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Me Augustin Loada : « si je devais défendre un des putschistes… »
Publié le vendredi 16 septembre 2016  |  L`Observateur Paalga
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© aOuaga.com par A.O
Gouvernement : les ministres tiennent leur premier conseil d`après-putsch
Vendredi 25 septembre 2015. Ouagadougou. Le gouvernement a tenu son premier Conseil des ministres d`après-putsch au Premier ministère et non au palais présidentiel comme c`est de coutume. Photo : Augustin Loada, ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Sécurité sociale




Titulaire de la Fonction publique sous la Transition, il était, avec son collègue René Bagoro de l’Habitat et de l’Urbanisme, le seul ministre à avoir été pris en otage par les putschistes de septembre 2015 en même temps que leurs patrons, le chef du gouvernement, Yacouba Isaac Zida, et le président, Michel Kafando.

Aujourd’hui encore, le Pr Augustin Loada se demande pourquoi il avait été ciblé exprès.

Mais dans cette interview réalisée dans le cadre du premier anniversaire du coup d’Etat manqué du général Gilbert Diendéré, nous avons choisi exprès de ne pas revenir sur cet épisode sur lequel, au demeurant, il s’est déjà longuement exprimé. Nous lui avons plutôt posé trois petites questions sur sa nouvelle vie, celle d’avocat qu’il est en train d’embrasser.

Et si, par extraordinaire, l’un de ses bourreaux lui demandait d’assurer sa défense ? Question à une robe noire.

On vous a toujours connu professeur de droit, pourquoi vous êtes devenu avocat ? C’est parce que ça paie mieux ?



C’est un rêve d’étudiant que je n’ai pas pu réaliser par le passé pour diverses raisons. Quand je suis allé en France pour mes études de 3e cycle, c’était dans l’optique de devenir avocat. Lorsque j’ai terminé ma thèse, j’ai commencé une carrière d’enseignant-chercheur, sans pour autant avoir renoncé à mon rêve de devenir avocat. Je savais que dans beaucoup de pays les enseignants en droit, sous certaines conditions, pouvaient être dispensés du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA).

Mais j’ai par la suite été découragé par la loi relative à la profession d’avocat qui avait été votée et par l’interprétation qui en était faite par les avocats, qui obligeaient les enseignants à démissionner avant de prêter serment. Leur interprétation était que les agents publics étaient dans des liens de subordination qui ne leur pemettaient pas d’être indépendants comme avocats. Je n’ai pas bien compris cette interprétation puisque pour moi, ce qui caractérise l’universitaire c’est aussi sa grande liberté.

En tout état de cause, j’ai beaucoup hésité à franchir le Rubicon parce que je tenais à ma carrière universitaire mais aussi, je considérais ma fonction d’enseignant comme une forme d’engagement, voire une forme de charité envers les jeunes étudiants qui ont besoin de mon encadrement pour se former ; fort heureusement pour nous, un règlement du 25 septembre 2014 relatif à l'harmonisation des règles régissant la profession d'avocat dans l'espace UEMOA a prévu que les agrégés pouvaient être dispensés du CAPA. Toutefois, ils doivent, avant leur prestation de serment, suivre des cours de déontologie et de pratique professionnelle d'avocat durant une période d'au moins six (6) mois suivant des modalités définies par le Bâtonnier. Je dois reconnaître que cette ouverture du Barreau du Burkina envers les agrégés est aussi due à la hauteur de vue du Bâtonnier actuel et de son équipe. J’ai en effet des collègues de pays voisins membres de l’UEMOA qui font état d’entraves que certains barreaux ont érigées pour décourager l’accès à la profession par les enseignants en droit. Je trouve cela dommage. Dans la plupart des pays démocratiques qui nous servent de modèles, il y a des passerelles entre les deux professions, entre enseignants et avocats, un dialogue entre théoriciens et praticiens.



Néanmoins, cela ne va-t-il pas négativement impacter vos activités d’universitaire et votre engagement dans la vie associative ?



Je ne le pense pas. C’est une question d’organisation. Je compte bien établir des synergies, capitaliser mon expérience d’enseignant-chercheur dans ma nouvelle profession et vice-versa. C’est tout l’intérêt d’avoir cette double casquette. Que le théoricien éclaire le praticien et que le praticien questionne le théoricien. Du reste, j’ai donné plus d’une vingtaine d’années de ma vie à l’enseignement et à la recherche. A partir de 2007, j’ai siégé dans tous les jurys des concours d’agrégation qui ont été organisés par le CAMES ; depuis deux ans je préside le comité technique spécialisé qui gère la carrière des enseignants de droit et de science politique des pays membres du CAMES.

Franchement, je pense avoir suffisamment donné à la jeunesse de mon pays et d’autres pays africains, formé une relève susceptible de prendre le relais. Pareil pour des institutions de la société civile burkinabè comme l’IGD ou le CGD que j’ai dirigé pendant une quinzaine d’années. Des jeunes que j’ai formés sont devenus des docteurs ; ils ont pris le relais à la tête de ces structures comme directeurs. Je pense que je peux faire autre chose… poursuivre mon engagement sous d’autres formes.



Vous qui avez été pris en otage il y a un an en plein conseil des ministres, si par extraordinaire vous étiez sollicité par l’un des détenus accusés d’être impliqués dans le putsch de septembre 2015 pour sa défense, seriez-vous partant ? Pourquoi ?



Sans état d’âme, je suis prêt à défendre l’un quelconque de ces accusés qui me solliciterait pour sa défense. La seule objection qui pourrait être relevée en ce qui me concerne tient au fait que je suis moi-même partie civile, pour la simple raison que j’ai été enlevé, menacé de mort et séquestré pendant trois jours avec le Premier ministre Zida. Et si j’ai porté plainte, c’est parce que je veux la vérité, savoir pourquoi j’ai été personnellement ciblé parmi les membres du gouvernement.

Si ce problème de conflit d’intérêts ne se posait pas, je n’aurais pas hésité à prêter mon concours pour la défense des accusés pour au moins deux raisons : d’abord, tout le monde a droit à la rédemption et, en le disant, je pense au malfaiteur en croix ; ensuite, à titre personnel, j’ai pardonné, je suis – pour utiliser un grand mot – dans la miséricorde. Je n’ai gardé aucune haine ou animosité de cette période difficile. Même si les gens ne veulent pas reconnaître qu’ils se sont trompés, ce n’est pas un obstacle pour moi. L’insurrection et la Transition ont fragilisé notre tissu social. C’est pourquoi je pense que nous devrions tourner la page et passer à autre chose, à la réconciliation dans le respect du droit à la justice aussi bien pour les accusés que pour les victimes de cette période sombre de notre histoire.



Propos recueillis par Aboubacar Dermé
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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