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An I du putsch manqué : attention à ne pas trahir l’esprit de la résistance
Publié le vendredi 16 septembre 2016  |  Le Pays




Cela fait un an, jour pour jour, que le Burkina Faso post-insurrection a été secoué par une tentative de putsch. En rappel, les éléments de l’ancien Régiment de sécurité présidentielle (RSP), avec à leur tête le général Gilbert Diendéré, dans l’optique de restaurer l’ancien pouvoir, se sont emparés du pouvoir en séquestrant le président de la Transition, le Premier ministre et deux autres ministres, avant de faire pleuvoir la répression dans les rues et les quartiers de Ouagadougou, sur les contestataires. Le bilan de ces nuits et journées chaudes est lourd en termes de pertes en vies humaines et de dégâts matériels, sans parler de l’incidence économique de cette tentative de putsch sur le pays. Fort heureusement, le peuple burkinabè, dans toutes ses composantes, s’est dressé comme un seul homme face à cette tentative de prise du pouvoir par la force.
C’est le lieu de rendre hommage à tous ceux et celles qui ont bravé les balles assassines, qui en sont morts ou marqués à vie, à tous les Burkinabè qui, d’une manière ou d’une autre, se sont levés pour dire non à la forfaiture. Mention spéciale également à l’Organisation de l’unité africaine à travers son Conseil de paix et de sécurité qui a fait preuve de fermeté contre les putschistes et à tous les pays amis du Burkina dont la contribution a permis d’abréger le calvaire du peuple.


Le sentiment qui domine aujourd’hui au sein des populations, est l’insatisfaction

Ce sont les efforts conjugués de tous ces combattants et hommes de bonne volonté qui ont fini par avoir raison des extrémistes du RSP. S’en est suivi la prise du camp Naaba Koom II, la dissolution du RSP, les arrestations subséquentes et la brouille avec la Côte d’Ivoire suite à l’implication présumée du président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, dans cette tentative de putsch, pour ne citer que cela.
Un an après, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts. Entre-temps, certains nostalgiques du RSP ont attaqué la poudrière de Yimdi avant de se faire neutraliser. L’instruction de l’affaire n’a pas non plus été un long fleuve tranquille. Le sentiment qui domine aujourd’hui au sein des populations, est l’insatisfaction par rapport à la façon dont le dossier tentative de putsch, est géré. Comment pouvait-il en être autrement quand les victimes et leurs ayants-droit ont l’impression que les choses ne sont pas faites dans les règles de l’art ? En général, en matière de putsch manqué où des acteurs ont opéré à visage découvert, le procès va vite. Ce, d’autant plus que le principal acteur, le général Gilbert Diendéré, collabore bien avec les enquêteurs et serait même, à ce qu’il se dit, « volubile ». Dès lors, on se demande pourquoi l’instruction d’un tel dossier prend autant de temps. Certes, il est important de ne pas verser dans la précipitation, mais comme le dit en substance une sagesse de chez nous, « le chien qui attend qu’on lui jette l’os, finit par avoir des doutes si celui qui le tient le garde trop longtemps par-devers lui ». En effet, plus les choses traînent, plus la suspicion grandit. Le peuple burkinabè attend légitimement que cette affaire soit jugée au plus vite. A défaut de le faire, tout devient suspect.
La suspicion est d’autant plus fondée que les nouvelles autorités n’ont pas rassuré les assoiffés de justice. La gestion du mandat contre Guillaume Soro, par exemple, a, jusque-là, été des plus opaques. Des informations ont fait état de deux arrêts contradictoires de la Cour de cassation sur la régularité du mandat contre Soro, rendus le même jour et d’une présomption de manipulation du registre du greffe de la Cour de cassation, relativement à la même affaire. Face à de telles informations d’une rare gravité dans un Etat de droit, le citoyen ne peut qu’être déçu. Ce lourd parfum de « tripatouillage » de décisions judiciaires heurte les principes élémentaires de l’Etat de droit pour lequel ces jeunes martyrs ont offert leur poitrine aux balles lors de l’insurrection et de la tentative de putsch.
La Justice a-t-elle été utilisée, pour ne pas dire  abusée, au service du « règlement diplomatique » de la brouille entre la Côte d’Ivoire et le Burkina, prôné par les nouvelles autorités politiques ? Bien des Burkinabè le pensent aujourd’hui. Ce serait fort regrettable s’il venait à être confirmé que la Justice a été mise ou s’est mise elle-même, à la botte des hommes politiques. Toujours est-il que le changement de commissaire du gouvernement et de juge d’instruction dans cette affaire, juste après cette décision « brumeuse » rendue par la Cour de cassation, a achevé de convaincre plus d’un Burkinabè que le politique est pour quelque chose dans ce micmac servi au peuple. Les libertés provisoires accordées à de présumées complices des putschistes, ont aussi rajouté à la suspicion.

Ils sont nombreux à penser que ceux qui ont donné leur vie en croyant sauver la démocratie, sont, en réalité, morts pour rien

En cet an I du putsch manqué, un autre constat et non des moindres, est que bien des acteurs de la résistance ont perdu, à tort ou à raison, de leur respectabilité. L’un des cas les plus malheureux est celui de certaines organisations de la société civile (OSC). Beaucoup de Burkinabè avaient cru en leur sincérité et vu en elles, les cadres fédérateurs dont ils avaient besoin pour défendre leurs idéaux. Tant et si bien qu’ils ne juraient plus que par elles, pour jouer le rôle de vigile au profit de la démocratie. Avec les diverses révélations sur les unes et les autres et surtout avec le mutisme de certaines d’entre elles malgré certaines dérives des nouveaux tenants du pouvoir, bien des citoyens sont blasés. Tant et si bien qu’ils sont nombreux ceux qui vous diront, non sans soupir, que ceux qui ont donné leur vie en croyant sauver la démocratie, sont, en réalité, morts pour rien. Du moins, leur sacrifice n’aurait fait que permettre à d’autres « rapaces » de faire main basse sur le pays et ses ressources, sans aucun respect des valeurs qu’ils ont entendu défendre.
En tout cas, il y a une constante actuellement dans la bouche de bien des Burkinabè, sur la gestion du dossier du putsch manqué: une sorte de déception. Les nouvelles autorités politiques et judiciaires sont soupçonnées de ramer à contre-courant des aspirations des acteurs de la résistance au plan social, mais surtout au plan judiciaire. Il faut faire attention à ne pas trahir l’esprit de la résistance. Cet esprit de faire du Burkina Faso un Etat de droit digne de ce nom, où la veuve et l’orphelin sont sûrs que justice leur sera faite s’ils sont l’objet d’une injustice quelconque, un pays où l’indépendance de la Justice conquise est assumée comme il se doit, où les institutions sauvées au prix du sang, n’ont d’autre préoccupation que la satisfaction de l’intérêt du peuple. Le meilleur hommage qu’on puisse rendre aux victimes du putsch manqué comme de tous les autres actes de barbarie d’ailleurs, c’est de leur rendre justice et faire en sorte que les idéaux pour lesquels ils ont donné leur vie, soient la boussole de toute autorité.

« Le Pays »
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