Marie Thiombiano. Selon lui, l’âge de l’intéressé constitue le véritable obstacle. En la matière, les textes de la Fonction publique sont clairs : l’âge limite est de 37 ans pour les concours directs et de 47 ans pour les concours professionnels. Le DRH indique, en outre, que celui-ci n’a signé aucun engagement avec la Fonction publique l’astreignant à l’engager ou à passer un concours. «Ils sont quatre personnes dans cette situation et c’est lui seulement qui fait ce tapage depuis longtemps. Les autres ont compris parce que ce sont des cas sociaux que nous avons voulu gérer à travers des recrutements sur mesures nouvelles», affirme le DRH. A propos du rapport de l’inspection générale des services qui recommandait une solution d’intégration de M. Thiombiano, le DRH fait cette précision : «Nous avons fait ce que nous pouvions. La fonction publique a dit qu’elle ne peut pas engager quelqu’un qui ne peut pas cotiser 15 ans. Nous avons encore négocié pour que l’on antidate jusqu’à 2007 étant donné que ce sont des cas extraordinaires. Là encore la Fonction publique a refusé». Il ajoute que la dernière mesure a été de négocier avec le projet ES/CEBNF afin que l’on revoie à la hausse le salaire de l’intéressé. Une chose qui a été faite, puisque Jean-Marie Thiombiano a bénéficié d’un contrat d’un an quatre mois et perçoit un salaire de plus de 130 mille francs CFA. Des propos confirmés par l’intéressé. Cependant, il demeure inquiet. «Mon contrat prend fin le 30 septembre prochain et je vais me retrouver dans la rue, si rien n’est fait»,
s’alarme-t-il.

Gaspard BAYALA
gaspardbayala87@gmail.com
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